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Le pétrole africain : Ce business suisse

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  • Le pétrole africain : Ce business suisse

    La Déclaration de Berne, une ONG suisse, fait la lumière sur la gestion particulièrement opaque de la vente des ressources pétrolières des États africains. Pour la première fois, l'ONG propose une estimation chiffrée de la prééminence des sociétés de négoce suisses dans ce commerce.

    Il est de notoriété publique que l'argent de la vente du pétrole est l'un des secteurs du commerce international les plus opaques au monde. Mais à quel point opaque reste extrêmement ardu à définir. Dans son dernier rapport, l'ONG suisse La Déclaration de Berne tente de décrypter la vente de pétrole brut par les gouvernements et leurs compagnies pétrolières nationales dans les dix premiers pays exportateurs de pétrole en Afrique subsaharienne (Angola, Cameroun, Tchad, Côte d'Ivoire, Congo-Brazzaville, Guinée Équatoriale, Gabon, Ghana, Nigeria et Soudan du Sud).

    Selon l'organisation, de 2011 à 2013, les gouvernements de ces pays ont vendu plus de 2,3 milliards de barils de pétrole. Ces ventes, d'une valeur de plus de 250 milliards de dollars, représentent au total 56 % de leurs recettes publiques combinées.


    Corruption généralisée

    Les sociétés de négoce de matières premières basées en Suisse achètent une proportion considérable du pétrole vendu par les gouvernements africains. Et les paiements effectués par les entreprises suisses génèrent une part importante des recettes publiques dans certains des pays les plus pauvres du monde.

    Selon l'ONG, ces paiements "sont assujettis à des risques de gouvernance car ils ont lieu via des institutions généralement faibles dans des environnements où la corruption est généralisée".

    Jusqu'alors, ces transactions importantes ont échappé à la surveillance en raison de pratiques d'entreprise opaques et de la faiblesse de la réglementation, affirme l'organisation.

    Ampleur des achats par les négociants suisses

    La Déclaration de Berne a recueilli des informations sur 1 500 ventes de pétrole individuelles réalisées par des compagnies nationales en Afrique subsaharienne pour la période 2011-2013. Bien que cet échantillon représente la grande majorité du total, l'ONG prévient que le secret qui prévaut dans cette partie du secteur pétrolier les a empêchés de recueillir des données complètes, même si "les données disponibles ne laissent aucun doute sur l'ampleur des achats par les commerçants suisses".

    Sur ces 1 500 ventes identifiées, les négociants suisses ont acheté un quart des volumes, soit plus de 500 millions de barils d'une valeur total d'environ 55 milliards de dollars. Les sommes versées par les sociétés suisses aux dix gouvernements africains concernés représentent 12 % de leurs revenus, soit le double de ce qu'ils ont reçu de l'aide étrangère. Ces sociétés ont été les principaux acheteurs de pétrole des gouvernements du Cameroun, du Tchad, de la Guinée Équatoriale, du Gabon et du Nigeria.

    Perspectives de développement affectées

    Ainsi, Glencore achète 100 % du pétrole vendu par le gouvernement du Tchad et l'ONG estime que les paiements effectués représentaient 16 % des recettes totales du gouvernement en 2013. Les négociants suisses Arcadia, Glencore, Trafigura et Vitol ont acheté pour un total de 2,2 milliards de dollars de pétrole au gouvernement équato-guinéen en 2012. Une somme qui pèse pour 36 % des revenus du gouvernement. Au Nigeria, les entreprises suisses ont acheté pour 37 milliards de dollars de pétrole sur les trois années, soit un montant égal à plus de 18 % des revenus du gouvernement national


    L'ONG argumente que les paiements à cette échelle affectent les perspectives de développement des pays pauvres et nécessitent une supervision publique, décrite comme "largement absente dans la plupart des scénarios décrits dans le rapport".

    Selon l'ONG, "la transparence est un outil qui permet aux citoyens de tenir leurs gouvernements responsables de la gestion de l'actif le plus précieux de leur pays". La Déclaration de Berne recommande ainsi aux gouvernements des pays producteurs de pétrole et aux compagnies nationales d'adopter des règles et des pratiques qui favorisent l'intégrité dans le choix des acheteurs et la détermination du prix de vente, y compris la publication détaillée de la façon dont la part de l'État est allouée et vendue.

    Recommandation de transparence

    Une recommandation de transparence qui s'applique aussi aux puissances occidentales. La Déclaration de Berne affirme ainsi que "en tant que plaque tournante du négoce de matières premières dans le monde, la Suisse devrait prendre ses responsabilité et passer un règlement qui exige que les sociétés de négoce et d'extraction suisses divulguent tous les paiements effectués aux gouvernements et aux sociétés d'État étrangères". Et de regretter que, dans un rapport du 25 juin 2014, le gouvernement fédéral suisse ait indiqué sa préférence pour exclure les paiements liés aux activités de négoce de toute future réglementation de ce genre.

