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Etat islamique en Irak : quel rôle joue le pétrole ?

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  • Etat islamique en Irak : quel rôle joue le pétrole ?

    L'intervention militaire américaine débutée le 8 août dernier a pour objectif de protéger les minorités religieuses du Kurdistan irakien, massacrées par les djihadistes de l'Etat islamique. Cette intervention américaine tardive —au moment où les forces terroristes djihadistes parviennent dans cette partie de l'Irak très riche en pétrole —oblige au questionnement sur les enjeux pétroliers —centraux dans cette région du monde. Entretien avec David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'études stratégiques.

    La raffinerie de Baïji, dans le nord de l'Irak, en 2003 (photo AFP)
    13.08.2014
    par Pascal Hérard
    Le Kurdistan, province autonome depuis 2005 de la Fédération irakienne, possède de très importantes ressources énergétiques, dont le deuxième plus gros champ pétrolier irakien. Alors que la réunion des pays membres de l'Union européenne à Bruxelles a conclu que chacun d'entre eux pouvait ou non fournir de l'armement aux combattants kurdes, la question pétrolière semble laissée de côté, comme si cette contingence ne rentrait pas en compte dans le conflit. Pourtant, l'"or noir" a une importance sensible dans les enjeux en cours, ce que souligne David Rigoulet-Roze, spécialiste des questions énergétiques au Moyen-orient.

    David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'études stratégiques
    David Rigoulet-Roze : "La Turquie pratique un double-jeu en achetant du pétrole au Kurdistan comme à l'Etat islamique"
    13.08.2014
    Propos recuillis par Pascal Hérard
    Les ressources pétrolières du Kurdistan irakien rentrent-elles en compte, selon vous, dans l'intervention militaire américaine ?

    David Rigoulet-Roze : Il faut spécifier les différentes variables qui peuvent se superposer, mais qui ne sont pas forcément exclusives les unes des autres. Pour les Etats-Unis, c'est avant tout l'impératif affiché de la protection des ressortissants américains qui pourraient être menacés, notamment au Consulat général d'Erbil qui rentre en ligne de compte. Il y a ensuite les justifications morales, lesquels ne sont pas négligeables, parce qu'il faut garder à l'esprit qu'il y a comme un syndrome du Rwanda qui joue dans l'administration d'Obama. Notamment pour la conseillère à la Sécurité nationale Suzan Rice, très proche du président. Ce dernier a d'ailleurs déclaré que 'les Etats-Unis ne pouvaient pas détourner le regard dans une situation pré-génocidaire, notamment pour les Yézidis'.

    Cela n'empêche pas l'existence d'intérêts, mais la question demeure posée de savoir si l'on interviendrait si ces intérêts n'existaient pas. Il existe une ligne rouge pour les Etats-Unis qui a poussé Obama à intervenir, contraint par la situation : c'est la protection du Kurdistan. Ce n'est donc pas uniquement une question pétrolière, c'est la question stratégique de l'allié kurde au Moyen-orient avec lequel les relations sont étroites et anciennes. Le Kurdistan est considéré comme un pôle de stabilité régionale pour les Américains. Il existe au Kurdistan une base américaine fortifiée de la CIA, la deuxième la plus importante d'Irak. Elle est en développement et c'est un JSOC (Joint Special Operations Command, commandement des unités des forces spéciales des différentes branches de l'armée américaine, ndlr).

    Que représente le pétrole du Kurdistan irakien dans la région ?

    D.R-R : La question de l'autonomie du Kurdistan, de la viabilité d'un Etat kurde à long terme, voire à moyen terme, passe bien sûr par le contrôle de la ressource pétrolière au nord de l'Irak. Il y a une stratégie pétrolière kurde. Depuis janvier, il y a une exportation du pétrole du Kurdistan via des camions citernes vers la Turquie. Le gouvernement a décidé d'octroyer des concessions pétrolières à des entreprises étrangères (Exxon Mobil, Chevron, Total, ndlr) sans l'aval de Bagdad, avec l'ouverture d'un oléoduc partant de Tak tak [raffinerie dans la région d'Erbil, ndlr] avec une capacité de 100 000 barils jour vers la Turquie et pouvant monter à 400 000 barils jour. Le deuxième pôle exportateur d'Irak, c'est le Nord, donc le Kurdistan. L'Irak unitaire est le deuxième pays de l'OPEP en terme de réserves pétrolières, après l'Arabie Saoudite, avec une sous-utilisation de ce potentiel à cause de l'embargo de plus d'une décennie contre Sadam Hussein .

