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Il n’existe pas de protocole de dialyse en Algérie, c’est l’anarchie

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  • Il n’existe pas de protocole de dialyse en Algérie, c’est l’anarchie

    Porte-parole de la Fédération nationale des insuffisants rénaux, Mohamed Boukhors revient, dans cet entretien, sur les dysfonctionnements flagrants d’un secteur en mal de prise en charge et de respect des lois : l’insuffisance rénale.

    - En quelques mots, comment évaluez-vous la situation des insuffisants rénaux en Algérie ?

    La situation est alarmante, voire tragique, suite à l’inexistence de prévention en amont, de réglementations et guides de recommandations adéquats, de charte du malade hospitalisé, d’un dossier médical de l’insuffisant rénal, du manque de connaissances, de suivi et de contrôle de la part des institutions concernées…, (voir le tableau ci-après).

    La loi n°85-05 du 16 février 1985 relative à la protection et à la promotion de la santé étant obsolète, aucun amendement n’a été introduit depuis ! Une nouvelle législation sanitaire, incluant certaines pathologies chroniques (cancer, insuffisance rénale...) doit être élaborée.

    - De plus en plus de cas d’insuffisance rénale sont enregistrés chaque année. Sont-ils réellement pris en charge ?

    Actuellement, nous dénombrons, à travers tout le territoire, plus de 2000 malades en liste d’attente. Ces nouveaux patients, pour leur survie, sont pris en charge (deux heures de dialyse par séance) sur leur lieu de résidence au détriment de ceux déjà programmés dont le temps de dialyse lui aussi est diminué de deux heures par séance.

    C’est du bricolage pur et simple ! Un manque flagrant d’unités d’hémodialyse, surtout privées, se fait ressentir à l’intérieur du pays. Les malades de Bordj Badji Mokhtar dialysent à Adrar, par exemple ! Les unités d’hémodialyse étatiques de l’intérieur du pays sont dépourvues de néphrologues qui ne sont intéressés que par le farniente et la sinécure des cliniques d’hémodialyse privées du Centre et du Nord. Il n’existe même pas de protocole de dialyse, chacun y va de son propre chef.

    Le personnel médical et paramédical n’est pas suffisamment formé pour ces traitements. Quant aux malades placés sous dialyse péritonéale, les autorités concernées devraient faire la lumière sur leur devenir depuis 1980. Nous avions abordé ce sujet lors de la journée parlementaire de décembre 2009, en vain.

    - En effet, beaucoup de malades se plaignent des entraves de la confection de la fistule…

    La confection de la fistule, la pose des cathéters, des prothèses artificielles et les complications des abords vasculaires sont des actes chirurgicaux qui doivent être réalisés, gracieusement, en milieu hospitalier. Au début de l’avènement de la pathologie rénale en 1980, les fistules étaient confectionnées au niveau du CNMS d’Alger, puis les rendez-vous s’espacèrent et les malades de tout le pays ne pouvaient subvenir aux frais de déplacement, d’hébergement, de restauration ni se faire dialyser sous cathéter dans les structures étatiques saturées et «inaccueillantes».

    Aussi, ces malades étaient contraints de se rapprocher de certaines cliniques privées, moyennant finances (20 000 à 140 000 DA) pour survivre, le ministère de la Santé ne s’étant jamais soucié de cette frange de malades. Puis la pose des cathéters (8000 DA), prothèses artificielles (plus de 100 000  DA), traitement des complications des abords vasculaires (thrombose et sténose, 45 000 DA) devint un commerce lucratif, sans garantie, ni facture…

    La DG/CNAS signa une convention avec trois cliniques, El Azhar et Chahrazed à Alger et Abou Marouane à Annaba, pour uniquement la confection de la fistule et la pose du cathéter, sous condition de déposer un dossier complet auprès de l’une des cliniques citées qui demandera à son tour l’agrément auprès de «spécialistes» au niveau de la DG/CNAS. Imaginons un tant soit peu un malade d’Adrar, de Tamanrasset, de Tindouf, de Ouargla, de Bordj Badji Mokhtar ou d’Oran sous cathéter jugulaire ou fémoral, qui devra se déplacer, se faire héberger, se nourrir par ses propres moyens pour déposer ce dossier, «se faire dialyser à Alger ou à Annaba» - chose impensable - puis revenir et attendre le «rendez-vous» de la clinique ! Une fois le rendez-vous pris et le malade sur place, la clinique, pour ne pas dire le chirurgien, exige un téléthorax, une phlébographie… C’est machiavélique !

