CONSULTATIONS AUTOUR DE LA RÉVISION DE LA CONSTITUTION
Ali Haroun (*)
Monsieur le Ministre d’Etat,
Vous m’avez fait l’honneur de me transmettre des documents relatifs au projet d’une révision consensuelle de la Constitution et me demander mon opinion. En relisant le texte de ma déclaration à l’«instance de consultations en vue des réformes politiques» dite «Commission Bensalah», il me paraît que la plupart des observations formulées dans ce texte du 14 juin 2011 toujours d’actualité, n’ont retenu aucune attention.
Depuis l’Assemblée constituante à laquelle j’ai participé en 1963 comme député d’Alger et membre de la commission de rédaction du projet de Constitution, nos propositions ont toujours été méconnues. Le pouvoir du moment s’est appuyé sur les éternels laudateurs opportunistes, pour imposer la loi fondamentale de son choix. Aussi je vous avoue avoir tout d’abord hésité à rédiger ce texte et à vous en donner la primeur. Mais à la réflexion et comme je l’écrivais à la Commission Bensalah il y a exactement trois années : «En conscience, j’ai toujours cru indispensable de répondre à l’appel de la patrie lorsqu’elle le réclamait et à l’invitation du pouvoir politique, lorsque ma modeste contribution pouvait présenter quelqu’utilité…»
Cependant je me sens troublé sur le sens de la démarche proposée car je m’interroge sur la manière de procéder retenue pour ces consultations et la suite qui leur sera donnée.
Vous pouvez être certain Monsieur le Ministre d’Etat que je m’exprime du fond du cœur dans un souci de vérité indépendant de toute influence. Le message que les hommes de notre génération en fin de parcours auront à transmettre à la postérité, devrait s’inspirer de deux principes fondamentaux : ne rien dire de FAUX mais oser dire ce qui est VRAI.
S’adressant à ses compagnons, Aboubakr, premier calife successeur du Prophète, leur déclara : «Dire la vérité au dépositaire du pouvoir est un acte de dévouement, la lui cacher est une trahison…»
Lors de notre discussion téléphonique vous m’avez confirmé que dans le respect des composantes fondamentales de la nation, il n’y avait aucun tabou qui m’interdirait d’exprimer ma pensée. Aussi comprendrez-vous que l’opinion ici exprimée ne sera pas unanimement partagée.
Par ailleurs, dans votre lettre du 13 mai écoulé, vous précisiez que les suggestions des experts de la présidence sont faites à titre indicatif et «que le chantier de révision constitutionnelle ne fait l’objet d’aucune limite préalable, hormis celles relatives aux constantes nationales ainsi qu’aux valeurs et principes fondateurs de notre société». C’est bien dans cet état d’esprit que je m’adresse, dans le respect de ce que je crois être la vérité, à Monsieur le Ministre d’Etat chargé du projet de révision constitutionnelle.
Il eût été à mon sens plus crédible et plus conforme aux principes d’une démocratie de base, qu’une instance aussi représentative que possible, incluant les représentants de l’opposition, fût chargée de dégager, synthétiser et formuler les propositions d’amendement, en vue de la révision constitutionnelle projetée.
Quoi qu’il en soit, et pour nous permettre d’espérer que nos efforts antérieurs n’auront pas été totalement vains, la présente note inspirée de celle du 14 juin 2011, s’articule sur 4 points : a) les maux dont souffrent nos lois ; b) un rappel sommaire de nos Constitutions et leurs insuffisances ; c) la volonté populaire méconnue et parfois trahie ; d) un examen critique des principaux articles de la Constitution en vigueur et des amendements proposés.
