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Biographie du prophete sws.

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  • Biographie du prophete sws.

    SALAM


    Tout comme Il a fait l'islam le plus parfait des messages, Dieu a fait de Muhammad le plus parfait des hommes, une lumière destinée à influencer des générations de musulmans à travers les âges. Son exemple est tel qu'il couvre tous les aspects de la vie d'un homme. Sa vie personnelle, familiale, politique et sociale a été minutieusement décrite par ses Compagnons. Ainsi, jamais la vie d'un homme n'a été aussi connue et étudiée.

    Cette biographie décrit et analyse les différentes périodes de la vie du Prophète, de sa naissance à ses derniers instants, en s'appuyant sur des récits authentiques. Elle vise également à faire connaître tous les aspects de sa vie, ses joies et ses peines, ses espoirs et toujours son indéfectible espérance en Dieu.

    Le lecteur pourra ainsi, au fil des chapitres, faire un voyage avec le plus noble des hommes ; il pourra apprendre à connaître et à aimer celui qui a vécu pour que l'islam soit transmis à toute l'humanité.

    A SUIVRE....
    Dernière modification par mquidech, 10 septembre 2014, 06h14.

  • #2
    SALAM



    Rétrospective Historique



    Lorsqu'on évoque les premiers prophètes, on pense souvent à Abraham, non pas parce qu'il était le premier prophète - selon la tradition musulmane, ce n'est pas le cas - mais parce que Dieu l'a honoré en confiant la mission prophétique à sa descendance. Pourtant, à un âge avancé, Abraham n'avait toujours pas d'enfant et Sarah, sa femme bien-aimée, n'était plus en âge de procréer. Dans sa foi inébranlable en la toute-puissance divine, Abraham espérait encore qu'un jour viendrait où il aurait un enfant qui lui apporterait joie et bonheur dans ses vieux jours.

    Sarah avait une servante nommée Hagar qu'elle avait ramenée d'Egypte. Elle offrit cette servante à Abraham en disant : « Je suis maintenant une vieille femme, beaucoup trop âgée pour avoir des enfants. Je te donne ma servante, Hagar, et j'espère que Dieu te donnera un enfant avec elle. » Peu après, Hagar était enceinte. Elle donna naissance à un fils qu'on appela Ismaël.


    La joie d'Abraham était immense, tout comme celle de Hagar. Elle savait que maintenant sa place dans la maison n'était plus celle d'une servante : elle était la mère du seul enfant de la famille. En regardant Hagar s'occuper de son fils nouveau-né, Sarah éprouva une jalousie de plus en plus vive, surtout lorsqu'elle remarqua toute l'attention, l'amour et la tendresse qu'Abraham portait à Hagar et Ismaël.

    Pourtant, le bonheur de Sarah tenait à coeur à Abraham. Après tout, elle était depuis de longues années l'épouse qui partageait sa vie. Il se dit que le seul moyen d'assurer le bonheur des deux femmes serait de les séparer. Comme il réfléchissait à la manière d'y parvenir, il reçut des ordres divins qui mirent un terme à ses hésitations. En parfait croyant toujours prêt à exécuter les ordres de Dieu, Abraham se mit en route avec Hagar et Ismaël, pénétrant au plus profond de la péninsule arabe par des chemins inconnus, et parvint à l'endroit où se trouve actuellement la Mecque. À l'époque, la région était désertique, on n'y trouvait ni eau, ni végétation. Personne n'y habitait. Mais Abraham reçut de Dieu l'ordre de laisser son fils Ismaël et Hagar à cet endroit. Il laissa donc l'enfant là avec sa mère, leur donnant un sac de dattes et le peu d'eau qu'il avait avec lui. Puis il repartit pour la Palestine où il avait laissé Sarah.

    Hagar lui demanda comment il pouvait les abandonner dans cette vallée aride : Abraham ne répondit pas. Il ne pouvait même pas regarder en arrière, tellement il était triste de les laisser là. On imagine facilement ses yeux pleins de larmes, tandis qu'il s'éloignait en les abandonnant. Cherchant désespérément à être rassurée, Hagar lui demanda s'il les abandonnait là sur un ordre de Dieu. Il répondit que oui, et elle dit alors : « Celui qui t'a ordonné de faire cela ne nous abandonnera pas. »

    Dans la solitude de son long voyage de retour, Abraham dut ressentir toutes les émotions d'un vieux père abandonnant son enfant unique, seul avec sa jeune mère dans le désert. Croyant profondément à la sagesse divine, il était cependant convaincu qu'il pouvait les confier au soin de Dieu. Il leva les mains et prononça du fond du coeur cette prière : « Seigneur, j'ai installé une partie de mes descendants dans une vallée sans culture, auprès de Ton oratoire sacré afin, Seigneur, qu'ils puissent accomplir la prière ! Seigneur, dispose en leur faveur les coeurs d'un certain nombre d'hommes ! Veille à leur procurer des fruits pour leur subsistance. Peut-être seront-ils reconnaissants. » (Coran 14.37) Soulagé par le sentiment que Dieu n'abandonnerait pas ces deux êtres sans défense qui lui étaient si chers, Abraham put poursuivre son voyage.

    Une mère solitaire avec son enfant


    Dans la vallée aride, Hagar s'occupait de son jeune fils, rassurée de savoir que c'était pour un dessein de Dieu qu'ils se trouvaient dans ce désert sans vie. Elle ne voyait pas de raison de désespérer. Pendant quelques jours, son fils et elle survécurent grâce aux dattes et à l'eau qu'Abraham avait laissées. Elle rendait grâce à Dieu pour Ses bienfaits et L'implorait d'avoir pitié d'elle et de son fils. Bientôt, cependant, sa réserve de dattes et d'eau s'épuisa. Elle n'avait rien pour se nourrir ni pour nourrir son enfant. Tous deux avaient faim et soif.

