Le Comité national de sécurité nucléaire, né à la faveur de la promulgation, en juillet dernier, du décret présidentiel portant sa création, précipite l’Algérie dans «l’aventure» du nucléaire civil, qui devrait assurer 50% de ses besoins en énergie électrique en 2050. Mais dans 5 ans, le premier contrat de construction de la première centrale nucléaire devrait être signé, donnant le coup d’envoi du déploiement opérationnel du programme national atomique.
Le programme nucléaire civil national, encore au stade d’intention il y a seulement moins de trois ans, est désormais consigné dans une feuille de route bien précise, qui détaille aussi bien le calendrier de constructions de centrales nucléaires que les sites où elles seront localisées. L’avenir énergétique de l’Algérie, fatalement lié à celui de ses ressources financières, vu qu’elle en tire quasiment la totalité de ses besoins en financements destinés à son développement socioéconomique, est intrinsèquement lié à la santé de son sous-sol, inéluctablement déclinante après 50 ans d’exploitation. Régler d’abord la question de l’approvisionnement énergétique domestique, dont les courbes de croissance s’affolent à mesure que les besoins intérieurs grimpent, et probablement garder à l’Algérie un statut d’exportateur de pétrole et de gaz, en espérant pouvoir encore tirer profit des hydrocarbures dans des marchés très volatiles, pourraient passer par le nucléaire plus vite que prévu, le timing du gouvernement étant bousculé.
Les premiers pas
L’intérêt de l’Algérie pour l’énergie nucléaire et, au-delà, des applications civiles de l’atome, plus globalement dans les domaines de la recherche fondamentale et de la santé, remonte au début des années soixante-dix lorsqu’un premier programme national, d’orientation purement académique, avait envoyé un noyau de scientifiques et d’ingénieurs en génie nucléaire auprès d’experts, de groupes et de compagnies énergétiques déjà aguerries dans le nucléaire en Allemagne, chez Lahmeyer-International, en France (Sofratome) et au Canada (Nucleotec). Ils avaient avec pour mission de revenir au pays munis d’assez de connaissances et d’expertise pour rendre compte de l’opportunité d’investir dans l’électronucléaire et la construction de centrales nucléaires et de la faisabilité d’une telle démarche. De 1975 jusqu’à 1992, l’Algérie ébauchait sa politique nucléaire nationale, définissait un agenda plus complet de formation d’ingénieurs et de scientifiques en génie nucléaire, lançait les premières prospections de mines d’uranium et leur valorisation, localisait les sites géographiques capables d’accueillir des centrales nucléaires – en collaboration avec EDF – et mettait en œuvre ses premières infrastructures nucléaires de base. Evidemment, rien ne s’était fait sans un « droit de regard » de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA), qui a néanmoins beaucoup soutenu l’Algérie, membre de l’organisation depuis 1963. Entre-temps, en Algérie, un travail considérable avait été accompli dans le domaine de la prospection et de l’exploration de l’uranium, ce qui a donné naissance, en 1982, à la Commission nationale des énergies nouvelles, qui a chapeauté la mise en œuvre des infrastructures nucléaires, principalement constituées des premiers centres de recherche atomique et des premiers réacteurs destinés exclusivement à la recherche.
