L'affaire de l'homme d'affaires
par Kamel Daoud
Un midi parfait. Au centre parfait. A gauche Bouteflika. Ou plutôt le non-Président médiatique. Absent mais vu de dos. Elu mais disparu. Les Algériens se sont habitués au non-Etat puis au non-Président. Le vaste corps est sans tête et l'autre tête est sans corps mais les deux cohabitent. Etrange corps national composé. Pour le crash de l'avion au nord Mali, la France a eu les boîtes noires, le beau rôle, les images, la parole et les grands gestes de scène. L'Algérie a eu son sigle sur ce qui ne fonctionnait pas : l'avion. Du coup, Hollande le Français en a fait une occasion pour décoller dans les sondages. Le nôtre n'a pas besoin de sondages. C'est un non-Président. Il se fait remplacer par son Frère qui se fait remplacer par un homme d'affaires qui est lui-même accusé d'avoir fait remplacer le PDG de Sonatrach. Vrai ou faux ? Peu importe, la croyance n'a jamais été une affaire de vérité. En face, le peuple se fait remplacer par les Chinois. Dans les quartiers chauds, la police se fait remplacer par les imams pour calmer les gangs. Etrange.
Il faudra donc en parler de cet homme d'affaires. Au moins pour qu'il prenne la parole à son tour. En gros, le « pouvoir occulte » a subi une évolution esthétique dans les imaginaires people. On est passé des « Frères » pendant la guerre, au trio pendant l'ère Boumediene. Puis à Tewfik, alias le Général Mediene pendant vingt ans. Puis ? Cela a éclaté : premier cas de putsch d'un civil contre les militaires. Cela s'est passé chez nous selon le roman national : Tewfik est parti et le DRS est « tombé » selon Saidani le porte-parole des putschistes. Vrai, selon certains qui regardent attentivement, mais c'est seulement un putsch esthétique : Tewfik le militaire a été remplacé par un Tewfik civil. On parle d'esthétique et d'imaginaire, pas de faits, rappelons-le. En gros, on est passé du « Grand Frère » au frère. C'est là que l'imaginaire algérien, conditionné par le maquis, et ne pouvant fonctionner sans l'hypothèse d'un pouvoir occulte, a trouvé le nom d'un homme d'affaires. Louiza Hanoun, grande parano nationale, autant que le bon peuple le voient désormais derrière chaque acte, appels d'offres, grands marchés, chantiers, derrière « huit ministre recrutés », et derrière le limogeage du dernier PDG de Sonatrach. Vrai ? On ne sait plus. Tout est complexe. Nous sommes un non-peuple qui ne peut pas avoir des infos parce qu'il n'a pas le pouvoir. C'est le Roman national du pouvoir, mêlant mystique, théorie, faits, rumeurs et diffamation. Peut-être que cet homme n'existe même pas. Ce qui est sûr c'est qu'il n'a pas une compagnie aérienne ni une pharmacie, mais un peu plus...
Fascinant donc ce besoin viscéral de l'opinion de construire l'interprétation sur l'hypothèse d'un homme occulte. Depuis toujours.
Depuis toujours, il y a eu un homme d'affaires dans les noces du régime. Et qui finit toujours mal, inculpé non pour ce qu'il a fait, mais pour ce qu'il représente. Les plus vieux se souviennent de l'affaire Zeghar, les autres de Khalifa.
En gros, le casting est connu : un homme d'affaires, deux ou trois généraux de soutien, critiques ou faussement obéissants, un Président inquiet ou usé, sa famille autour avec une tendance monarchiste au téléphone, une opinion belliqueuse et traître, des intrigants à Alger. Cela finit par un départ du Président, un exil de la famille, une retraite pour les généraux et très mal pour l'homme d'affaires. Toujours. C'est dans le roman national du pouvoir et de ses mœurs. Un étrange cycle.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran .
par Kamel Daoud
Un midi parfait. Au centre parfait. A gauche Bouteflika. Ou plutôt le non-Président médiatique. Absent mais vu de dos. Elu mais disparu. Les Algériens se sont habitués au non-Etat puis au non-Président. Le vaste corps est sans tête et l'autre tête est sans corps mais les deux cohabitent. Etrange corps national composé. Pour le crash de l'avion au nord Mali, la France a eu les boîtes noires, le beau rôle, les images, la parole et les grands gestes de scène. L'Algérie a eu son sigle sur ce qui ne fonctionnait pas : l'avion. Du coup, Hollande le Français en a fait une occasion pour décoller dans les sondages. Le nôtre n'a pas besoin de sondages. C'est un non-Président. Il se fait remplacer par son Frère qui se fait remplacer par un homme d'affaires qui est lui-même accusé d'avoir fait remplacer le PDG de Sonatrach. Vrai ou faux ? Peu importe, la croyance n'a jamais été une affaire de vérité. En face, le peuple se fait remplacer par les Chinois. Dans les quartiers chauds, la police se fait remplacer par les imams pour calmer les gangs. Etrange.
Il faudra donc en parler de cet homme d'affaires. Au moins pour qu'il prenne la parole à son tour. En gros, le « pouvoir occulte » a subi une évolution esthétique dans les imaginaires people. On est passé des « Frères » pendant la guerre, au trio pendant l'ère Boumediene. Puis à Tewfik, alias le Général Mediene pendant vingt ans. Puis ? Cela a éclaté : premier cas de putsch d'un civil contre les militaires. Cela s'est passé chez nous selon le roman national : Tewfik est parti et le DRS est « tombé » selon Saidani le porte-parole des putschistes. Vrai, selon certains qui regardent attentivement, mais c'est seulement un putsch esthétique : Tewfik le militaire a été remplacé par un Tewfik civil. On parle d'esthétique et d'imaginaire, pas de faits, rappelons-le. En gros, on est passé du « Grand Frère » au frère. C'est là que l'imaginaire algérien, conditionné par le maquis, et ne pouvant fonctionner sans l'hypothèse d'un pouvoir occulte, a trouvé le nom d'un homme d'affaires. Louiza Hanoun, grande parano nationale, autant que le bon peuple le voient désormais derrière chaque acte, appels d'offres, grands marchés, chantiers, derrière « huit ministre recrutés », et derrière le limogeage du dernier PDG de Sonatrach. Vrai ? On ne sait plus. Tout est complexe. Nous sommes un non-peuple qui ne peut pas avoir des infos parce qu'il n'a pas le pouvoir. C'est le Roman national du pouvoir, mêlant mystique, théorie, faits, rumeurs et diffamation. Peut-être que cet homme n'existe même pas. Ce qui est sûr c'est qu'il n'a pas une compagnie aérienne ni une pharmacie, mais un peu plus...
Fascinant donc ce besoin viscéral de l'opinion de construire l'interprétation sur l'hypothèse d'un homme occulte. Depuis toujours.
Depuis toujours, il y a eu un homme d'affaires dans les noces du régime. Et qui finit toujours mal, inculpé non pour ce qu'il a fait, mais pour ce qu'il représente. Les plus vieux se souviennent de l'affaire Zeghar, les autres de Khalifa.
En gros, le casting est connu : un homme d'affaires, deux ou trois généraux de soutien, critiques ou faussement obéissants, un Président inquiet ou usé, sa famille autour avec une tendance monarchiste au téléphone, une opinion belliqueuse et traître, des intrigants à Alger. Cela finit par un départ du Président, un exil de la famille, une retraite pour les généraux et très mal pour l'homme d'affaires. Toujours. C'est dans le roman national du pouvoir et de ses mœurs. Un étrange cycle.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran .
Commentaire