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Un été, un hivernage de lectures africaines

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  • Un été, un hivernage de lectures africaines

    Le temps de lire, enfin, arrive : Le Point Afrique recommande sagement sept livres à glisser dans les bagages des vacances.


    "Notre quelque part" de de Nii Ayikwei Parkes (ed Zulma)

    Nous n'en démordrons pas. Cette aventure aussi inouïe que palpitante, entre modernité et traduction conduite sur le mode de la série "Les Experts" au Ghana allie originalité de fond et de forme, servie par un jeu sur les langues éblouissant. La traductrice Sida Fakambi vient de remporter successivement les deux plus grands prix de traduction remis en France, Prix Baudelaire, et Prix Laure Bataillon, et l'auteur du livre revient en France invité à la rentrée au Festival des correspondances de Manosque (du 24 au 28 septembre).



    "Meurtre à Tombouctou " de Moussa Konaté (ed Métailié)

    Le regretté Moussa Konaté avait situé une des dernières aventures du commissaire Habib, héros récurrent de ses polars, à Tombouctou. Avant la guerre au Mali. Mais dans une situation déjà explosive dont ce livre dit tout.En attendant de lire "La route des clameurs" que son compatriote Ousmane Diarra publie à la rentrée chez Gallimard (Continents noirs) voici une manière profonde mais légère à la lecture de pénétrer la ville du Nord Mali.

    "Ninive" de Henrietta Rose-Innes (ed Zoé), traduit de l'anglais par Elisabeth Gilles

    D'Afrique du Sud nous vient un beau roman étrange et pénétrant dont l'héroïne, trentenaire, exerce au Cap un métier qu'elle tient de son père et qui, pour apparaître peu ragoutant, s'avère fascinant : la désinsectisation. Une villa est envahie par des chenilles ? C'est l'affaire de Katya Grubbs et de son entreprise : PPR "Painless pain Relocation" (autrement dit, déplacement des bestioles garanti sans souffrance) car s'il s'agit de débarrasser le terrain des petites ou grosses bêtes, c'est en leur trouvant délicatement un autre lieu de séjour. C'est déjà dire la dimension de fable qu'Henriette Rose-Innes donne à son roman qui raconte aussi bien l'Afrique du Sud post apartheid que les secrets d'une famille de petits blancs pauvres fissurée. La fissure est une autre métaphore à filer, surtout lorsqu'on regarde Katya contempler avec une étonnante placidité celles qui menacent les murs de sa propre maison. Célibataire, la jeune femme se consacre à ses petites bêtes, à l'aide de son neveu Toby, conservant avec sa soeur Alma un lien fort mais difficile surtout quand il s'agit de parler de leurs parents. Mère disparue (morte ?) et père rôdant toujours, la preuve : Katya le retrouve pour son malheur, à l'occasion d'un nouveau contrat sur le site dit de "Ninive". Là, un certain monsieur Brands veut construire une résidence de luxe, mais pour que son chantier aboutisse Brands doit être débarrassé des "goggas" mystérieux insectes dévastateurs qui menacent l'avenir de son projet. Après avoir fait appel à Grubbs père, et s'en être mordu les doigts, il embauche la fille. Quelles sont les chances de Katya dans cette affaire ? Si le suspense reste un véritable moteur, le livre retient dès les premières pages par son style à la fois distancié, plein d'ironie, et organique. Dire que l'auteur fait corps avec son sujet, avec sa ville, est peu dire, et cette force d'attraction saisit et ne lâche plus. Portrait d'une jeune sud-africaine et d'un jeune pays, en construction, ce roman d'allure quasi fantastique a un charme ravageur. On attend déjà le second.

    "La sourde violence des rêves" de K.Sello Duiker, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Jean-Yves Kruger-Katelan (Ed Vents d'ailleurs)

    Encore d'Afrique du Sud, mais cette fois signé d'un sud africain noir, ce pavé saisissant est un livre culte paru en 2001 dans l'Afrique du Sud tout juste sortie de l'Apartheid. Son jeune auteur n'allait pas lui survivre longtemps. Il se suicide en 2005. Voilà ce que Duiker écrivait de son livre :" Le roman explore la culture de la jeunesse et ce que cela signifie d'être jeune. Il décrit plusieurs milieux sociaux, depuis les scandaleusement riches jusqu'aux plus pauvres du Cap. Dans le fond, c'est un roman d'apprentissage. Il présente des jeunes Africains, pas exclusivement en tant que noirs, mais comme des hommes et des femmes aussi complexes que n'importe qui d'autre. Il fera comprendre à l'étranger que les jeunes en Afrique du Sud ont à faire face aux mêmes difficultés que les jeunes du Nord. Nous, en Afrique, nous ne sommes absolument pas différents". Fresque polyphonique, où plusieurs personnages de jeunes prennent et reprennent à tour de rôle la parole, ce livre superbement traduit est une plongée dans une réalité qu'on ne raconte habituellement pas : celle de l'asile psychiâtrique où ces jeunes font des séjours plus ou moins réguliers, au gré des drogues qu'ils absorbent, du réveil des traumatismes familiaux, à commencer par Tshepo. Mais les monologues n'ont en aucune façon la lourdeur du pathos, ils vibrent, sonnent à l'oreille, racontent tout dans une langue qui se module selon les locuteurs, et toujours pleine de vitalité. Suivre ces jeunes dans la ville du Cap, c'est circuler dans tous les milieux, mesurer la détresse, le désir et comment on les affronte, dépasser tous les tabous quand il s'agit de sexe, et notamment d'homosexualité. La radiographie de cette société où chacun cherche sa place n'est pas seulement un "document" irremplaçable, mais une aventure universelle de lecture à vivre auprès de ces âmes fortes et faibles, que réunit le talent brûlé du jeune et regretté Duiker. Le livre parait dans la nouvelle collection des éditions Vents d'ailleurs, "Pulsations", un titre qui le dit tout entier.