Mais à partir de 1986, le programme nucléaire civil national a connu son premier coup d’arrêt dû au manque de financement, l’Algérie étant frappée de plein fouet par le krach pétrolier de l’époque et l’étouffement économique qui s’en était suivi. Les progrès que l’Algérie aurait dû accomplir dans la recherche nucléaire ont également été gâchés par la décennie rouge, où la seule priorité du moment résidait dans la sauvegarde de la nation ; directement menacée dans sa survie; même si, en parallèle, le Commissariat à l’énergie atomique (Comena) a pu voir le jour. C’était en 1996. L’effort national sur la voie de l’énergie nucléaire n’a pas pour autant été vain, car si le pays, à l’heure actuelle, ne possède pas de centrales nucléaires en exploitation ni en construction, il s’exerce, autant que les conditions le permettent, sur des réacteurs dits de « simulation » et connus de tous : celui de Nour, localisé à Draria, dans Alger, un réacteur de recherche et de production d’isotopes à l’échelle laborantine de type RA-6 – El Reactor Argentino – d’une puissance de 1 mégawatt, livré par l’argentin INVAP après 18 mois de construction et inauguré en avril 1989. Il a été conçu pour utiliser de l’uranium enrichi à 20% de classe U-235, avec un refroidissement à eau légère. Puis celui d’Essalam, implanté dans le plateau steppique de Birine, à Aïn Ouessara, fruit d’une collaboration sino-algérienne, à travers la China Zhongyuan Engineering Corporation (CZRC), filiale « business » du conglomérat gouvernemental China National Nuclear Corporation (CNNC). Ce réacteur, d’une puissance de 15 mégawatts alimenté par de l’uranium enrichi à 3%, de même catégorie que celui utilisé dans le réacteur de Nour, est de plus grande dimension et sert principalement la recherche radio-médico-pharmaceutique par l’analyse des activations isotopiques, à l’essai des matériaux et à la formation ainsi qu’à l’entraînement des ingénieurs ou des doctorants algériens engagés dans des champs d’études nucléaires. Ce même centre avait été à l’origine d’une rencontre, le 27 août 2012, entre le président de CNNC, Sun Qin, et le directeur général du Comena, Mohamed Derdour, lors de laquelle les deux parties ont examiné et discuté de la mise à niveau du Centre de recherche nucléaire de Birine. Etape majeure dans le processus d’appropriation du savoir-faire nucléaire national, l’Algérie s’était dotée, en 1999, de son tout premier complexe d’enrichissement, localisé dans le Sud, produisant principalement des barres de combustible à partir de minerai d’uranium ou d’uranium extrait de phosphate. Toute la zone est d’ailleurs propice à l’extraction de ces « intrants » indispensables à alimenter les réacteurs nucléaires. A ce propos, dans un document déclassifié et daté de 2009, la direction de l’information et des rapports relevant du Département américain de la défense (DoD) a estimé la taille des gisements algériens d’uranium à plus de 56 000 tonnes et ceux de phosphate à 700 000 tonnes par an, enfouis dans les entrailles et les roches des régions d’Eglab, de Ougarta, du sud du Tassili, à Timgaounine, Tinef, Abankor et Tahaggart. Malgré les contretemps et contraintes, ce n’est qu’à partir des années 2000 que le programme atomique civil de l’Algérie a pu « renaître », ce qu’ont favorisé une embellie financière et une inexorable augmentation de la demande en énergie; en plus de la découverte, à ce moment, des vertus du dessalement de l’eau de mer dans la sécurité hydrique du pays.
« L’Algérie a défini le cadre de référence pour la planification, à moyen terme, de la coopération technique avec les Etats membres de l’AIEA et identifié les domaines prioritaires qui nécessitent le transfert de la technologie nucléaire ainsi que les ressources de coopération technique y afférentes, dans le but d’appuyer ses objectifs nationaux en la matière. »
C’est à ce moment que le gouvernement a décidé d’étendre le champ d’application du nucléaire au champ de la désalinisation hydrique. Depuis, l’Algérie du nucléaire s’est accélérée, particulièrement en décembre 2011 quand la diplomate – entre autres ancienne ambassadrice de l’Algérie en Autriche dans les années 2000 – et ancienne présidente du conseil des gouverneurs de l’AIEA de 2008 à 2009, Mme Taous Ferroukhi, a paraphé, en tant que représentante permanente de l’Algérie auprès de la même organisation, avec Kwaku Aning, directeur général adjoint et chef du Département de la coopération technique, le programme-cadre national de l’Algérie (CPF – Country Programme Framework) pour la période de 2012 – 2017. L’Algérie a, de la sorte, formellement défini le cadre de référence pour la planification, à moyen terme, de la coopération technique avec les Etats membres de l’AIEA et identifié les domaines prioritaires qui nécessitent le transfert de la technologie nucléaire ainsi que les ressources de coopération technique y afférentes, dans le but d’appuyer ses objectifs nationaux en la matière. Le CPF identifie sept domaines prioritaires que sont le développement des énergies durables, le génie nucléaire, la santé humaine, l’agriculture, la gestion des ressources en eau, les applications industrielles et enfin la sécurité nucléaire, particulièrement la protection contre les irradiations.
