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L'Argentine replonge

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    Le pays n’a pas réussi à trouver un accord avec les fonds vautours et se retrouve en défaut de paiement.
    «Ils nous demandaient quelque chose qu’on ne pouvait pas leur donner.» Le ministre argentin de l’économie, Axel Kicillof, l’a annoncé cette nuit lors d’une conférence de presse au consulat argentin de New York: après un mois de négociations serrées suivant près de dix ans de bataille juridique rangée, l’Argentine n’a pas réussi à trouver un accord avec les fonds vautours en possession de 1% de sa dette privée, et se retrouve donc en défaut de paiement. Un défaut d’un genre nouveau, certes. Baptisé au débotté défaut technique, partiel ou sélectif parce qu’il désigne une situation encore jamais vue, mais défaut tout de même. Et porteur de bien mauvaises nouvelles pour le pays sud américain à l’histoire récente déjà marquée par les crises. La dernière, datant de 2001, porte en son sein les prémisses de celle qui s’annonce.

    A l’époque, l’Argentine à bout de souffle se déclare en cessation de paiement de tous ses créanciers. Plus un centavo ne leur sera versé, Buenos Aires lèche ses plaies. Puis à force d’ingéniosité, d’imagination et de politiques sociales ambitieuses, le pays se redresse. Il parvient à se libérer de ses dettes envers les organismes internationaux tels que le FMI et la Banque Mondiale, mais surtout à restructurer une partie de sa dette privée, qui s’élevait alors à 90 milliards de dollars. 92% des détenteurs de bons argentins acceptent en 2005 puis en 2010 les conditions de Buenos Aires et allègent leurs créances de près de 70%. C’est le fameux «canje». Mais les 8% restants refusent cet accord et continuent de réclamer la totalité de leur dû. Il s’agit des fameux «fonds vautours», ainsi surnommés parce qu’ils ciblent les pays à terre, presque morts.

    Elliot Investment Management et Aurelius Capital Management possèdent 1% des titres en question, achetés au rabais alors que Buenos Aires était en défaut de paiement et dont ils réclament depuis le remboursement intégral majoré des intérêts. 1,5 milliard de dollars, soit près de 1600% de bénéfices par rapport au prix d’achat. Une Cour d’appel new-yorkaise finit par leur donner raison en 2013 et la décision de la Cour suprême datant du mois dernier a confirmé cette condamnation, initiant un compte à rebours haletant: trente jours pour payer, cash, 100%, ou bien trouver un accord satisfaisant les fonds vautours, sinon… Sinon, c’est ce qui s’est passé: pour faire pression sur l’Argentine, le juge new-yorkais a placé sous embargo le dernier versement de 539 millions de dollars destiné aux porteurs de bons restructurés, obligeant Buenos Aires à payer d’abord les fonds vautours pour pouvoir s’acquitter de sa dette auprès d’eux. C’est cette somme-là, payée par l’Argentine mais non reçue par ses créditeurs, puisque bloquée à New York, qui place «techniquement» l’Argentine en cessation de payement aujourd’hui.

    «ILS VEULENT PLUS»
    La somme paraît presque dérisoire pour un Etat, comme d’ailleurs les 1,5 milliard de dollars dus selon le juge américain aux fonds vautours, dont Buenos Aires aurait pu s’acquitter sans trop de difficulté. Pourtant, la délégation sud-américaine n’a pas cédé d’un pouce, proposant comme unique solution aux fonds vautours d’entrer eux aussi dans le «canje», avec les mêmes conditions que le reste des 93%. «Nous leur offrons 300% de bénéfices, a déclaré Axel Kicillof. Mais ils veulent plus.» Une posture idéologique, certes, mais le nœud du problème est ailleurs: si elle avait cédé aux exigences d’Eliot et d’Aurelius, l’Argentine aurait du même temps ouvert la porte aux créanciers ayant accepté le «canje» pour réclamer la totalité de leur mise. Plus de 100 milliards de dollars selon le gouvernement de Cristina Kirchner, un montant colossal pour le pays dont les réserves actuelles ne dépassent pas les 30 milliards de dollars.

    En l’absence de compromis, Buenos Aires a donc préféré entrer en défaut de paiement technique plutôt que de risquer une faillite bien réelle. «Nous avons une responsabilité historique, a souligné Axel Kicillof. Il aurait été facile de signer n’importe quoi mais de toute notre âme, nous souhaitons éviter les erreurs du passé.» Le futur s’annonce difficile et les conséquences d’un défaut de paiement, même technique, même partiel, risquent de se faire sentir sur le dollar parallèle (une politique de contrôle des changes très stricte a créé un marché noir pour l’échange de devise), sur les taux d’intérêt, l’investissement et l’inflation, mais aussi sur l’activité économique et l’emploi. La solution pourrait venir des banques privées argentines. Un faisceau de rumeurs soutient qu’elles pourraient racheter les bons des fonds vautours à la valeur qu’ils réclament, pour s’arranger par la suite avec le gouvernement.


    libération fr
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