    Au milieu des cris du petit enfant, Hagar était désemparée, envahie par le désespoir. Elle courait çà et là, dans l'espoir de trouver quelque chose pour calmer Ismaël. Elle grimpa sur la colline la plus proche pour tenter d'observer les environs. Cette colline, c'était as-Safa. Ne voyant personne, elle descendit et grimpa sur la colline voisine, al-Marwa. Là non plus, aucun signe de vie n'était visible. Elle retourna à la première colline, puis continua ainsi à aller et venir entre les deux collines. À chaque fois, il lui semblait entendre des voix venant de la direction opposée. Comme elle avait couru sept fois entre les deux collines et se trouvait au sommet d'al-Marwâ, elle entendit une voix tout près d'elle, sans voir personne. Elle dit alors : « Qui que tu sois, aide-nous si tu le peux. »

    Se tournant vers son enfant au creux du vallon, elle le vit frotter la terre de son pied. Puis elle entendit l'ange lui demander qui elle était. Elle répondit : « Je suis Hagar, mère du fils d'Abraham. » Il lui demanda ensuite : « À qui t'a-t-il confiée dans ce lieu désolé ? » Elle répondit : « Il nous a confiés à Dieu. » L'ange dit alors : « Eh bien, il vous a confiés au Miséricordieux, au Compatissant. »

    À ce moment, tandis que l'enfant frottait encore le sol, de l'eau jaillit entre ses pieds. Hagar s'écria : « Dieu est Grand. » Elle courut rejoindre son fils et se mit à former une barrière autour de la source pour éviter que l'eau ne s'écoule dans la vallée. Elle remplit son outre, et l'eau jaillissait toujours. Après avoir fait boire son enfant, elle but elle-même et se prosterna pour exprimer sa reconnaissance envers Dieu. Elle savait désormais qu'elle avait été conduite à cet endroit pour que se réalise un dessein précis de Dieu.

    L'eau continua de jaillir et attira des oiseaux. Il se trouva qu'une tribu arabe appelée les Jurhum voyageait alors vers le Nord à travers le désert. Voyant passer un oiseau, ces gens se rendirent compte qu'une source devait se trouver aux alentours, car les oiseaux n'allaient que là où il y avait de l'eau. Désireux de se réapprovisionner en eau, ils s'efforcèrent de déterminer la position exacte de la source. Leurs émissaires eurent tôt fait de revenir avec la bonne nouvelle, et ils se rendirent sur place pour boire et se laver. Lorsqu'ils virent Hagar, ils comprirent que la source lui appartenait. Cette dernière était cependant fort heureuse de les voir et leur permit d'établir leur camp.

    Les Jurhum se plurent à cet endroit, et Hagar était ravie de leur compagnie. Ils décidèrent de s'installer là, abandonnant leur projet d'aller plus au Nord. Ce fut le commencement d'une vie sédentaire dans la vallée de La Mecque. Ismaël grandit parmi la tribu des Jurhum ; il apprit à parler leur langue, l'arabe, et se mêla à leurs enfants. Devenu un jeune homme, il épousa une jeune fille de cette tribu qui lui donna des fils et des filles. De fait, Ismaël était devenu l'un des Jurhum.

    Lui-même et ses enfants vécurent dans cette vallée, et bien des générations plus lard, Muhammad , Messager de Dieu et descendant direct d'Ismaël, naquit au même endroit. Abraham ne se contenta pas d'abandonner son enfant seul avec sa mère et de les oublier ; un prophète n'abandonne pas ainsi sa famille. Malgré la distance séparant la Palestine du lieu où il avait laissé Ismaël, Abraham rendait visite à Hagar et Ismaël de temps à autre. Il reconnaissait la grâce divine, manifeste dans le fait que les Jurhum étaient venus s'installer dans cette vallée, permettant ainsi à Ismaël de grandir parmi eux.

    Le Grand Sacrifice


    Lors d'une de ses visites, Abraham fit un rêve lui ordonnant de sacrifier à Dieu son fils Ismaël. Ce dernier était alors adolescent, et capable de comprendre qu'un prophète comme son père n'avait pas de fausses visions. Le premier signe de la prophétie est que les rêves d'un prophète sont aussi vrais que ce qu'il voit dans la vie réelle. Le rêve se répéta durant trois nuits consécutives et Abraham comprit qu'il n'avait pas d'autre issue que d'exécuter l'ordre divin. Il expliqua la situation avec la plus grande douceur possible à son fils, qui était encore tout jeune, et lui demanda : « Qu'en dis-tu, mon fils ? »

    Ismaël, élevé par une mère dont la foi profonde ne lui avait pas fait défaut même lorsqu'elle se trouvait abandonnée seule avec son enfant au milieu du désert, et par un père qui était prophète, portait la foi en lui depuis son plus jeune âge. Il affronta donc clairement le problème et se déclara prêt à se soumettre à la volonté divine : « Père, fais ce qui t'est ordonné. Tu verras, s'il plaît à Dieu, que je suis de ceux qui savent s'armer de patience dans l'épreuve. » (Coran 37.102)

    Le père et le fils s'éloignèrent de la ville jusqu'à un lieu aujourd'hui appelé Mina, où ils s'apprêtèrent à obéir à l'ordre divin. Satan tenta alors de dissuader Abraham de sacrifier son fils en éveillant en lui l'amour paternel. Abraham, cependant, ne faiblit nullement dans sa soumission à la volonté divine : il lapida Satan en trois endroits différents, une action commémorée par les pèlerins lorsqu'ils lapident les stèles lors d'un des rites du pèlerinage. Au moment où Abraham s'apprêtait, dans sa soumission absolue à la volonté divine, à sacrifier son fils, un ange lui apparut et lui ordonna de s'arrêter. Dieu, lui dit-il, avait accepté son offrande et était satisfait de son obéissance : Il épargnait Ismaël pour le laisser à son vieux père. L'ange donna à Abraham un bélier de belle taille à sacrifier à la place de son fils.

