Le corail faisait partie des quatre articles qui, du XVIe au XIXe siècles, constituaient le fonds essentiel du commerce international algérien, avec le blé, la laine et le cuir. A partir du milieu du XVIe siècle, il était exploité, en exclusivité, par des compagnies françaises (en fait corses à l’origine) établies dans l’Est algérien. D’ailleurs, si la compagnie du Corse Thomas Lenche avait été créée en 1552, c’était d’abord en vue d’exploiter les riches fonds en corail de l’Est algérien.
«C’est à la pêche du corail que cette compagnie doit sa première existence », écrit le voyageur Poiret en 1785, puis il ajoute : « Cette pêche fut longtemps la base et le fondement de son commerce. C’était une récolte dont le produit calculé était réputé invariable, qui seul procurait et la rentrée des dépenses que nécessite un grand établissement, et les bénéfices qu’il doit donner : mais alors la pêche était constamment abondante et belle, les frais d’exploitation étaient beaucoup moindres, les débouchés autant et peut-être plus avantageux ; et quelque révolution qu’éprouvassent les autres branches du commerce de la compagnie, la pêche du corail suffisait pour la maintenir, sinon dans un état florissant, au moins dans cet état d’équilibre et de solidité dont une compagnie de commerce ne doit jamais sortir. » « Depuis un certain nombre d’années, cette pêche a toujours été en décroissant », ajoute-t-il enfin.
Exploitation archaïque des fonds coralliens
Pour résumer cet auteur, retenons que les profits réalisés sur le corail suffisaient à assurer les frais d’administration de la compagnie en temps normal et qu’ils constituaient une part substantielle du total dans les bonnes années. Au XVIIIe siècle, les profits sur la pêche du corail ont régressé à cause d’une augmentation des frais d’exploitation. Ce que Poiret ne dit pas, c’est qu’une exploitation archaïque des fonds coralliens et une contrebande importante avaient assurément bien plus pesé, nous allons y venir. Un mémoire anonyme du 27 janvier 1794 qui traite, entre autres, de la compagnie commerciale française, active depuis 1741, va dans le même sens que Poiret :
« La pêche du corail formait aussi une branche importante du commerce de la compagnie. Elle suffisait même dans les années ordinaires, pour couvrir les dépenses de ses établissements, qui s’élevaient chaque année environ à 400 000 francs. » Masson, l’auteur d’un ouvrage classique sur le commerce français en Afrique du Nord avant 1830, avait en revanche un avis différent. Pour lui, « le commerce du blé avait eu une importance capitale » dès la création de la Compagnie de Lenche au milieu du XVIe siècle, « le corail n’avait été qu’un prétexte ». Qu’en était-il réellement ? Selon nous, il y a eu effectivement une crise du corail, mais contrairement à ce que dit Poiret, elle est antérieure au XVIIIe siècle. Quant à l’assertion de Masson, elle est difficilement recevable, car il n’y a eu crise du corail dans les concessions de l’Est algérien qu’après la période florissante de la Compagnie de Lenche. En effet, ce n’est qu’à la suite de la destruction des établissements français, en 1604, que la crise est intervenue. La destruction des comptoirs français était due à des impayés de la part des Français, à la contrebande, notamment de blé, au fait que les bâtiments marchands français protégeaient des marchandises appartenant à des ennemis d’Alger et enfin, au fait que des Algériens étaient toujours réduits à l’état de captivité à Marseille alors que la France et l’Algérie étaient en paix. En revanche, avant 1604, El Kala était le point central des pêcheries de corail. Les auteurs arabes comme Al Muqaddasî, Ibn Hawqal, Al Idrîsî ont noté l’importance de ses fonds coralliens et la beauté du corail extrait, plus beau que celui de Sicile, par exemple. En trafiquant dans les concessions de l’Est algérien, les Lenche de Morsiglia, des Corses qui se sont installés à Marseille, en 1533, sont devenus en une génération la quatrième fortune du port (140 000 écus en 1588). Le corail semble avoir été au centre de cet enrichissement rapide, les Lenche revendant 6 l. la livre de corail payée 12 sols.
«C’est à la pêche du corail que cette compagnie doit sa première existence », écrit le voyageur Poiret en 1785, puis il ajoute : « Cette pêche fut longtemps la base et le fondement de son commerce. C’était une récolte dont le produit calculé était réputé invariable, qui seul procurait et la rentrée des dépenses que nécessite un grand établissement, et les bénéfices qu’il doit donner : mais alors la pêche était constamment abondante et belle, les frais d’exploitation étaient beaucoup moindres, les débouchés autant et peut-être plus avantageux ; et quelque révolution qu’éprouvassent les autres branches du commerce de la compagnie, la pêche du corail suffisait pour la maintenir, sinon dans un état florissant, au moins dans cet état d’équilibre et de solidité dont une compagnie de commerce ne doit jamais sortir. » « Depuis un certain nombre d’années, cette pêche a toujours été en décroissant », ajoute-t-il enfin.
Exploitation archaïque des fonds coralliens
Pour résumer cet auteur, retenons que les profits réalisés sur le corail suffisaient à assurer les frais d’administration de la compagnie en temps normal et qu’ils constituaient une part substantielle du total dans les bonnes années. Au XVIIIe siècle, les profits sur la pêche du corail ont régressé à cause d’une augmentation des frais d’exploitation. Ce que Poiret ne dit pas, c’est qu’une exploitation archaïque des fonds coralliens et une contrebande importante avaient assurément bien plus pesé, nous allons y venir. Un mémoire anonyme du 27 janvier 1794 qui traite, entre autres, de la compagnie commerciale française, active depuis 1741, va dans le même sens que Poiret :
« La pêche du corail formait aussi une branche importante du commerce de la compagnie. Elle suffisait même dans les années ordinaires, pour couvrir les dépenses de ses établissements, qui s’élevaient chaque année environ à 400 000 francs. » Masson, l’auteur d’un ouvrage classique sur le commerce français en Afrique du Nord avant 1830, avait en revanche un avis différent. Pour lui, « le commerce du blé avait eu une importance capitale » dès la création de la Compagnie de Lenche au milieu du XVIe siècle, « le corail n’avait été qu’un prétexte ». Qu’en était-il réellement ? Selon nous, il y a eu effectivement une crise du corail, mais contrairement à ce que dit Poiret, elle est antérieure au XVIIIe siècle. Quant à l’assertion de Masson, elle est difficilement recevable, car il n’y a eu crise du corail dans les concessions de l’Est algérien qu’après la période florissante de la Compagnie de Lenche. En effet, ce n’est qu’à la suite de la destruction des établissements français, en 1604, que la crise est intervenue. La destruction des comptoirs français était due à des impayés de la part des Français, à la contrebande, notamment de blé, au fait que les bâtiments marchands français protégeaient des marchandises appartenant à des ennemis d’Alger et enfin, au fait que des Algériens étaient toujours réduits à l’état de captivité à Marseille alors que la France et l’Algérie étaient en paix. En revanche, avant 1604, El Kala était le point central des pêcheries de corail. Les auteurs arabes comme Al Muqaddasî, Ibn Hawqal, Al Idrîsî ont noté l’importance de ses fonds coralliens et la beauté du corail extrait, plus beau que celui de Sicile, par exemple. En trafiquant dans les concessions de l’Est algérien, les Lenche de Morsiglia, des Corses qui se sont installés à Marseille, en 1533, sont devenus en une génération la quatrième fortune du port (140 000 écus en 1588). Le corail semble avoir été au centre de cet enrichissement rapide, les Lenche revendant 6 l. la livre de corail payée 12 sols.
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