Belkhadem: retour à la case Aflou
par Kamel Daoud
Grand événement amoureux : Belkhadem a été chassé du régime. Pas remercié, pas muté, pas renvoyé, pas emballé par des « raisons de santé », mais chassé. La formule du communiqué transmis par canal de l'APS est brutale : il est chassé comme ministre, porte-parole, ministre d'Etat, représentant, employé, salarié et membre du FLN. Il ne lui reste que sa peau. Du très rare dans les mœurs passionnelles du régime. Le crime doit être gigantesque pour provoquer un tel traitement.
Question un : qu'a fait cet homme pour tomber si lourdement par terre et revenir à la case Aflou et au statut d'avant son discours qui charma Boumediene ? Sa réunion avec trois autres ex-Premiers ministres ou chefs de gouvernement, sous la tente de Menasra l'islamiste pour l'université d'été de son parti. Cela ne se pardonne pas du point de vue logique de tribus. Le bonhomme avait flirté un peu avec des lignes rouges pendant ces derniers mois, mais on lui avait pardonné à cause de son don unique en Algérie : il est sans os et sans eau sous le visage. On peut lui faire dire et endosser ce que l'on veut. Un coup d'Etat chiffonnier ou une façon de dire non à Enrico Macias alors que Bouteflika lui avait dit « Oui » il y a quelques années. Belkhadem avait été chargé, contre toute décence, de jouer le rôle de la « résistance » pour que Bouteflika n'ait pas l'air petit de se dédier et de ne pas respecter sa parole. Et Abdelaziz l'avait fait. Entre dix mille autres tâches domestiques. Servile, obéissant, malléable, il en apparaît donc encore plus traitre quand on l'a vu sourire avec trois autres ex-Premiers ministres détestés par Bouteflika. Une pure trahison dans la logique de Harem du pouvoir.
Car, sous le légalisme traditionnel, il y a toujours eu des moments de perte de contrôle où l'essence du régime apparaît pour ce qu'elle est : une monarchie collégiale de régence. Là, Belkahdem a enfreint la loi des immatriculations : il est allé participer avec un sourire dans une boîte concurrente. Ceux qui connaissent l'actuel président, savent qu'il ne pardonne pas ce genre de mondanité dans son dos. Susceptible comme roi, il en est encore plus choqué quand il s'agit d'un homme qu'il sait avoir remodelé de ses propres mains ces dernières années.
La brutalité du geste, son communiqué, le canal de publication et la formule attestent du caractère subjectif, émotionnel et rancunier de la raison première. Belkhadem a fréquenté, même pour quelques heures seulement, trois vieux ennemis de la monarchie actuelle : Benbitour, l'un des rares à avoir réussi sa démission (les autres ont été floués : on leur a souri, ils ont retiré leur lettre de démission et, le lendemain, ils ont été remerciés. Vieille tradition bouteflikienne). Le second est Ghozali, auteur de quelques phrases assassines sur le régime, patron d'un parti encore plus interdit que ne le sera jamais le FIS, intellectuel organique de l'opposition des retraités du régime. Et bien sûr Benflis, fils maudit de la monarchie, ennemi personnel de Bouteflika quatre et de son frère.
Tout cela pour revenir sur l'essentiel : le régime algérien a ce propre qu'il est légaliste à l'extrême pour couvrir l'illégalité extrême, toujours. Mais il est aussi subjectif dans ses rapports : il fonctionne en logique de Harem, brus, belles-filles, secondes épouses, concubines, serfs, mères-porteuses. Sa passion est extrême : noces forcées ou répudiations spectaculaires. Entre les deux moments, un souci maladif pour les rites, les formes, les formules et la mondanité internationale. La tribu Bouteflika a la hantise de la trahison depuis la mort de Boumediene. Belkhadem vient d'en connaître la facture. Il a été répudié par la famille régnante de l'an 15 de la monarchie algérienne.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
par Kamel Daoud
Grand événement amoureux : Belkhadem a été chassé du régime. Pas remercié, pas muté, pas renvoyé, pas emballé par des « raisons de santé », mais chassé. La formule du communiqué transmis par canal de l'APS est brutale : il est chassé comme ministre, porte-parole, ministre d'Etat, représentant, employé, salarié et membre du FLN. Il ne lui reste que sa peau. Du très rare dans les mœurs passionnelles du régime. Le crime doit être gigantesque pour provoquer un tel traitement.