    Alors que ce même chirurgien, ailleurs, confectionne une fistule ou pose un cathéter, moyennant finances, sans problème aucun. Les prothèses artificielles sont inexistantes en milieu étatique. La fragilité du capital vasculaire des enfants, le vieillissement de la population des hémodialysés et le manque d’assiduité -induit par la routine- des paramédicaux, endommagent leurs fistules, aussi un recours au greffon prothétique est vital. Ces prothèses sont disponibles en milieu privé à des prix exorbitants, soit plus de 700 euros tandis que leur pose est aussi onéreuse. La FNIR avait alerté les ministères concernés, en vain.

    - Et pour ce qui est de l’hémodialyse pédiatrique ?

    Elle est dispensée d’une manière inadéquate :

    - Inexistence de prévention des angines répétitives et de l’infection urinaire en amont ;
    - non-utilisation de kits pédiatriques (capillaire, aiguilles, sets…) spécifiques ;
    - non-utilisation de la pommade anesthésiante atténuant la douleur de ponction des aiguilles (pommade défalquée de la liste des médicaments remboursables sous prétexte que c’est un luxe) ;
    - non-prescription de l’hormone de croissance disponible en milieu hospitalier ;
    - pas d’accompagnement psychologique ni diététique de cet être en construction ;

    L’infection urinaire est fréquente en milieu pédiatrique et notamment en période néonatale. Elle touche 2 à 3 fois plus souvent les garçons que les filles. A cet âge, elle est souvent révélatrice d’une uropathie malformative qu’il faut prendre en charge rapidement afin d’éviter la constitution de lésions rénales parfois irréversibles et source d’hypertension artérielle, voire d’insuffisance rénale. L’infection de l’appareil urinaire du nouveau-né est le mode principal de révélation des uropathies obstructives et des reflux vésico-urétéraux (RVU). La dialyse péritonéale doit être préconisée pour les enfants et jeunes scolarisés, dans un délai court, le temps de les préparer à une éventuelle transplantation rénale.

    - Justement, où en est la transplantation rénale ?

    La transplantation rénale est ralentie à cause des pénuries cycliques de produits et autres médicaments, par l’inexistence d’une banque de données et de dossiers médicaux de malades, par les traitements et suivis inadéquats. La transplantation pédiatrique est méconnue des parents d’enfants dialysés, particulièrement ceux de l’intérieur du pays. Ils ne savent pas à qui s’adresser et où pour une éventuelle transplantation à partir de donneurs vivants. Quant à ceux ne pouvant être donneurs à cause de certaines pathologies (diabète, HTA…), la transplantation, à partir de donneur en état de mort encéphalique est une chimère.

    - L’ouverture de nouvelles cliniques privées d’hémodialyse est gelée, depuis une année, par l’ex-ministre du Travail. Cependant, la liste de nouveaux patients ne cesse de s’allonger…


    Une telle décision est irréfléchie, incompréhensible et inacceptable par l’éthique et par le malade. Le «gel» des conventions pour les cliniques privées d’hémodialyse (dûment autorisées par le ministère de la Santé, équipées et prêtes à exercer) par le précédent ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a encore aggravé la situation des malades. Il n’y a aucune coordination entre le ministère de la Santé et celui du Travail.

    La circulaire 1388/DG/2006 du 27 août 2006 du ministère du Travail, piétinant les arrêtés du ministère de la Santé du 31 mars 2002 (Journal officiel 30 du 28 avril 2002) fixant les conditions spécifiques d’ouverture et de fonctionnement ainsi que les normes techniques et sanitaires du centre d’hémodialyse allégé de proximité et celui n°7/MSP/MIN du 25 février 1995 fixant les normes techniques et sanitaires ainsi que les conditions de fonctionnement et d’exploitation des centres d’hémodialyse à titre privé, a démontré un manque de discernement flagrant et une méconnaissance des complexes facettes des traitements de la pathologie rénale, en imposant le néphrologue comme seul directeur médical, en instituant divers forfaits de paiement des prestations d’hémodialyse sans tenir compte du coût du kit de dialyse (adulte, pédiatrique, diabétique), des doses d’EPO et de fer injectable. Toutes nos correspondances et nos demandes d’audience auprès des ministères concernés sont restées lettre morte. La maladie n’attend pas, la mort aussi !

  • #2
    - Selon la loi, qui peut ouvrir une clinique d’hémodialyse ? Est-ce que cette loi est respectée ?