    A SUIVRE.....
    __________________

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    • #3
      SALAM

      La construction de la Ka'ba


      Lors d'une autre visite, peut-être quand Ismaël était déjà marié et avait des enfants, Abraham lui dit que Dieu lui avait ordonné d'édifier une Maison à cet endroit pour en faire un temple sacré. Ismaël se montra prêt à aider son père à bâtir l'édifice souhaité. Le père et le fils travaillèrent dur pour poser les fondations et élever le bâtiment. Ismaël apportait les pierres et les posait à leur place tandis qu'Abraham s'assurait que la construction était solide et fiable. Lorsque le bâtiment fut plus haut qu'Abraham, Ismaël apporta une grosse pierre sur laquelle son père monta pour continuer le travail. Tout en oeuvrant à l'édification du bâtiment, le père et le fils imploraient Dieu d'accepter leur travail et de bénir leur descendance. Le Coran mentionne leurs prières :


      Et quand Abraham et Ismaël élevaient les assises de la Maison : « ô notre Seigneur, accepte ceci de notre part! Car c´est Toi l´Audient, l´Omniscient. Notre Seigneur! Fais de nous Tes Soumis, et de notre descendance une communauté soumise à Toi. Et montre nous nos rites et accepte de nous le repentir. Car c´est Toi certes l´Accueillant au repentir, le Miséricordieux. Notre Seigneur! Envoie l´un des leurs comme messager parmi eux, pour leur réciter Tes versets, leur enseigner le Livre et la Sagesse, et les purifier. Car c´est Toi certes le Puissant, le Sage! » (Coran 2.127)

      Dieu accepta l'oeuvre d'Abraham et Ismaël et exauça leurs prières. Il fit de l'édifice qu'ils avaient construit un centre religieux accueillant des pèlerins du monde entier. Dieu enjoignit à Abraham d'annoncer aux êtres humains que Dieu leur demandait d'accomplir le pèlerinage à cette Maison. Abraham demanda : « Jusqu'où ma voix pourra-t-elle porter, Seigneur ? » Dieu lui dit que sa tâche ne consistait qu'à l'annoncer, et que Lui-même ferait en sorte que cette annonce soit entendue de tous. Cette annonce ayant été faite, les gens commencèrent à affluer à la Maison, qu'on appela la Ka'ba. Abraham leur enseigna les rites du pèlerinage, tels que Dieu les lui avait enseignés par l'intermédiaire d'un ange.

      Dieu dit à Abraham que Sa volonté était que La Mecque soit un sanctuaire où tout combat serait interdit : les animaux devaient y circuler librement, sans crainte d'être chassés ; il était interdit d'y couper les arbres ; les gens devaient y être en sécurité. Tel est le statut de La Mecque depuis qu'Abraham a construit cette Maison, le premier centre religieux édifié pour l'humanité. Dieu avait enjoint à Abraham de construire la Ka'ba pour servir de point de rassemblement à ceux qui adorent Dieu Seul, sans Lui attribuer d'associés ni d'égaux. Elle devait aussi être un refuge où chacun serait en sécurité.

      La Ka'ba a toujours été une construction de pierre sombre sans signification propre particulière ; son plafond reposait sur des piliers faits du meilleur bois. Le caractère sacré qu'a acquis la Ka'ba provient des souvenirs qui s'y attachent et, plus important encore, du concept dont elle symbolise la propagation : l'unicité de Dieu, la seule Divinité digne d'être adorée. Par contre, attribuer à la Ka'ba elle-même, ou à une quelconque de ses parties, un effet bénéfique ou néfaste propre, serait se rendre coupable d'idolâtrie, une erreur que l'islam tentera toujours, de toutes ses forces, d'éradiquer.

      La Ka'ba continua à être révérée et sanctifiée par les Arabes même à l'apogée de leur polythéisme. Ceux qui vivaient loin de La Mecque s'y rendaient pour visiter le sanctuaire. Le prestige des Quraysh en tant que principale tribu d'Arabie reposait en grande partie sur leur statut de gardiens de la Ka'ba. Dieu répondit également à la prière d'Abraham et Ismaël d'envoyer parmi leurs descendants un messager pour leur enseigner la foi pure fondée sur la soumission absolue à Dieu : ce messager fut Muhammad , le dernier des prophètes.

      La construction de la Ka'ba et le pèlerinage qui s'y déroulait régulièrement conférèrent à La Mecque une importance particulière en Arabie. Par la suite, d'autres tribus vinrent s'y installer. L'autorité était toutefois exercée par la tribu qui avait la garde de la Ka'ba. C'était elle qui en détenait les clés et dirigeait le pèlerinage, montrant aux pèlerins comment en accomplir les rites. C'était là un grand honneur, et les tribus arabes rivalisaient entre elles pour obtenir la garde de la Ka'ba. Lorsqu'une tribu s'assurait une position dominante à La Mecque, ses nobles jouissaient de cet honneur aussi longtemps qu'ils parvenaient à le conserver face à l'opposition constante des autres tribus.

      Naturellement, ce fut d'abord Ismaël et ses descendants qui exercèrent la garde de la Ka'ba. Elle demeura entre leurs mains jusqu'au moment où elle passa à la tribu des Jurhum. Ce transfert se fit sans violence, car les Jurhum étaient considérés comme les oncles maternels des Ismaélites, Ismaël ayant épousé une femme de leur tribu. Les Jurhum demeurèrent longtemps les gardiens de la Ka'ba. Au fil du temps, cependant, ils laissèrent des changements s'infiltrer dans les rites du pèlerinage et leur domination devint tyrannique. Tout au long de l'histoire de La Mecque, chaque fois que les gardiens de la Mosquée Sacrée, c'est-à-dire la Ka'ba, permirent à la corruption de se développer, Dieu leur fit perdre l'honneur de la garde de la Ka'ba au profit d'une autre tribu.

      Ainsi les Jurhum durent-ils céder aux Khuzâ'a l'honneur suprême de la garde de la Ka'ba. Mais ils ne l'abandonnèrent pas de bon coeur : dès qu'ils comprirent qu'ils ne pourraient plus défendre leur position, ils rassemblèrent tous les trésors dédiés à la Ka'ba et les enfouirent dans le puits de Zamzam, la source qui avait jailli entre les pieds d'Ismaël lorsqu'il était tout petit. Ils rasèrent le puits et effacèrent toute trace de son emplacement. Une fois certains que personne ne pourrait découvrir l'emplacement du puits, ils quittèrent La Mecque pour s'installer ailleurs.

