Très bonne analyse de la situation économique de l'Algérie.
_________________________
AUDITIONS DES MINISTRES PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
L’urgence d’une bonne gouvernance frappe à toutes les portes
Par Abderrahmane Mebtoul
Expert international
Quotidien d'Oran
28/10/2006
1. Les différentes auditions du Président de la République concernant les différents départements ministériels dénotent à la fois du constat du divorce entre les objectifs de son programme et les réalisations certes physiques mais surtout de la déficience de la gestion courante par rapport aux normes internationales et de la préoccupation d’une relance réelle de l’investissement utile palpable sur le quotidien des citoyens.
En fait, la bonne gouvernance par une meilleure visibilité, et cohérente dans la démarche, est un préalable de la relance de l’investissement. En effet, si le gouvernement vient de prendre une série de mesures fiscales et financières pour certains secteurs afin d’encourager l’investissement en Algérie et si l’Agence nationale du développement de l’investissement (ANDI) était précédemment sous la coupe des services du chef du gouvernement, les nouveaux textes la plaçant sous la coupe du ministère des Participations, ces mesures rendront-elles le marché algérien plus attractif ? Car l’expérience montre que ce ne sont pas les textes juridiques qui résolvent les problèmes que contredisent quotidiennement les pratiques sociales renvoyant à la maîtrise de la réforme globale.
En effet, excepté les hydrocarbures, qui en amont ne contribuent pas au développement, mais indirectement sous réserve de l’utilisation rationnelle du capital-argent (tant au niveau de ce secteur qu’extra à ce secteur, l’assainissement des entreprises publiques ayant coûté plus de 36 milliards de dollars US sans résultats probants de 1991/2005 expliquant les recapitalisations répétées des banques dont plus de 5 milliards de dollars US en 2005 de créances non performantes), Sonatrach étant une caisse de mobilisation des ressources financières, nous ne pouvons constater, hélas, pour les segments inducteurs à moyen et long terme, qu’un résultat très mitigé, la croissance étant tirée essentiellement par les dépenses publiques via les recettes des hydrocarbures.
En effet, bien qu’important pour, à la fois, préparer l’environnement à l’investissement et la couverture des besoins sociaux, la construction de routes ou de logements comme un acte d’investissement à court terme dans la mesure où les entreprises étrangères une fois les travaux achevés repartent: durant cette période y a-t-il capitalisation du savoir-faire local ? Car les derniers indicateurs internationaux (Davos, Banque mondiale, Cnuced) montrent que le marché algérien est peu attractif par rapport à nos concurrents avec le processus de mondialisation, les capitaux s’investissent là où les obstacles sont mineurs, les IDE étant d’ailleurs fortement concentrés au sein des pays développés pour plus des deux tiers (2/3) avec la percée de la Chine et de l’Inde au niveau de la zone Sud. D’ailleurs une des conditions de l’attrait de l’investissement dans notre région est l’intégration économique maghrébine (marché de 80 millions d’habitants avec moins de 3% des échanges intra-zone), euro-maghrébine et euro-méditerranéenne étant suicidaire de faire cavalier seul (1).
L’Algérie est classée en termes d’IDE à la 109e place sur 141 pays alors que les potentialités la destinent à la 65e place, avec 1 milliard de dollars drainés en 2005 hors hydrocarbures (882 en 2004) contre 2,9 milliards de dollars au Maroc et 12,8 pour les Emirats Arabes Unis. La dernière déclaration du responsable du FMI à Alger qu’en 2006 l’Algérie aurait seulement 3% de taux de croissance y compris les hydrocarbures (donc un taux très faible pour les autres secteurs représentant environ pour 2005/2006 50% du PIB) et les risques d’un taux d’inflation supérieur à 6% qui rendrait impératif le relèvement des taux d’intérêt freinant alors l’investissement, contredisant les prévisions officielles, est vraiment alarmante alors qu’il est admis qu’il faudrait 7/8% de taux de croissance régulièrement jusqu’en 2012 pour réduire sensiblement le taux de chômage et la pauvreté. Cela ne rejoint-il pas les indicateurs récents internationaux où l’Algérie est classée 169e sur 175 pays pour le climat des affaires derrière la Tunisie et le Maroc; en matière d’indice d’efficacité de la compétitivité, notre pays est classé à la 92e place sur 125, la Tunisie arrivant en tête du monde arabe avec la 30e place, le Maroc à la 70e place et l’Egypte 63e et en matière d’attractivité du marché, 96e, loin derrière la Tunisie.