1. Les maux dont souffrent nos lois
Si le chef de l’Etat, président de la République et premier magistrat prescrit des «réformes politiques cruciales et déterminantes» pour l’avenir, l’on en déduit implicitement qu’il cherche à remédier aux maux dont souffre le pays. Mais on ne peut proposer de traitement efficace qu’après un examen objectif et approfondi du patient. Pas de thérapeutique efficiente sans diagnostic préalable et sérieux. Un demi-siècle s’est écoulé depuis sa naissance, et jusqu’à ce jour, l’Algérie est malade de ses rapports entre le peuple et le pouvoir, le gouverné et ses gouvernants, l’administration et ses administrés. Il n’y a pas lieu certes de remonter le cours de l’Histoire, ni de rappeler à une Algérie adulte, ses maladies infantiles de l’indépendance. Cependant, depuis 1962, un fil conducteur relie tous les dysfonctionnements qui entravent notre évolution vers un Etat de droit. Il faut absolument l’identifier pour le trancher, si l’on veut vivre sur la base d’un réel consensus émanant de la volonté nationale et non d’un scrutin manipulé, trituré, falsifié, comme il l’a été par les pouvoirs successifs qui ont géré le pays. C’est pourquoi l’amendement primordial serait d’assurer la sincérité du vote dès le préambule et la sanction de la fraude dès les premiers articles de la Constitution.
Les réformes politiques projetées auraient pour but de remédier aux insuffisances de la loi fondamentale et des lois organiques. Or, si la Constitution et les textes subséquents avaient été librement débattus, régulièrement votés puis loyalement appliqués, les réformes à répétition ne s’imposaient guère. L’on sait que les lois ne valent que par les hommes qui les appliquent et celles qui nous régissent n’ont été, ni élaborées par un législateur crédible, ni loyalement appliquées, mais au contraire, souvent dévoyées et parfois trahies.
2. Rappel sommaire de nos Constitutions.
a) La première Constitution, celle de septembre 1963, ne fut ni rédigée par l’Assemblée constituante, ni librement discutée. La «Commission de rédaction du projet de Constitution», investie par l’Assemblée plénière, fut poussée à perdre son temps en discussions byzantines, pour permettre à notre premier président de la République de faire adopter, dans un cinéma de la ville (sic), un projet de Constitution que, bien entendu, l’Assemblée constituante choisie dans sa grande majorité par lui-même, allait entériner. Telle fut la première Constitution qui devait régir l’Algérie. Pour l’honneur du pays, une vingtaine de députés osèrent s’opposer par vote à main levée en dénonçant ce «costume sur mesure» taillé pour faire du Président un despote. Texte apparemment légal dans sa forme mais totalement contraire à la volonté nationale bâillonnée, la Constitution ne dura guère plus de 21 mois. Après quoi, les plus fidèles soutiens du Président qui le hissèrent au sommet, allaient le destituer et l’emprisonner, sous l’accusation de «tyrannie». La justification du coup d’Etat devait être fournie par un «livre blanc» dont on promettait la publication imminente. Ce livre n’a jamais paru et le Président demeura emprisonné sans jugement pendant 14 années.
b) Après le 19 juin 1965, le second chef d’Etat limoge l’Assemblée nationale et renvoie les députés dans leurs foyers. Il suspend la Constitution pendant une dizaine d’années et va gérer le pays par voie d’ordonnances. Un Conseil de la Révolution nommé puis «épuré» par lui, constituait un organe de façade, incapable de discuter et encore moins de s’opposer à la volonté du colonel-chef-d’Etat.
c) La Constitution de Novembre 1978
Inspirée de la Charte du 27 juin 1976 établie par le parti unique sous le contrôle vigilant et sourcilleux du chef de l’Etat, la Constitution qui optait pour un socialisme irréversible ̶ pour ne pas commettre l’hérésie de le déclarer éternel ̶ fut votée le 19 novembre 1976 au score de 99,18 % des suffrages exprimés ! Et dans la foulée, le chef du Conseil de la Révolution se faisait élire président de la République le 11 décembre 1976 avec un meilleur score : 99,38 % des voix !... Nous verrons plus loin comment qualifier ces scrutins manifestement fallacieux.
d) La Constitution de novembre 1989
Intervenant après les révoltes d’Octobre 1988, elle allait abroger l’option irréversible du socialisme proclamé par la Constitution précédente, mettre un terme au parti unique et ouvrir les perspectives tant attendues du pluralisme politique qui, en réalité, est demeuré balbutiant.
