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Toponymie algérienne, le génie populaire contre la culture officielle

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  • Toponymie algérienne, le génie populaire contre la culture officielle



    Le territoire est le cahier de l’histoire. Les hommes y écrivent leur vie, leur présence, leurs croyances, leurs sentiments, leurs mythes pérennes et leurs rêves d’immortalité. La toponymie officielle est loin de celle de la population.

    Par Rachid Oulebsir (*)

    En donnant des noms à des lieux, comme ils le font pour leurs enfants, les humains consacrent de façon rituelle leurs conquêtes et inscrivent dans le présent leurs activités, leurs liens avec le passé, la continuité de leurs lignages, projetant ainsi leurs passages et leurs combats dans l’avenir en donnant du sens à leur vie comme pour occuper le terrain après leur départ.

    La prétention de cette intervention n’est pas de refaire, après d’autres, la démonstration des liens évidents entre la vie des hommes et les empreintes qu’ils laissent sur la terre qu’ils habitent, mais de suivre du côté des populations dominées par la toponymie, à travers le processus de dénomination-renomination des lieux, la perception, le ressenti et les réminiscences qui remontent du fond de la mémoire collective pour réhabiliter et imposer des noms oubliés ou niés par l’idéologie officielle. La renaissance de la toponymie amazighe ensevelie durant des siècles, dénaturée et parfois gommée systématiquement par le pouvoir central algérien, est exemplaire de cette résistance des dominés à la succession des cultures dominantes, romaine, vandale, arabe, turque et française. La toponymie est souvent l’espace d’expression d’une interculturalité, un terrain de partage de particularismes locaux et de valeurs universelles.

    Nous tenterons dans cette présentation sommaire de tirer de la mémoire collective quelques facettes du génie des ancêtres et de la permanente clairvoyance populaire.

    1- Le génie populaire contre la pensée unique

    Il y a l’onomastique officielle qui inscrit et fige durablement l’histoire et l’idéologie des dominants et l’onomastique populaire qui exprime dans le mouvement des multiples dimensions du patrimoine immatériel la culture quotidienne des dominés. A côté de la culture officielle ostentatoire et procédurière véhiculant l’idéologie affirmée de l’Etat, comme un correcteur éclairé, la vision populaire vient souvent proposer sa lecture immédiate plus fertile, plus féconde et imposer à travers l’expression populaire adéquate le vécu quotidien le plus visible, le ressenti plus vrai de son histoire lointaine.

    Si la première possède ses règles, ses lois, ses procédures, ses moyens institutionnels, qui nous renseignent sur la doctrine de l’Etat, la seconde nous offre des grilles de lecture et d’interprétation des rapports immédiats des hommes au territoire. C’est la mouvance des mots utilisés par les acteurs sociaux pour exprimer les usages qu’ils s’autorisent ou s’interdisent sur leur territoire, pour donner du sens à leur vie, qui nous interpelle. Le rejet de toponymes attribués par l’autorité d’Etat, et la préférence d’autres par le ressenti populaire, exprime plus le besoin de souveraineté populaire immédiat sur l’espace public que l’inadéquation, par ailleurs souvent avérée, des noms en rapport à l’usage social des institutions et des édifices publics. Attribuer le nom d’un baroudeur de la guerre de libération nationale à une université alors que la région recèle une liste ininterrompue de savants et d’universitaires ayant marqué la civilisation universelle est tout de suite corrigée par l’expression populaire par un rejet dans l’usage. A la place de ce toponyme même prestigieux, on usera du nom de la rivière qui coule à côté ou du nom d’une plante caractéristique de la région (1).

    Une route ayant une seule désignation officielle, est nommée par la population suivant l’usage qui en est fait, avec différentes appellations selon des tronçons bien définis ! Une rivière connue sur la carte par un hydronyme retenu par les institutions étatiques, est désignée par la population de plusieurs appellations suivant les contrées qu’elle traverse et selon la qualité de ses eaux ! Le marché populaire hebdomadaire, véritable institution villageoise, est indiqué dans la culture populaire, plus selon le jour où il se tient et son usage du jour que suivant son emplacement et son adresse officielle. Il est alternativement Marché du vendredi, Souk de fruits et légumes, Espace des artisans, Agora culturelle, Place de fêtes foraines, Marché de véhicules…que Marché de telle ou telle commune portant un nom d’un Chahid de la guerre de libération nationale.

    Cette approche anthropologique expliquant les noms que l’on attribue à des lieux, des routes, des rivières, des collines, des cités, par le mélange de la culture ancienne et le ressenti populaire immédiat donne un éclairage nouveau sur l’instabilité des toponymes accolés aux villes et cités, l’émergence de nouveaux noms, la résurgence et la persistance de toponymes villageois à coté des noms officiels ignorés dans l’expression et qui n’arrivent pas à s’imposer à l’usage populaire. Les mutations toponymiques dans leur vitesse, leurs causes, leurs formes nous offrent de pertinentes grilles de lecture des rapports permanents du citoyen à l’espace public, à travers des empruntes parfois durables mais souvent éphémères qu’il laisse sur le territoire.

    Une ville, une route, une rivière, deux villages et une ferme serviront d’exemples pour illustrer le désaveu populaire des toponymes officiels et l’adoption d’identifiants vernaculaires en lien étroit avec le vécu populaire local, dans toutes ses dimensions humaines, historiques, économiques, sociales, politiques et culturelles, qui donne du sens à la dénomination du territoire dans sa géographique plurielle.

    1- Voyage toponymique dans la vallée de la Soummam

    De nombreuses routes mènent à Bejaia, mais une seule parcourt toute la vallée de la Soummam. C’est la route nationale n° 26 qui part du carrefour de Maillot (wilaya de Bouira) pour rejoindre après une centaine de kilomètres la route nationale N°12 venant de Tizi-ouzou par Azazga et la forêt de Yakouren à Elkseur, dernière grosse agglomération avant le chef-lieu départemental. Cette voie faisant partie du réseau routier national, bien délimitée, bornée, inscrite sous le numéro 26 dans la désignation officielle des routes nationales, porte cependant de nombreux noms dans la culture populaire.

