Sujet particulièrement d’actualité :
Le séisme du vendredi 1er août, bien que de faible importance, nous rappelle que, plus ou moins régulièrement, la terre s’agite, des zones sismiques du territoire national connaissent un brusque réveil qui menace la vie des hommes. Il leur rappelle cependant la fragilité de leur condition et l’importance de l’environnement dans lequel ils vivent, cet environnement dont, en fait, ils oublient parfois qu’ils font partie intégrante. En somme, de tels évènements nous font prendre conscience de la relativité des choses vécues et nous ramènent à l’essentiel.
Après le terrible séisme de 2003 à Boumerdès, nous avons assisté à des réactions étonnantes : des esprits archaïques ont attribué l’évènement à la colère de Dieu, à son mécontentement face à de supposées dérives sur le plan des mœurs, à un éloignement d’une saine morale au sein de la société. Cela a été une énième tentative de manipulation obscurantiste de la religion visant à propager un peu plus dans la société l’idéologie des tenants d’un islam réactionnaire et intrusif. Affirmer que ces thèses n’ont aucun écho dans la société serait se voiler la face et ne pas voir que la crise idéologique que traverse notre pays provient de notre absence de projet sociétal laïc et profondément humaniste. Un tel projet se nourrit de rationalité, sinon de positivisme. Les catastrophes naturelles ont des causes rationnelles étudiées par les scientifiques. Les étudier permet d’ailleurs d’en prévenir les conséquences désastreuses.
L’historien au secours des sismologues
L’Histoire, par cette formidable interdépendance entre les domaines du savoir humain, peut venir au secours des sismologues, mais aussi de ceux qui étudient d’autres formes de fléaux : les épidémies et leur expansion, les sécheresses, les invasions de sauterelles, etc. L’Historien apporte de précieuses données sur la régularité des fléaux, leur intensité, la réaction des hommes face aux calamités naturelles, les conséquences de telles calamités. Nous allons évoquer les séismes qui ont secoué l’Algérie de l’époque ottomane, une époque qui demeure méconnue à cet égard, comme à bien d’autres. Nous avons relevé vingt séismes en Algérie durant cette période. Nous n’avons pas de données pour le XVIe siècle, mais nous savons que la terre algérienne a tremblé au moins cinq fois au XVIIe siècle : en 1601, 1632, 1639, 1665 et 1676. A notre connaissance, ces séismes n’ont frappé que la ville d’Alger et ses environs. Pour le XVIIIe siècle, nous en avons dénombré huit. Certains ont été particulièrement destructeurs : celui de 1716 a ébranlé Alger de fond en comble, à tel point que La Casbah d’Alger telle que nous la connaissons aujourd’hui est, dans sa plus grande partie, postérieure à cette année 1716, tant les destructions ont été importantes. C’est sans conteste le plus grave tremblement de terre qu’ait connu notre capitale. Ce dernier a été également ressenti jusqu’à Cherchell à l’ouest et jusqu’à Béjaïa à l’est. Les séismes qui ont secoué la région d’Alger de 1722 à 1724 ont été d’autant plus graves qu’ils sont advenus pendant une terrible période de sécheresse avec son lit de famine, mais aussi d’épidémie de peste et d’invasion de sauterelles, cette dernière succédant fréquemment à une sécheresse : sombre époque pour l’Algérie. Les autorités ont tenté de réagir tant bien que mal en important du blé et des vivres, en provenance des provinces orientales de l’Empire ottoman, mais aussi d’Europe occidentale. On connaît bien les dégâts commis par le tremblement de terre au Portugal et en Espagne, en 1755 ; on sait moins que ce séisme a également frappé Alger. Quant à celui de 1760, il a été particulièrement douloureux pour les Blidéens qui auront encore à souffrir en 1825, nous en reparlerons plus loin. Pour le moment, notons que le terrible tremblement de terre qui a frappé Oran en 1790 a tout simplement libéré la ville d’une longue occupation espagnole, puisque les pertes humaines et l’affaiblissement considérable des structures de défense ont acculé les Espagnols à la reddition deux années plus tard, en 1792. Dès lors, la ville, jadis maudite par Sidi el-Houari, est devenue le chef-lieu du beylik de l’Ouest et a été mise sous le patronage de ce saint, dans un double mouvement de repentance des habitants de l’Oranie, dont les ancêtres l’ont offensé, et de remerciement pour avoir permis sa libération, ce dont ces mêmes habitants étaient convaincus.
