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La fin de l’hyperpuissance

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  • La fin de l’hyperpuissance

    Un mur qu'on abat, des puits de pétrole qui s'embrasent, des tours qui s'effondrent, un dictateur pendu, l'international se réduit à quelques moments, réflexe d'une mémoire qui se doit de sélectionner dans le flot d'informations, aidée dans son travail de tri par le poids des émotions. Plus que toute autre région, le Moyen-Orient, et en son sein l'Irak, trouve une place de premier plan dans cette construction du monde contemporain. Cas emblématique, l'Irak traverse ces jours-ci de nouvelles épreuves qui exposent, ou confirment, les limites de l'hégémonie américaine.

    L'appel à un « nouvel ordre mondial » dans les discours américains indique la prégnance des velléités de domination bienveillante, par sens à la fois du devoir moral et de l'intérêt propre. Cette autoperception exceptionnaliste fonde une politique d'ingérence protéiforme, de la rhétorique de la réforme démocratique martelée à l'envi à l'entrée en guerre, comme en Irak. Ici point de bienveillance, mais au contraire une série de décisions faisant du peuple irakien la première victime : embargo, bombardements, intervention appuyée sur des alliés sélectionnés, torture des prisonniers.
    A cette absence de légitimité s'ajoute une remise en cause croissante de la domination elle-même. Si la présidence de M. Bush fils a révélé les limites des capacités des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak, celle de Barack Obama montre une absence de volonté. Il n'est alors plus question de puissance susceptible d'agir mondialement, y compris pour un conflit dans lequel le pays porte une immense part de responsabilité. Le président américain préfère pour le moment pointer les errements de la politique du premier ministre irakien. Il ne s'agit pas de regretter cette réticence à intervenir, mais bien plutôt de constater que la puissance se trouve privée de son bipode constitutif : la capacité et la volonté.

    LES DJIHADISTES TUENT D'ABORD DES MUSULMANS

    Et comme si ce constat ne suffisait pas, voilà que les « voyous » (« rogue »), les faillis (« failed »), tous ces « ennemis » des Etats-Unis s'avèrent incontournables. La force des acteurs devenus des professionnels de la contestation du « nouvel ordre mondial » est qu'ils ont saisi mieux que leurs adversaires la nature nouvelle du système international. La mondialisation a renforcé l'interdépendance. Dès lors, le fort, le puissant, l'acteur qui dispose des ressources économiques et militaires, se trouve empêché de déployer ses capacités de contrôle à l'international par le faible, l'exclu, le damné. Point d'« hyperpuissance » américaine ici, mais bien plutôt une hyperexposition du dominant devenu cible privilégiée de toutes formes de contestation. Quelques acteurs non étatiques tirent alors grand profit d'un activisme dont la médiatisation est inversement proportionnelle à sa popularité, y compris locale. Rappelons que les djihadistes tuent d'abord des musulmans. S'ils savent occuper un vide laissé par l'Etat ou s'opposer à des régimes contestés, ils ont surtout saisi tout le parti à tirer d'une menace exercée sur l'ordre mondial.

    Tandis que la fin de la guerre froide invitait à penser l'unipolarité, la crise que traverse l'Irak confirme qu'il n'est en rien. Il n'y a pas un pôle au sens de leader attractif, ni même plusieurs. Il y a bien une centralité des Etats-Unis dans la structuration de l'international.

    DIPLOMATIE EST INVISIBLE AU MOYEN-ORIENT

    Et la France ? Sa diplomatie est invisible au Moyen-Orient, tandis que son interventionnisme tous azimuts se perpétue en Afrique. La déclaration de Laurent Fabius sur l'Irak fait figure de traduction de la position de M. Obama, ajoutant la passivité à l'incohérence. La politique arabe a pris fin dès la présidence de Jacques Chirac, et, avec elle, l'existence d'une voix discordante, notamment sur le conflit israélo-palestinien, nœud gordien régional. La stratégie de différenciation sur l'Irak n'a pas davantage survécu, les dirigeants français votant à l'ONU dès mai 2003 (résolution 1483) ce qu'ils avaient combattu en mars de la même année, c'est-à-dire la légitimation de la présence de la coalition menée par les Etats-Unis. La configuration du système international décrite offre pourtant à la diplomatie française une marge de manœuvre. Le siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies invite à lancer une action multilatérale, car la crise irakienne présente ce caractère étrange, qu'il s'agirait alors de transformer en opportunité : elle réunit du même côté les acteurs les plus hétérogènes : Irak, Iran, Syrie, Kurdes, Turquie, Etats-Unis, Europe et Russie.

    Dans un contexte européen marqué par une absence de solidarité, le gouvernement français gagnerait à chercher à remédier à ce dysfonctionnement tout en agissant pour le Moyen-Orient. Parallèlement à la mise en mouvement décrite de l'ONU sur l'Irak, il pourrait retrouver le sens premier du projet européen en même temps que celui du programme de François Hollande, candidat socialiste, en révisant sa politique d'accueil des réfugiés. Cela permettrait de proposer une action concrète dépassant la simple rhétorique autosatisfaite autour de la « patrie des droits de l'homme », de travailler de concert avec l'Allemagne qui a déjà pris des engagements forts sur ce sujet pour les réfugiés syriens, et d'assumer une part, certes minime compte tenu des enjeux, mais une part tout de même de ses responsabilités

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