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L'homme a-t-il un avenir sans la femme?

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  • L'homme a-t-il un avenir sans la femme?

    Et inversement, la femme a-t-elle un avenir sans l'homme? La réponse est toujours dans la question, - mais comment la formuler, sans jeu de mots, sans déchaîner la force barbare, celle qui brise les reins de l'une ou celle qui met la corde au cou de l'autre?

    Je dois le dire, c'est d'abord poussé par une curiosité spontanée - parce qu'il était tout au fond de l'un des sachets pleins d'ouvrages que m'envoient les éditeurs - que j'ai lu La Femme en clair-obscur (*) de Djamila Lounis-Belhadj et puis parce qu'il est attachant, par bien des aspects, que je le présente à mes lecteurs du Temps de lire. J'ajouterais aussi que ce n'est pas parce que c'est une première oeuvre, une première oeuvre d'une femme, ce n'est pas non plus parce que l'auteure a été professeure d'enseignement et qu'elle est aujourd'hui à la retraite, pas plus parce qu'elle a publié des contes pour enfants et des ouvrages parascolaires que je ne compare pas, comme beaucoup, à des publications qui sont apparentées aux produits «parapharmaceutiques», enfin pas plus parce qu'elle a traduit en français des fables de Kalila et Dimna, etc.

    Des faits réels

    Rien donc de tout cela. Mais j'ai été frappé par la netteté du seul sujet total sur la femme, abordé par cette femme auteure qui milite avec une absolue sincérité pour la place de la femme dans notre société, une femme d'aujourd'hui qui se veut ouverte au progrès sans renoncer à son identité nationale. De là cette justesse d'expression exigée dans la description des situations conflictuelles provoquées par les malentendus et les incompréhensions soit dans le couple soit dans la vie active. De là aussi un art bien délicat est indispensable pour exprimer la moindre sensation humaine qui agit ou qui subit. À ce propos, l'intitulé du livre La Femme en clair-obscur est une excellente sollicitation à une pensée de poésie grave; l'illustration de la couverture, due à Aïcha (ou Zohra?) Hachid Sellal, est l'essence même d'une sensation élaborée et agrandie exprimant la «Violence sacralisée».
    Sous le titre La Femme en clair-obscur, il est cette mention: «nouvelles», - ne s'agirait-il pas plutôt de récits ou même d'histoires, car dans ce recueil, les textes n'ont pas tout à fait le format du genre littéraire annoncé? Au reste, nous lisons dans «Note de l'auteur»: «Toutes les histoires contenues dans ce recueil ont été tirées de faits réels.» Quoi qu'il en soit, l'intérêt de ces textes est infini et, d'autre part, point n'est besoin, pour consolider la «vérité» ou le «réalisme» contenu dans l'«histoire», de s'appuyer sur ce vers célèbre: «Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.» (Art poétique, Chant III de Nicolas Boileau - non de Maupassant, comme indiqué en p.13.)
    Préfacé par Djoher Amhis-Ouksel, une Dame écrivaine et d'une haute culture éducative, ce recueil bénéficie de cette belle et juste observation: «On sait que les situations et comportements dépeints au fil des textes font partie de nos réalités. Ils ne sont cependant pas toujours dits et écrits avec tant de vérité et de réalisme, par une femme qui a compris la condition des femmes pour l'avoir observée de l'intérieur. Djamila Lounis-Belhadj l'a fait avec une immense compassion et une sensibilité très fine. [...] Elle met à nu tout un univers occulté, la face obscure de la société algérienne. [...] Toutes les histoires composant ce recueil ont un point commun: la femme victime de l'absurdité et de l'inhumanité.»

