De mémoire d’Algérien, on n’avait jamais vu cela. Si les données se confirment, ce qui est en train de se passer en Tunisie constituera une première dans les annales de l’Armée nationale populaire qui, jusqu’à présent, n’était jamais intervenue hors des frontières. Au vue de la situation chaotique en Libye et de l’embrouillamini islamo-djihadiste en Tunisie, une nouvelle donne régionale se présente dans l’espace maghrébin.
Pas un jour ne se passe sans que l’on apprenne un accrochage entre l’armée tunisienne et des éléments djihadistes qui opèrent depuis le mont Chaâmbi, dans le gouvernorat de Kasserine, situé à quelques encablures de la frontière algérienne et de la wilaya de Tébessa. Pas plus tard qu’hier, c’est une unité des forces tunisiennes qui a essuyé des tirs d’un groupe armé, non loin de la frontière. Bilan : un soldat blessé, selon le ministère tunisien de la Défense. « Lors d’une opération au Mont Semmama vers 10H20 (09H20 GMT), un accrochage a opposé l’armée tunisienne à un groupe armé », a rapporté le chargé de communication du ministère, Rachid Bouhoula sur les ondes de la radio Shems-FM. Il a expliqué que le militaire était, à la mi-journée, au bloc opératoire de l’hôpital de Kasserine. « Les opérations de ratissage contre les groupes armés sont en cours », a-t-il encore ajouté. La situation sécuritaire devient donc plus que confuse dans un pays en proie à une crise dont le dénouement tarde à s’affirmer. Et, bien évidemment, l’Algérie, toute proche, ne peut se sentir étrangère à tout ce qui se passe en Tunisie. Le 27 mai dernier, les deux pays avaient signé un « accord de coopération en matière de sécurisation des frontières ».
ÉCHANGES D’EXPÉRIENCES
L’information selon laquelle les forces de l’ANP interviennent en Tunisie a été révélée par le ministère tunisien de la Défense qui a rappelé les modalités de l’accord du 27 mai dernier qui porte sur quatre points. Le premier concerne « l’organisation des réunions bilatérales entre les structures en charge de la protection de la frontière commune ». Le deuxième traite de « la coordination du terrain et l’instauration d’une coopération opérationnelle en matière de sécurisation de la frontière commune pour lutter contre le terrorisme, la contrebande et la criminalité transfrontalière ». Le troisième évoque « la mise en place d’un partenariat dans les domaines de l’échange de renseignements en rapport avec la sécurité de la frontière commune ». Enfin, le quatrième se rapporte à « l’échange d’expériences en matière de sécurisation des frontières et de lutte contre la criminalité sous toutes ses formes, ainsi que dans le domaine de la formation spécialisée au profit des cadres militaires en Tunisie et en Algérie ». Comme l’a rapporté notre confrère El Watan dans son édition d’hier, et ce, en application de l’accord, « le commandant des groupements des gardes-frontières (GGF), le colonel Mohamed Berkani, a effectué, le 15 juillet, une visite d’inspection à la frontière est, qui a concerné les trois wilayas frontalières avec la Tunisie : El Tarf, Souk Ahras et Tébessa. Des réunions avec les chefs des opérations, des unités territoriales, des GGF, des postes avancés et des unités d’intervention ont été tenues durant cette mission dont le but était de vérifier l’interopérabilité des différents intervenants ». Et ce sont pas moins de 80 points de contrôle qui ont été installés sur les 956 kilomètres de frontière commune. Et ce sont 20 zones militaires fermées qui ont été créées avec un déploiement de 60 000 hommes.
MAÎTRISE RÉGIONALE
D’ailleurs, dans la wilaya d’El Tarf, justement, d’importants mouvements ont été remarqués du côté des localités frontalières d’Oum Theboul et d’El Ayoun, ce qui n’a pas manqué de susciter certains commentaires de nombreux hellabes contactés sur place. « Tous ces soldats sont assurément partis de l’autre côté pour prêter main-forte à leurs collègues tunisiens, a expliqué l’un d’eux. Je pense que l’ANP est partie en Tunisie dans le cadre de la lutte antiterroriste, bien sûr, mais aussi pour montrer au monde entier qu’elle assure une certaine maîtrise régionale dans ce domaine ». De l’autre côté de la frontière, la population commence à s’impatienter quant à la « rentabilité » de l’armée tunisienne et évoque l’idée d’une présence de l’armée algérienne, bien plus expérimentée.
