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Art contemporain : une effervescence nommée Maroc

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  • Art contemporain : une effervescence nommée Maroc

    Plus d'initiatives, plus de galeries, un marché naissant, un engouement généralisé : le royaume chérifien s'est résolument mis sur orbite





    ls sont loin, les orientalistes français qui monopolisaient l'art au Maroc. S'ils conservent leur prestige, les Jacques Majorelle, Edy Legrand ou Henri Rousseau voient leur cote grignotée par les artistes du pays. Lentement, les modernes se sont imposés. Timidement, les contemporains se saisissent des espaces privés et publics. En maturation depuis quelques décennies, cet éveil a été encouragé par le roi, lui-même collectionneur, dit-on. Une volonté politique qui s'exprime par l'ouverture, imminente bien que sans cesse repoussée, du musée Mohammed VI d'Art moderne et contemporain à Rabat.

    Un signe : les vitrines se multiplient

    Depuis 2010, la revue Diptyk, dédiée à l'art contemporain, s'attache à rendre compte de cet engouement. À Casablanca, les galeries d'art fleurissent. Fondée en 2008, la galerie Atelier 21 accueille la crème des artistes : le très pop Mohammed El Baz, Hassan Hajjaj, photographe hypnotique, ou Zakaria Ramhani, classé parmi les dix meilleurs artistes au monde de moins de 30 ans par Artprice en 2010. "Nous n'exposons que des artistes marocains issus de la diaspora, qui apportent un regard différent. Nous sommes très fiers de les ramener au Maroc", confie Aïcha Amor, codirectrice. Au coeur du triangle d'or, dans une ambiance new-yorkaise, la Loft Art Gallery, fondée par deux jeunes soeurs, présente les oeuvres de Mohamed Tabal, originaire d'Essaouira. De l'art brut hypercoloré, imprégné des rites gnaouas. Les soeurs se sont aussi lancées dans l'édition afin de construire une histoire de l'art. "C'est important de familiariser le public avec l'art, qui reste encore réservé à une élite", affirme Myriem Berrada.


    Sur une même ligne, on compte aussi la très appréciée Galerie Shart, la Galerie 38 ou Venise Cadre. Mais la plus audacieuse de la ville est sans aucun doute celle qui est installée dans le quartier Bourgogne. En ce moment, Fatma Jellal expose les boules à neige, puzzle, flipper et autres objets conçus par Mohamed Fariji, autour d'une exposition dédiée à l'ancien aquarium de Casa. L'art contemporain, essentiellement composé par des installations, vidéos et photos, n'attire que les plus initiés. Une prise de risque assumée par la galeriste. "Dès le départ, la galerie s'est positionnée pour exposer non pas des artistes internationaux, mais des artistes qui n'étaient pas exposés comme ils le méritaient", dit-elle. "Ce n'est pas facile dans cet environnement où on ne jure que par la peinture", ajoute-t-elle.

    Un marché naissant, une histoire récente

    Car l'histoire de l'art marocain est encore très récente et un marché peine à s'imposer. Les premiers peintres apparaissent dans les années 1960 avec la création de l'école des Beaux-Arts de Casa par Farid Belkahia. C'est le début de la peinture marocaine moderne. Les "années de plomb" qui sévissent alors sous Hassan II jusque dans les années 1980 amènent les artistes à s'exprimer à travers une peinture non figurative. L'abstraite reste aujourd'hui encore le genre dominant. Parallèlement, les galeries ne sont organisées que depuis une dizaine d'années. Certaines subissent des revers liés à la fragilité du marché, trois ont récemment fermé à Casablanca. Même la Marrakech Art Fair n'a pas su s'imposer, faute de soutien.

    Dans ce contexte, les galeristes comme les acheteurs misent sur des valeurs sûres. "Depuis 2002, certains artistes ont vu leur cote multipliée par vingt ou par trente. Un bond spectaculaire, certes, mais cela est anecdotique par rapport à l'ensemble des peintres marocains", analyse Hicham Daoudi, P-DG de la CMOOA, la Compagnie marocaine des oeuvres et objets d'art. Les projecteurs restent braqués sur les artistes pionniers tels que Jilali Gharbaoui et Ahmed Cherkaoui, qui sont aussi les deux seuls à posséder une véritable cote internationale. Lors de la dernière vente de la CMOOA au mois de mai, Cherkaoui a encore emporté le record à 312 000 euros avec une huile sur toile. De leur côté, Mohammed Melehi et Farid Belkahia font l'objet d'un quasi-culte au Moyen-Orient, très friand des artistes marocains. C'est d'ailleurs à la foire Art Dubaï que beaucoup d'artistes marocains ont gagné leurs lettres de noblesse. Parmi les plus récents, Hassan Hajjaj, Mounir Fatmi, Najia Mehadij ou Mohamed El Baz ont été promus par Christie's.

    Un défaut de socle institutionnel

    Si quelques institutions possèdent de belles collections telles que la BMCE, Alliances, la Société générale ou la Banque du Maroc, la scène artistique peine encore à s'organiser. À Tétouan, dans le Nord, la plupart des artistes restent ignorés malgré la présence de la deuxième école des beaux-arts du royaume. Aucune galerie à l'horizon si ce n'est l'Espace 150 x 295 à Martil, fondé en 2005 par Faouzi Laâtiris et Batoul S'Haimi. Une bulle avant-gardiste dans une région très traditionnelle. Hommage à Marcel Duchamp, l'urinoir de Kenza Benjelloun qui trône dans le fond, en réponse à la polémique de l'art propre lancée par le gouvernement, a fait scandale. "Le problème ne vient pas du spectateur, mais du manque de structure pour expliquer les questionnements et l'histoire des artistes", dénonce Batoul S'Haimi.

    D'une même voix, l'ensemble des acteurs déplore le manque de moyens institutionnels. En ligne de mire, la fiscalité avec une TVA qui atteint 20 % pour le secteur. "Il n'existe aucune forme de subvention ou d'aide et cela décourage les investisseurs privés marocains et étrangers à développer des relations économiques autour de l'art, selon Hicham Daoudi. Résultat, 70 % de nos oeuvres majeures partent au Moyen-Orient." Sans compter la jeune génération d'artistes, qui préfère le plus souvent s'expatrier. "La société marocaine, qui oscille entre une grande liberté dans le cadre privé et le poids des traditions à l'extérieur, est complexe", analyse Othma Zine, jeune photographe de 31 ans à la cote en hausse. Le public est en train de s'éduquer et ce sont des initiatives comme le musée Mohammed VI ou la biennale de Marrakech qui permettent de faire avancer l'accès et la démocratisation de l'art. Mais cela prend du temps."


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