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Coran : histoire d’un livre

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  • Coran : histoire d’un livre

    Considéré par les musulmans comme un livre sacré, révélé par Dieu au prophète Mohammed, le Coran a également une histoire qui permet de le comprendre et de saisir les conditions de son apparition.

    Dans l’imaginaire religieux musulman, les prophètes sont d’abord des faiseurs de miracles. Ces hommes, au physique ordinaires et aux origines sociales souvent modestes, ne peuvent accéder au statut de messagers de Dieu et de guides spirituels s’ils n’accomplissent pas de faits surnaturels, d’actions que seuls des individus élus par la volonté divine sont capables de produire. Selon cet imaginaire, partagé avec d’autres religions monothéistes, Abraham a affronté les flammes d’un bûcher et le supplice du feu infligé par un roi injuste et arrogant, Moïse s’est frayé un chemin dans la mer pour échapper à ses ennemis et Jésus est né d’une immaculée conception et a guéri des lépreux et des aveugles. Mais pour Mohammed, le prophète de l’islam, le miracle qu’on lui attribue est tout autre. Il n’est ni surnaturel, ni d’ordre magique. Il s’agit d’un livre : le Coran. Ce dernier est présenté comme une révélation reçue de Dieu, que les hommes ne peuvent ni reproduire ni imiter. Pour les musulmans, le Coran est la parole divine transmise à Mohammed, directement ou par l’intermédiaire d’un ange, qui contient l’essentiel de la religion dont ils sont les fidèles adeptes. Le Coran est considéré alors comme une voie spirituelle, un code de loi, un récit d’histoires, un texte littéraire ou un ensemble de métaphores dont le sens est à explorer sans cesse. Une multitude d’aspects qui explique certainement le nombre d’interprétations et de lectures dont il a fait l’objet depuis 14 siècles. Le calife Ali, qui a remarqué cela dès le début de l’islam, affirmait que « le Coran est deux lignes inscrites dans un livre, et ce sont les hommes qui les interprètent ». Du soufi qui décèle dans le Coran des symboles sur le rapport avec Dieu et le monde, au salafiste qui s’accroche à la litteralité du texte et rien qu’à lui, en passant par le lecteur rationnel qui essaye de trouver une finalité dans les versets pour les faire correspondre aux besoins de son monde… L’histoire de l’islam et son évolution ont toujours dépendu des débats autour du Coran et sa compréhension.

    Mais comme tout autre livre, divin ou humain, le Coran a une histoire, des conditions d’apparition et de naissance, des hommes et des femmes qui ont contribué à son « élaboration » , une logique et un sens qu’il faut extraire et comprendre. Le développement des études sur le Coran et les éclairages portés par des disciplines scientifiques comme l’archéologie nous permettent de jeter un nouveau regard sur un texte qui n’a pas encore livré tous ses secrets.

    Un livre inimitable  ?

    A la veille de la naissance de l’islam, les Arabes accordaient une place particulière à la langue, la rhétorique et l’art de manier les mots. Une culture de l’oral, plutôt que de l’écrit, et des joutes oratoires qui anoblissaient un homme et rehaussaient son prestige autant que ses prouesses sur un champ de guerre. Les plus beaux poèmes, les fameuses « moâllaqat », étaient presque vénérés au point de les suspendre sur les murs de la Kaâba, le sanctuaire mecquois. L’islam est donc né dans ce contexte, et la réponse devait y correspondre. C’est pour cette raison que le Coran a été présenté comme un défi littéraire, un gant jeté aux poètes et rhéteurs arabes, sommés de l’imiter ou de composer un texte plus fort et plus éloquent. « L’inimitabilité du Coran » est présentée alors comme le principal miracle du prophète Mohammed. Mais cet argument doit faire face à l’évolution de la société, notamment après l’expansion de l’empire musulman. De nouveaux peuples (perses, turcs, berbères, chinois…), qui ne maîtrisent pas la langue arabe ont intégré l’islam, reposant ainsi la question du miracle littéraire du Coran. Des libres penseurs comme Ibn Rawandi ou Ibn Al Moqafaâ attiraient l’attention sur cet aspect, en se demandant en quoi l’éloquence du Coran est-elle un miracle pour un non-Arabe. Pour contourner cette critique, des lecteurs rationalistes du Coran, comme les Moâtazilite, ont estimé que le miracle du livre sacré de l’islam est dans son sens, son message universel, et ne peut être réduit à une beauté formelle et stylistique.