    1-1- Une route à plusieurs noms

    Les routes ont aussi des noms dans la culture populaire ! De la mémoire ancienne remonte la dénomination amazighe d’Avrid Amokrane, La grande route qui mène vers la ville. Au temps de la colonisation romaine la population autochtone désignait en Tamazight cette route par Avrid Urumi, la voie romaine gardée par des vigies et de nombreux limes disséminés sur des promontoires et les crêtes des valons dominant les plaines et les canyons de la longue vallée oléicole (2). Tavlastensis, désignation latine de l’endroit où jaillissent plusieurs sources, est un casernement de surveillance de la principale voie romaine qui traverse le massif du Djurdjura pour rejoindre Bgayet par la vallée de la Nasava (nom romain de La soummam). Ce limes romain sis à Allaghane, dans l’actuelle commune de Tazmalt, garde encore tous ses secrets, ses vestiges ne faisant partie d’aucun classement patrimonial, n’étant d’objet d’aucune recherche archéologique officielle. Tavlazt, tel est le diminutif populaire de cet endroit historique qui était un haut lieu de protection de la route des diligences et des convois militaires romains venant de Russucuru (actuel Dellys) à l’ouest passant par Bida Municipum, actuelle Djemaa Saharidj (wilaya de Tizi-Ouzou) (3).

    Dix kilomètres plus à l’est, le monument romain d’Ausum (Akbou), sis à l’endroit dit «le piton» protège l’entrée ouest de cet ancien marché kabyle où se déroulaient les échanges commerciaux et culturels de nombreuses tribus.)

    La route suit la vallée jusqu’à Saldaé passant par Tubusuptu, Tiklat, localité au pied du mont Fenaya à 15 km à l’est de Bejaia. Cette importante voie a gardé sa dénomination romaine même après l’invasion arabe (647-775). Le règne des dynasties berbères sur la région de Bgayet qui a tenu plus de sept siècles (776-1512) a vu émerger vers l’an 1063 le nom de Trig Soltan, dénomination arabe de cette route, dans son tronçon menant de Bgayet dénommée Naciria, capitale Hammadite fondée par le prince Moulay-Nacer, jusqu’à la Kelaa de Beni Hamad (Msila). D’après les historiens, la population autochtone désignera ce chemin princier par Trig Soltan sous les Hammadites (1014-1152) et bien après.

    L’avènement de la régence ottomane (1515-1830) a vu apparaitre la dénomination d’Avrid n’Beylik, (la route du Beylik) nom que l’usage populaire garde encore de nos jours pour designer les routes à grande circulation.

    Avec la colonisation française, la route prendra tantôt le nom d’Avrid n’svayes (la route de la cavalerie), Avrid Laaskar, le chemin militaire, sans perdre la dénomination du temps des turcs Avrid n’Beylik. Pour les marchands et les paysans ce sera Avrid n’Souk, la route du Marché, pour les écoliers, Avrid lacoul, pour les voyageurs habitués au déplacement vers la ville ce sera Avrid n’Bgayet, la route de Bougie, la destination étant souvent un référent pour le sens commun.

    Elle sera qualifiée d’Avrid u qaross (la route de la diligence) à compter de l’ouverture et de l’utilisation du chemin de fer menant de Bougie à Béni -Mansour en fin de la décennie 1880 La diligence postale reliait alors la gare d’Allaghane dans la vallée de la Soummam au grand village d’Ighil-Ali importante agglomération dans la haute montagne des Bibans.

    Avec l’apparition de l’asphalte au début du 20ème siècle cet axe routier empierré sera goudronné dans les premières décennies du 20ème siècle. Le génie populaire inventera le toponyme d’Avrid L’godro (La route goudronnée) ce qui la distingue des autres voies de circulation demeurées chemins de terre. Le beylik, mot désignant la propriété foncière et immobilière de la Régence turque, est demeuré dans la culture populaire l’espace d’accès interdit, dangereux, dont l’usage donne lieu à une taxe. C’est ce terme qui est le plus utilisé pour qualifier la route nationale ! Dans le ressenti populaire l’espace étatique revêt encore de nos jours le cachet colonial, c’est toute une lecture de la nature de l’Etat algérien actuel et de ses rapports à la citoyenneté que donne la persistance de cette désignation Avrid N’ Beylik.
    Dernière modification par katiaret, 22 juillet 2014, 12h21.
    dz(0000/1111)dz

  • #2
    1-2- La Soummam, Assif Assemam, la rivière aux eaux acides
    La rivière (Assif) dans la culture locale, porte plusieurs dénominations. Officiellement La Soummam s’appelle Oued Sahel dans sa partie supérieure entre At Mansour et Akbou soit un tronçon de 30 km. Cet oued né de la jonction de l’Oued Elbared ou en kabyle Assif-Asemadh, la rivière venant du massif du Djurdjura avec ses eaux, et l’Oued Amarigh, dévalant des hauts plateaux de Bordj Bou Arreridj charriant ses eaux salées, lui-même alimenté par les eaux du ruisseau venant des collines verruqueuses du Hodna portant le nom d’ Assif Amessas (La rivière aux eaux fades) arabisé en Oued Messissi. De nombreux autres bras viendront verser leurs eaux boueuses dans cet Oued Sahel, un hydronyme inutilisé par l’expression populaire qui lui préfère «Assif Aabbas» (4), la rivière qui traverse le territoire des At Aabbas, tribu qui fut jadis à la tête d’un royaume berbère.
    Cette rivière est enrichie par une multitude de torrents dévalant des contreforts du Djurdjura au nord de sa rive gauche (Assif Iwaqoren, Assif Tiksi ghiden, Assif At Mlikech, Assif Allaghane, Assif illulen) et des ruisseaux de moindre importance descendant des Bibans sur la rive droite. Ces affluents portent les noms des territoires qu’ils irriguent et parfois ceux des tribus dominantes. Oued Sahel va rencontrer en contrebas de la ville d’Akbou, la puissante rivière Bousselam ramassant dans sa coulée les eaux de tous les ruisseaux des hauts plateaux du Sétifois. De mémoire de vieilles personnes de la région affirment que Bousselam était dénommée Assif Asselmam, la rivière aux eaux poissonneuses, avec l’usage, le mot fut contracté dans une consonance arabe en Bousselam. Les deux rivières mélangeront leurs eaux dans le lac de Gueldamane, mot signifiant en Tamazight (Eaux immobiles). De ce vaste étang, naitra la rivière Assif Assemam, la rivière aux eaux acides, qui sera francisé en Soummam. Laurent Charles Feraud 5 dira dans sa monographie «Histoire de Bougie» que Soummam était le nom d’un Cheikh qui commandait la confrérie locale des Abdel-Djebbar, avant d’ajouter que cette étymologie était rejetée par de nombreux auteurs qui proposent Oued Semmar (La rivière aux Joncs) ou Assif Semman, la rivière aux cailles. Mais la mémoire collective retient l’identification d’Assif Assemam renvoyant à la nature de ses eaux.