      Les Khuzâ'a conservèrent longtemps la garde de la Ka'ba. Le pouvoir demeura entre leurs mains à La Mecque jusqu'à ce que les Quraysh le leur prennent. Les Quraysh, en tant que descendants directs d'Ismaël et d'Abraham (la paix soit sur eux), possédaient la lignée la plus noble d'Arabie. L'homme qui obtint cet honneur pour les Quraysh était Qusayy ibn Kilâb, cinquième aïeul de notre Prophète Muhammad ibn Abdullâh .

      Il est important de mentionner ici que ces changements politiques furent accompagnés de modifications fondamentales dans les croyances des peuples d'Arabie. Au cours du temps, le concept d'unicité divine s'affaiblit dans les esprits. L'introduction d'un symbole physique de la puissance divine était le commencement de l'idolâtrie. De plus en plus nombreux, ces symboles vinrent à être considérés comme des divinités et des partenaires de Dieu. À l'époque où Qusayy était le maître de La Mecque, les croyances païennes s'étaient étendues à toute l'Arabie.

      Qusayy prend le pouvoir à la Mecque

      L'histoire de l'ascendance de Qusayy vaut la peine d'être relatée. Son père mourut lorsqu'il était très jeune. Sa mère épousa un membre de la tribu de Qudâ'a nommé Rabî'a ibn Harâm. Rabî'a emmena sa femme et son enfant vivre avec sa tribu dans le nord de l'Arabie, aux confins de la Palestine. Qusayy vécut là en pensant être le fils de Rabî'a. Lorsque, devenu jeune homme, il apprit qu'il appartenait aux Quraysh et que son frère Zuhra en était le chef, il partit rejoindre ce dernier à La Mecque.

      Les Mecquois ne tardèrent pas à reconnaître en Qusayy un jeune homme très prometteur. Au sérieux de son caractère s'alliaient une grande sagacité et un coeur noble. Il se fit de nombreux amis. Lorsqu'il voulut se marier, son choix se porta sur Hubbâ, la fille de Hulayl ibn Hubshiyya, chef des Khuzâ'a et maître de La Mecque, qui occupait la position de gardien de la Ka'ba. Hulayl reconnaissait les dispositions de Qusayy pour le commandement et l'aimait beaucoup. Il le traitait comme son propre fils. Sur son lit de mort, Hulayl fit savoir qu'il avait choisi Qusayy pour lui succéder en tant que gardien de la Ka'ba et chef de La Mecque.

      La passation de pouvoirs ne se fit pas, néanmoins, sans résistance de la part des Khuzâ'a. Qusayy demanda l'aide de ses frères de la tribu des Qudâ'a qui accoururent à son secours avec une importante armée. Il eut tôt fait de soumettre les Khuzâ'a et de devenir maître de La Mecque. Les deux camps s'affrontèrent et beaucoup de sang fut versé. Ils se mirent ensuite d'accord sur un arbitrage, et l'arbitre choisi, Ya'mur ibn Awf, donna l'avantage à Qusayy. Une fois devenu le chef incontesté de La Mecque, Qusayy appela tous les clans de Quraysh, qui s'étaient dispersés de toutes parts, à venir s'y réinstaller. Il attribua à chaque clan un district afin de leur assurer le contrôle total de la ville.

      Tous les Quraysh étaient enchantés d'avoir Qusayy pour chef. Ils le surnommèrent « le rassembleur » parce qu'il avait fait se regrouper leur tribu. Ils voyaient en lui un homme de bon augure. Ils l'honoraient tellement que chaque fois qu'un homme ou une femme de Quraysh se mariait, qu'une consultation avait lieu sur une affaire publique ou qu'une guerre était déclarée, cela devait absolument se passer chez lui. Une demande de sa part était un ordre et sa parole était sacrée pour eux. Il construisit près de la Mosquée Sacrée une grande salle destinée à servir de lieu de réunion aux Quraysh et qu'on appela Dâr an-Nadwa.

      Ils s'y rassemblaient en toute occasion heureuse ou triste, y tenaient leurs consultations et y organisaient leurs célébrations. Dâr an-Nadwa était liée à Qusayy et continua à jouer son rôle après la mort de celui-ci. L'une des actions nobles de Qusayy fut l'introduction d'une pratique qu'on appela Rifâda. Il avait remarqué que les pèlerins arrivaient toujours à La Mecque de loin : ils arrivaient fatigués, leurs chameaux ou leurs chevaux complètement épuisés ; ils étaient mal nourris, mal vêtus, surtout les plus pauvres d'entre eux.

      Reconnaissant que La Mecque devrait leur montrer beaucoup plus d'hospitalité, il appela les notables de Quraysh et leur dit :


      Gens de Quraysh, vous êtes les voisins de Dieu et les gardiens de Sa Maison, vivant dans cette cité sacrée. A la saison du pèlerinage, vous accueillez les pèlerins qui viennent rendre visite à la Maison de Dieu, vénérant sa sainteté et pratiquant ses rites. Les hôtes les plus dignes d'hospitalité sont les hôtes de Dieu. Vous devez être hospitaliers envers eux. Fournissons-leur donc à boire et à manger jusqu'à ce qu'ils quittent notre ville pour rejoindre leur foyer et leur famille.



      A SUIVRE....

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      • #4
        SALAM


        Les Quraysh réagirent favorablement à la proposition de Qusayy et répondirent à son appel. Chaque famille fournit, en fonction de ses moyens, une quantité déterminée de nourriture et de boisson. Tout cela fut mis à la disposition de Qusayy, qui supervisa les mesures prises pour que tous les pèlerins reçoivent à boire et à manger en quantité suffisante. Il prit personnellement part à la tâche et offrit aux pèlerins le pain, la viande et les plats divers que les Quraysh avaient préparés pour eux. Le prestige des Quraysh et l'honneur de Qusayy en furent accrus. Toutes les marques de l'honneur et du commandement étaient réunies chez lui. Nul ne pouvait entrer à la Ka'ba si Qusayy lui-même ne lui avait pas ouvert la porte.

        Pendant la saison du pèlerinage, les gens ne mangeaient et ne buvaient que ce que Qusayy avait fourni. Son honneur était l'honneur des Quraysh : ils aimaient et vénéraient leur chef. À la mort de Qusayy, les institutions qu'il avait mises en place continuèrent à prospérer. Le chef des Quraysh était le personnage le plus respecté d'Arabie. Les Quraysh eux-mêmes inspiraient un immense respect.