    "La couleur de l'écrivain" de Sami Tchak (ed La cheminante)

    Naître sur le continent africain, écrire en français, vivre loin du pays, et alors ? Le togolais Sami Tchak, installé en France depuis 1986 livre une série de réponses à des questions posées et reposées à l'écrivain africain, non tant sur la couleur de sa peau qu'à propos de sa situation au regard de la littérature universelle, d'où il parle, en quelle langue, pour qui etc etc. La confidence prend la jolie forme de missives à une femme blanche rencontrée au milieu du public d'une des rencontres littéraires qui font le lot de l'écrivain aujourd'hui et qui lui posa une question d'où ce livre découle : "est ce que vous vous définissez comme un écrivain noir ?". La première réponse est fort émouvante, qui raconte la réaction paternelle au choux du fils qui a troqué son originel Aboubacar Sadamaba Tcha-Koura pour devenir aux yeux de son père " une plante sans racines au nom étrange de Sami Tchak". Si quelques uns de ces textes ont déjà paru ici ou là, cet ensemble agencé de nouvelles, récits de voyage, hommages , à Théogène Karabayinga journaliste de RFI trop tôt disparu, à Tolstoï ou encore Gracq dresse la cartographie littéraire de l'écrivain, au coeur de laquelle la "sarienne" autrement dit l'écrivaine en sari Ananda Devi est l'emblème d'une affinité élective. Ce livre est accueilli dans la nouvelle collection ouverte par les éditions La cheminante, Harlem renaissance, à suivre de près.

    Tchicaya U Tam'si, oeuvre poétique, (Ed Gallimard, continents noirs)

    La publication du premier volume de ses oeuvres complètes qui rassemble enfin les poèmes de toute une vie, parus ici et là chez différents éditeurs donne à lire ou relire un grand poète congolais que Sony Labou Tansi, son compatriote et cadet, surnommait "le père de notre rêve". Dans cette édition réalisée par Boniface Mongo Mboussa, intitulée " J'étais nu pour le premier baiser de ma mère", se reflète tout du long cette phrase du poète : "Ma poésie est comme le fleuve Congo, qui charrie autant de cadavres que de jacinthes d'eau". Gérard-Félix Tchicaya, (1931- 1988) est le fils de Jean-Félix Tchicaya qui deviendra député du Moyen-Congo et du Gabon en 1945 à l'Assemblée, Gérard-Félix le suit en France où il naîtra peu à peu à lui-même en poésie, encouragé par Aimé Césaire. "Le Mauvais sang", son premier recueil, paraît en 1955. Pour se démarquer de son père, il prendra le pseudonyme de Tchicaya U Tam'si, "la petite feuille qui parle", sous lequel il publie "Feu de brousse" en 1957, s'y proclamant congolais avant d'être nègre. Ses textes fulgurants d'images sont traversés par la nostalgie, l'attachement à la terre, une certaine forme de spleen que la passion pour la vitale beauté combat, mais aussi par l'engagement dans le monde. "Epitomé," puis "Le Ventre" et encore le chant "Conga des mutins" du recueil "Le Pain et la Cendre", sont marqués par l'admiration qu'il voua au leader politique Patrice Lumumba, figure martyre de l'indépendance du futur Zaïre,. U Tam'si est aussi romancier, nouvelliste, dramaturge, mais c'est à cette voix majeure de la poésie que ce volume vient rendre son importance dans l'histoire littéraire.

    "De la côte aux confins" Voyageurs swahili" de Nathalie Carré, CNRS editions

    "Pour la première fois, des Swahili font leur entrée en scène en tant qu'auteurs de récits de voyage. Le nombre des récits consignant les expériences des Européens en Afrique est déjà considérable et ceux ci ont contribué (dans une large mesure) à l'intérêt croissant porté à nos colonies. Il ne devrait en être que plus passionnant d'entendre ceux de l'Africain lui-même, meilleur connaisseur de son pays et des us et coutumes de ses différentes ethnies". Voilà ce qu'écrivait Carl Velten en 1901pour présenter l'édition en allemand des récits en swahili "Safari za Wasuaheli", qu'il avait collectés auprès auprès d' Africains accompagnant les explorateurs et colons allemands dans leurs expéditions en caravanes sur le continent et ailleurs. Présentés pour la première fois en français, et éclairés par Nathalie Carré, diplômée de l'INALCO et grande connaisseuse du continent, ces récits fascinants décentrent le regard sur cette période de la seconde moitié du XIXème, au long d'explorations qui nous entrainent de la côte Est à la région des Grands lac et jusqu'en Russie et Sibérie ! Entrer dans ces aventures humaines, civilisationnelles, politiques et linguistiques, voilà le grand voyage.


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