Quelles sont les raisons ? Il existe fondamentalement quatre raisons liées:
a- La première est la faiblesse de visibilité et de cohérence dans la démarche. Car, il s’agit d’éviter de s’enfermer dans des discours théoriques abstraits, devant différencier l’essentiel de l’accessoire, un théorème en sciences politiques démontrant que pour une même somme dépensée, 20% d’actions bien ciblées ont un impact positif sur 80% de la société mais 80% d’actions désordonnées que l’on voile par de l’activisme n’ont qu’un impact de 20%. Ainsi, lorsqu’on aura une lisibilité dans la démarche, l’investisseur retrouvera la confiance sans laquelle il ne peut y avoir d’investissement porteur y compris les services et non la promotion uniquement d’activités marchandes ou d’investissement de très court terme. Car dans la pratique des affaires, n’oublions jamais que les sentiments n’existent pas.
b- La seconde est le système bureaucratique toujours dominant renvoyant à la bonne gouvernance: de très longs circuits à tous les niveaux qui découragent les investisseurs, le temps économique étant de l’argent qui ne se rattrape jamais, la concurrence internationale étant vivace, et avoir des matières premières en cette ère du XXIe siècle n’est plus une condition de l’attrait de l’investissement porteur à moyen et long terme. Selon le rapport de la Banque mondiale intitulé Doing Business (situation de 2005) publié en septembre 2006, une entreprise algérienne consacre 504 heures pour effectuer 61 paiements, contre 236 heures pour 29 paiements dans la région et 203 heures pour 15 paiements dans l’OCDE. Il faut 14 procédures pour la création d’une Sarl en Algérie contre 10 pour la région et 6 pour l’OCDE, et pour enregistrer la propriété, l’investisseur est confronté à 15 étapes contre 5 en Tunisie et 4 au Maroc. Pour les procédures en matière de commerce international et d’exportation, nous avons toujours les lourdeurs administratives dans la mesure où il faut 15 jours pour pouvoir exporter une marchandise, pour un coût de 1.886 dollars par container, contre 600 en Tunisie et 1.500 au Maroc.
c- La troisième raison est le système financier sclérosé, poumon des réformes. Ainsi pour l’accès au crédit, l’Algérie est classée à la 117e place sur 175 avec une amélioration par rapport à 2005 où elle était classée 143e sur 175. A ce titre, la réforme bancaire ne concerne pas seulement la rapidité de l’intermédiation mais la nature de la propriété et une gestion saine et transparente de ce secteur en développant d’autres produits financiers, notamment le capital à risque et le micro-crédit.
d- La quatrième raison est le système foncier qui greffe le coût global de l’investissement et qui, malgré des discours, n’est pas résolu à ce jour. Cela explique que le flux des investissements à forte valeur ajoutée et de création d’emplois est faible, reflété d’ailleurs par le paiement en cash pour plus de 80% des importations en 2005, alors que le fondement de l’économie de marché est basé sur le crédit.
_________________________
AUDITIONS DES MINISTRES PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
L’urgence d’une bonne gouvernance frappe à toutes les portes
Par Abderrahmane Mebtoul
Expert international
Quotidien d'Oran
28/10/2006
1. Les différentes auditions du Président de la République concernant les différents départements ministériels dénotent à la fois du constat du divorce entre les objectifs de son programme et les réalisations certes physiques mais surtout de la déficience de la gestion courante par rapport aux normes internationales et de la préoccupation d’une relance réelle de l’investissement utile palpable sur le quotidien des citoyens.
En fait, la bonne gouvernance par une meilleure visibilité, et cohérente dans la démarche, est un préalable de la relance de l’investissement. En effet, si le gouvernement vient de prendre une série de mesures fiscales et financières pour certains secteurs afin d’encourager l’investissement en Algérie et si l’Agence nationale du développement de l’investissement (ANDI) était précédemment sous la coupe des services du chef du gouvernement, les nouveaux textes la plaçant sous la coupe du ministère des Participations, ces mesures rendront-elles le marché algérien plus attractif ? Car l’expérience montre que ce ne sont pas les textes juridiques qui résolvent les problèmes que contredisent quotidiennement les pratiques sociales renvoyant à la maîtrise de la réforme globale.
En effet, excepté les hydrocarbures, qui en amont ne contribuent pas au développement, mais indirectement sous réserve de l’utilisation rationnelle du capital-argent (tant au niveau de ce secteur qu’extra à ce secteur, l’assainissement des entreprises publiques ayant coûté plus de 36 milliards de dollars US sans résultats probants de 1991/2005 expliquant les recapitalisations répétées des banques dont plus de 5 milliards de dollars US en 2005 de créances non performantes), Sonatrach étant une caisse de mobilisation des ressources financières, nous ne pouvons constater, hélas, pour les segments inducteurs à moyen et long terme, qu’un résultat très mitigé, la croissance étant tirée essentiellement par les dépenses publiques via les recettes des hydrocarbures.