Le séisme de 1825 à Blida
Pour les trois premières décennies du XIXe siècle, nous avons compté pas moins de sept séismes, dont le séisme qui a quasiment anéanti Blida en mars 1825. Il est difficile de faire réaliser au lecteur à quel point les Algériens ont souffert durant ces décennies au bout desquelles la conquête française est venue ajouter un comble au malheur : en 1800, la sécheresse et les sauterelles, Alger manque de vivres ; en 1802, la peste est à Oran et la terre tremble ; en 1803, il y a une épidémie de variole ; de 1804 à 1807, l’Algérie connaît, à cause de la sécheresse et d’une invasion de sauterelles, une horrible famine qui frappe surtout l’est du pays ; ce n’est pas tout : la peste est de nouveau à Oran et le pays est frappé par une épidémie de fièvre jaune ; en 1810, la terre tremble à Annaba ; de 1813 à 1825, c’est une succession quasi ininterrompue de calamités : invasions acridiennes à répétition et longue sécheresse, la peste frappe pratiquement tout le pays, puisqu’on constate sa présence à Alger, Annaba, Oran, Constantine, Blida, Béjaïa, Biskra et Tlemcen. Ajoutons à cela les inondations de l’année 1818 et le séisme de Blida, en 1825, et nous saisissons un peu mieux l’ampleur du mal. Evoquons justement ce tremblement de terre de mars 1825 pour donner une image plus précise de ce que pouvait être une catastrophe naturelle à l’époque. Rappelons tout d’abord que ce n’est pas la première fois que Blida était secouée par un tremblement de terre, la ville est même sujette à de fréquents séismes. C’est le cas en 1601, 1716, 1760, 1770 et, enfin, en mars 1825. Le 2 mars 1825, le ciel est splendide. C’est une belle matinée d’hiver algérien où tout renaît, tout revit. Les amandiers sont en fleur et les fameux orangers de Blida portent leurs fruits. Peu après 8 heures du matin, une terrible détonation souterraine se fait entendre du côté du sud, dans la direction des gorges de l’oued Sid Ahmed el-Kbîr, puis une secousse d’une violence extrême vient ébranler la ville. Chaque maison, frappée dans ses fondations, se déchausse sous les coups redoublés du fléau ; la terre paraît vomir les constructions et les rejeter de son sein. Les murs de pisé s’écroulent lourdement en entraînant les terrasses dans leur chute. Les femmes qui ont pu s’échapper fuient en emportant leurs enfants. Les secousses continuent, implacables, terribles ; les minarets des mosquées Tourki, Sid Ahmed el-Kbîr, Sidi Mhammed Ben Saadoun et celle de Bab el-Dzayer essaient de se défendre sur leurs bases, mais sont précipités sur le sol et soulèvent des nuages de poussière jaunâtre. Les dômes des onze masjid de la ville s’effondrent pareillement sur les ruines de leurs murailles disloquées. Blida, la Petite Rose de la Mitidja, n’est plus qu’un monceau de ruines. Et le poète Muhammad ben el-Dhebbah de s’exclamer : « C’est en redjeb, et le mercredi, en l’an douze cent quarante, que le tremblement de terre est accouru sur le pays ; il lui a suffi d’un instant pour en consommer la ruine, le temps de lire sourate al-ikhlasse deux fois au plus ! » C’est donc de dix à douze secondes qu’aurait duré la première secousse, celle qui a détruit la ville. La moitié de la population – les femmes surtout à cause de leurs habitudes sédentaires de l’époque – est ensevelie sous les demeures en ruine. Les quartiers sud et ouest, c’est-à-dire ceux dont les constructions sont assises sur l’ancien lit de l’oued Sidi el-Kbîr, sont particulièrement maltraités : ce n’est plus qu’un amas de décombres. Ici le séisme a été particulièrement mortel. Le bilan est lourd : la ville a perdu trois mille habitants. Des 1300 maisons que comptait Blida, une vingtaine seulement restaient debout, mais horriblement lézardées et quasi inhabitables. La multiplication des répliques et le manque d’outils rendaient très difficile le secours aux personnes coincées sous les décombres. Les bordjs ou maisons de campagne blidéennes, construits dans les orangeries de la ville, ont été aussi maltraités que les maisons de la ville ; ils n’étaient plus qu’un amas de décombres.
« Certains ont été particulièrement destructeurs : celui de 1716 a ébranlé Alger de fond en comble, à tel point que La Casbah d’Alger telle que nous la connaissons aujourd’hui est, dans sa plus grande partie, postérieure à cette année 1716, tant les destructions ont été importantes. C’est sans conteste le plus grave tremblement de terre qu’ait connu notre capitale. Ce dernier a été également ressenti jusqu’à Cherchell à l’Ouest et jusqu’à Béjaïa à l’Est. Les séismes qui ont secoué la région d’Alger de 1722 à 1724 ont été d’autant plus graves qu’ils sont advenus pendant une terrible période de sécheresse avec son lit de famine, mais aussi d’épidémie de peste et d’invasion de sauterelles, cette dernière succédant fréquemment à une sécheresse : sombre époque pour l’Algérie. »
Le séisme du vendredi 1er août, bien que de faible importance, nous rappelle que, plus ou moins régulièrement, la terre s’agite, des zones sismiques du territoire national connaissent un brusque réveil qui menace la vie des hommes. Il leur rappelle cependant la fragilité de leur condition et l’importance de l’environnement dans lequel ils vivent, cet environnement dont, en fait, ils oublient parfois qu’ils font partie intégrante. En somme, de tels évènements nous font prendre conscience de la relativité des choses vécues et nous ramènent à l’essentiel.