        Après Qusayy, ses descendants fournirent plusieurs chefs compétents. Ils perpétuèrent ses traditions de veiller sur la tribu et de s'occuper des pèlerins. Cette dernière tâche et la garde de la Ka'ba constituaient un grand honneur pour les Quraysh. Hâshim, le petit-fils de Qusayy, accorda une place sans précédent à l'hospitalité envers les pèlerins. Il était très riche et son hospitalité était à la mesure de sa richesse. Il dit aux Quraysh qu'il ne leur aurait pas demandé de contribuer à l'alimentation des pèlerins si ses propres ressources y avaient suffi : cela les encouragea à se montrer encore plus généreux. Hâshim devait sa richesse au commerce.

        Lorsqu'il devint chef de La Mecque, il tint à faire profiter toute sa tribu de son expertise commerciale. Ce fut lui qui institua les expéditions commerciales qui devinrent bientôt une tradition bien établie dans la vie des Mecquois. En été, une grande caravane commerciale se rendait de La Mecque en Syrie ; en hiver, une autre allait au Yémen. Chaque caravane était une entreprise commune à laquelle tous les Mecquois prenaient part. C'était une source de bénéfices pour la population et de prospérité pour la ville.

        'Abd Al-Muttalib, Chef des Quraysh


        Ce furent d'abord ses frères, puis son fils Abd al-Muttalib, qui succédèrent à Hâshim. Abd al-Muttalib était le grand-père du Prophète . Il perpétua les traditions des chefs de La Mecque et se montra d'une grande intégrité et un chef exceptionnel. Sa popularité à La Mecque et dans toute l'Arabie dépassait celle de tous ses prédécesseurs.

        'Abd al-Muttalib continua la pratique de Rifâda, qui consistait à nourrir les pèlerins durant leur séjour à La Mecque pour accomplir les rites du pèlerinage. Il était cependant extrêmement difficile de leur fournir de l'eau. La Mecque ne possédait que quelques puits épars, suffisant tout juste aux besoins de sa propre population. C'était une rude tâche que d'aller chercher de l'eau à ces puits et de la rapporter dans des outres de cuir et divers récipients. Abd al-Muttalib réfléchit longuement à la solution de ce problème : il aurait donné n'importe quoi pour trouver le moyen d'assurer aux pèlerins un approvisionnement en eau suffisant.

        Une nuit, tandis qu'il concentrait ses pensées sur cette question, Abd al-Muttalib fut envahi par le sommeil. Il entendit en rêve quelqu'un qui lui disait : « Abd al-Muttalib, creuse le bon. » Il demanda : « Le bon quoi ? » mais il ne reçut aucune réponse. La nuit suivante, il entendit la même voix lui dire : « Abd al-Muttalib, creuse le béni. » Il demanda : « Qu'est-ce que le béni ? » Cette fois encore, il ne reçut pas de réponse. La troisième nuit, la même voix lui enjoignit de creuser « le précieux ». À nouveau, il demanda des précisions et ne reçut pas de réponse. Il réfléchit toute la journée à ces messages sibyllins.

        Tout cela le mettait mal à l'aise et lui apparaissait comme un mystère. La nuit suivante, il n'osait pas aller se coucher de crainte d'entendre à nouveau ces paroles énigmatiques. Il pria pour que cette affaire se résolve d'une manière ou d'une autre. Cette nuit-là, pendant son sommeil, Abd al-Muttalib entendit clairement la même voix lui dire : « Creuse Zamzam. » Il s'écria avec colère : « Qu'est-ce que Zamzam ? » Cette fois, il reçut la réponse recherchée : la voix lui expliqua que c'était la source qui suffirait aux besoins des pèlerins et lui donna suffisamment d'indications pour en déterminer l'emplacement exact. Abd al-Muttalib se réveilla très heureux, le coeur plein d'espoir.

        L'endroit se situait entre les deux collines d'as-Safâ et al-Marwâ, où les pèlerins accomplissaient le rite de la course. À cette époque de paganisme, les Arabes avaient une idole placée sur chacune de ces collines. Isâf était l'idole placée sur as-Safâ, tandis que Nâ'ila était sur al-Marwâ. À l'époque préislamique, c'était à cet endroit que les Arabes accomplissaient leur sacrifice.

        Ce matin-là, Abd al-Muttalib se rendit à l'emplacement indiqué en compagnie d'al-Hârith, son fils unique. Ils apportèrent tous les outils nécessaires pour creuser, et Abd al-Muttalib commença à creuser pendant qu'al-Hârith l'aidait à déblayer le sable. De nombreux hommes de Quraysh arrivèrent, inquiets de le voir creuser. Ils dirent à Abd al-Muttalib qu'il ne pouvait pas creuser à cet endroit, si près de la Ka'ba et de leurs deux idoles, Isâf et Nâ'ila. Il leur expliqua qu'il ne faisait que ce qu'on lui avait ordonné. Ils n'acceptèrent pas ses arguments et lui signifièrent qu'ils étaient prêts à s'opposer physiquement à son action.

        Certains lui dirent que s'il n'avait qu'un seul fils, eux-mêmes en avaient beaucoup. Cela causa une grande peine à Abd al-Muttalib. Il implora Dieu de lui donner dix fils pour le soutenir et lui apporter la protection qui lui faisait défaut. Il fit même le voeu, si Dieu lui donnait dix fils, de Lui en sacrifier un. La position de Abd al-Muttalib, son insistance et sa détresse manifeste firent changer d'avis les Quraysh : ils laissèrent Abd al-Muttalib continuer à creuser, mais personne ne l'aida.

        Il continua à creuser pendant trois jours, puis le désespoir commença à l'envahir. Il commença même à douter de la véracité de la voix qu'il avait entendue pendant ces quatre nuits. Mais, comme il envisageait de mettre un terme à sa tentative, sa pelle heurta un objet métallique. Les espoirs de Abd al-Muttalib en furent réveillés. Il continua à ôter le sable autour de l'objet, et eut tôt fait de dégager deux gazelles d'or et une quantité de boucliers, de sabres et d'armes diverses. Il comprit qu'il s'agissait des trésors enterrés dans le puits de Zamzam par les Jurhum avant de quitter La Mecque.

