Le document "L’Algérie libre vivra", rédigé lors du premier semestre 1948, est présenté ici dans sa version intégrale.
Il clôture pour cette année, soixantième anniversaire de la crise du PPA-MTLD" de 1949, la série de publications qui ont évoqué cet événement sensible et prémonitoire de nombreux épisodes ultérieurs du mouvement national algérien.
Le contexte et les péripéties de la publication de cet ouvrage ont été évoqués dans les textes précédemment mis en ligne.
L’événement est loin d’avoir épuisé tous ses enseignements, principalement l’importance des libertés et du débat démocratiques pour la cohésion nationale.
Aussi le site continuera à accueillir tous les documents, témoignages et commentaires qui pourront contribuer à la vérité historique et à donner du poids aux aspirations d’un peuple assoiffé de liberté, de paix et de justice sociale.
« Il faut être fermement convaincus que pour remporter la victoire, nous devons éveiller le Peuple et nous unir dans une lutte commune avec les Peuples du monde qui nous considèrent comme une Nation égale en droits ».
Aux victimes du colonialisme
Aux martyrs de la Cause Algérienne
Aux combattants de la Libération
Idir. El Watani : (Mabrouk Belhocine, Yahia Henine et Sadek Hadjerès
P R É A M B U L E
La caractéristique essentielle du monde actuel c’est incontestablement cet idéal de liberté et de démocratie vers quoi tendent tous les peuples de la terre, à la recherche de la fin de leurs souffrances, d’une vie toujours meilleure, en un mot : de leur bonheur.
Et à cet idéal y aspirent, plus que tous les autres, ces divers peuples qui, un peu partout sur le globe, courbés sous un joug infâme, portent le nom de « peuples colonisés ».
Conséquences des appétits insatiables et de l’esprit d’expansion et d’exploitation de certaines nations, réalisation de la force brutale, une domination des plus implacables pèse en effet sur des peuples dont le droit à une existence paisible et libre n’a pu résister à la puissance envahissante d’oppression et d’annexion.
Malgré l’évolution du monde, malgré deux guerres meurtrières menées au nom de la liberté contre l’oppression, cette doctrine du mépris de l’être humain, de l’exploitation de l’homme par l’homme, du droit du plus fort, maintient encore sa barbare emprise sur ces peuples qu’elle a privés de leur liberté et de leur développement.
Mais la volonté de ceux-ci, depuis longtemps affirmée, ne cesse de s’accroître de jour en jour et de se concrétiser : ces peuples veulent briser les chaînes qui les étouffent et recouvrer leur indépendance.
Dans le cadre de cette lutte nationale libératrice, qui dresse les exploités contre les exploiteurs, les asservis contre les occupants, s’inscrit celle, admirable, du Peuple Algérien.
Envahie en 1830, l’Algérie qui, après une farouche résistance militaire, a vu son territoire occupé par un ennemi numériquement et techniquement supérieur, n’a jamais accepté sa défaite et les exemples sont nombreux de ses tentatives de libération par les armes du joug qui s’est appesanti sur elle.
Le Peuple algérien a songé ensuite à panser ses blessures, à réparer ses forces et à utiliser contre le colonialisme toutes les formes possibles de lutte. Ce fut d’abord la résistance aux multiples tentatives de dépersonnalisation et d’assimilation. Plus activement, un Mouvement National, reflétant les aspirations les plus profondes du peuple s’est attaché depuis des années à faire revivre et à consolider le sentiment national.
Il apparaît nettement aujourd’hui que tous les Algériens ont pris conscience de leur nationalité et se préparent maintenant à détruire un système qui a arrêté et empêche l’évolution normale de la Nation algérienne. C’est donc dans une phase de réalisation qu’est engagé le Peuple algérien tout entier. Et dans cette tâche grandiose, mais rude, il nous faut tenir compte des leçons du passé et de l’expérience des luttes d’autres peuples opprimés, définir clairement nos objectifs, poser les fondements de notre action et rechercher les meilleurs principes et moyens propres à réaliser nos aspirations.
Il nous faut les rechercher avec un esprit lucide, positif, rationnel, car aujourd’hui la politique n’est pas affaire de sentiment, mais une science que nous devons étudier et appliquer.
Que voulons-nous ?
BUTS DE NOTRE ACTION
Pour mettre fin à toutes nos souffrances issues du régime colonial, nous voulons notre libération, une Libération Totale. C’est-à-dire que cette libération doit être une libération politique, sociale et culturelle.