    (*) Ecrivain, essayiste, chercheur en patrimoine culturel immatériel de Kabylie. Diplômé de troisième cycle en économie politique des universités Paris-Nord et Paris 1 Panthéon Sorbonne.
    Notes
    Le cursus publicus — service des postes de l'Empire romain — étant, avec l'armée, le principal bénéficiaire et l'utilisateur prioritaire de la voie romaine.
    <!--[if !supportLists]-->(3) La nécessité de sécuriser ces voies avait vite imposé la construction à proximité des fortins et des camps militaires, dont le rôle dans une surveillance policée de l'Empire était indéniable. Certains, comme Tavlaztensis à Allaghane dans la Haute Soummam, étaient de véritables forteresses. En outre, la garnison pouvait être utilisée pour la réparation de la voie.
    (4) Le "Prince des poètes" Si Mohand Said Amlikech, évoque la complainte d’un paysan emporté par Assif Aabbas, rivière à laquelle il prête la férocité d’un chien. La mémoire féminine rapporte ce texte du grand poète contemporain de Si Mohand ou Mhand : "Assif a?bass d amcum iy tett am aqjun, yewi Yucef d we?yul is, yusef da qaru n’lehmum, d lme?na ig num yettkemil deg ussan is.

    La diversité dans la toponymie des lieux habités traduit un processus historique de dénomination-renomination qui renvoie à l’arrivée de langues nouvelles imposées dans l’exercice du pouvoir politique par la puissance colonisatrice et l’expansion de la culture de ses représentants civils ou militaires.
    1-1- Imchedalen, de la colonisation française à l’hégémonie arabo-islamique
    Face à ce pouvoir de nommer révélant les valeurs hégémoniques des puissants du moment, les dominés créent leur propre culture de résistance qui entretient les identifiants mythologiques anciens modifiés selon l’usage du lieu et les rapports entretenus avec la puissance dominante. Maillot est un village colonial construit à partir de 1881-1882 par l’armée française sur la crête d’Ighil-Boumlil au lieu-dit Souk n Tlata, lieu où se tenait les Mardi le marché hebdomadaire de la tribu d’Imchedallen. Les militaires français avaient choisi cet endroit pour édifier un centre de vie avec les institutions villageoises de l’ordre Jacobin, l’église, la mairie, l’école et la poste édifiées autour de la caserne et du poste de police. Ils lui donnèrent le nom d’un médecin des armées coloniales, François Clément Maillot. Le nouveau village construit sur 370 ha de terre confisquée aux propriétaires autochtones qui avaient participé à l’insurrection populaire de 1871 a accueilli le centre de surveillance de Béni-Mansour dont l’implantation révéla les limites stratégiques du commandement français après le siège dont il fut l’objet durant près de trois mois par les insurgés kabyles guidés par Cheikh Aheddad chef spirituel de la confrérie Rahmania de Seddouk.
    Depuis cette leçon militaire infligée aux tenants du Bordj de Béni -Mansour, les stratèges de la colonisation française avaient opté pour le génie populaire local, suivant l’implantation des villages coloniaux sur les places des marchés tribaux, et inter tribaux. La quasi-totalité des centres de vie de la colonisation française a été édifiée sur les marchés hebdomadaires des tribus kabyles. Malgré leur nouveauté et leur relation avec des réalisations concrètes telles les l’habitat et les édifices institutionnels, les toponymes neufs de la colonisation avaient de la peine à s’imposer, les populations locales continuaient à designer les lieux selon leur utilité ancienne.
    Ighil Boumlil, le gisement d’argile d’où les potiers tiraient leur matière première, devint Souk N Tleta, le marché du mardi pour les enfants de la tribu et Souk Imchedalen pour les tribus voisines. Le nom de Maillot s’imposa graduellement avec l’élargissement du tissu urbain de la cité coloniale.
    Apres l’indépendance, l’accélération de l’urbanisation induite par les choix industrialistes renforça le toponyme de Maillot. La volonté politique officielle d’arabiser, au moins dans la forme, le nom du lieu en le désignant sur les plaques par Mchedala, n’avait pas effacé de la mémoire collective le nom français qui collait à l’émergence d’un centre de vie urbaine.
    Entre deux toponymes à consonance étrangère la mémoire populaire a gardé celui qui exprimait une réalité tangible, un lien avec une vérité du terrain. La cohabitation des toponymes formule l’interculturalité et le mélange des ressentis forgeant des identités de forme nouvelle. Un lieu trois noms ! Ighil Boumlil pour le site géographique dans la mémoire des anciens, Souk n’Telta pour l’activité commerciale et l’utilité vécue, et Maillot pour la référence urbaine occidentale. Arriva le temps de l’islamisation ostentatoire à partir de 1990, une main malicieuse ajouta un h à la fin du mot Mchedala 6, forme arabisée du toponyme tribal amazigh Imchedalène. Le mot devint alors composé de fait de Mched et d’Allah revêtant un sens islamique sacré que l’institution scolaire amplifiera auprès des nouvelles générations qui prononcent Mched-Llah, La cité liée à Dieu.
    Le lieu-dit Ighil Boumlil, qui désignait un gisement de marne d’où puisaient les potières de la tribu, devint Souk n Tleta, un marché hebdomadaire pour les onze fractions de la tribu puis Maillot 7 par la force de la colonisation un centre villageois pour les nouveaux colons qui ont bénéficié des terres séquestrées aux fermiers kabyles ayant participé à l’insurrection de 1871.
    Après l’indépendance, l’expression populaire imposa le toponyme tribal Imchedalène à la faveur d’une renaissance culturelle de tamazight notamment dans les années 90, mais l’idéologie d’Etat arabo-islamiste accola à la région une forme arabisée avec un « Ta marbota » à la fin du toponyme ; ce qui donna Mchedala, et l’islamisation de l’environnement encouragée par le pouvoir central alla plus loin dans la déformation en instituant Mched-Llah.
    dz(0000/1111)dz