Après le terrible séisme de 2003 à Boumerdès, nous avons assisté à des réactions étonnantes : des esprits archaïques ont attribué l’évènement à la colère de Dieu, à son mécontentement face à de supposées dérives sur le plan des mœurs, à un éloignement d’une saine morale au sein de la société. Cela a été une énième tentative de manipulation obscurantiste de la religion visant à propager un peu plus dans la société l’idéologie des tenants d’un islam réactionnaire et intrusif. Affirmer que ces thèses n’ont aucun écho dans la société serait se voiler la face et ne pas voir que la crise idéologique que traverse notre pays provient de notre absence de projet sociétal laïc et profondément humaniste. Un tel projet se nourrit de rationalité, sinon de positivisme. Les catastrophes naturelles ont des causes rationnelles étudiées par les scientifiques. Les étudier permet d’ailleurs d’en prévenir les conséquences désastreuses.
L’historien au secours des sismologues
L’Histoire, par cette formidable interdépendance entre les domaines du savoir humain, peut venir au secours des sismologues, mais aussi de ceux qui étudient d’autres formes de fléaux : les épidémies et leur expansion, les sécheresses, les invasions de sauterelles, etc. L’Historien apporte de précieuses données sur la régularité des fléaux, leur intensité, la réaction des hommes face aux calamités naturelles, les conséquences de telles calamités. Nous allons évoquer les séismes qui ont secoué l’Algérie de l’époque ottomane, une époque qui demeure méconnue à cet égard, comme à bien d’autres. Nous avons relevé vingt séismes en Algérie durant cette période. Nous n’avons pas de données pour le XVIe siècle, mais nous savons que la terre algérienne a tremblé au moins cinq fois au XVIIe siècle : en 1601, 1632, 1639, 1665 et 1676. A notre connaissance, ces séismes n’ont frappé que la ville d’Alger et ses environs. Pour le XVIIIe siècle, nous en avons dénombré huit. Certains ont été particulièrement destructeurs : celui de 1716 a ébranlé Alger de fond en comble, à tel point que La Casbah d’Alger telle que nous la connaissons aujourd’hui est, dans sa plus grande partie, postérieure à cette année 1716, tant les destructions ont été importantes. C’est sans conteste le plus grave tremblement de terre qu’ait connu notre capitale. Ce dernier a été également ressenti jusqu’à Cherchell à l’ouest et jusqu’à Béjaïa à l’est. Les séismes qui ont secoué la région d’Alger de 1722 à 1724 ont été d’autant plus graves qu’ils sont advenus pendant une terrible période de sécheresse avec son lit de famine, mais aussi d’épidémie de peste et d’invasion de sauterelles, cette dernière succédant fréquemment à une sécheresse : sombre époque pour l’Algérie. Les autorités ont tenté de réagir tant bien que mal en important du blé et des vivres, en provenance des provinces orientales de l’Empire ottoman, mais aussi d’Europe occidentale. On connaît bien les dégâts commis par le tremblement de terre au Portugal et en Espagne, en 1755 ; on sait moins que ce séisme a également frappé Alger. Quant à celui de 1760, il a été particulièrement douloureux pour les Blidéens qui auront encore à souffrir en 1825, nous en reparlerons plus loin. Pour le moment, notons que le terrible tremblement de terre qui a frappé Oran en 1790 a tout simplement libéré la ville d’une longue occupation espagnole, puisque les pertes humaines et l’affaiblissement considérable des structures de défense ont acculé les Espagnols à la reddition deux années plus tard, en 1792. Dès lors, la ville, jadis maudite par Sidi el-Houari, est devenue le chef-lieu du beylik de l’Ouest et a été mise sous le patronage de ce saint, dans un double mouvement de repentance des habitants de l’Oranie, dont les ancêtres l’ont offensé, et de remerciement pour avoir permis sa libération, ce dont ces mêmes habitants étaient convaincus.
