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Si tu vas à Rio…

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  • Si tu vas à Rio…

    La chronique de Benchicou : si tu vas à Rio…

    Au premier but de Slimani, il vit son fils bondir de son fauteuil pour embrasser son écran plasma de marque LG. « Trop forts pour ces pauvres Sud-Coréens ! Nous sommes trop forts pour ces pauvres Sud-Coréens », criait-il en prenant un Coca-Cola de son frigo Daewoo. Il était ravi de cette exubérance qui transformait son fils pour une heure, une journée, peut-être le temps d’une Coupe du monde, ou même d’une fin d’adolescence, allez savoir, qui le transformait en être fier, parce qu’enfin il n’y avait que ce but de Slimani pour le réveiller sur son orgueil, et l’orgueil, l’idée que l’on se fait de soi et de sa patrie, c’est important pour un jeune homme.

    « One, two, three, viva l’Algérie ! », chantaient-ils à Porto Alegre, fardés en vert et rouge, les couleurs de la terre, celle qu’on croyait nôtre, notre cœur, notre terre, « Algérie mon amour, Algérie pour toujours… ». Il était comme ça, lui, 20 ans plus tôt, se rappelle-t-il. C’étaient les années 70, El-Anka n’était pas encore mort, Slimani pas encore né, de même que M’Bolhi, Bougherra et Brahimi, Bouteflika n’était pas encore en exil, la place à la Cinémathèque était à 3 dinars, l’Entente de Sétif et Koussim, raflaient les Coupes d’Algérie, Lalmas et le CRB les titres de champions, Rebrab rêvait de devenir leader de la sidérurgie mondiale, Boudjemaâ Karèche parlait de cinéma, Alloula de Gogol, Messaâdia de « tâches d’édification nationale », on imitait Zinet, Khalida Messaoudi enseignait les maths, on s’ennuyait le vendredi, le café au comptoir coûtait 70 centimes et dans El-Moudjahid on admirait la plus belle promesse de Boumediene : « L’Algérie sera un dragon du niveau de l’Espagne en 1985 ! ».

    Le MP3, se souvient-il, n’était pas encore inventé, de même que le GIA, le RND, Windows, la direction assistée, la Réconciliation nationale et les brigades anti- non-jeûneurs, mais on achetait nos télés à l’usine d’État de Sidi-Bel-Abbès, nos frigos à celles de Oued-Aïssi, nos camions à celle de Rouiba, Rebrab avait construit son complexe sidérurgique à Larbaâ, on parlait de révolution industrielle, agraire, culturelle, on croyait au nouvel ordre économique mondial, on était jeunes et beaux, El-Anka venait de mourir, M’bolhi et Bougherra n’étaient pas encore nés, Bouteflika entrait en exil, la place à la Cinémathèque était à 3 dinars, on achetait des Zastava à Sonacome, on imitait Omar Gatlato, le vendredi on visitait le parc zoologique, Khalida Messaoudi mobilisait les femmes, le café montait à 1 dinar au comptoir, on venait de battre l’Allemagne et dans El-Moudjahid on admirait la plus belle promesse de Chadli : « L’Algérie sera un dragon du niveau de l’Espagne en l’an 2000 ! ».

    Au deuxième but de Halliche, son fils entra en transe. Son téléphone Samsung sonna. C’était Mehdi, le cousin de Rouiba. Il l’appelait de Porto Alegre. « Ces Coréens ne pèsent rien devant nous ! », répétait-il. « One, two, three, viva l’Algérie !» Ah, bouya, bouya, viva l’Algérie ! » C’est comme ça, chez les pauvres : on fait du bruit pour se persuader qu’on a gagné. Mais on ne gagne jamais rien. On chante et on danse sur les cendres de nos illusions. « Ces Coréens ne pèsent rien devant nous ! », exultait le jeune homme, son verre de Coca-Cola à la main. Oui, levons un verre au deuxième but de Halliche, et à ceux que nous n’avons jamais marqués, levons un verre à nos chimères, « One, two, three, viva l’Algérie !», un verre à vous tous, jeunes gens qui faites cohue ce soir, jeunes gens qui avez tant tourné, tourné, tourné dans vos voitures endiablées, des Kia ou des Hyundai, « One, two, three, viva l’Algérie !», qui avez tant tourné, tourné sans savoir où aller, parce que, se souvient-il, nous ne vous avons indiqué aucune route, non, aucune, sinon celle qui ramène en arrière, nous avons ravalé nos prétentions, tout s’est passé si vite, on ne vit pas le mur de Berlin s’écrouler, de même que Messaâdia, les « tâches d’édification nationale », le FLN, les dernières Zastava, la presse unique, l’Union de la gauche, la Perestroïka, le socialisme, les souvenirs de Gijon, l’ère Chadli, Madjer était transféré à Porto et Assad dans un camp du sud, Bouteflika n’était pas encore là mais Boudiaf était revenu puis reparti, la Cinémathèque d’Alger était passée à 5 dinars, Boudebouz venait de naître, Boudjemaâ Karèche ne parlait plus de cinéma, Khalida Messaoudi dénonçait la fraude électorale, le vendredi on allait à la mosquée, le café au comptoir passait à 4 dinars et dans El-Moudjahid on admirait la plus belle promesse de Zéroual : « L’Algérie sera un dragon du niveau de l’Espagne en l’an 2010 ! »

