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Cette propriétaire de Ploeuc-sur-Lié (Côtes d'Armor) avait découvert en mars 2014 des milliers de cannettes de bière accumulées par ses locataires.© Ouest-France
Des milliers de canettes, des vieux déchets, des objets accumulés : un « appartement-poubelle » a été découvert à Nantes.
PHOTOS ET VIDÉO. À Nantes, des tonnes d'immondices inondent l'appartement
Un expert analyse cette obsession des entassements.
Entretien
Qui sont les entasseurs qui croulent sous les objets ou les ordures ?
Ils sont en « situation de type Diogène », du nom du philosophe grec (413 avant Jésus-Christ). Fils de banquier, il devint esclave après la condamnation et la faillite de son père. Il vivait dans une jarre.
On distingue deux catégories. D'abord, les malades. Les collectionneurs, qui accumulent de manière obsessionnelle, sont en grande souffrance, car il leur manque toujours quelque chose. Il y a aussi ceux ayant des psychoses, bizarres, c'est-à-dire inhabituels dans leurs comportements, leurs discours, leurs vêtements. Chez eux, c'est trop plein ou trop vide.
Et l'autre catégorie, qui n'est pas associée à des troubles mentaux ?
Le phénomène est universel et remonte à la nuit des temps. Ici, l'entassement illustre la capacité à survivre dans des conditions hostiles, à être autosuffisant. Dans l'enfance, ces personnes ont peut-être été délaissées, obligées de se débrouiller seules. Ces Diogène vont rejeter l'ami, le père ou l'assistante sociale qui propose de les aider.
Qu'est-ce qui les caractérise ?
Ils semblent avoir besoin de tout et ils ne demandent rien. Les relations aux objets, au corps et aux autres peuvent être poussées aux extrêmes. Tout et son contraire, cela déroute et fascine. Les misanthropes qui vivent en reclus et les philanthropes qui veulent partager leur approche du divin. Les négligents aux ongles longs, aux cheveux sales, à l'opposé des dandys et sportifs obnubilés par leur corps. Les pauvres et, à l'inverse, les « mendiants thésauriseurs » aux matelas bourrés de billets. Ils peuvent passer d'un état à l'autre. Exemple illustre : le producteur de cinéma Howard Hughes, interprété par Leonardo DiCaprio dans Aviator. Les troubles sont parfois éphémères. Exemple fréquent : l'étudiant concentré sur la préparation de ses examens qui ne range rien, ne vide plus sa poubelle, ne lave pas son linge…
Éprouvent-ils de la honte ?
Certains. Ceux-là aiment beaucoup dîner chez vous, mais ils ne vous inviteront jamais, de crainte de révéler leurs stocks insensés. Mais tout finit par se savoir à force d'odeurs intenables, de cafards, de départs de feu involontaires… Dans les campagnes, les Diogène disposent d'espace : de quoi nourrir cent chats, entasser de la ferraille jusqu'au ciel, etc.
Comment les aider ?
Compliqué ! Une rupture brutale avec leur mode de vie - faire un grand ménage, tout jeter - va provoquer un stress si intense qu'il peut entraîner un infarctus, un suicide. L'entourage culpabilise, hésite. Il faut intervenir tout en restant à distance. Les personnes encore en contact - que j'appelle « les porteurs de paniers » -, jouent un rôle essentiel : elles leur procurent de la nourriture, des nouvelles de l'extérieur, du réconfort.
Les Diogène intriguent et dégoûtent parfois…
Oui, mais pour nouer une relation avec eux, il est possible de les valoriser. Leur dire qu'on a à apprendre de leurs aptitudes à survivre en milieu hostile, de leur « sagesse », de leurs capacités d'adaptation…
Colette DAVID. Ouest-France
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