        Il continua à creuser de plus belle et découvrit bientôt le puits. Il s'écria : « Dieu est Grand. C'est bien le puits d'Ismaël. C'est Zamzam, l'eau pour abreuver les pèlerins. » Lorsque les Quraysh entendirent l'exclamation de 'Abd al-Muttalib, ils comprirent qu'il avait trouvé l'eau et accoururent pour réclamer leur part de tout ce qu'il avait découvert. Abd al-Muttalib leur dit que l'or et les armes n'appartenaient à personne : ils avaient été donnés en offrandes à la Ka'ba et continueraient de lui appartenir ; personne ne pourrait en prendre.

        Quant à l'eau, elle était à lui et personne d'autre ne pourrait y prétendre. Après tout, c'était lui qui avait reçu les indications permettant d'en retrouver l'emplacement, c'était lui qui avait été choisi pour le creuser. Les Quraysh arguèrent qu'il s'agissait du puits de leur aïeul Ismaël, et que c'était donc leur bien commun : il ne pouvait prétendre le garder pour lui tout seul. On débattit beaucoup sur ce point. Abd al-Muttalib, qui possédait un sens aigu de la justice, proposa alors qu'on choisisse un arbitre. Si l'arbitre décidait que l'eau appartenait à la tribu, il renoncerait à ses prétentions. Si l'arbitre jugeait en sa faveur, ses contribules feraient de même. Les Quraysh trouvèrent cela juste et acceptèrent l'arbitrage.


        L'arbitrage du conflit


        On avait l'habitude à l'époque de soumettre de tels conflits à l'arbitrage de devins et de personnes qui semblaient dotées de pouvoirs surnaturels. Il existe un récit de Alî ibn Abî Tâlib qui était, comme le Prophète , le petit-fils de Abd al-Muttalib, selon lequel tous s'accordèrent à consulter une devineresse de la tribu de Sa'd Hudhaym, établie aux confins de la Syrie.


        Les Quraysh choisirent une délégation de vingt hommes de différents clans. Abd al-Muttalib avait lui aussi une délégation de vingt hommes de son propre clan, les Abd Manâf. Ils voyagèrent en suivant des pistes connues, traversant aussi des zones désertiques où il n'y avait pas de chemin établi. En traversant l'une de ces régions désertiques, ils s'égarèrent. Bientôt toute l'eau qu'avaient apportée Abd al-Muttalib et sa délégation fut épuisée. Ils avaient très soif et étaient certains de mourir s'ils ne trouvaient pas d'eau. Ils demandèrent à l'autre délégation de partager son eau avec eux mais se heurtèrent à un refus.

        Les autres arguèrent en effet qu'ils se trouvaient tous dans le désert et qu'ils craignaient eux aussi de mourir de soif. Désespéré, Abd al-Muttalib demanda l'avis de ses hommes. Un homme dit : « Nous sommes sûrs de mourir. Si nous continuons notre route, nous allons mourir l'un après l'autre et nous disparaîtrons dans le désert sans qu'on puisse nous retrouver. Restons ici, et que chacun creuse sa tombe. Quand l'un de nous mourra, les autres le pousseront dans sa tombe. Ainsi, seul le dernier sera perdu : ce sera mieux que si nous étions tous perdus. Peut-être un jour les nôtres retrouveront-ils nos tombes. »

        Ils se rangèrent à cette proposition et commencèrent à creuser leurs tombes. Cependant, Abd al-Muttalib leur dit : « Attendre ainsi passivement la mort, sans rien faire pour l'éviter, est la pire des solutions. Qui sait, peut-être Dieu nous donnera-t-Il de l'eau à un endroit ou un autre. Continuons donc notre route en espérant être sauvés. » Ils rassemblèrent leurs affaires et préparèrent leurs chameaux, tandis que l'autre délégation les regardait. Abd al-Muttalib se mit en selle et fit lever sa chamelle : lorsqu'elle se mit en marche, une source jaillit sous l'un de ses sabots. Abd al-Muttalib et les membres de son clan s'exclamèrent : « Dieu est Grand ! » Ils mirent pied à terre et burent à satiété, puis remplirent leurs outres.



        A SUIVRE....

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        • #5
          SALAM

          Ensuite, Abd al-Muttalib invita les Quraysh à boire et à prendre toute l'eau dont ils avaient besoin. Il leur dit : « Dieu nous a donné cette eau : venez boire. » Une fois désaltérés, ils lui dirent : « Dieu a donné Son jugement en ta faveur, Abd al-Muttalib. Nous ne disputerons jamais tes droits sur Zamzam. Celui qui t'a donné cette eau dans le désert est Celui qui t'a donné Zamzam. Rentrons chez nous, et nous nous engageons à respecter tes droits sur Zamzam. » Ils firent demi-tour, renonçant à consulter la devineresse. Zamzam demeura la propriété exclusive de Abd al-Muttalib et de ses descendants, qui à leur tour continuèrent à fournir de l'eau aux pèlerins.

          Les années passèrent, et le voeu le plus cher de Abd al-Muttalib se réalisa : il avait maintenant dix fils, tous adultes. Il avait aussi six filles. En tout, Abd al-Muttalib avait cinq épouses. Un jour, Abd al-Muttalib fit venir tous ses fils pour leur parler du voeu qu'il avait fait lorsqu'il creusait le puits de Zamzam. Il leur dit que le moment était venu de s'acquitter de ce voeu en sacrifiant l'un d'eux à Dieu près de la Ka'ba. Tous se déclarèrent prêts à se soumettre au sacrifice. Il fallait alors en choisir un. Il proposa de suivre la coutume arabe, qui consistait à procéder à un tirage au sort sous la direction du gardien de la Ka'ba. Ils allèrent donc le trouver pour le tirage au sort.

          Abdullâh était le cadet des fils de Abd al-Muttalib. C'était aussi son préféré. C'était un jeune homme très prometteur, calme, très sociable, au comportement exemplaire et doté de hautes qualités morales. Son père ne l'en aimait que davantage. Le vieil homme se disait donc que si le sort épargnait Abdullâh, la peine qu'il aurait à sacrifier l'un de ses autres enfants en serait amoindrie. Le tirage au sort alla toutefois à l'encontre des désirs de Abd al-Muttalib : c'était Abdullâh qui devait être sacrifié. À l'époque, Abd al-Muttalib était très âgé et était chef de La Mecque depuis de nombreuses années.

