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El Niño : le titan se réveille et la science est aveugle !

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  • El Niño : le titan se réveille et la science est aveugle !

    L'un des plus importants phénomènes climatiques au monde se nomme El Niño et trouve son origine à l'est du Pacifique. Ses manifestations s'accompagnent souvent de bouleversements climatiques entraînant des catastrophes naturelles, humaines et économiques majeures. En 1997-1998, il avait provoqué la mort de 23 000 personnes à travers le monde et causé plus de 40 milliards de dollars de dégâts. Un nouvel El Niño est attendu pour l'été austral prochain et les outils de surveillance sont hors service.

    Comment El Niño fonctionne-t-il ?

    Les courants marins sont une pièce maîtresse de tous les systèmes climatiques du globe. Ils interagissent avec les grandes masses d'air et influent sur la pression atmosphérique. Ceux de l'océan Pacifique ne font pas exception. En général, la pression atmosphérique est moins importante à l'ouest du Pacifique qu'à l'est. L'air est donc naturellement aspiré vers ces "trous atmosphériques" au large de l'Océanie. Au passage, les vents "poussent" l'eau chaude, en surface, tandis que l'eau froide qui la remplace remonte le long des côtes américaines. Conséquence à terme : de fortes pluies en Asie et en Océanie et un ciel sans nuages sur l'est du Pacifique. Cette phase climatique est nommée La Niña.

    Mais parfois, la différence de pression entre l'ouest et l'est du Pacifique diminue, voire s'inverse. Les vents refont alors le chemin inverse. L'eau chaude, les nuages et les précipitations se déplacent vers l'est du Pacifique. Cette inversion modifie la trajectoire des tempêtes, augmente les sécheresses et entraîne d'autres anomalies climatiques. C'est ce phénomène que l'on nomme El Niño, découvert en 1920 par le scientifique britannique Gilbert Walker. Le phénomène dure en moyenne neuf mois. Il se produit en fait régulièrement, mais n'est appelé ainsi que lorsqu'il est particulièrement fort. Or, en 2014, les eaux profondes du Pacifique autour de l'équateur ont été anormalement chaudes, ce qui laisse présager l'avènement prochain d'un nouvel El Niño de grande ampleur.
    Si le phénomène n'est pas directement dû au réchauffement climatique, ce dernier devrait accroître la fréquence des El Niño extrêmes pendant le XXIe siècle, selon une étude publiée par la revue Nature Climate Change (en anglais).

    Quelles conséquences pour 2015 ?

    Si les soupçons se confirment, le monde devrait connaître un certain nombre de bouleversements climatiques. Le 26 juin dernier, l'Organisation météorologique mondiale estimait "à 80 % la probabilité d'un El Niño pour le dernier trimestre 2014". Même si les conséquences précises sont difficiles à établir, comme pour tout phénomène climatique à long terme, on peut se reporter aux expériences du passé. D'après les El Niño de 1982-1983 et de 1997-1998, l'Asie du Sud-Est et l'Océanie pourraient subir une sécheresse dévastatrice. L'ouest de l'Amérique latine devrait subir des précipitations (neige et pluie) anormalement importantes. L'intensité et le nombre d'ouragans dans le centre du Pacifique augmenteront, de même que les tempêtes dans le golfe du Mexique. Le sud des États-Unis sera particulièrement arrosé et le Nord, anormalement chaud. Une partie de l'Afrique pourrait subir de graves sécheresses.

    En comparaison, l'Europe, à l'autre bout du globe, devrait être assez peu touchée par le phénomène, selon Serge Planton, de Météo-France. Les conséquences y seront d'abord financières avec la hausse du coût des matières premières. En effet, outre les dégâts matériels, la plupart des pays à travers le monde devraient voir leur agriculture fortement affectée par le phénomène, provoquant famine et désastres économiques. Les stocks de poissons se déplaceront, notamment le thon, le saumon et l'anchois, et se raréfieront en surface. Les écosystèmes les plus fragiles comme la barrière de corail devraient être frappés de plein fouet et mettre des années à s'en remettre. D'une façon générale, l'année 2015, enfin, devrait être de 1 °C plus chaude que la moyenne.