e) La Constitution de décembre 1996
Confirmant les timides avancées démocratiques, elle a eu le mérite remarquable de mettre un terme au pouvoir à vie du président de la République et d’instaurer l’alternance en limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Faisant exception à toutes les insuffisances et critiques adressées à nos Constitutions, il est à noter que le principe de l’alternance, ainsi que la condamnation de l’accès ou du maintien au pouvoir par la violence, avaient été proclamés lors des discussions de l’été 1993. A la fin de sa mission, le Haut Comité d’Etat a respecté le principe. C’est dans la paix et la sérénité que le pouvoir fut, pour la première fois, transmis par le HCE au Président Zeroual, comme il l’a lui-même retransmis au Président Bouteflika, en 1999.
f) L’amendement de la Constitution du 12 novembre 2008
Il a constitué - nous le verrons ci-après - une violation grave du principe de l’alternance au pouvoir, en permettant la réélection indéfinie du Président en exercice, aboutissant en fait à la présidence à vie. Ce qui pratiquement confiait à la République les attributs de la monarchie.
Aussi depuis l’indépendance, nos Constitutions ont-elles subi injures et dévoiements, si ce n’est violations et outrages.
3. La volonté populaire méconnue
Comme nous l’avons vu, les scores dans notre pays ne traduisent guère la réalité du scrutin. Les relations Etat-citoyen furent dès 1962 des rapports de force et non de droit. Par le biais de l’administration à ses ordres et de la présence inéluctable de l’officier de la Sécurité militaire dans chaque bureau de vote, le pouvoir du moment dirige en fait l’opération électorale, en faisant usage de la violence d’Etat dont il dispose légalement. Il faut rappeler que les vainqueurs des combats fratricides de l’été 1962 n’ayant pu dominer leur victoire, ils ont établi leur pouvoir sur les lauriers de leur succès. En définitive, le pouvoir initial s’est imposé par la force des armes, ce que l’on oublie aujourd’hui après cinquante-deux années d’indépendance. Cette violence suscita l’inhibition du peuple, puis la crainte et parfois la peur. Aussi pour préserver sa tranquillité s’inclinait-il sous le joug de l’Etat-parti et de ses services de sécurité.
Ali Haroun (*)
Monsieur le Ministre d’Etat,
Vous m’avez fait l’honneur de me transmettre des documents relatifs au projet d’une révision consensuelle de la Constitution et me demander mon opinion. En relisant le texte de ma déclaration à l’«instance de consultations en vue des réformes politiques» dite «Commission Bensalah», il me paraît que la plupart des observations formulées dans ce texte du 14 juin 2011 toujours d’actualité, n’ont retenu aucune attention.
Depuis l’Assemblée constituante à laquelle j’ai participé en 1963 comme député d’Alger et membre de la commission de rédaction du projet de Constitution, nos propositions ont toujours été méconnues. Le pouvoir du moment s’est appuyé sur les éternels laudateurs opportunistes, pour imposer la loi fondamentale de son choix. Aussi je vous avoue avoir tout d’abord hésité à rédiger ce texte et à vous en donner la primeur. Mais à la réflexion et comme je l’écrivais à la Commission Bensalah il y a exactement trois années : «En conscience, j’ai toujours cru indispensable de répondre à l’appel de la patrie lorsqu’elle le réclamait et à l’invitation du pouvoir politique, lorsque ma modeste contribution pouvait présenter quelqu’utilité…»
Cependant je me sens troublé sur le sens de la démarche proposée car je m’interroge sur la manière de procéder retenue pour ces consultations et la suite qui leur sera donnée.
Vous pouvez être certain Monsieur le Ministre d’Etat que je m’exprime du fond du cœur dans un souci de vérité indépendant de toute influence. Le message que les hommes de notre génération en fin de parcours auront à transmettre à la postérité, devrait s’inspirer de deux principes fondamentaux : ne rien dire de FAUX mais oser dire ce qui est VRAI.
S’adressant à ses compagnons, Aboubakr, premier calife successeur du Prophète, leur déclara : «Dire la vérité au dépositaire du pouvoir est un acte de dévouement, la lui cacher est une trahison…»
Lors de notre discussion téléphonique vous m’avez confirmé que dans le respect des composantes fondamentales de la nation, il n’y avait aucun tabou qui m’interdirait d’exprimer ma pensée. Aussi comprendrez-vous que l’opinion ici exprimée ne sera pas unanimement partagée.
