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La richesse cachée des pauvres en Afrique

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  • La richesse cachée des pauvres en Afrique

    Chaque année, les Nations Unies évaluent le taux de pauvreté dans le monde et réalise un classement des pays. Cela permet aux populations de se situer par rapport au reste du monde et incite les gouvernements à prendre conscience de la profondeur du problème, et à engager une réflexion sur les moyens de faire reculer la pauvreté dans leurs pays. On peut cependant s’interroger sur le mode de calcul de ce taux. Quelles sont les variables prises en compte dans la détermination de cet indicateur et de sa pertinence pour rendre compte de la réalité de la pauvreté en Afrique?

    Dr Diarra Ibrahim, enseignant chercheur à l’université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan, dans son analyse sur « La pauvreté en milieu rural Ivoirien » éditée par les cahiers Ivoiriens de recherche économique et social, N°1 2013, fait une analyse critique du mode de détermination de l’indicateur de pauvreté. Parti, du constat que seules les variables monétaires (PIB/habitant) étaient prises en compte dans la détermination du niveau de pauvreté, il propose une analyse dépassant l’aspect monétaire, une approche appelée approche patrimoniale qui permettrait de déterminer le niveau de pauvreté en incluant des critères nouveaux. Pour cela, Dr Diarra a réalisé une étude en milieu rural Ivoirien. Son approche a pris en compte des variables telles que les actifs fonciers, le capital humain, le capital social, les actifs économiques et financiers et enfin les actifs physiques. Ainsi, sur un échantillon de 4164 ménages issus du milieu rural agricole, les résultats de l’étude montrent que les ménages dans ces zones sont moins exposés à la pauvreté patrimoniale (22% de pauvres) qu’à la pauvreté monétaire (50,5%). Ainsi la comparaison de ces deux approches indique bien que, sur un total de 2104 ménages considérés comme pauvres par l’approche monétaire, seulement 456 (soit 21,7%) le sont par la méthode patrimoniale. En outre, sur 918 ménages pauvres par la méthode patrimoniale, près de la moitié (49,7%) le sont également par la méthode monétaire.

    De ces résultats, il ressort que l’évaluation de la pauvreté par l’approche monétaire est insuffisante. En effet, un ménage peut détenir des actifs de grandes valeurs et avoir une faible propension à dépenser dans les besoins alimentaires ou non. En milieu rural, la détention d’actifs tels que, la terre, les troupeaux, est une richesse négligée dans l’évaluation de la pauvreté par l’approche purement monétaire.
    Ainsi, un mélange des deux approches d’évaluation dans la détermination de l’indicateur de pauvreté serait souhaitable et permettrait la formulation de politiques différenciées et contextualisées car la pauvreté revêt un caractère multidimensionnel.
    La marginalisation des valeurs patrimoniales s’explique, en ce qui concerne les biens, en partie, par le flou qui existe dans de grandes parties du monde et singulièrement en Afrique autour de la propriété privée. Les titres de propriété sont coûteux et les démarches pour leur obtention sont longues, complexes, soumises à la corruption de l’administration. Cela explique, par exemple, que moins de 3% des terres rurales bénéficient d’un titre en Côte d’Ivoire. Pour les heureux propriétaires formels, il reste la galère juridique. Il est difficile de protéger son bien dans un environnement judiciaire peu efficient et corrompu. Sans protection juridique, le titre de propriété reste un papier à faible valeur, c’est un capital mort.

    Ainsi, pour redonner une place aux populations rurales et lutter efficacement contre la pauvreté, il est important de résoudre en priorité les problèmes liées à la terre en accélérant la délivrance des titres, en sensibilisant le milieu rural à l’importance de ces démarches et en diminuant drastiquement les coûts. Dans une projection où toutes des terres seraient identifiées, si l’on calcule un impôt foncier même très faible, les gouvernements africains, en tireraient des ressources substantielles. Aujourd’hui, ils auraient donc tout intérêt à délivrer gratuitement ces titres. Cela permettrait aux populations rurales de sortir du grand groupe des pauvres. Un banquier ne prête pas à un pauvre, il prête cependant à un propriétaire entrepreneur. Tout crédit accordé dans le cadre d’un projet d’investissement permettra de créer de la richesse en milieu rural et aura un impact sur le recul de la pauvreté.

    Il serait donc important, qu’au delà des classements de façade marginalisant une partie des populations rurales dans des analyses restrictives et fatalistes, la communauté internationale fasse pression pour que les gouvernements africains s’attaquent au problème crucial de la propriété, en les incitant également à mettre en place un cadre juridique sain pour la protéger. Le célèbre économiste péruvien Hernando de Soto a déjà démontré l’impact des droits de propriété sur le recul de la pauvreté. Cette idée n’est donc pas nouvelle. Il suffit de sortir de la logique de l’aide publique internationale pour entrer dans une logique constructive à défaut de se lamenter sur des index vides
    libé
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