    La Turquie est impliquée commercialement avec le Kurdistan d'Irak : quel est son rôle, sa volonté aujourd'hui ?

    D.R-R : La Turquie a l'ambition de se présenter comme le "hub" (nœud central, ndlr) d'exportation de toutes ces ressources hydrocarbures, dont elle ne dispose pas en propre, pour les distribuer de façon multi-régionale. On peut noter d'ailleurs que les relations entre le gouvernement turc et les kurdes d'Irak qui n'étaient pas excellentes, ne sont pas mauvaises aujourd'hui, justement pour des raisons pétrolières. La Turquie entretient des relations très ambigües avec plusieurs partenaires, voire joue une sorte de double-jeu : elle fait transiter du pétrole kurde à très bas prix (55$, soit presque deux fois moins cher que le prix mondial, ndlr), sans l'accord de Bagdad, mais laisse passer également du pétrole de contrebande par camions provenant des champs contrôlés par l'Etat islamique, autant ceux de Syrie que d'Irak ! Ce pétrole du Daesh (nom arabe pour l'EI, ndlr) est bradé, à 30$, et certains parlent même de 12 ou 18$.

    L'Etat islamique est donc très intéressé par le pétrole dans la région ?

    D.R-R : Il y a clairement de la part du Daesh une stratégie pétrolière à double détente. D'abord pour assurer un certain nombre de ressources financières et payer les soldes des combattants et les salaires d'une pseudo administration, puisqu'il peut se présenter comme un "califat pétrolier". C'est assez net quand on regarde les zones qui ont été conquises du côté syrien et irakien. Certaines études anglo-saxonnes estiment à 1 million de dollars pour le pétrole irakien et 2 millions côté syrien. Ce serait l'équivalent de 100 millions de dollars par mois. La question qui se pose n'est pas seulement le montant de ces ressources, mais aussi la gestion qui en est faite et du 'management' qui en découle.

    Il y a une redistribution des cartes au niveau du pétrole, dans la région ?

    D.R-R : C'est incontestable, mais ça bouge en fonction des réalités militaires sur le terrain. Les frontières Sykes-Picot se sont effacées, il y a un territoire de l'EI qui est en train de se mettre en place, qui est très problématique, mais qui a les moyens de ses ambitions. Entre les rackets, les impôts sur les minorités comme le gizya, les collectes auprès des croyants, le zakat, et les achats, il y a là quelque chose de très important. l'EI a mis la main en plus, quasi gratuitement, sur l'armement lourd militaire de l'armée irakienne et ils peuvent reconstituer leur stock sur le marché noir de l'armement. Il y a donc une stratégie du Daesh pour le pétrole, et qui n'est pas seulement économique, parce que pour faire rouler des tanks, il faut de l'essence et donc du pétrole raffiné. Et là, on touche à un autre problème, qui n'est pas uniquement la ressource, mais celui du raffinage. Ce qui permet de comprendre les objectifs militaires de raffineries de Tikrit et Baïji. Tikrit a été prise par l'EI, mais ce n'est pas le cas de Baïji qui est défendue bec et ongles par les Peshmergas (combattants kurdes irakiens, ndlr) et l'armée régulière. Cette raffinerie de Baïji, c'est plus de 300 000 barils-jour, ce qui correspondrait à peu près à un tiers du raffinage irakien…
    TV5
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    David Rigoulet-Roze, chercheur à l'Institut français d'études stratégique
    faut vraiment de la bonne volonté pour aller chercher l'avis d'un "chercheur" en stratégie pour éclairer notre lampe à ...pétrole.

    aucune puissance ne part en guerre si ce n'est pour défendre ses intérêts.

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