    Quelle est la logique des sourates et des versets ?

    Dans les mosquées, et aux quatre coins du monde, le Coran est lu et récité selon un ordre bien particulier: celui des sourates et des versets qui le composent. Le Coran est composé de 114 sourates, dont la plus longue contient 286 versets, et les plus courtes n’en contiennent que trois. Cet ordre de répartition et de succession a été choisi et élaboré lors de la collecte des fragments coraniques par le calife Othmane. Un ordonnancement qui n’obéit pas à un critère chronologique, c’est-à-dire selon la date de leur révélation à Mohammed. La logique de l’agencement est de progresser dans la lecture des sourates les plus longues, au nombre de sept, vers les plus courtes, en passant par des sourates composées de plus de cent versets. Cet ordre était probablement connu du temps du prophète. Des hadiths et récits indiquent que lors de la révélation de certains versets, Mohammed indiquait leur emplacement et demandait à ses scribes et compagnons de les adjoindre à d’autres, déjà connus. Le lieu de révélation du Coran, à La Mecque ou à Médine, permettait de donner une indication sur l’ordre des sourates et des versets, mais ce critère chronologique n’a pas été adopté. Toutefois, cet exercice a été tenté par certains compagnons du prophète, ainsi que par des théologiens musulmans, mais leur valeur a toujours été informative. Ce n’est qu’avec le développement des études orientalistes sur le Coran que cette tentative a pris de l’ampleur, pour essayer de dégager un nouveau sens et une compréhension du livre sacré de l’islam. Parmi ces tentatives figure l’œuvre de l’orientaliste allemand Theodor Noldekee, qui a rédigé en 1860 un livre de référence sur le Coran, où il a essayé d’établir un nouvel ordre des versets. Une tentative poursuivie plus tard par l’orientaliste français Régis Blachère. Dans sa traduction du Coran, Blachère a mis en place une succession des versets, qui se base sur la date de leur révélation, mais aussi sur un ordre interne de sens et de buts qui correspondent à une phase de l’évolution du message coranique.

    Un Coran de La Mecque et un Coran de Médine ?

    On distingue généralement deux grandes phases dans la prophétie de Mohammed : celle des débuts, qui a duré entre 10 et 15 ans selon les sources, où il appelait les membres de sa tribu mecquoise à rejoindre l’islam, et une seconde phase, à Médine, où il a posé les bases d’une nouvelle religion, mais aussi d’un nouvel État. La première partie est marquée par la fragilité, la persécution et l’obstination de convaincre, tandis que la seconde se distingue par le besoin de construire, de légiférer et de fournir les fondements d’un pouvoir politique et terrestre. L’influence de cette distinction entre la nature de l’islam à La Mecque et à Médine se fait sentir même dans le Coran. À partir du deuxième siècle de l’Hégire, les commentateurs du livre sacré commencent à s’intéresser à cette différenciation et à répartir les sourates du Coran selon leur révélation à Médine ou à La Mecque. Pour d’autres projets ultérieurs, elle servira à fournir un nouvel ordre et un agencement du texte coranique. La différence entre « le Coran de La Mecque » et « le Coran de Médine » réside au niveau du style, de la taille des sourates et de l’objectif poursuivi. Les versets révélés à La Mecque sont plus courts, incisifs, avec un grand souci du rythme et de l’éloquence. Ces sourates s’intéressent essentiellement à la foi, à la méditation, à la description du paradis et de l’enfer et au monde intérieur et spirituel des hommes. Leur forme se rapproche plus de la poésie avec ses rimes et son rythme particulier. Le but de ce « Coran de La Mecque » est de convaincre de plus en plus d’individus d’adhérer à l’islam et de construire une communauté spirituelle et religieuse. Quant aux sourates révélées à Médine, elles sont généralement plus longues et informatives. Elles correspondent à l’évolution politique de l’islam, qui dispose désormais d’un noyau d’État, d’une capitale où des problèmes d’organisation juridique et politique commencent à se poser. Un Coran pour persuader et convaincre, et un deuxième pour s’affirmer et construire.

    Tel quel
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