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    • #3
      1-2- Tazmalt, un village né avec le chemin de fer
      Le village de Tazmalt est de création française. Son édification sur le même schéma que celui adopté à Maillot sanctionna l’arrivée des premiers colons dans la vallée de la Soummam à la suite de la défaite des paysans kabyles insurgés en 1871. Le séquestre des terres qui avait suivi la dramatique débâcle des armées dirigées par Cheikh Aheddad et le Bachagha Mokrani, avait ramené une dizaine de colons européens pionniers du capitalisme agraire dans la région. Le village de colonisation sur la rive gauche de la Soummam avait vite grossi à la place du caravansérail de la tribu des Melikèche portant le nom de Tazerajt, variété d’olivier locale, un essor auquel avait largement contribué l’avènement du chemin de fer de 1888 à 1899.
      A l’origine Tazmalt était un Bordj, une forteresse, situé sur la rive droite de la Soummam, près du village Ay Dassen sur les terres d’At Abbas, non loin du marché hebdomadaire Larvaa pour lequel ce bordj constituait une institution de surveillance et un caravansérail.
      Crée entre 1875 et la fin du 19ème siècle sur le chemin muletier menant vers le marché inter- tribal réunissant les Abbas et les Melikèche à Larvaa le marché du Mercredi qui se tenait au lieu dit Aftis (La berge), Tazmalt prit officiellement ce nom par l’exécution du décret du président de la république française Jules Grévy sur proposition du conseil général du département d’Alger en séance du 3 Mai 1881.
      Tazmalt existait à l’époque romaine à 4 km à l’est de l’actuel chef lieu de Daïra. C’était un limes dont les ruines encore visibles, une citadelle qui surveillait la voie romaine du Cursus Publicus (courrier postal). L’endroit s’appelait Tavlazt, diminutif kabyle de Tavlastensis, lieu où jaillissent d’importantes sources dans le sens latin du terme. Ce lieu habité portait déjà le nom actuel d’Allaghane (les monticules), un carrefour stratégique d’où part la route menant au sud vers le territoire du Bachagha Mokrani et les Hauts plateaux sétifiens.
      En 1902 Tazmalt devint une commune de plein exercice, caractère qu’elle gardera jusqu’à la libération en 1962. Le toponyme proviendrait des mots amazighs Azammal, troupeau, et Azamoul, symbole. La langue arabe sortit de ces deux termes le mot zamil (Le soldat, l’homme de troupe, Zoumala au pl) la langue courante (daridja) en forma Zmala, (la troupe ). La langue Kabyle forma Tazmalt.
      La mémoire collective a retenu l’existence d’un grand campement regroupant les travailleurs, tailleurs de pierre, fabricant le ballast du chemin de fer, à proximité de l’actuelle gare ferroviaire de Tazmalt. Ces travailleurs étaient de la tribu d’At -Zmala venant d’At Mansour dans le Hodna. Tazmalt était donc le village des Zmala, les premiers ouvriers du chemin de fer reliant Beni -mansour à Bougie. Le marché de Larvaa sera déplacé vers Tazmalt le nouveau centre de vie et de rayonnement qui ramènera la tribu des Melikèche vers son ancien caravansérail. Les colonisateurs avaient ainsi divisé les tribus pour mieux les gouverner. Le marché d’Aftis, sera désigné par Larvaa Taqdimt (l’ancien mercredi)
      En 1952, le mouvement des Oulémas musulmans venu inaugurer la mosquée du village, proposa de changer le nom de Tazmalt par son arabisation en Oum Lqora, la mère des cités, en référence au Caire qui était Oum Dounia, la mère du monde. La population ne retint pas cette dénomination n’ayant eu rien à reprocher au toponyme amazigh de Tazmalt.
      1-3- Tavlazt, une ferme kabyle gardée par un limes
      L’influence historique et celle de l’économie sur les toponymes sont déterminantes dans certains cas de figure. La ferme expérimentale d’Allaghane illustre bien cette évidence onomastique. L’oliveraie d’ Allaghane aux temps du roi Juba, portait le nom d’Ikharvène, les ruines, en référence à une cité détruite par un séisme, le nom a survécu, il dénomme de nos jours dans une localité de la même commune au pied du Djurdjura. Elle s’appellera Tablast diminutif kabylisé du nom latin Tavlastensis, donné au Limes romain, forteresse de surveillance de la voie romaine. Elle prendra le nom de Lbir leqsar, aux temps des dynasties berbères toponyme créant un lien entre la source et la forteresse qui gardait la route, une arabisation en fait du mot latin Tavlastensis.
      Ayla n Beylik, la propriété de la régence, au temps turc deviendra Madame Georges à la fin du 19ème siècle sous la colonisation française, du nom de la propriétaire exploitant le domaine de 187 Ha. Depuis l’indépendance c’est la valse des toponymes : Ayla Lcommi, le bien commun, l’espace collectif en 1962 dont la réappropriation était tant attendue par les héritiers des familles séquestrées après la révolte de 1871 puis ce sera Lcomiti, ce terme qualifiera le domaine autogéré entre 63 et 1966 comme pour établir l’hégémonie du « comité de gestion » sur cet espace. Après l’échec de l’expérience de l’autogestion apparaîtra vers 1970 la désignation « ferme Mira » du nom du Chahid Mira Abderrahmane exprimant la légitimité historique, l’un solides des piliers du régime autoritaire d’Alger. Dans les années 90 "La pépinière" s’imposera pour exprimer la nouvelle classification des terres de l’Etat.
      Actuellement elle est désignée par L’Firma G wallaghen. Un toponyme interculturel où le mot français Ferme est exprimé en arabe et la localité en amazigh, un résumé en somme des trois grandes époques, la berbère, l’arabe et la française, c’est ça l’algérianité.
      Les ruines romaines du limes gardien de la route surveillent avec leurs pierres aux multiples gravures les changements indus des toponymes pour rétablir l’originel. La ferme oléicole a changé de nom suivant son usage et les périodes historiques. Cet exemple montre que chez les Kabyles comme pour les autres civilisations, l’utilité est le principe qui préside à la dénomination des lieux de création de richesse matérielle et intellectuelle, notamment les territoires agricoles. Accoler des noms indus anachroniques n’ayant aucun lien avec la vocation du lieu suscite d’emblée le rejet populaire qui réactive la symbolique historique qui traverse la mémoire collective.
      dz(0000/1111)dz