          Il n'eut aucune hésitation à s'acquitter de son voeu. Il prit son fils par la main, prit son couteau et se rendit à la mosquée pour le sacrifier. L'une des soeurs de 'Abdullâh essaya de le retenir. Elle criait et gémissait, implorant les Quraysh de le sauver. Un certain nombre d'hommes de Quraysh décidèrent d'agir. Ils allèrent dire à 'Abd al-Muttalib : « Tu ne le tueras pas tant que toutes les alternatives n'auront pas été explorées. »

          Comme Abd al-Muttalib protestait qu'il s'agissait d'un voeu fait à Dieu et qu'il n'avait pas le choix, ils lui montrèrent le grave danger que son acte risquait de causer. Ils lui dirent : « Tu es notre chef. Tu es respecté dans toute l'Arabie. Si tu sacrifiais ton fils maintenant, ton acte serait imité par d'autres. De nombreux hommes amèneraient leur fils ici pour le sacrifier. Cela ne pourrait que nous affaiblir et semer le chaos dans notre société. »

          Al-Mughîra ibn Abdullâh, qui appartenait au même clan que la mère de Abdullâh, dit à Abd al-Muttalib : « Tu ne pourras le sacrifier que lorsque tu te seras assuré qu'il n'y a absolument aucune alternative. S'il est possible de payer une forte rançon pour l'épargner, nous la paierons certainement, aussi importante soit-elle. » Certains hommes de Quraysh conseillèrent à Abd al-Muttalib d'attendre d'avoir consulté une devineresse de Yathrib réputée avoir des contacts avec les djinns. Si elle trouvait une issue, il épargnerait son fils ; sinon, il serait encore temps d'accomplir son voeu. Lorsque cette devineresse fut informée de l'histoire, elle demanda à Abd al-Muttalib et à ses compagnons d'attendre qu'elle ait consulté son djinn. Abd al-Muttalib ne cessait d'implorer Dieu d'épargner son fils. Quoiqu'il ne voie pas ce qui pourrait être fait, il conservait un faible espoir qu'une solution puisse être trouvée.

          La femme ne tarda pas à trouver cette solution. Elle lui demanda quelle compensation ils payaient lorsque quelqu'un était tué accidentellement : ils répondirent qu'ils donnaient dix chameaux. Elle leur dit alors : « Retournez chez vous, et organisez un tirage au sort entre votre homme (c'est-à-dire Abdullâh) et dix chameaux. Si le sort est contre l'homme, ajoutez dix autres chameaux. Continuez ainsi ! aussi longtemps que le sort sera contre lui. Lorsque le sort désignera les chameaux, cela montrera que votre Dieu a accepté l'offrande et épargné votre homme. Alors, sacrifiez ces chameaux comme rançon à sa place. »

          Une vie épargnée


          Abd al-Muttalib et ses compagnons retournèrent à La Mecque heureux de cette solution. Lorsqu'il fut procédé au tirage au sort, Abd al-Muttalib se leva pour implorer Dieu d'épargner son fils. Chaque tirage au sort successif était défavorable à Abdullâh, et à chaque fois le nombre de chameaux était augmenté de dix. Lorsque le nombre de cent chameaux fut atteint, le sort indiqua que les chameaux devaient être sacrifiés. Pendant tout ce temps, Abd al-Muttalib priait et implorait Dieu d'épargner son fils. Lorsqu'il apprit la nouvelle, il voulut en être sûr : il ordonna à l'homme qui supervisait le tirage au sort de le recommencer trois fois. A chaque fois, le résultat fut le même. Les chameaux furent alors amenés et sacrifiés, et tous les habitants purent venir prendre de la viande selon leurs besoins.

          Abd al-Muttalib fut extrêmement heureux que la vie de son fils soit épargnée. Il lui sembla que son fils cadet renaissait. Comme tout père affectueux, il voulait faire de son mieux pour le bonheur de son fils. Il se mit donc immédiatement à organiser le mariage de Abdullâh. Il alla trouver Wahb ibn Abd Manâf, le chef du clan des Zuhra, et lui proposa de marier Abdullâh à sa fille Âmina. La proposition fut acceptée et, au bout de quelques jours seulement, le mariage fut célébré.

          Ce fut une union heureuse. Les deux époux furent bientôt très attachés l'un à l'autre. Il semble qu'ils s'accordèrent dès le premier jour et formaient un couple harmonieux. Mais Abd al-Muttalib, qui voulait que ses enfants acquièrent autant d'expérience pratique que cela était possible dans leur société, conseilla à son fils cadet de participer à la caravane commerciale qui s'apprêtait à partir pour la Syrie cet été-là. Malgré sa réticence à voir son mari partir si peu de temps après leur mariage, Âmina se rendait compte que Abd al-Muttalib ne recherchait que le bien de son fils.

          Comme Abdullâh se préparait à partir, Âmina lui annonça l'heureuse nouvelle qu'elle était enceinte. Il partit donc pour son voyage en pensant abondamment à sa femme et en nourrissant l'espoir d'un avenir brillant et heureux. Le voyage éprouva rudement le jeune homme. Traverser le désert au coeur de l'été torride d'Arabie ne convenait pas à sa constitution. Quoique jeune - tout juste une vingtaine d'années - et vigoureux, il contracta une maladie qui mina ses forces. Il n'avait toutefois pas d'autre choix que de poursuivre sa route avec la caravane. Sur le chemin du retour, son état empira : il avait besoin de soins adéquats. Lorsque la caravane arriva à Yathrib (plus tard connue sous le nom de Médine) il était devenu évident que Abdullâh devait être soigné. Il resta donc en arrière, confié à ses cousins du clan d'an-Najjâr.

          Lorsque la caravane arriva à La Mecque, Abd al-Muttalib s'inquiéta de ne pas y retrouver son fils. Informé qu'il avait été laissé à Yathrib pour reprendre des forces pendant quelque temps avant de poursuivre son voyage, Abd al-Muttalib envoya son fils aîné, al-Hârith, pour aider son frère lors du voyage de retour. En arrivant à Yathrib, al-Hârith apprit la triste nouvelle de la mort de Abdullâh.