Libération "p o l i t i q u e" d’ abord, c’est-à-dire indépendance nationale, car l’oppression colonialiste s’exerce sur un peuple dont elle a usurpé la souveraineté. Il faut avant tout rendre ce peuple maître de ses destinées. Le Peuple Algérien, souverain, pourra alors se donner un Etat démocratique, seul capable d’assurer le respect des libertés individuelles et de guider la Nation algérienne dans la voie du Progrès et de la Prospérité.
Libération "s o c i a l e" ensuite, car l’indépendance nationale doit signifier aussi bonheur des Algériens et, dans le cadre de notre Nation, disparition de l’exploitation de l’homme par l’homme, disparition de la misère, établissement d’un système économique et social permettant à chacun de vivre dans la dignité et le bien être.
Libération "c u l t u r e l l e" enfin, c’est-à-dire possibilité pour le Peuple Algérien, d’une part de jouir de tous les trésors que la science et l’art des hommes ont accumulés, et d’autre part, de participer activement à la progression de cet art et de cette science, progression à laquelle il apportera le cachet de son originalité et de ses qualités propres.
Mais n’oublions pas de souligner que si les libérations sociales et culturelles sont des buts impérieux, elles sont cependant conditionnées par une libération politique préalable, à laquelle elles donnent alors sa véritable signification.
PREMIÈRE PARTIE
FONDEMENTS DE NOTRE ACTION
Notre action trouve tout naturellement sa base dans l’antagonisme irréductible entre la Nation Algérienne et le colonialisme français.
I – NATION ALGÉRIENNE
A) QU’EST-CE QU’UNE NATION ?
Pour trouver une définition générale de la Nation, il faut analyser les exemples concrets que constitue la venue au monde de très nombreuses nations au cours de ce siècle et demi d’histoire moderne.
Il ne faut pas perdre de vue en effet que le concept de nation moderne est un concept tout à fait récent puisqu’on peut dire que l’ ère nationale avec toute la signification qui s’ y attache aujourd’hui, s’est ouverte depuis quelque cent cinquante à deux cents ans.
Cette forme d’organisation prend naissance à un moment précis de l’histoire humaine : l’apparition du machinisme et l’éclosion de la civilisation scientifique, qui caractérise notre époque.
Il est donc nécessaire de situer dans le temps ce phénomène que constituent les aspirations nationales, faute de quoi on risque de confondre la nation avec des conceptions plus ou moins périmées et de tomber ainsi dans un anachronisme trompeur et dangereux. On risque encore de confondre la nation avec l’Etat. En effet, l’existence d’un Etat n’implique pas nécessairement celle d’une Nation et inversement. Il peut y avoir des nations non organisées en Etats, du fait par exemple de leur sujétion à une autre nation.
Qu’est-ce donc que la Nation ?
C’est avant tout une communauté d’individus constituée par les événements historiques. C’est de plus une communauté stable, premier caractère qui la distingue des communautés accidentelles et éphémères comme par exemples les empires constitués sous l’égide d’un prince ou d’un régime conquérant, empires prêts à se disloquer à la première occasion : ainsi on ne peut confondre l’empire français, qui est déjà disloqué en partie et se disloquera totalement, avec la Nation française, qui elle persistera, du moins dans la mesure où les conditions mondiales permettront encore l’existence de Nations.
Mais quelles sont les conditions de développement d’une Nation, conditions qui en font une communauté stable et non accidentelle ? Pour cela, il faut dégager des faits certaines idées générales que le bon sens permet à tout le monde d’admettre.
La nation suppose-t-elle une communauté raciale ?
Non parce que, d’une part l’existence d’une race pure est scientifiquement impossible et que par conséquent on ne saurait rien justifier par elle, aussi bien l’existence d’une Nation que toute autre chose. Tous ceux qui ont soutenu des théories raciales ne l’on fait que pour justifier leur action après coup, sans croire à la rigueur scientifique de leur thèse, ou bien étaient aveuglés par un chauvinisme démesuré ; d’autre part parce que les faits montrent que parmi toutes les Nations existantes, il n’ y en a pas une qui ne compte des groupes ethniques différents et pourtant, toutes sont viables et ne s’ en portent pas plus mal.
Cependant, bien des gens font encore innocemment la faute de dire que la Nation est basée sur la race. Cela provient uniquement de la confusion dans laquelle baignent pour eux les mots « race, peuple, nation, langue, civilisation », etc.
La Nation suppose-t-elle davantage une communauté religieuse ?
Les faits viennent évidemment nous montrer qu’il n’en est rien. L’existence de plusieurs religions dans un pays n’empêche pas du tout celui-ci de se développer en Nation s’ il en a les facteurs suffisants, et par ailleurs la communauté religieuse entre divers pays n’ empêche pas ceux-ci de se développer en Nations fort différentes.