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      • #4
        1-4- Bgayet, la ville au nom de ronce
        Bgayet serait dérivé du nom amazigh de la ronce, Tabegayt, plante caractéristique des collines environnantes. Le lieu habité prit ce nom sous les empires numides entre 950 et l’an 25 Av Jc. Les légions romaines construiront Saldaé, un quart de siècle avant notre (25 Av J-C 430 ). Les vandales ne changeront pas la dénomination de la localité maritime (430-533), les Byzantins non plus (534-647).Les arabes dans leur conquête (647-743) ont pérennisé le nom amazighe de Bgayet en lui donnant une consonance guerrière Begaya avec le sens "les survivants". Les survivants aux batailles gagnés par les musulmans s’étaient refugiés dans les monts forestiers et les collines de ronce. Les dynasties berbères vont se succéder sur la localité de 776 à 1512. Sur les neuf dynasties les Hammadites donneront à Bgayet le nom de Naciria, la cité du prince Moulay Ennacer. Ce toponyme ne survivra pas au moyen âge, durée marquée par d’intenses échanges marchands entre la cité Hammadite et le sud de l’Europe. Les marchands vénitiens de cire donneront à Bgayet le nom de Bugéa, Bougia en référence à la cire fabriquée dans la région. Le nom de Bouzana, la basane, peau de mouton tannée, avait collé aussi durant quelques temps à la ville mais c’est Bougia qui sera francisé en Bougie bien avant la colonisation française. A l’indépendance l’Etat algérien arabisera le toponyme par Bejaia. Avec la renaissance de la culture Amazighe la ville reprend progressivement son nom Kabyle.
        La ville de Bgayet l’amazighe a changé de nom six fois durant son histoire millénaire,Tabegayt, aux temps des royaumes numides, Saldaé sous les romains, Begaya, à la conquête arabe, Naciria sous les Hamadites, Bugia et Bouzana au moyen âge, Bougie sous les Français, et officiellement Bejaia dans l’Algérie indépendante. On notera que les Vandales, les Byzantins, les espagnols et les turcs n’avaient pas renommé la ville.
        Bgayet a repris son nom amazigh, depuis que le Chanteur Cherif Kheddam a remis ce joli toponyme dans la vitrine de la mémoire collective avec sa fameuse Vgayet "Telha d rruh n leqvayel."
        Conclusion
        C’est une lecture de la nature de l’Etat algérien et de ses rapports à la citoyenneté que nous livre l’onomastique en général notamment par la persistance voire la résurgence de la toponymie coloniale. Espace de souveraineté par excellence la dénomination des lieux ouvre de multiples voies à l’expression populaire. Il est vain de renommer les choses qui ont gardé la même logique d’asservissement du petit peuple, le même fonctionnement ! Pourquoi coller des noms glorieux à des lieux, des institutions, des entreprises, des chantiers qui reproduisent l’humiliation coloniale !
        Empêchée par des lois jacobines de donner des noms aux lieux qu’elle habite, limitée même dans le choix des prénoms de ses propres enfants la population algérienne en général et la population Kabyle en particulier, crée ses mythes et son monde symbolique en donnant des noms officieux aux lieux habités, aux espaces publics, aux routes, aux rivières, aux zones d’activité économique, aux fermes et chantiers de construction. Elle donne des prénoms qu’elle aime à ses enfants même si auprès de l’administration elle s’incline devant la loi absurde en acceptant un prénom qui ne figurera que sur le papier, reflexe qui rappelle bizarrement l’époque coloniale après un demi-siècle d’indépendance symbolique ! Cet affrontement entre la culture vécue et la culture officielle est l’expression concrète de la persistance de l’esprit jacobin du colonisateur endossé et perpétué par les institutions de l’Etat algérien.
        Refusant les désignations venues d’en haut qui souvent heurtent la vocation des lieux, le vécu citoyen et l’histoire locale, les populations remontent de la mémoire collective des toponymes exprimant des périodes de gloire, réhabilite des patronymes oubliés symbolisant l’épopée des résistances populaires aux multiples et successives colonisations. Elle grave ainsi son génie dans la terre rocheuse des ancêtres contre l’oppression et l’humiliation de la culture officielle.
        Laurent Charles Féraud (1829-1888) interprète militaire. Il a participé aux principales opérations de conquêtes de la Kabylie de la Soummam. Son ouvrage "Essai de grammaire kabyle et dialogue français-kabyle", témoigne de sa bonne maitrise des langues kabyle et arabe
        (1) Certains auteurs notent que le mot Mchedalla s’écrivait avec un H du temps de la colonisation française, la mémoire locale retient néanmoins que le H n’était pas prononcé. Mchedala étant le pluriel arabe du vocable amazigh Amchedal qui signifie "le roux"
        (2) "Le village de Souk el Tleta, situé sur le territoire de la tribu Mchedalla, département d’Alger portera à l’avenir le nom de Maillot" conformément au décret du président de la république Jules Grevy du 3 mai 1881. Le 2 juillet 1881, Souk N’Tleta devint officiellement maillot. Le buste du médecin, don de son épouse Pauline Clabecq, fut exposé sur la place publique du nouveau village.

        source le Matin dz
        dz(0000/1111)dz

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        • #5
          A l’indépendance l’Etat algérien arabisera le toponyme par Bejaia
          saha katiaret
          pour plus de préçisions , la ville a toujours portée simultanément ces deux noms " Béjaia" et "Bgayeth" , à contrario de ce qui est dit dans le texte ,ce n'est pas l’État Algérien qui l'arabisa et ceci est du à son histoire particulière et singulière.
          la première est une appellation intra-muros et la seconde plutôt extra-muros .

          tes posts sont toujours intéressants.
          Dernière modification par xenon, 22 juillet 2014, 12h40.
          ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
          On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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          • #6
            A l’indépendance l’Etat algérien arabisera le toponyme par Bejaia
            N’importe quoi comme d'habitude.