    Certains phénomènes météorologiques récents peuvent être considérés comme des signes avant-coureurs de l'El Niño à venir. Le cyclone Neoguri qui a récemment balayé le Japon en fait partie, en raison de sa précocité. D'après le professeur Hiroyuki Murakami, de l'université d'Hawaï à Honolulu, "normalement, la saison des typhons au Japon atteint son paroxysme entre septembre et octobre". Par conséquent, la force et la date de ce cyclone résultent probablement de l'apparition prochaine d'El Niño, ajoute-t-il. À l'inverse, il pourrait expliquer la relative clémence du cyclone Arthur, qui a longé les côtes américaines au début du mois avec un pic d'intensité de 2 sur 5.

    Un dispositif de surveillance

    À la suite de l'El Niño de 1982-1983, les États-Unis et le Japon ont mis en place un projet commun de surveillance météorologique nommé Tropical Atmosphere Ocean (TAO). Dix ans plus tard, 70 sondes étaient ancrées entre 1 500 et 6 000 m de profondeur dans le Pacifique équatorial, afin de mesurer, entre autres, la température et le sens des courants. Ce dispositif constituait une véritable mine d'informations. Si celui-ci ne permettait évidemment pas d'empêcher de nouvelles catastrophes climatiques, il permettait néanmoins de les prévoir et de s'en protéger. Car, selon l'intensité du phénomène, on peut déterminer jusqu'où les tempêtes se déplaceront vers l'est du Pacifique et toutes les conséquences qui en découlent. "La connaissance de ce qui se passe sous la surface est un critère décisif dès lors qu'on veut étendre les prévisions à plus de trois mois", rappelle Jean-Pierre Ceron, directeur adjoint scientifique de la climatologie à Météo-France. "C'est sous la surface que se passent les choses les plus intéressantes qui permettent de prévoir l'apparition de phénomènes de type El Niño ou La Niña quelques mois en avance."

    Mais depuis cette année, le système est en panne. Seules 40 % des bouées sous-marines transmettent encore des informations. Ne restent que les bouées de surface et les mesures satellites, qui étudient le déplacement des masses d'air chaudes. Pour Jean-Pierre Ceron, "c'est un problème, mais qui heureusement n'est pas rédhibitoire". "Il y aura probablement moins de données en profondeur pour décrire les milieux océaniques. Donc des descriptions moins précises, mais qui devraient rester raisonnablement bonnes compte tenu de l'apport des autres informations."

    Pourquoi le système de surveillance est-il en panne ?

    Bien que très efficace, ce système de surveillance sous-marin doit sans cesse être contrôlé et entretenu. Pour cela, des bateaux scientifiques sillonnent le Pacifique pour examiner les bouées une par une, tous les six mois environ. Mais, depuis deux ans, plus aucun ne se rend sur la zone observée. La faute à la crise économique et aux restrictions des budgets consacrés à la recherche. Pourtant, ce contrôle régulier ne coûte "que" huit millions d'euros par an. En comparaison, le dispositif mis en place pour retrouver l'avion disparu de la Malaysia Airlines a coûté presque dix fois plus. Sans reprise du projet, ce sont trente ans d'investissements qui seraient bons à jeter à la poubelle.

    Mais que fait la communauté internationale ?

    Les archipels du Pacifique, fréquemment inondés, sont les premiers menacés par ce phénomène. Cette relative myopie scientifique risque de leur être fatale. Mais leur point de vue lors des sommets mondiaux sur l'écologie ne pèse guère. D'abord, leur faible poids démographique et économique réduit leur influence politique. Ensuite, il est difficile d'exposer des risques sans données scientifiques à l'appui. Difficile également de concerner les puissances européennes, relativement à l'abri par rapport aux nations du Pacifique. Réunis à Nouméa début juillet, seize nations et territoires du Pacifique ont appelé à la reprise du projet TAO. Si l'agence météorologique américaine s'est engagée à remettre une partie des bouées en état, une telle opération ne pourra probablement pas être mise en oeuvre avant début 2015. Et à ce moment-là, il sera trop tard !

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