« Il faut que l’ANP intervienne en Tunisie, c’est un devoir pour l’Algérie envers ses frères tunisiens, a demandé un chauffeur de taxi exerçant au Kef. Le sang a trop coulé chez nos militaires. Nous sommes persuadés que l’armée algérienne saura mettre un terme au djihadisme armé en Tunisie ». Même son de cloche non loin du sanctuaire des groupes armés tunisiens, le Mont Chaâmbi, à Kasserine, plus exactement, où un policier, sous le couvert de l’anonymat, espère beaucoup d’une intervention et d’une présence de l’ANP. « L’Algérie, par son armée, réussira à sauver la Tunisie et les Tunisiens, a-t-il expliqué. C’est grâce à l’armée algérienne que le terrorisme sera vaincu ».
CARTE GÉOPOLITIQUE BOULVERSÉE
Par ailleurs, en Libye, le chaos s’installe chaque jour de plus en plus. L’Etat est de plus en plus inexistant face à des milices qui détiennent le pouvoir de facto. Devenue zone de non-droit, la capitale politique Tripoli a été abandonnée au profit de Tobrouk, située à 1 500 kilomètres à l’est, pour la tenue de la session inaugurale de la Chambre des représentants élue le 25 juin dernier, sur fond de divergences entre courants islamistes et nationalistes. D’ailleurs, les élus islamistes et leurs alliés de la ville de Misrata, à l’ouest du pays, ont boycotté cette cérémonie la qualifiant d’anticonstitutionnelle, estimant que c’est au président du Congrès général sortant (le Parlement, à dominante islamiste), Nouri Abou Sahmein, de convoquer cette réunion. Ce dernier avait d’ailleurs invité les députés, hier, à Tripoli pour une « passation de pouvoir », mais la cérémonie a finalement été annulée. Ils auront été 160 parlementaires sur 188 à avoir fait le déplacement jusqu’à Tobrouk. Mais à l’ouest et au sud-ouest du pays, justement à proximité des frontières tunisienne et algérienne, les combats continuaient hier, faisant des victimes.
Selon certaines sources, là aussi, l’ANP, bien que n’ayant nullement l’intention, pour le moment, d’intervenir sur le sol libyen, devrait renforcer davantage ses effectifs le long de cette frontière qualifiée de poreuse en raison de passages de groupes djihadistes, mais aussi de trafiquants. L’Algérie serait-elle donc sur le point de bouleverser la carte géopolitique en Afrique du Nord, au point de devenir, comme l’avait affirmé en 2012, un certain Nicolas Sarkozy, alors candidat à sa propre succession, « une puissance régionale » ?.
Auteur: Noël Boussaha
REPORTERS.DZ
Pas un jour ne se passe sans que l’on apprenne un accrochage entre l’armée tunisienne et des éléments djihadistes qui opèrent depuis le mont Chaâmbi, dans le gouvernorat de Kasserine, situé à quelques encablures de la frontière algérienne et de la wilaya de Tébessa. Pas plus tard qu’hier, c’est une unité des forces tunisiennes qui a essuyé des tirs d’un groupe armé, non loin de la frontière. Bilan : un soldat blessé, selon le ministère tunisien de la Défense. « Lors d’une opération au Mont Semmama vers 10H20 (09H20 GMT), un accrochage a opposé l’armée tunisienne à un groupe armé », a rapporté le chargé de communication du ministère, Rachid Bouhoula sur les ondes de la radio Shems-FM. Il a expliqué que le militaire était, à la mi-journée, au bloc opératoire de l’hôpital de Kasserine. « Les opérations de ratissage contre les groupes armés sont en cours », a-t-il encore ajouté. La situation sécuritaire devient donc plus que confuse dans un pays en proie à une crise dont le dénouement tarde à s’affirmer. Et, bien évidemment, l’Algérie, toute proche, ne peut se sentir étrangère à tout ce qui se passe en Tunisie. Le 27 mai dernier, les deux pays avaient signé un « accord de coopération en matière de sécurisation des frontières ».