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            • #7
              Etant des At-Yenni, séparés de l'ex "Maillot" juste par la chaîne de Ǧeṛǧeṛ (Djurdjura), pour nous, c’est toujours par un pluriel que nous désignons les habitants de ce qui est devenu Maillot puis Mcheddala puis déformé en Mched ? (qui ne veut rien dire) Allah !! D’ailleurs nous avons une grande famille à Tawrirt-Mimun qui en langue locale s’appelle "Imceddalen", probablement a traversé pour une raison quelconque la montagne pour se réfugier sur la colline à Tawrirt Mimun.

              Chez nous, Amceddal (singulier), désigne la fourmi rouge, très active avec pluriel (Imceddalen). Dans la famille de chez nous, il y a des "rouquins". Est-ce là la raison qui a donné le nom aux habitants de Imceddalen de derrière la montagne. Ont-ils une origine... nordique ? On peut aussi s’interroger sur Ǧeṛǧeṛ : Djurdjura: Ǧeṛ ou Gor, désigne tout ce qui est élevé : Ǧeṛǧeṛ, pour moi, parce qu’il y a deux chaines de montagne avec celle de devant Kouriet ?

              De même At-Yenni,pour moi ne désigne nullement "les fils de jean", ni de "Yanisser :Janisser", mais dérive de la racine "Enni", monter. Ceci, je l’ai trouvé dans la vallée de l’Ourika, à Marrakech. J’ai discuté avec un enfant qui proposait son cheval pour touristes. Après avoir sympathisé, je lui ai dit comment il appelait un cheval. Il m’a dit "Ayis". Il m’a ensuite proposé de visiter les cascades qui se trouvaient sur les hauteurs : "Trit at nniḍ a neddu s icellaten”= Veux-tu monter, aller aux cascades ? Enni a est la racine de :Igenni, Isni, Asemnenni, Issegni…etc=ce qui est haut,monter.. Cascade se dit aussi:Imuzzer, de "ZZER", aller vers le bas: Azrar, izzer...

              De même Djer,se retrouve dans Oued Djer (à Miliana), At-Idjer, Tala n Idjer à côté de Aẓṛu n Ḍhuṛ, d’où l’on voit tout=belvédère déformé en Azru n Thur (heure de la prière). Or en arabe l’heure de la prière se dit DUHR, pas DHUR ! Le «h» est en 2ème position dans la dénomination locale, et en 3ème si on veut «arabiser» ! De même le pluriel de "Djazira", Ile, n’a jamais été Djazaïr, mais Djouzour ! Mers el Kebir, ne désigne pas le port, puisque Marsa est féminin ! On devrait alors dire "Marsa Lekbira". En fait, le nom est purement berbère : Amers (singulier) = terre à blé, pluriel Imrirsen !

              Nous avons à At Yenni un champ qui s’appelle Imrirsen, et… il n’y a pas de port en montagne, pas même à Warzazate, en plein désert au Maroc où il y a "Amers" ! Azugen par extension veut dire sourd, mais "qui ne communique pas avec l’extérieur", d’où la courette de la maison kabyle : "Berra azug" ! De la même façon «Bordj» n’est pas un nom turc, puisqu’en latin (j’étais l’élève de mon cousin Mouloud Mammeri), on dit "Bordii" pour signifier une fortification, les Romains étant avant les Turcs en Algérie ! Quant à Bgayet devenu Bjaya,c’est une anomalie de la langue arabe devenue «sacrée», où il n’y a pas le son "G" de garage par exemple .Le même son "G", selon le transcripteur devient «GH = Ghana» comme dans mon prénom "Gana" "J" dans "Bjaya" au lieu de "BGAYA", plus proche de la toponymie locale, De là toutes les anomalies de l’état civil !! Maintenant si on admet que "aya" =plage ? Turc ? nous avons Beg ?(Aya), Yemma GUR=élevé comme dans Gergour, (aya) Aïn t-(Aya) Aqbu=Akbou = cuvette feminin=Taqbuct

              Ar abrid nniden*

              Gana Mammeri
              "La chose la plus importante qu'on doit emporter au combat, c'est la raison d'y aller."

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              • #8
                Quand des bêtises deviennent vérité pour certains, c'est là qu'est l'os.

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                • #9
                  Derrière les lions Toponymie. origine des noms de lieux en Algérie