En effet, bien qu’important pour, à la fois, préparer l’environnement à l’investissement et la couverture des besoins sociaux, la construction de routes ou de logements comme un acte d’investissement à court terme dans la mesure où les entreprises étrangères une fois les travaux achevés repartent: durant cette période y a-t-il capitalisation du savoir-faire local ? Car les derniers indicateurs internationaux (Davos, Banque mondiale, Cnuced) montrent que le marché algérien est peu attractif par rapport à nos concurrents avec le processus de mondialisation, les capitaux s’investissent là où les obstacles sont mineurs, les IDE étant d’ailleurs fortement concentrés au sein des pays développés pour plus des deux tiers (2/3) avec la percée de la Chine et de l’Inde au niveau de la zone Sud. D’ailleurs une des conditions de l’attrait de l’investissement dans notre région est l’intégration économique maghrébine (marché de 80 millions d’habitants avec moins de 3% des échanges intra-zone), euro-maghrébine et euro-méditerranéenne étant suicidaire de faire cavalier seul (1).
L’Algérie est classée en termes d’IDE à la 109e place sur 141 pays alors que les potentialités la destinent à la 65e place, avec 1 milliard de dollars drainés en 2005 hors hydrocarbures (882 en 2004) contre 2,9 milliards de dollars au Maroc et 12,8 pour les Emirats Arabes Unis. La dernière déclaration du responsable du FMI à Alger qu’en 2006 l’Algérie aurait seulement 3% de taux de croissance y compris les hydrocarbures (donc un taux très faible pour les autres secteurs représentant environ pour 2005/2006 50% du PIB) et les risques d’un taux d’inflation supérieur à 6% qui rendrait impératif le relèvement des taux d’intérêt freinant alors l’investissement, contredisant les prévisions officielles, est vraiment alarmante alors qu’il est admis qu’il faudrait 7/8% de taux de croissance régulièrement jusqu’en 2012 pour réduire sensiblement le taux de chômage et la pauvreté. Cela ne rejoint-il pas les indicateurs récents internationaux où l’Algérie est classée 169e sur 175 pays pour le climat des affaires derrière la Tunisie et le Maroc; en matière d’indice d’efficacité de la compétitivité, notre pays est classé à la 92e place sur 125, la Tunisie arrivant en tête du monde arabe avec la 30e place, le Maroc à la 70e place et l’Egypte 63e et en matière d’attractivité du marché, 96e, loin derrière la Tunisie.
Quelles sont les raisons ? Il existe fondamentalement quatre raisons liées:
a- La première est la faiblesse de visibilité et de cohérence dans la démarche. Car, il s’agit d’éviter de s’enfermer dans des discours théoriques abstraits, devant différencier l’essentiel de l’accessoire, un théorème en sciences politiques démontrant que pour une même somme dépensée, 20% d’actions bien ciblées ont un impact positif sur 80% de la société mais 80% d’actions désordonnées que l’on voile par de l’activisme n’ont qu’un impact de 20%. Ainsi, lorsqu’on aura une lisibilité dans la démarche, l’investisseur retrouvera la confiance sans laquelle il ne peut y avoir d’investissement porteur y compris les services et non la promotion uniquement d’activités marchandes ou d’investissement de très court terme. Car dans la pratique des affaires, n’oublions jamais que les sentiments n’existent pas.
b- La seconde est le système bureaucratique toujours dominant renvoyant à la bonne gouvernance: de très longs circuits à tous les niveaux qui découragent les investisseurs, le temps économique étant de l’argent qui ne se rattrape jamais, la concurrence internationale étant vivace, et avoir des matières premières en cette ère du XXIe siècle n’est plus une condition de l’attrait de l’investissement porteur à moyen et long terme. Selon le rapport de la Banque mondiale intitulé Doing Business (situation de 2005) publié en septembre 2006, une entreprise algérienne consacre 504 heures pour effectuer 61 paiements, contre 236 heures pour 29 paiements dans la région et 203 heures pour 15 paiements dans l’OCDE. Il faut 14 procédures pour la création d’une Sarl en Algérie contre 10 pour la région et 6 pour l’OCDE, et pour enregistrer la propriété, l’investisseur est confronté à 15 étapes contre 5 en Tunisie et 4 au Maroc. Pour les procédures en matière de commerce international et d’exportation, nous avons toujours les lourdeurs administratives dans la mesure où il faut 15 jours pour pouvoir exporter une marchandise, pour un coût de 1.886 dollars par container, contre 600 en Tunisie et 1.500 au Maroc.
c- La troisième raison est le système financier sclérosé, poumon des réformes. Ainsi pour l’accès au crédit, l’Algérie est classée à la 117e place sur 175 avec une amélioration par rapport à 2005 où elle était classée 143e sur 175. A ce titre, la réforme bancaire ne concerne pas seulement la rapidité de l’intermédiation mais la nature de la propriété et une gestion saine et transparente de ce secteur en développant d’autres produits financiers, notamment le capital à risque et le micro-crédit.
d- La quatrième raison est le système foncier qui greffe le coût global de l’investissement et qui, malgré des discours, n’est pas résolu à ce jour. Cela explique que le flux des investissements à forte valeur ajoutée et de création d’emplois est faible, reflété d’ailleurs par le paiement en cash pour plus de 80% des importations en 2005, alors que le fondement de l’économie de marché est basé sur le crédit.
Commentaire