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Stagner, de peur d’imploser Par Ammar Belhimer

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  • Stagner, de peur d’imploser Par Ammar Belhimer

    Il y a autant de Maghreb que d’intérêts en présence dans la région. Si nous peinons à dire le nôtre, découvrons celui des autres.
    Lorsque l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed) soutient que la croissance de l’Europe passe par le Maghreb, il ne fait que rappeler une évidence historique.
    Au cours d’un colloque sur le développement économique du Maghreb organisé mardi 8 juillet 2014 à Paris, colloque faisant suite à un rapport de la commission des affaires étrangères du Sénat français («S'engager pour le développement du Maghreb : un défi, une obligation»), il a été notamment soutenu : «Si la croissance n’est pas chez nous, allons la chercher de l’autre côté de la Méditerranée !» — dixit Jean-Louis Guigou, directeur général d’Ipemed. Selon le même expert, fondateur de l’Ipemed : «Si les Européens et les Français veulent rester entre eux, ils risquent de stagner pendant 30-40 ans comme le Japon par le passé. Car l’Europe est trop vieille, trop endettée, sans croissance et dépendante au niveau énergétique (…) Mais si nous nouons des relations avec les pays du Sud, cela change tout. Malgré les révolutions, malgré le chaos apparent, ces pays enregistrent des taux de croissance de 3-4%, alors que nous sommes à 0,5%. Ils ont besoin de tout reconstruire. Demain, ils auront des taux de croissance de 6%».
    Le rapport d’information dont il est question est signé de deux sénateurs (Josette Durrieu et M. Christian Cambon) et résulte des travaux de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la rive Sud de la Méditerranée, «une zone de prospérité à construire»(*).
    Le document est d’une consistance exceptionnelle, dépassant les 300 pages.
    La Méditerranée y est décrite comme un carrefour, toujours intense, entre trois continents, particulièrement exposé aux problèmes de l’eau.
    C’est aussi une région marquée par des dynamismes démographiques et des flux migratoires. Ses pôles décisionnels sont localisés au Nord qui abrite des pays développés et intégrés, alors que le Sud est une mosaïque contrastée de pays émergents au développement avancé (pétrole) et d’autres en mal de développement et marginalisés. L’industrialisation des 2 rives est inégale. Les Etats du sud restent «périphériques». Leur intégration est jugée «nécessaire et passe par un développement global qui doit être accompagné par l’Europe et notamment la France dans le cadre d’une coopération partenariale qui resterait à établir».
    Quelle place et quel rôle sont réservés à notre pays dans cette configuration de l’espace méditerranéen et qu’est-il attendu de lui ?
    L’Algérie est, à tort ou à raison, perçue comme «une économie d’aisance mais peu soutenable à moyen terme».
    C’est une économie de rente fondée sur les hydrocarbures qui ne peut durablement compter sur cette manne. Il est rappelé cette amère perspective, souvent occultée, que si la consommation domestique d’hydrocarbures continuait à progresser à son rythme actuel, l’Algérie pourrait n’exporter que du gaz après 2023 et importerait du pétrole. Elle pourrait devenir un importateur net d’hydrocarbures à partir de 2026.
    D’autres vérités nous sont par ailleurs assénées : «Elle est aussi une vulnérabilité dans l’hypothèse d’une baisse sensible des cours du pétrole et du gaz, en conséquence d’un ralentissement de la demande mondiale ou de l’apparition de sources d’approvisionnement nouvelle (pétrole et gaz de schiste par exemple). En outre, l’Algérie ne dispose pas de réserves importantes. Celles-ci ne représentent que 1% des réserves pétrolières mondiales (10 à 15 ans d’exploitation) et 2,3% des réserves mondiales gazières (15 à 30 ans d’exploitation)».
    Pour les rédacteurs du rapport, le pays est riche, mais il investit peu donc il s’appauvrit. Ils rappellent alors fort opportunément que, «en son temps, l’or d’Amérique avait ruiné l’Espagne».
    Comme on l’imagine, il est souligné «une réorientation nécessaire de l’économie» dans une perspective de libéralisation, avec pour trame majeure «la diversification et le développement du secteur privé, qui seuls permettraient de créer les conditions d’une croissance pérenne et de réduire le chômage». Des options qui «font toujours figure d’impératifs mais tardent à venir». Il est notamment souligné : «L’environnement des affaires demeure difficile en Algérie (bureaucratie pesante, réglementation complexe et volatile, contrôle des changes pointilleux, pénalisation de l’acte de gestion), comme en témoigne son classement dans le rapport Doing Business de la Banque mondiale en 2013 avec la 152e place sur 183 pays (148e place en 2012). Un certain nombre d’entreprises font aussi face à des retards de paiements, des contentieux douaniers (évaluation en douane), des difficultés de transferts de recettes ou de dividendes».
    Plus loin, il est projeté «un changement à conduire» pour l’Algérie.
    De quels atouts dispose-t-elle pour un tel changement ?
    Avec un «système politique complexe», l’Algérie présente tous les atouts d’un régime politique classique avec des institutions (président de la République et Assemblée élue au suffrage universel), mais elle n’en demeure pas moins une «démocratie inaboutie, car le système est largement dominé par un cercle restreint de dirigeants qui détiennent la réalité du pouvoir».
    Ce système qui perdure «assure la stabilité politique mais ne permet pas une vie démocratique réelle engageant et recherchant la participation des citoyens. La vie politique semble figée».
    Rapportant des propos du politologue Luis Martinez, directeur de recherche au CERI, les sénateurs français estiment que «l’Algérie n’a pas su, sur le plan institutionnel, intégrer ses opposants et développer des ressources autres que celle de l’administration».
    Conséquence : «La société vit dans la peur de l’implosion.» Un point de vue attribué à certains experts comme Olivier Roy : «Le souvenir du nombre de victimes et des actes de terreur qui ont marqué les années noires explique, pour beaucoup d’observateurs, la faible appétence des Algériens pour un changement radical, malgré le niveau élevé de leurs revendications sociales et économiques, la difficulté pour les structures sociales intermédiaires d’organiser la contestation et le faible résultat des partis islamistes aux élections législatives de 2012. Cette retenue a, sans doute, été confortée par le déroulement conflictuel (Tunisie, Égypte), parfois chaotique (Libye) et même tragique (Syrie) de certains processus de transition et par la persistance d’attentats terroristes sur le sol algérien».
    Au final, «les solutions palliatives jusqu’alors mises en place, qui ne constituent pas un changement politique fondamental, risquent, dès lors, de s’avérer insuffisantes. Elles permettent de gagner du temps, mais l’orientation future de l’Algérie dépendra de l’usage qu’en feront les dirigeants pour conduire ce changement. Le bénéfice retiré par le gouvernement des politiques de redistribution et de réalisation d’infrastructures et de logements n’est, d’ailleurs, pas univoque car les résultats ne sont pas souvent à la hauteur des engagements, ce qui pose la question de l’efficacité de la gouvernance».
    Un constat, certes, sévère mais pas totalement infondé.
    A. B.

    (*) Josette Durrieu et M. Christian Cambon, Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur la rive Sud de la Méditerranée, une zone de prospérité à construire, enregistré à la présidence du Sénat le 30 octobre 2013.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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