Le programme nucléaire civil national, encore au stade d’intention il y a seulement moins de trois ans, est désormais consigné dans une feuille de route bien précise, qui détaille aussi bien le calendrier de constructions de centrales nucléaires que les sites où elles seront localisées. L’avenir énergétique de l’Algérie, fatalement lié à celui de ses ressources financières, vu qu’elle en tire quasiment la totalité de ses besoins en financements destinés à son développement socioéconomique, est intrinsèquement lié à la santé de son sous-sol, inéluctablement déclinante après 50 ans d’exploitation. Régler d’abord la question de l’approvisionnement énergétique domestique, dont les courbes de croissance s’affolent à mesure que les besoins intérieurs grimpent, et probablement garder à l’Algérie un statut d’exportateur de pétrole et de gaz, en espérant pouvoir encore tirer profit des hydrocarbures dans des marchés très volatiles, pourraient passer par le nucléaire plus vite que prévu, le timing du gouvernement étant bousculé.
Les premiers pas
L’intérêt de l’Algérie pour l’énergie nucléaire et, au-delà, des applications civiles de l’atome, plus globalement dans les domaines de la recherche fondamentale et de la santé, remonte au début des années soixante-dix lorsqu’un premier programme national, d’orientation purement académique, avait envoyé un noyau de scientifiques et d’ingénieurs en génie nucléaire auprès d’experts, de groupes et de compagnies énergétiques déjà aguerries dans le nucléaire en Allemagne, chez Lahmeyer-International, en France (Sofratome) et au Canada (Nucleotec). Ils avaient avec pour mission de revenir au pays munis d’assez de connaissances et d’expertise pour rendre compte de l’opportunité d’investir dans l’électronucléaire et la construction de centrales nucléaires et de la faisabilité d’une telle démarche. De 1975 jusqu’à 1992, l’Algérie ébauchait sa politique nucléaire nationale, définissait un agenda plus complet de formation d’ingénieurs et de scientifiques en génie nucléaire, lançait les premières prospections de mines d’uranium et leur valorisation, localisait les sites géographiques capables d’accueillir des centrales nucléaires – en collaboration avec EDF – et mettait en œuvre ses premières infrastructures nucléaires de base. Evidemment, rien ne s’était fait sans un « droit de regard » de l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA), qui a néanmoins beaucoup soutenu l’Algérie, membre de l’organisation depuis 1963. Entre-temps, en Algérie, un travail considérable avait été accompli dans le domaine de la prospection et de l’exploration de l’uranium, ce qui a donné naissance, en 1982, à la Commission nationale des énergies nouvelles, qui a chapeauté la mise en œuvre des infrastructures nucléaires, principalement constituées des premiers centres de recherche atomique et des premiers réacteurs destinés exclusivement à la recherche.