    Un conseil qui s'applique aussi aux autres gouvernements des provinces et territoires dans lesquels sont domiciliés les autres sociétés de négoce de matières premières, que ce soit dans l'Union européenne, aux États-Unis ou en Chine.

    jeune Afrique

  • #2
    La Suisse, plaque tournante du pétrole et des céréales

    Malgré la crise, un domaine continue à fleurir - en toute discrétion - en Suisse: le commerce de matières premières. L’année dernière, le commerce du pétrole, des céréales ou du courant électrique a représenté 2% de la production économique suisse, soit à peu près la même part que le tourisme.
    La Suisse est, depuis longtemps, un point névralgique pour le négoce des matières premières. Elle le doit d’une part à sa situation géographique, au centre de l’Europe, mais aussi à sa tradition bancaire, à sa stabilité politique et à son système économique.

    Le commerce du coton et du café passe par la Suisse depuis des centaines d’années. Le boom du pétrole au Moyen Orient et en Russie a encore augmenté l’importance de la Suisse.

    Zoug et Genève

    Des changements récents dans cette industrie ont fait de Zoug et de Genève, surtout, de véritables plaques tournantes du négoce. Des instruments financiers de plus en plus complexes pour négocier et spéculer ont en effet trouvé une place naturelle en Suisse.

    «Il y a eu une véritable explosion dans ce domaine il y a dix ans», explique Emmanuel Fragnière, professeur à la Haute Ecole de gestion de Fribourg (HEG). «C’est à cette époque, alors que le marché des matières premières devenait plus volatile, que le négoce a commencé à imiter l’industrie financière.»

    «Cette évolution a suscité une nouvelle demande en infrastructures, telle que l’informatique et les télécommunications, le conseil juridique et les services de conseil opérationnel.»

    De grands et de moins grands noms

    Il semble même que les «traders» de matières premières aient commencé à fuir Londres et l’augmentation récente de ses taxes. Mais comme dans l’industrie des hedge funds, cet exode apparaît plutôt comme un mince filet régulier que comme une inondation.

    Les économistes ont toutefois commencé à prendre plus au sérieux le négoce des matières premières depuis que sa part dans le produit intérieur brut suisse est passée de moins de 0,5% en 2003 à 2% l’année dernière.

    L’Institut de prévisions économiques KOF lui donne désormais plus de poids dans ses analyses nationales. Avec 6000 emplois pour la seule région de Genève, et encore plus dans des entreprises géantes comme Glencore à Zoug, la Suisse devient un acteur global dans ce domaine, à côté de Londres et Singapour.

    Plusieurs poids lourds multinationaux ont installé des bureaux en Suisse. Glencore, Vitol, Trafigura, Guvnor et Mercuria en sont quelques uns. Ils ont engrangé des milliards de dollars de bénéfices l’année dernière.

    Des enseignes moins connues sont aussi installées en très grand nombre dans la région de Genève. Elles sont spécialisées dans des produits de niches.

    Mais la crise n’a pas épargné le négoce. Les profits ont diminué et les crédits ont été plus difficiles à trouver.
    Conséquences du secret bancaire

    Toute la branche a été transformée, explique le trader de Genève Samir Zreikat. Les entreprises qui ont le plus souffert sont celles qui étaient assez grandes pour être durement exposées et trop petites pour gérer seules les conséquences financières.

    «Nous assistons actuellement à un changement structurel, poursuit Samir Zreikat. Les grands deviennent plus grands et, parmi les plus petits, les plus performants deviennent encore plus profilés. Au milieu, les acteurs tendent à disparaître.»

    La pression s’exerçant actuellement de toutes parts sur le secret bancaire menace aussi le succès des entreprises de négoce installées en Suisse. La confidentialité est un effet un élément essentiel des négociations avec les gouvernements, surtout lorsqu’on spécule sur des fluctuations de prix.

    Même si le négoce n’a rien à voir avec la question de l’évasion fiscale, le secret bancaire est essentiel dans ce domaine, qui devient de plus en plus financier, précise Emmanuel Fragnière. «L’obscurité est une partie importance du négoce», indique le professeur. «La transparence n’est pas toujours indiquée dans la négociation avec un Etat, car, souvent, celui-ci est dans une situation politique délicate.»
    Un monde très secret

    Mais ce manque de transparence ternit aussi la réputation du négoce, surtout quand les négociations se font avec des régimes non démocratiques dans des régions en guerre. Dans le domaine des mines et du pétrole, les compagnies peuvent se trouver du mauvais côté des négociateurs.

    Par ailleurs, la planète du négoce est agitée de rumeurs. Glencore, qui possède 34% du groupe minier Xstrata, a indiqué vouloir ouvrir son capital. Dans tous les cas, les observateurs tablent sur une croissance du secteur, car la demande en pétrole et en minerais est très forte dans les pays comme la Chine.

    L’évolution de nouveaux produits comme les carburants biologiques ou d’autres innovations telles que le marché des crédits-carbones dopent aussi ce secteur. «Il pourrait y avoir moins d’acteurs, à l’avenir, et ils ressembleront de plus en plus à des banques», selon Samir Zreikat.

    «Mais ce domaine est basé, avant tout, sur des biens qui se déplacent. Les négociants joueront donc toujours un rôle important pour déterminer ce dont les populations du monde entier ont besoin.»

    Matthew Allen, swissinfo.ch
    (Traduction de l'anglais: Ariane Gigon)

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