Il clôture pour cette année, soixantième anniversaire de la crise du PPA-MTLD" de 1949, la série de publications qui ont évoqué cet événement sensible et prémonitoire de nombreux épisodes ultérieurs du mouvement national algérien.
Le contexte et les péripéties de la publication de cet ouvrage ont été évoqués dans les textes précédemment mis en ligne.
L’événement est loin d’avoir épuisé tous ses enseignements, principalement l’importance des libertés et du débat démocratiques pour la cohésion nationale.
Aussi le site continuera à accueillir tous les documents, témoignages et commentaires qui pourront contribuer à la vérité historique et à donner du poids aux aspirations d’un peuple assoiffé de liberté, de paix et de justice sociale.
« Il faut être fermement convaincus que pour remporter la victoire, nous devons éveiller le Peuple et nous unir dans une lutte commune avec les Peuples du monde qui nous considèrent comme une Nation égale en droits ».
Aux victimes du colonialisme
Aux martyrs de la Cause Algérienne
Aux combattants de la Libération
Idir. El Watani : (Mabrouk Belhocine, Yahia Henine et Sadek Hadjerès
P R É A M B U L E
La caractéristique essentielle du monde actuel c’est incontestablement cet idéal de liberté et de démocratie vers quoi tendent tous les peuples de la terre, à la recherche de la fin de leurs souffrances, d’une vie toujours meilleure, en un mot : de leur bonheur.
Et à cet idéal y aspirent, plus que tous les autres, ces divers peuples qui, un peu partout sur le globe, courbés sous un joug infâme, portent le nom de « peuples colonisés ».
Conséquences des appétits insatiables et de l’esprit d’expansion et d’exploitation de certaines nations, réalisation de la force brutale, une domination des plus implacables pèse en effet sur des peuples dont le droit à une existence paisible et libre n’a pu résister à la puissance envahissante d’oppression et d’annexion.
Malgré l’évolution du monde, malgré deux guerres meurtrières menées au nom de la liberté contre l’oppression, cette doctrine du mépris de l’être humain, de l’exploitation de l’homme par l’homme, du droit du plus fort, maintient encore sa barbare emprise sur ces peuples qu’elle a privés de leur liberté et de leur développement.
Mais la volonté de ceux-ci, depuis longtemps affirmée, ne cesse de s’accroître de jour en jour et de se concrétiser : ces peuples veulent briser les chaînes qui les étouffent et recouvrer leur indépendance.
Dans le cadre de cette lutte nationale libératrice, qui dresse les exploités contre les exploiteurs, les asservis contre les occupants, s’inscrit celle, admirable, du Peuple Algérien.
Envahie en 1830, l’Algérie qui, après une farouche résistance militaire, a vu son territoire occupé par un ennemi numériquement et techniquement supérieur, n’a jamais accepté sa défaite et les exemples sont nombreux de ses tentatives de libération par les armes du joug qui s’est appesanti sur elle.
Le Peuple algérien a songé ensuite à panser ses blessures, à réparer ses forces et à utiliser contre le colonialisme toutes les formes possibles de lutte. Ce fut d’abord la résistance aux multiples tentatives de dépersonnalisation et d’assimilation. Plus activement, un Mouvement National, reflétant les aspirations les plus profondes du peuple s’est attaché depuis des années à faire revivre et à consolider le sentiment national.
Il apparaît nettement aujourd’hui que tous les Algériens ont pris conscience de leur nationalité et se préparent maintenant à détruire un système qui a arrêté et empêche l’évolution normale de la Nation algérienne. C’est donc dans une phase de réalisation qu’est engagé le Peuple algérien tout entier. Et dans cette tâche grandiose, mais rude, il nous faut tenir compte des leçons du passé et de l’expérience des luttes d’autres peuples opprimés, définir clairement nos objectifs, poser les fondements de notre action et rechercher les meilleurs principes et moyens propres à réaliser nos aspirations.
Il nous faut les rechercher avec un esprit lucide, positif, rationnel, car aujourd’hui la politique n’est pas affaire de sentiment, mais une science que nous devons étudier et appliquer.
Que voulons-nous ?
BUTS DE NOTRE ACTION
Pour mettre fin à toutes nos souffrances issues du régime colonial, nous voulons notre libération, une Libération Totale. C’est-à-dire que cette libération doit être une libération politique, sociale et culturelle.