    Le décret n°88-204 du 18 octobre 1988, fixant les conditions de réalisation, d’ouverture et de fonctionnement des cliniques privées, stipule dans son article 7, que la clinique est placée sous la direction effective et permanente d’un médecin. L’arrêté n°7/MSP/MIN du 25 février 1995 fixant les normes techniques et sanitaires ainsi que les conditions de fonctionnement et d’exploitation des centres d’hémodialyse à titre privé stipule, dans son article 5, que la direction médicale du centre doit être assurée par un médecin spécialiste en néphrologie.

    La circulaire n°4/MSP/DSS/SDCC du 26 avril 1998 précise que toute réalisation et exploitation de clinique privée et autres structures privées de santé n’est accordée qu’à un médecin, groupement de médecins ou à une association à but non lucratif. Aujourd’hui, ceux chargés de faire respecter les lois, les transgressent ! La circulaire n°25 du 24 septembre 2007, relative à l’organisation des activités dans les structures de santé privées, est très édifiante sur l’anarchie qui règne dans le domaine médical.

    - Au niveau de certaines cliniques, des patients ont rapporté que leurs néphrologues, constamment absents, consultent de nouveaux malades au sein même de la clinique monnayant finances. Que dit la loi à ce sujet ?

    C’est une triste réalité ! La FNIR a de tout temps dénoncé ces pratiques illicites. L’arrêté n°7/MSP/MIN du 25 février 1995 fixant les normes techniques et sanitaires ainsi que les conditions de fonctionnement et d’exploitation des centres d’hémodialyse à titre privé stipule dans l’article 2 que le centre d’hémodialyse est une unité de traitement de l’insuffisance rénale chronique par les méthodes «d’épuration extra rénale».

    Il stipule également dans l’article 3 que le centre d’hémodialyse est assimilé à une clinique de type ambulatoire, lorsque seul le traitement de l’insuffisance rénale chronique y est dispensé. Les notes DG/CC/n°2141/2007 du 28 novembre 2007, DG/n°2347/2007 du 25 décembre 2007 et DPR/n°119/2009 du 10 janvier 2010 n’ont jamais été respectées ni par les destinataires ni par ceux qui les ont élaborées. Il n’existe aucun cabinet privé de consultation néphrologique sur tout le territoire.

    - On entend parler, depuis plus de dix ans, de l’institut national du rein et de l’agence nationale des greffes. Qu’en est-il aujourd’hui de ces deux structures tant attendues par les insuffisants rénaux ?

    Un chef de projet a été désigné à la tête de l’institut national du rein. Tous les équipements seront mis en place d’ici décembre 2014 afin que cet institut soit opérationnel début 2015. L’Agence nationale des greffes (Journal officiel 22 du 15 avril 2012 – décret exécutif n°12-167 du 5 avril 2012 portant création, organisation et fonctionnement de l’Agence nationale des greffes –),dont les locaux attenants à l’Institut national du rein à Blida sont fin prêts, n’attend que la désignation d’un responsable pour pouvoir se développer et activer…

    - Des tonnes de déchets sanitaires sont engendrées quotidiennement par les quelque 400 unités d’hémodialyse à l’échelle nationale. Que prévoit la loi à ce sujet et qu’en est-il en réalité ?

    Les organismes étatiques concernés ne se sont jamais préoccupés de cette calamité. Il existe des textes législatifs classés dans les tiroirs. Il s’agit du :

    - JORA (Journal officiel, ) 77 du 15 décembre 2001 - loi n°1-19 du 12 décembre 2001 relative à la gestion, au contrôle et à l’élimination des déchets ;
    - JORA 78 du 9 décembre 2003 – décret exécutif n°3-477 du 9 décembre 2003 fixant les modalités et les procédures d’élaboration, de publication et de révision du plan national de gestion des déchets spéciaux ;
    - décret exécutif n°3-478 du 8 décembre 2003 définissant les modalités de gestion des déchets d’activités de soins;
    - JORA 6 du 25 janvier 2009 - décret exécutif n°9-19 du 20 janvier 2009 portant réglementation de l’activité de collecte des déchets spéciaux.

    Un petit calcul s’impose : soit 2 kg de déchets par personne produits par une unité d’hémodialyse traitant 45 malades/jour durant six jours : 2 kg x 45 = 90 kg x 6 jours = 540 kg/jour, soit en 313 jours, 169 020 kg de déchets sont engendrés. 400 unités produiraient donc 67 608 000 kg ou 67 608 tonnes par an. Nous n’évoquerons point les déchets de soins engendrés par les CHU, EPH, EPSP, cliniques d’accouchement et cliniques chirurgicales privées. L’actuel ministre de l’Environnement avait annoncé, en 2013, la nécessité d’acquisition urgente de stations de traitement des déchets… En attendant, des montagnes de déchets s’élèvent !

    Meriam Sadat-El Watan

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