Le séisme de 1825 à Blida
Pour les trois premières décennies du XIXe siècle, nous avons compté pas moins de sept séismes, dont le séisme qui a quasiment anéanti Blida en mars 1825. Il est difficile de faire réaliser au lecteur à quel point les Algériens ont souffert durant ces décennies au bout desquelles la conquête française est venue ajouter un comble au malheur : en 1800, la sécheresse et les sauterelles, Alger manque de vivres ; en 1802, la peste est à Oran et la terre tremble ; en 1803, il y a une épidémie de variole ; de 1804 à 1807, l’Algérie connaît, à cause de la sécheresse et d’une invasion de sauterelles, une horrible famine qui frappe surtout l’est du pays ; ce n’est pas tout : la peste est de nouveau à Oran et le pays est frappé par une épidémie de fièvre jaune ; en 1810, la terre tremble à Annaba ; de 1813 à 1825, c’est une succession quasi ininterrompue de calamités : invasions acridiennes à répétition et longue sécheresse, la peste frappe pratiquement tout le pays, puisqu’on constate sa présence à Alger, Annaba, Oran, Constantine, Blida, Béjaïa, Biskra et Tlemcen. Ajoutons à cela les inondations de l’année 1818 et le séisme de Blida, en 1825, et nous saisissons un peu mieux l’ampleur du mal. Evoquons justement ce tremblement de terre de mars 1825 pour donner une image plus précise de ce que pouvait être une catastrophe naturelle à l’époque. Rappelons tout d’abord que ce n’est pas la première fois que Blida était secouée par un tremblement de terre, la ville est même sujette à de fréquents séismes. C’est le cas en 1601, 1716, 1760, 1770 et, enfin, en mars 1825. Le 2 mars 1825, le ciel est splendide. C’est une belle matinée d’hiver algérien où tout renaît, tout revit. Les amandiers sont en fleur et les fameux orangers de Blida portent leurs fruits. Peu après 8 heures du matin, une terrible détonation souterraine se fait entendre du côté du sud, dans la direction des gorges de l’oued Sid Ahmed el-Kbîr, puis une secousse d’une violence extrême vient ébranler la ville. Chaque maison, frappée dans ses fondations, se déchausse sous les coups redoublés du fléau ; la terre paraît vomir les constructions et les rejeter de son sein. Les murs de pisé s’écroulent lourdement en entraînant les terrasses dans leur chute. Les femmes qui ont pu s’échapper fuient en emportant leurs enfants. Les secousses continuent, implacables, terribles ; les minarets des mosquées Tourki, Sid Ahmed el-Kbîr, Sidi Mhammed Ben Saadoun et celle de Bab el-Dzayer essaient de se défendre sur leurs bases, mais sont précipités sur le sol et soulèvent des nuages de poussière jaunâtre. Les dômes des onze masjid de la ville s’effondrent pareillement sur les ruines de leurs murailles disloquées. Blida, la Petite Rose de la Mitidja, n’est plus qu’un monceau de ruines. Et le poète Muhammad ben el-Dhebbah de s’exclamer : « C’est en redjeb, et le mercredi, en l’an douze cent quarante, que le tremblement de terre est accouru sur le pays ; il lui a suffi d’un instant pour en consommer la ruine, le temps de lire sourate al-ikhlasse deux fois au plus ! » C’est donc de dix à douze secondes qu’aurait duré la première secousse, celle qui a détruit la ville. La moitié de la population – les femmes surtout à cause de leurs habitudes sédentaires de l’époque – est ensevelie sous les demeures en ruine. Les quartiers sud et ouest, c’est-à-dire ceux dont les constructions sont assises sur l’ancien lit de l’oued Sidi el-Kbîr, sont particulièrement maltraités : ce n’est plus qu’un amas de décombres. Ici le séisme a été particulièrement mortel. Le bilan est lourd : la ville a perdu trois mille habitants. Des 1300 maisons que comptait Blida, une vingtaine seulement restaient debout, mais horriblement lézardées et quasi inhabitables. La multiplication des répliques et le manque d’outils rendaient très difficile le secours aux personnes coincées sous les décombres. Les bordjs ou maisons de campagne blidéennes, construits dans les orangeries de la ville, ont été aussi maltraités que les maisons de la ville ; ils n’étaient plus qu’un amas de décombres.
« Certains ont été particulièrement destructeurs : celui de 1716 a ébranlé Alger de fond en comble, à tel point que La Casbah d’Alger telle que nous la connaissons aujourd’hui est, dans sa plus grande partie, postérieure à cette année 1716, tant les destructions ont été importantes. C’est sans conteste le plus grave tremblement de terre qu’ait connu notre capitale. Ce dernier a été également ressenti jusqu’à Cherchell à l’Ouest et jusqu’à Béjaïa à l’Est. Les séismes qui ont secoué la région d’Alger de 1722 à 1724 ont été d’autant plus graves qu’ils sont advenus pendant une terrible période de sécheresse avec son lit de famine, mais aussi d’épidémie de peste et d’invasion de sauterelles, cette dernière succédant fréquemment à une sécheresse : sombre époque pour l’Algérie. »
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