Question un : qu'a fait cet homme pour tomber si lourdement par terre et revenir à la case Aflou et au statut d'avant son discours qui charma Boumediene ? Sa réunion avec trois autres ex-Premiers ministres ou chefs de gouvernement, sous la tente de Menasra l'islamiste pour l'université d'été de son parti. Cela ne se pardonne pas du point de vue logique de tribus. Le bonhomme avait flirté un peu avec des lignes rouges pendant ces derniers mois, mais on lui avait pardonné à cause de son don unique en Algérie : il est sans os et sans eau sous le visage. On peut lui faire dire et endosser ce que l'on veut. Un coup d'Etat chiffonnier ou une façon de dire non à Enrico Macias alors que Bouteflika lui avait dit « Oui » il y a quelques années. Belkhadem avait été chargé, contre toute décence, de jouer le rôle de la « résistance » pour que Bouteflika n'ait pas l'air petit de se dédier et de ne pas respecter sa parole. Et Abdelaziz l'avait fait. Entre dix mille autres tâches domestiques. Servile, obéissant, malléable, il en apparaît donc encore plus traitre quand on l'a vu sourire avec trois autres ex-Premiers ministres détestés par Bouteflika. Une pure trahison dans la logique de Harem du pouvoir.
Car, sous le légalisme traditionnel, il y a toujours eu des moments de perte de contrôle où l'essence du régime apparaît pour ce qu'elle est : une monarchie collégiale de régence. Là, Belkahdem a enfreint la loi des immatriculations : il est allé participer avec un sourire dans une boîte concurrente. Ceux qui connaissent l'actuel président, savent qu'il ne pardonne pas ce genre de mondanité dans son dos. Susceptible comme roi, il en est encore plus choqué quand il s'agit d'un homme qu'il sait avoir remodelé de ses propres mains ces dernières années.
La brutalité du geste, son communiqué, le canal de publication et la formule attestent du caractère subjectif, émotionnel et rancunier de la raison première. Belkhadem a fréquenté, même pour quelques heures seulement, trois vieux ennemis de la monarchie actuelle : Benbitour, l'un des rares à avoir réussi sa démission (les autres ont été floués : on leur a souri, ils ont retiré leur lettre de démission et, le lendemain, ils ont été remerciés. Vieille tradition bouteflikienne). Le second est Ghozali, auteur de quelques phrases assassines sur le régime, patron d'un parti encore plus interdit que ne le sera jamais le FIS, intellectuel organique de l'opposition des retraités du régime. Et bien sûr Benflis, fils maudit de la monarchie, ennemi personnel de Bouteflika quatre et de son frère.
Tout cela pour revenir sur l'essentiel : le régime algérien a ce propre qu'il est légaliste à l'extrême pour couvrir l'illégalité extrême, toujours. Mais il est aussi subjectif dans ses rapports : il fonctionne en logique de Harem, brus, belles-filles, secondes épouses, concubines, serfs, mères-porteuses. Sa passion est extrême : noces forcées ou répudiations spectaculaires. Entre les deux moments, un souci maladif pour les rites, les formes, les formules et la mondanité internationale. La tribu Bouteflika a la hantise de la trahison depuis la mort de Boumediene. Belkhadem vient d'en connaître la facture. Il a été répudié par la famille régnante de l'an 15 de la monarchie algérienne.
par Kamel Daoud
Le Quotidien d'Oran
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