    À la suite de la préface, Djamila Lounis-Belhadj tient inutilement dans une «Note de l'auteur» à illuminer les consciences par une histoire d'«un couple vivant seul (sans vieux ni enfants) dans une maison du village».Il aura fallu, au risque de provoquer un drame, une séparation pour que le mari, reconnaissant ses torts, dise «alors à son épouse: ´´La lumière, c'est toi, l'obscurité, c'est moi´´». De même, espérant mieux capter l'attention de ses lecteurs, l'auteure surcharge ses intentions dans un très long «Avant-propos». Elle recourt à une épigraphe de Dorothy Parker, sans nécessité. Par parenthèse, l'excès de citations pour en résumer l'esprit d'un texte ou pour espérer appuyer son argumentation, souvent ainsi l'auteure prédispose le lecteur à ne pas croire à l'authenticité de son propos, - ce qui amène encore le lecteur à trouver inopportun le long discours (dix-huit pages!) émaillé de références au Coran et à la science, ponctué de citations d'auteurs étrangers et terminé par un poème (!) «Être femme» de Gioconda Belli, poète et romancière nicaraguayenne. En tout état de cause, un tel exposé, et dans un ouvrage de pure littérature, pourrait fausser le sens des intentions généreuses et constituer un rejet dommageable plutôt qu'une adhésion volontaire à l'argumentation sociopolitique et spirituelle, si convaincante soit-elle...

    Les crises de leurs vies


    Djamila Lounis-Belhadj détient, à mon sens, une puissance inépuisable dans la source de ses idées et dans son style qui a le ton général qui convient et qu'elle met dans «les histoires vraies» qu'elle raconte. Il ne suffit d'ailleurs pas d'avoir des idées, tous les écrivains le savent. C'est pourquoi, optant pour une expression simple et vivante, souvent émouvante, l'auteure me semble capable de produire un élan d'ardent prosélytisme humanitaire. C'est pourquoi, on doit considérer avec sérieux les conditions des femmes évoquées dans La Femme en clair-obscur. Djamila Lounis-Belhadj y a mis toute sa logique de femme de coeur en peignant la vie de chacune d'elles. Avec soin, précision et surtout tristesse et inquiétude, elle décrit, sans l'ombre d'une polémique, les crises de leurs vies avec ou sans l'homme. Défilent donc sous nos yeux, peut-être embués d'émotion, dix-neuf histoires, «Être femme», étant un poème: «La femme au foyer», «L'épouse d'émigré»; «La femme mariée qui travaille», «La femme sur son lieu de travail», «La femme répudiée», «La femme divorcée», «La femme veuve», «La femme qui vit seule», «La femme méprisée», «La femme stérile», «La femme et l'argent de son père», «La femme et l'héritage», «La femme célibataire», «La femme privée de ses revenus», «La femme qui n'a pas de fils», «La femme voilée», «La femme violentée», «La femme orpheline», «Les trois hommes».

    Terminons sur une note d'humour en reproduisant l'histoire courte des «Trois hommes»:
    «Un jour, trois hommes partirent en excursion. Soudain, ils arrivèrent à une énorme rivière déchaînée. Il fallait absolument qu'ils se rendent de l'autre côté mais n'avaient aucune idée comment la traverser.
    Un des hommes pria Dieu en disant: «S'il te plaît mon Dieu, donne-moi la force de traverser la rivière.»
    Pouf! Dieu lui donna de gros bras et des jambes très puissantes et il fut capable de traverser la rivière à la nage en deux heures mais faillit se noyer à deux reprises.»
    Voyant cela, le deuxième homme pria lui aussi Dieu:
    «S'il te plaît mon Dieu, donne-moi la force et les outils pour traverser la rivière.»
    Pouf! Dieu lui donna une chaloupe et des avirons et il traversa la rivière en une heure mais faillit chavirer à deux reprises.»
    Le troisième homme fort de l'expérience de ses deux compagnons, décida lui aussi de prier Dieu:
    «S'il te plaît mon Dieu donne-moi la force, les outils et l'intelligence pour traverser la rivière.»
    Aussitôt, Dieu le changea en femme. Celle-ci consulta la carte, marcha environ deux cents mètres, trouva le pont et traversa.»
    Et comme dit le bon sens paysan: «Wal hadîth, qiyâs!... Et le propos est à la mesure de l'intention.»


    La Femme en clair-obscur de Djamila Lounis-Belhadj, Casbah Éditions, Alger, 2013, 317 pages.

    Kaddour M'HAMSADJI- L'Expression
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