Mais à partir de 1986, le programme nucléaire civil national a connu son premier coup d’arrêt dû au manque de financement, l’Algérie étant frappée de plein fouet par le krach pétrolier de l’époque et l’étouffement économique qui s’en était suivi. Les progrès que l’Algérie aurait dû accomplir dans la recherche nucléaire ont également été gâchés par la décennie rouge, où la seule priorité du moment résidait dans la sauvegarde de la nation ; directement menacée dans sa survie; même si, en parallèle, le Commissariat à l’énergie atomique (Comena) a pu voir le jour. C’était en 1996. L’effort national sur la voie de l’énergie nucléaire n’a pas pour autant été vain, car si le pays, à l’heure actuelle, ne possède pas de centrales nucléaires en exploitation ni en construction, il s’exerce, autant que les conditions le permettent, sur des réacteurs dits de « simulation » et connus de tous : celui de Nour, localisé à Draria, dans Alger, un réacteur de recherche et de production d’isotopes à l’échelle laborantine de type RA-6 – El Reactor Argentino – d’une puissance de 1 mégawatt, livré par l’argentin INVAP après 18 mois de construction et inauguré en avril 1989. Il a été conçu pour utiliser de l’uranium enrichi à 20% de classe U-235, avec un refroidissement à eau légère. Puis celui d’Essalam, implanté dans le plateau steppique de Birine, à Aïn Ouessara, fruit d’une collaboration sino-algérienne, à travers la China Zhongyuan Engineering Corporation (CZRC), filiale « business » du conglomérat gouvernemental China National Nuclear Corporation (CNNC). Ce réacteur, d’une puissance de 15 mégawatts alimenté par de l’uranium enrichi à 3%, de même catégorie que celui utilisé dans le réacteur de Nour, est de plus grande dimension et sert principalement la recherche radio-médico-pharmaceutique par l’analyse des activations isotopiques, à l’essai des matériaux et à la formation ainsi qu’à l’entraînement des ingénieurs ou des doctorants algériens engagés dans des champs d’études nucléaires. Ce même centre avait été à l’origine d’une rencontre, le 27 août 2012, entre le président de CNNC, Sun Qin, et le directeur général du Comena, Mohamed Derdour, lors de laquelle les deux parties ont examiné et discuté de la mise à niveau du Centre de recherche nucléaire de Birine. Etape majeure dans le processus d’appropriation du savoir-faire nucléaire national, l’Algérie s’était dotée, en 1999, de son tout premier complexe d’enrichissement, localisé dans le Sud, produisant principalement des barres de combustible à partir de minerai d’uranium ou d’uranium extrait de phosphate. Toute la zone est d’ailleurs propice à l’extraction de ces « intrants » indispensables à alimenter les réacteurs nucléaires. A ce propos, dans un document déclassifié et daté de 2009, la direction de l’information et des rapports relevant du Département américain de la défense (DoD) a estimé la taille des gisements algériens d’uranium à plus de 56 000 tonnes et ceux de phosphate à 700 000 tonnes par an, enfouis dans les entrailles et les roches des régions d’Eglab, de Ougarta, du sud du Tassili, à Timgaounine, Tinef, Abankor et Tahaggart. Malgré les contretemps et contraintes, ce n’est qu’à partir des années 2000 que le programme atomique civil de l’Algérie a pu « renaître », ce qu’ont favorisé une embellie financière et une inexorable augmentation de la demande en énergie; en plus de la découverte, à ce moment, des vertus du dessalement de l’eau de mer dans la sécurité hydrique du pays.
« L’Algérie a défini le cadre de référence pour la planification, à moyen terme, de la coopération technique avec les Etats membres de l’AIEA et identifié les domaines prioritaires qui nécessitent le transfert de la technologie nucléaire ainsi que les ressources de coopération technique y afférentes, dans le but d’appuyer ses objectifs nationaux en la matière. »
C’est à ce moment que le gouvernement a décidé d’étendre le champ d’application du nucléaire au champ de la désalinisation hydrique. Depuis, l’Algérie du nucléaire s’est accélérée, particulièrement en décembre 2011 quand la diplomate – entre autres ancienne ambassadrice de l’Algérie en Autriche dans les années 2000 – et ancienne présidente du conseil des gouverneurs de l’AIEA de 2008 à 2009, Mme Taous Ferroukhi, a paraphé, en tant que représentante permanente de l’Algérie auprès de la même organisation, avec Kwaku Aning, directeur général adjoint et chef du Département de la coopération technique, le programme-cadre national de l’Algérie (CPF – Country Programme Framework) pour la période de 2012 – 2017. L’Algérie a, de la sorte, formellement défini le cadre de référence pour la planification, à moyen terme, de la coopération technique avec les Etats membres de l’AIEA et identifié les domaines prioritaires qui nécessitent le transfert de la technologie nucléaire ainsi que les ressources de coopération technique y afférentes, dans le but d’appuyer ses objectifs nationaux en la matière. Le CPF identifie sept domaines prioritaires que sont le développement des énergies durables, le génie nucléaire, la santé humaine, l’agriculture, la gestion des ressources en eau, les applications industrielles et enfin la sécurité nucléaire, particulièrement la protection contre les irradiations.
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