Par ailleurs, dans votre lettre du 13 mai écoulé, vous précisiez que les suggestions des experts de la présidence sont faites à titre indicatif et «que le chantier de révision constitutionnelle ne fait l’objet d’aucune limite préalable, hormis celles relatives aux constantes nationales ainsi qu’aux valeurs et principes fondateurs de notre société». C’est bien dans cet état d’esprit que je m’adresse, dans le respect de ce que je crois être la vérité, à Monsieur le Ministre d’Etat chargé du projet de révision constitutionnelle.
Il eût été à mon sens plus crédible et plus conforme aux principes d’une démocratie de base, qu’une instance aussi représentative que possible, incluant les représentants de l’opposition, fût chargée de dégager, synthétiser et formuler les propositions d’amendement, en vue de la révision constitutionnelle projetée.
Quoi qu’il en soit, et pour nous permettre d’espérer que nos efforts antérieurs n’auront pas été totalement vains, la présente note inspirée de celle du 14 juin 2011, s’articule sur 4 points : a) les maux dont souffrent nos lois ; b) un rappel sommaire de nos Constitutions et leurs insuffisances ; c) la volonté populaire méconnue et parfois trahie ; d) un examen critique des principaux articles de la Constitution en vigueur et des amendements proposés.
1. Les maux dont souffrent nos lois
Si le chef de l’Etat, président de la République et premier magistrat prescrit des «réformes politiques cruciales et déterminantes» pour l’avenir, l’on en déduit implicitement qu’il cherche à remédier aux maux dont souffre le pays. Mais on ne peut proposer de traitement efficace qu’après un examen objectif et approfondi du patient. Pas de thérapeutique efficiente sans diagnostic préalable et sérieux. Un demi-siècle s’est écoulé depuis sa naissance, et jusqu’à ce jour, l’Algérie est malade de ses rapports entre le peuple et le pouvoir, le gouverné et ses gouvernants, l’administration et ses administrés. Il n’y a pas lieu certes de remonter le cours de l’Histoire, ni de rappeler à une Algérie adulte, ses maladies infantiles de l’indépendance. Cependant, depuis 1962, un fil conducteur relie tous les dysfonctionnements qui entravent notre évolution vers un Etat de droit. Il faut absolument l’identifier pour le trancher, si l’on veut vivre sur la base d’un réel consensus émanant de la volonté nationale et non d’un scrutin manipulé, trituré, falsifié, comme il l’a été par les pouvoirs successifs qui ont géré le pays. C’est pourquoi l’amendement primordial serait d’assurer la sincérité du vote dès le préambule et la sanction de la fraude dès les premiers articles de la Constitution.
Les réformes politiques projetées auraient pour but de remédier aux insuffisances de la loi fondamentale et des lois organiques. Or, si la Constitution et les textes subséquents avaient été librement débattus, régulièrement votés puis loyalement appliqués, les réformes à répétition ne s’imposaient guère. L’on sait que les lois ne valent que par les hommes qui les appliquent et celles qui nous régissent n’ont été, ni élaborées par un législateur crédible, ni loyalement appliquées, mais au contraire, souvent dévoyées et parfois trahies.
2. Rappel sommaire de nos Constitutions.
a) La première Constitution, celle de septembre 1963, ne fut ni rédigée par l’Assemblée constituante, ni librement discutée. La «Commission de rédaction du projet de Constitution», investie par l’Assemblée plénière, fut poussée à perdre son temps en discussions byzantines, pour permettre à notre premier président de la République de faire adopter, dans un cinéma de la ville (sic), un projet de Constitution que, bien entendu, l’Assemblée constituante choisie dans sa grande majorité par lui-même, allait entériner. Telle fut la première Constitution qui devait régir l’Algérie. Pour l’honneur du pays, une vingtaine de députés osèrent s’opposer par vote à main levée en dénonçant ce «costume sur mesure» taillé pour faire du Président un despote. Texte apparemment légal dans sa forme mais totalement contraire à la volonté nationale bâillonnée, la Constitution ne dura guère plus de 21 mois. Après quoi, les plus fidèles soutiens du Président qui le hissèrent au sommet, allaient le destituer et l’emprisonner, sous l’accusation de «tyrannie». La justification du coup d’Etat devait être fournie par un «livre blanc» dont on promettait la publication imminente. Ce livre n’a jamais paru et le Président demeura emprisonné sans jugement pendant 14 années.