                  Où l’on découvre pourquoi et comment «Oran» et «Tiaret» signifient la même chose.
                  Wihran, Wahran, Ouaran, Ouarân, Wahrân, Wihrayn, Ouadaharan, Horan, Oran, ou Tihart, Tahart, Tihârt, Tâhart, Téhert, Tiharet, Tiaret, Tiyaret, etc. Voilà des noms de lieux (ou toponymes) aussi proches l’un de l’autre sur un plan sémantique et aussi éloignés sur le plan de l’écriture ! Pour comprendre cette distorsion, il faut revenir sur les formes multiples de ces appellations et leurs adaptations à travers l’histoire, selon des périodes historiques précises et en fonction des langues en usage, aussi différentes que tamazight (avec ses variantes), les parlers locaux (arabe algérien ou maghrébin) et même le grec, le latin, le punique, l’arabe, l’espagnol, le français.
                  Les choses sont certes délicates, mais pas impossibles : les voies du Maghreb ne sont pas aussi obscures et impénétrables que ne le pensent certains historiens coloniaux… Bien au contraire, cette multiplicité dans les usages linguistiques d’aujourd’hui – comme de tout temps, d’ailleurs – obéit à des lois d’évolution naturelle de toute langue. C’est à travers ces diverses réalisations linguistiques de la dénomination d’un même lieu que nous recherchons justement l’élément constant, et forcément il y en a un.
                  Les deux noms Wahran et Tihart sont cités au Haut Moyen Age (Ibn Haouqal, Abbou Zakkariya, El Bekri, Ibn Saghîr…), mais nous supposons que les deux toponymes existaient avant l’arrivée des Arabes au Maghreb central.
                  «Ouahran est un port tellement sûr et si bien abrité contre tous les vents que je ne pense pas qu’il ait son pareil dans tous les pays des Berbères…», écrivait Ibn Haouqal. L’ancien maire d’Oran et spécialiste de l’histoire locale de la ville, Sadek Benkada (1988), précise que «le site a attiré, dès la préhistoire, les premiers établissements humains (…) avant et durant la période néolithique (époque de la pierre polie)». Quant à Tahert, capitale du premier Etat musulman au Maghreb central, la cité fut florissante par ses produits agricoles, son commerce avec l’Afrique et ses constructions, nous dit El Muqaddasi. Tahert aussi fut renommée par son goût du savoir, sa passion des problèmes théologiques et son degré de tolérance vis-à-vis des autres communautés religieuses et ethniques installées sur son propre territoire. Mais l’influence majeure, insiste Abdallâh Laroui, «fut purement idéologique» : Egyptiens, Persans, Irakiens, Soudanais, Chrétiens, Juifs, etc. venaient à Tahert pour la notoriété intellectuelle de la cité et la sagesse de ses imams.
                  Plusieurs hypothèses ont été avancées par des spécialistes et de non-spécialistes quant à l’interprétation de ces toponymes (Wahran, Wihran,Oran, Tihart, Tahart, Tihârt, Tiaret, etc.) qui sont, en réalité, à l’origine des hydronymes (noms de cours d’eau) : Oued Wahran, Ouadaharan, Ouad Ouahran, Oued Tihart, etc. L’hypothèse la plus plausible, reprise depuis dans toutes les explications, est celle formulée par Pellegrin, en 1949, dans son livre «Les noms de lieux d’Algérie et de Tunisie. Etymologie et interprétation». Oran ainsi que d’autres toponymes comme Tiaret, Tahert, Taher… sont des formes dérivées d’un nom de souche libyco-berbère qui veut dire «lion». Il n’a malheureusement pas été fait encore une analyse technique de l’articulation linguistique de ces vocables.
                  Noms de lieux algériens : entre appellation linguistique et récupération historique
                  Cependant, cet éminent toponymiste, mais néanmoins membre de l’Académie des sciences coloniales, fait explicitement dériver Oran et non Wahran de la forme touareg Ouaran, et non de l’autre forme tout aussi touareg et plus proche du vocable usité par les populations actuelles et anciennes, et telle que relevée par les auteurs arabes et non arabes (espagnols, portugais, italiens, français, etc.) à partir du Xe siècle : Wahran. De manière très subtile, il est suggéré que la forme française ou francisée,Oran, serait très proche du touareg Ouaran. Quant à Tiaret, Tiaret/Tihart/Tahart/Tingartia/Tingartensis, les historiens français au XIXe siècle établissent un parallèle historique ou du moins linguistique aussi curieux entre Tiaret et Tingartia.
                  Ce rapprochement était voulu et privilégié : Tiaret est un mot berbère qui voudrait dire «station» ou «résidence» (Mac Carthy, Elisée Reclus, Canal). Ce qui est faux. Ce type de rapprochement, à caractère phonique et morphologique, que nous rencontrons de temps à autre dans les discours sur la toponymie locale, est sous-tendu par des présupposés historiques, idéologiques et linguistiques précis, ceux, entre autres, de l’apparentement du berbère à un fonds linguistique indo-européen : «Un certain nombre de vocables en usage dans les dialectes berbères actuels sont issus du fonds indo-européen».
                  Usages, transcriptions, étymologie
                  Wahran fait partie de cette catégorie de toponymes qui connaissent un nombre important d’interprétations. Les formes relevées pour Oran par les historiens arabes, espagnols, portugais, etc. sont : Wahran, Ouaharan, Oued el-Haran, Ouaran, Ouarân, Ouadadaharan, Horan, Oran (Ibn Haouqal, el-Bekri, al-Muqqadassi, al-Idrissi, Abdel Rahman Ibn Khaldoun, Yahya Ibn Khaldoun, al-Mazari, al-Ziyyani, Fey, général Didier-Berard, Mazouni, Bouchiba…).
                  De prime abord, du point de vue lexical, nous avons affaire à un nom composé : Oued + Wahran / Oued + Ouaran / Oued + Haran / Oued + Horan. Le nom est arrivé jusqu’à nous sous la forme d’un nom simple (Ouedharan/Ouadhoran…) pour des raisons d’économie du langage.C’est également le cas pour Arzew (Oued Arzew), Témouchent (Aïn Témouchent), Chlef (Oued Chlef), Tlilat (Oued Tlilat), Sougueur (Oued Sougueur) et d’innombrables lieux-dits en Algérie. Nous relevons, à travers les transcriptions passées, l’agglutination de Wahran avec son générique Oued «wed» (cours d’eau en arabe) : Ouad (Ouadaharan). Si nous décomposons, dès lors, Wahran, nous relèverons la racine «HR». Ses dérivés lexicaux «ahar» ou «ihar» sont des termes berbères que nous retrouvons chez les Touareg de l’Ahaggar et d’autres locuteurs au Maghreb. La forme plurielle est déclinée sous «aharan» et «iharan», qui désignent «les lions». En effet, le terme «aharan», «lions», est nettement décelable dans les transcriptions passées citées plus haut.
                  Ouadaharan = Ouad + Aharan. En réalité, du point de vue morphologique, Wahran est également un nom composé avec trois unités lexicales (W + AHAR + AN) ou avec 4 unités lexicales (OUAD + W + AHAR + AN). La présence de «W» ou «OUA» de Wahran/Ouahran peut être élucidée si nous faisons appel à la linguistique berbère. W (OUA) + AH (a) RAN est relevé dans aussi bien les usages anciens qu’actuels, de même que dans les transcriptions citées plus haut. «W»/«OUA» est une particule grammaticale en berbère qui exprime l’appartenance et qui signifie : «de» ou «des» – le An de «ahar-an » est une des marques du pluriel dans la langue berbère. Donc, w – aHaR – an, littéralement, veut dire «des lions».
                  .
                  dz(0000/1111)dz