Libération "p o l i t i q u e" d’ abord, c’est-à-dire indépendance nationale, car l’oppression colonialiste s’exerce sur un peuple dont elle a usurpé la souveraineté. Il faut avant tout rendre ce peuple maître de ses destinées. Le Peuple Algérien, souverain, pourra alors se donner un Etat démocratique, seul capable d’assurer le respect des libertés individuelles et de guider la Nation algérienne dans la voie du Progrès et de la Prospérité.
Libération "s o c i a l e" ensuite, car l’indépendance nationale doit signifier aussi bonheur des Algériens et, dans le cadre de notre Nation, disparition de l’exploitation de l’homme par l’homme, disparition de la misère, établissement d’un système économique et social permettant à chacun de vivre dans la dignité et le bien être.
Libération "c u l t u r e l l e" enfin, c’est-à-dire possibilité pour le Peuple Algérien, d’une part de jouir de tous les trésors que la science et l’art des hommes ont accumulés, et d’autre part, de participer activement à la progression de cet art et de cette science, progression à laquelle il apportera le cachet de son originalité et de ses qualités propres.
Mais n’oublions pas de souligner que si les libérations sociales et culturelles sont des buts impérieux, elles sont cependant conditionnées par une libération politique préalable, à laquelle elles donnent alors sa véritable signification.
PREMIÈRE PARTIE
FONDEMENTS DE NOTRE ACTION
Notre action trouve tout naturellement sa base dans l’antagonisme irréductible entre la Nation Algérienne et le colonialisme français.
I – NATION ALGÉRIENNE
A) QU’EST-CE QU’UNE NATION ?
Pour trouver une définition générale de la Nation, il faut analyser les exemples concrets que constitue la venue au monde de très nombreuses nations au cours de ce siècle et demi d’histoire moderne.
Il ne faut pas perdre de vue en effet que le concept de nation moderne est un concept tout à fait récent puisqu’on peut dire que l’ ère nationale avec toute la signification qui s’ y attache aujourd’hui, s’est ouverte depuis quelque cent cinquante à deux cents ans.
Cette forme d’organisation prend naissance à un moment précis de l’histoire humaine : l’apparition du machinisme et l’éclosion de la civilisation scientifique, qui caractérise notre époque.
Il est donc nécessaire de situer dans le temps ce phénomène que constituent les aspirations nationales, faute de quoi on risque de confondre la nation avec des conceptions plus ou moins périmées et de tomber ainsi dans un anachronisme trompeur et dangereux. On risque encore de confondre la nation avec l’Etat. En effet, l’existence d’un Etat n’implique pas nécessairement celle d’une Nation et inversement. Il peut y avoir des nations non organisées en Etats, du fait par exemple de leur sujétion à une autre nation.
Qu’est-ce donc que la Nation ?
C’est avant tout une communauté d’individus constituée par les événements historiques. C’est de plus une communauté stable, premier caractère qui la distingue des communautés accidentelles et éphémères comme par exemples les empires constitués sous l’égide d’un prince ou d’un régime conquérant, empires prêts à se disloquer à la première occasion : ainsi on ne peut confondre l’empire français, qui est déjà disloqué en partie et se disloquera totalement, avec la Nation française, qui elle persistera, du moins dans la mesure où les conditions mondiales permettront encore l’existence de Nations.
Mais quelles sont les conditions de développement d’une Nation, conditions qui en font une communauté stable et non accidentelle ? Pour cela, il faut dégager des faits certaines idées générales que le bon sens permet à tout le monde d’admettre.
La nation suppose-t-elle une communauté raciale ?
Non parce que, d’une part l’existence d’une race pure est scientifiquement impossible et que par conséquent on ne saurait rien justifier par elle, aussi bien l’existence d’une Nation que toute autre chose. Tous ceux qui ont soutenu des théories raciales ne l’on fait que pour justifier leur action après coup, sans croire à la rigueur scientifique de leur thèse, ou bien étaient aveuglés par un chauvinisme démesuré ; d’autre part parce que les faits montrent que parmi toutes les Nations existantes, il n’ y en a pas une qui ne compte des groupes ethniques différents et pourtant, toutes sont viables et ne s’ en portent pas plus mal.
Cependant, bien des gens font encore innocemment la faute de dire que la Nation est basée sur la race. Cela provient uniquement de la confusion dans laquelle baignent pour eux les mots « race, peuple, nation, langue, civilisation », etc.
La Nation suppose-t-elle davantage une communauté religieuse ?
Les faits viennent évidemment nous montrer qu’il n’en est rien. L’existence de plusieurs religions dans un pays n’empêche pas du tout celui-ci de se développer en Nation s’ il en a les facteurs suffisants, et par ailleurs la communauté religieuse entre divers pays n’ empêche pas ceux-ci de se développer en Nations fort différentes.
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