    Levons un verre au deuxième but de Halliche et à ceux que nous avons renoncé à marquer, nous qui n’avons rien vu venir, quand une nuit crasse tomba subitement sur nous, de même que nos amis, nos dernières illusions, le rideau sur Alloula, on avait inventé le MP3, le GIA, le RND, Windows, internet, la direction assistée, pas encore la réconciliation nationale ni les brigades anti- non-jeûneurs, on n’allait plus à la cinémathèque mais assez souvent au cimetière, on imitait Ali Benhadj, nous partions en exil pendant que Bouteflika en revenait, le noir devint à la mode et vînt la saison des fermetures, nous fermâmes nos rêves et nos usines, Rebrab abandonne son complexe sidérurgique pour ouvrir une succursale de voitures, des Hyundai, des sud-coréennes, mon fils, nous n’avons rien vu venir, même pas ces Coréens devenir fabricants, treizième puissance économique mondiale et nous des bédouins-consommateurs.

    « One, two, three, viva l’Algérie !», nous ne sommes jamais devenus dragons de rien, ou alors un dragon édenté, heureux de regarder le deuxième but de Halliche sur des écrans plasma coréens, de trinquer avec des boissons rafraîchies dans des frigos coréens, de téléphoner à l’aide d’appareils coréens et de pavoiser, après le match, dans des voitures coréennes … Oui, levez un verre à votre victoire, vous qui ne savez où aller, et qui allez tant tourner, tournez, tournez, et comment savoir où aller quand on ne sait pas d’où l’on vient, et qui tournez toujours tournez.

    « One, two, three, viva l’Algérie !», tournez, tournez, comme tourne la nuit dans la cité, ce joint inépuisable ou ce verre de mauvais vin qui vous fait hurler, rire et pleurer, couteau à la main, qui vous fait hurler, chanter et s’épancher, oui, tournez, tournez, «One, two, three, viva l’Algérie !», tournez, tournez comme tourne le joint et comme se met à tournoyer autour de vous le monde ingrat qui est le vôtre et le monde rose qui tarde à être le vôtre, tournoyer ? « One, two, three, viva l’Algérie !»

    Ah, bouya, bouya ? Viva l’Algérie ? Tournoyer, au rythme de la ronde des paumés, celle du joint et du verre de vin qui pirouettent entre vos lèvres ? Tournoyer, tournoyer, comme je vous vois tournoyer dans les cages d’escalier, jusqu’à se sentir bien, jusqu’à ce que cette voix sourde vînt mettre fin à la volupté, la voix de Sellal nous annonçant la fin du pétrole pour 2030. Dans seulement quinze ans ! Le temps que la Corée du Sud avait mis pour devenir le plus grand des dragons asiatiques.

    Quinze ans ! Le temps passé par Bouteflika à nous gouverner
    Pensez faux, s'il vous plaît, mais pensez par vous-même. (DORIS LESSING)

  • #2
    Politiquement, tu vois juste ya Benchicou !.. mais Wellah ma tah'chem !!..
    Tu as passé la moitié d'une vie à siroter tes verres sous les édifices du socialisme .. et aujourd'hui tu te moques des paumés !!
    Ces mêmes paumés qui t'ont soutenu en prison .. chouchouté et remonté le moral des mois durant !
    Que leur reproches-tu ?.. si ce n'est d'aimer le pays malgré tout ?!.. et malgré toi !

    Élitiste va !!!

    ps: désolé pour le coup de gueule oeilfermé

    A suivre ...

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