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                  • #10
                    Nous relèverons, en outre, une autre pratique, recensée dans les usages actuels et anciens: l’alternance vocalique (i – a) pour les toponymes : wihran/tihart, wahran/tahart. Les deux constructions sont explicables. (t) IHAR (t) ou (t) AHAR (t) signifierait alors «la lionne». Les deux «t», à l’initiale et à la finale, sont la marque du féminin en berbère. Si Wahran signifiait «des lions», qu’est-ce qui seraient, alors, «des Lions» ? Là, personne, du moins jusqu’à présent, dans l’état actuel de la documentation, ne pourra restituer, avec certitude, le premier composant de ce toponyme, mais il est sûr que lorsqu’on rencontre des noms de lieux aussi anciens que Wahran, le premier composant est, lui aussi, également ancien, voire archaïque.
                    Des transcriptions orthographiques d’Oran et de Tiaret
                    Deux tendances caractérisent, d’après les transcriptions relevées à travers l’histoire, la restitution du vocable wahran : celle qui marque ou non la présence de la laryngale sourde [h]. Cela nous donne deux versions. La première avec [h] : waHran, ouaHaran, oued el Haran, oued el ouaHaran, oued el Horan. La seconde sans [h] : ouaran, ouarân et même oran. Si Wahran a été relevé Ouaran, Ouarân, Oran, cela pourrait relever probablement du choix des auteurs des présentes transcriptions, c’est-à-dire, en tant que locuteurs étrangers, apparemment de langues indo-européennes, les systèmes phonétiques et phonologique de leurs langues maternelles ou d’usage ne contiennent pas un certain nombre de sons spécifiques aux parlers algériens (berbère-arabe), exemple [h] [dh] [ŧ]. Ils ont tout simplement supprimé le [h].
                    Par conséquent, au lieu de Ouahran, on a transcrit Ouaran : ouahran / oua (h) ran/ ouaran. Dans cette articulation, nous pouvons expliquer la forme francisée de Wahran sous la morphologie de Oran. La forme intermédiaire a été cristallisée dans Horan, Oued el-Horan, forme transcrite d’après Lespes en caractères latins sur des cartes marines dès le 14e siècle : horan (h) oran oran. On est passé de Waharan à Wahran pour des raisons linguistiques : la chute de la voyelle ouverte [a] obéit à un mécanisme d’abrègement systématique dans les parlers algériens (berbère ou arabe dialectal).
                    Etymologie arabe et imaginaire local
                    Des rapprochements ont été relevés dans les pratiques populaires et même savantes, entre Wahran et la forme supposée arabe wihr : « lion », et de son duel «wihrân» ou «wihrayn». Des arguments nous permettent de relativiser le substrat arabe du toponyme Wahran, autres ceux contenus dans Lissan al-‘arab d’Ibn Mandhûr quant à la définition de «wihr». Cependant, dans certains usages linguistiques, Wahran est devenu Wihrân, avec la longueur et, pour d’autres, Wihrayn avec la consonne «y», désignant les formes du duel irrégulier dans la langue arabe classique : «deux lions».
                    En premier lieu, il semble que la présence imposante de statues de lions à l’entrée du bâtiment de la mairie d’Oran, au nombre de deux précisément, aurait influencé l’imaginaire oranais. Les deux statues ont été construites par l’administration coloniale française en 1888, bien avant une cinquantaine d’années environ que ne soit établie l’hypothèse sémantique de Wahran, avec le sens de «lions». Il semble peu probable, à l’époque, qu’un lien linguistique sémantique soit établi entre Wahran et les deux imposants lions. Il nous semble que c’est plutôt une armoirie espagnole sculptée (Charles XV), déposée actuellement au Musée Zabana d’Oran, qui ait inspiré les autorités françaises coloniales d’Oran : deux lions font justement partie de cette composition picturale.
                    Cervantès dans, notamment, L’Ingénieux Hidalgo don Quichotte de la Manche et Nouvelles exemplaires parle de ces fauves. Dans le célèbre Don Quichotte, le célèbre écrivain parle des beaux lions ramenés d’Oran. De toutes manières, ils sont repris tels quels durant la période coloniale et pérennisés sur les frontons de l’administration oranaise locale, passée et présente.
                    Indications techniques sur la prononciation de Wahran et Tiaret
                    Quelques auteurs, dans un souci de précision sémantique, donnaient des indications formelles techniques sur la réalisation de tel ou tel vocable. Ainsi, ez-Ziyyani au 19e siècle, notait, de manière on ne peut plus normative, que l’appellation «correcte» du nom de la ville se réalisait avec l’emploi de la voyelle ouverte [a] et non avec la voyelle fermée [i], donc wahrân et non wihrân. De manière explicite, il considère et prescrit que l’emploi de la voyelle [i] dans Wihrân est d’un usage fautif : «wahrân bi fethi el wêw» précise-t-il. Plus loin encore, au XIIIe siècle, Yagout al-Hamawi, dans son Dictionnaire, souligne avec précision et minutie, l’articulation graphique et typographique, en énumérant un à un tous les sons du nom de wahran. Il note que l’emploi de la voyelle ouverte [a] ouvre la prononciation du toponyme (rejetant d’emblée le [i]), suivi de la laryngale sourde [Һ] + [i], l’uvulaire [x] + [a] + alif + nun.
                    Nous voyons, par conséquent, que l’alternance [a/i] (wahran/wihran) avait déjà fait, depuis bien longtemps, l’objet de commentaires les plus divers. Avec moins d’ambiguïté, c’est également le cas de l’articulation tihart/tahart. Al Idrissi, Ibn Khaldoun et El Bekri écrivaient Tîhart, Ibn Saghîr et Aboul Fodha notaient Tâhart. Quant à «Tiaret», il s’agit d’une francisation à la fois de Tihert et de Tahert. Canal relève dans sa monographie qu’Ernest Mercier a transcrit «Tiharet», «dont nous avons par simplifications fait Tiaret» souligne cet auteur. «Tiyarat», terme en usage actuellement, serait donc la dialectisation arabe d’une forme francisée d’un vocable amazigh à l’origine

                    F. B. : Docteur en sciences du langage, expert national et international en toponymie, ancien doyen de la faculté des Lettres et des Arts de l’Université de Mostaganem
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                    • #11
                      Quand des bêtises deviennent vérité pour certains
                      en a déja passer par jore de topic le domaine des étude du mons

                      http://www.algerie-dz.com/forums/showthread.php?t=70225
                      dz(0000/1111)dz

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                      • #12
                        en a déja passer par jore de topic le domaine des étude du mons
                        Ignore le Katiaret
                        Lui répondre c'est trop d'honneur!
                        "La chose la plus importante qu'on doit emporter au combat, c'est la raison d'y aller."

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                        • #13
                          Ignore le Katiaret
                          Lui répondre c'est trop d'honneur!
                          C'est l'ignorance qui fait un carton plein, la preuve une phrase pour rien.
                          L'honneur a bon, mais qu'est ce que cela veux dire ?
                          Dernière modification par wouhou, 26 juillet 2014, 13h57.

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