ÉCHANGES D’EXPÉRIENCES
L’information selon laquelle les forces de l’ANP interviennent en Tunisie a été révélée par le ministère tunisien de la Défense qui a rappelé les modalités de l’accord du 27 mai dernier qui porte sur quatre points. Le premier concerne « l’organisation des réunions bilatérales entre les structures en charge de la protection de la frontière commune ». Le deuxième traite de « la coordination du terrain et l’instauration d’une coopération opérationnelle en matière de sécurisation de la frontière commune pour lutter contre le terrorisme, la contrebande et la criminalité transfrontalière ». Le troisième évoque « la mise en place d’un partenariat dans les domaines de l’échange de renseignements en rapport avec la sécurité de la frontière commune ». Enfin, le quatrième se rapporte à « l’échange d’expériences en matière de sécurisation des frontières et de lutte contre la criminalité sous toutes ses formes, ainsi que dans le domaine de la formation spécialisée au profit des cadres militaires en Tunisie et en Algérie ». Comme l’a rapporté notre confrère El Watan dans son édition d’hier, et ce, en application de l’accord, « le commandant des groupements des gardes-frontières (GGF), le colonel Mohamed Berkani, a effectué, le 15 juillet, une visite d’inspection à la frontière est, qui a concerné les trois wilayas frontalières avec la Tunisie : El Tarf, Souk Ahras et Tébessa. Des réunions avec les chefs des opérations, des unités territoriales, des GGF, des postes avancés et des unités d’intervention ont été tenues durant cette mission dont le but était de vérifier l’interopérabilité des différents intervenants ». Et ce sont pas moins de 80 points de contrôle qui ont été installés sur les 956 kilomètres de frontière commune. Et ce sont 20 zones militaires fermées qui ont été créées avec un déploiement de 60 000 hommes.
MAÎTRISE RÉGIONALE
D’ailleurs, dans la wilaya d’El Tarf, justement, d’importants mouvements ont été remarqués du côté des localités frontalières d’Oum Theboul et d’El Ayoun, ce qui n’a pas manqué de susciter certains commentaires de nombreux hellabes contactés sur place. « Tous ces soldats sont assurément partis de l’autre côté pour prêter main-forte à leurs collègues tunisiens, a expliqué l’un d’eux. Je pense que l’ANP est partie en Tunisie dans le cadre de la lutte antiterroriste, bien sûr, mais aussi pour montrer au monde entier qu’elle assure une certaine maîtrise régionale dans ce domaine ». De l’autre côté de la frontière, la population commence à s’impatienter quant à la « rentabilité » de l’armée tunisienne et évoque l’idée d’une présence de l’armée algérienne, bien plus expérimentée.
« Il faut que l’ANP intervienne en Tunisie, c’est un devoir pour l’Algérie envers ses frères tunisiens, a demandé un chauffeur de taxi exerçant au Kef. Le sang a trop coulé chez nos militaires. Nous sommes persuadés que l’armée algérienne saura mettre un terme au djihadisme armé en Tunisie ». Même son de cloche non loin du sanctuaire des groupes armés tunisiens, le Mont Chaâmbi, à Kasserine, plus exactement, où un policier, sous le couvert de l’anonymat, espère beaucoup d’une intervention et d’une présence de l’ANP. « L’Algérie, par son armée, réussira à sauver la Tunisie et les Tunisiens, a-t-il expliqué. C’est grâce à l’armée algérienne que le terrorisme sera vaincu ».
CARTE GÉOPOLITIQUE BOULVERSÉE
Par ailleurs, en Libye, le chaos s’installe chaque jour de plus en plus. L’Etat est de plus en plus inexistant face à des milices qui détiennent le pouvoir de facto. Devenue zone de non-droit, la capitale politique Tripoli a été abandonnée au profit de Tobrouk, située à 1 500 kilomètres à l’est, pour la tenue de la session inaugurale de la Chambre des représentants élue le 25 juin dernier, sur fond de divergences entre courants islamistes et nationalistes. D’ailleurs, les élus islamistes et leurs alliés de la ville de Misrata, à l’ouest du pays, ont boycotté cette cérémonie la qualifiant d’anticonstitutionnelle, estimant que c’est au président du Congrès général sortant (le Parlement, à dominante islamiste), Nouri Abou Sahmein, de convoquer cette réunion. Ce dernier avait d’ailleurs invité les députés, hier, à Tripoli pour une « passation de pouvoir », mais la cérémonie a finalement été annulée. Ils auront été 160 parlementaires sur 188 à avoir fait le déplacement jusqu’à Tobrouk. Mais à l’ouest et au sud-ouest du pays, justement à proximité des frontières tunisienne et algérienne, les combats continuaient hier, faisant des victimes.
Selon certaines sources, là aussi, l’ANP, bien que n’ayant nullement l’intention, pour le moment, d’intervenir sur le sol libyen, devrait renforcer davantage ses effectifs le long de cette frontière qualifiée de poreuse en raison de passages de groupes djihadistes, mais aussi de trafiquants. L’Algérie serait-elle donc sur le point de bouleverser la carte géopolitique en Afrique du Nord, au point de devenir, comme l’avait affirmé en 2012, un certain Nicolas Sarkozy, alors candidat à sa propre succession, « une puissance régionale » ?.
Auteur: Noël Boussaha
REPORTERS.DZ
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