b) Après le 19 juin 1965, le second chef d’Etat limoge l’Assemblée nationale et renvoie les députés dans leurs foyers. Il suspend la Constitution pendant une dizaine d’années et va gérer le pays par voie d’ordonnances. Un Conseil de la Révolution nommé puis «épuré» par lui, constituait un organe de façade, incapable de discuter et encore moins de s’opposer à la volonté du colonel-chef-d’Etat.
c) La Constitution de Novembre 1978
Inspirée de la Charte du 27 juin 1976 établie par le parti unique sous le contrôle vigilant et sourcilleux du chef de l’Etat, la Constitution qui optait pour un socialisme irréversible ̶ pour ne pas commettre l’hérésie de le déclarer éternel ̶ fut votée le 19 novembre 1976 au score de 99,18 % des suffrages exprimés ! Et dans la foulée, le chef du Conseil de la Révolution se faisait élire président de la République le 11 décembre 1976 avec un meilleur score : 99,38 % des voix !... Nous verrons plus loin comment qualifier ces scrutins manifestement fallacieux.
d) La Constitution de novembre 1989
Intervenant après les révoltes d’Octobre 1988, elle allait abroger l’option irréversible du socialisme proclamé par la Constitution précédente, mettre un terme au parti unique et ouvrir les perspectives tant attendues du pluralisme politique qui, en réalité, est demeuré balbutiant.
e) La Constitution de décembre 1996
Confirmant les timides avancées démocratiques, elle a eu le mérite remarquable de mettre un terme au pouvoir à vie du président de la République et d’instaurer l’alternance en limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Faisant exception à toutes les insuffisances et critiques adressées à nos Constitutions, il est à noter que le principe de l’alternance, ainsi que la condamnation de l’accès ou du maintien au pouvoir par la violence, avaient été proclamés lors des discussions de l’été 1993. A la fin de sa mission, le Haut Comité d’Etat a respecté le principe. C’est dans la paix et la sérénité que le pouvoir fut, pour la première fois, transmis par le HCE au Président Zeroual, comme il l’a lui-même retransmis au Président Bouteflika, en 1999.
f) L’amendement de la Constitution du 12 novembre 2008
Il a constitué - nous le verrons ci-après - une violation grave du principe de l’alternance au pouvoir, en permettant la réélection indéfinie du Président en exercice, aboutissant en fait à la présidence à vie. Ce qui pratiquement confiait à la République les attributs de la monarchie.
Aussi depuis l’indépendance, nos Constitutions ont-elles subi injures et dévoiements, si ce n’est violations et outrages.
3. La volonté populaire méconnue
Comme nous l’avons vu, les scores dans notre pays ne traduisent guère la réalité du scrutin. Les relations Etat-citoyen furent dès 1962 des rapports de force et non de droit. Par le biais de l’administration à ses ordres et de la présence inéluctable de l’officier de la Sécurité militaire dans chaque bureau de vote, le pouvoir du moment dirige en fait l’opération électorale, en faisant usage de la violence d’Etat dont il dispose légalement. Il faut rappeler que les vainqueurs des combats fratricides de l’été 1962 n’ayant pu dominer leur victoire, ils ont établi leur pouvoir sur les lauriers de leur succès. En définitive, le pouvoir initial s’est imposé par la force des armes, ce que l’on oublie aujourd’hui après cinquante-deux années d’indépendance. Cette violence suscita l’inhibition du peuple, puis la crainte et parfois la peur. Aussi pour préserver sa tranquillité s’inclinait-il sous le joug de l’Etat-parti et de ses services de sécurité.
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