          Cette tragique nouvelle était terrible pour Abd al-Muttalib, le vieillard, et pour Amina, la jeune épouse attendant un enfant désormais orphelin. Pourtant, Abd al-Muttalib devait bien se dire que la vie de Abdullâh n'avait été épargnée que pour être prolongée de quelques mois : il semblait que son destin avait été de vivre seulement afin qu'Amina puisse être enceinte. Il était loin de se douter, cependant, que le bébé d'Âmina serait le dernier messager que Dieu enverrait à l'humanité.


          Une campagne pour détruire la Ka'ba

          La même année, un événement très grave eut lieu en Arabie. Cet événement affecta tous les Arabes et leur foi, et marqua tellement leurs esprits qu'ils prirent l'habitude de s'y référer pour dater d'autres événements. En effet, les Arabes ne possédaient pas à l'époque de calendrier précis permettant de dater les événements : ils utilisaient comme points de repère chronologiques les événements marquants qui se produisaient dans leur vie.

          Les différents récits de cet événement qui nous sont parvenus relatent que peu après que les Abyssins avaient chassé les Perses du Yémen pour y instaurer leur propre domination, Abraha, le gouverneur abyssin du Yémen, y avait fait construire une magnifique église à laquelle il avait donné le nom de l'empereur abyssin de l'époque. Son action était motivée par l'attachement et l'enthousiasme qu'il avait pu constater chez les Arabes du Yémen - des sentiments partagés par tous les habitants de l'Arabie - pour la Ka'ba, la Mosquée Sacrée de La Mecque. Il espérait ainsi que les Arabes se détourneraient de la Mosquée de La Mecque pour venir à la place à sa luxueuse église.

          Mais les Arabes n'abandonnèrent pas leur Maison Sacrée, la Ka'ba. Ils étaient convaincus d'être les descendants d'Abraham et Ismaël, les constructeurs de la Maison, et en tiraient une immense fierté, conformément à leur tradition de trouver en leurs ancêtres une source de gloire. Il leur paraissait donc totalement absurde de détourner leur affection et leur respect vers cette nouvelle église bâtie par un simple chef d'armée qui suivait une religion qu'ils considéraient comme inférieure à la leur.

          Toute l'entreprise d'Abraha était pour eux une source de ridicule. L'un d'eux alla jusqu'à utiliser le plus magnifique endroit de cette église pour faire ses besoins, afin de souligner tout le mépris des Arabes pour l'idée d'Abraha. Lorsque Abraha apprit cela, il décida de démolir la Ka'ba afin de réaliser son objectif d'en détourner les Arabes. Il prit donc la tête d'une grande armée, équipée d'éléphants. Au premier rang marchait un très grand éléphant qui jouissait d'un prestige particulier auprès des hommes d'Abraha.

          La nouvelle de l'approche d'Abraha et de son objectif se répandit dans toute l'Arabie, les Arabes s'apprêtant avec ferveur à défendre leur Maison Sacrée. Un noble de la famille royale du Yémen, Dhû Nafar, tenta de s'opposer au gouverneur abyssin, appelant sa tribu et d'autres à combattre Abraha et à défendre la Ka'ba. Plusieurs tribus arabes se joignirent à lui dans une bataille contre Abraha que Dhû Nafar perdit ; ce dernier fut fait prisonnier. Plus loin, Abraha fut attaqué par Nufayl ibn Habib al-Khath'amî, qui avait mobilisé deux tribus arabes ainsi que des combattants d'autres tribus alliées : Abraha remporta la bataille et captura Nufayl.



          A SUIVRE.....
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          • #6
            SALAM


            Nufayl accepta alors de guider Abraha à travers l'Arabie. Lorsque le gouverneur abyssin approcha de Ta'if, un certain nombre de chefs locaux vinrent lui dire que la Maison qu'il voulait détruire se trouvait à La Mecque et non pas à Tâ'if : ils craignaient qu'il ne détruise le temple qu'ils avaient construit pour leur idole, al-Lât. Ils lui fournirent également un guide pour lui montrer le chemin de la Ka'ba.


            En arrivant à al-Mughammas, une vallée à mi-chemin entre Tâ'if et La Mecque, Abraha envoya l'un de ses chefs de troupe à La Mecque, où il s'empara de possessions des Quraysh et d'autres tribus arabes, dont deux cents chameaux appartenant à Abd al-Muttalib. Les Quraysh, les Kinâna, les Hudhayl et d'autres tribus voisines se rassemblèrent pour combattre Abraha, mais y renoncèrent en se rendant compte que leur tentative était vouée à l'échec. Ensuite, Abraha envoya un messager à La Mecque pour rencontrer son chef et lui signifier que le gouverneur du Yémen n'était pas venu pour combattre les Mecquois mais seulement pour détruire la Maison : si on le laissait accomplir son but, il ne souhaitait pas que le sang soit versé.

            Lorsque le messager eut transmis les propos de son maître à Abd al-Muttalib, celui-ci répondit : « Par Dieu, nous ne voulons pas le combattre et nous n'avons pas le pouvoir de lui résister. Cette Maison Sacrée appartient à Dieu, elle a été bâtie par Son ami choisi, Abraham. S'il la protège contre lui, c'est que la Maison Lui appartient, et s'il la laisse détruire, nous n'avons pas le pouvoir de la protéger. » Abd al-Muttalib accompagna alors le messager auprès d'Abraha.


            Malgré son âge avancé, Abd al-Muttalib était un bel homme, à l'air plaisant et noble. Abraha éprouva d'emblée un grand respect pour lui. Il sentait que Abd al-Muttalib était trop noble pour s'asseoir au pied de sa couche royale, mais en même temps il n'avait pas envie que les Abyssins le voient assis à côté de Abd al-Muttalib sur sa couche : il en descendit donc et s'assit sur le tapis avec Abd al-Muttalib. Puis Abraha ordonna à son interprète de demander à son hôte ce qu'il voulait. Abd al-Muttalib répondit qu'il voulait demander au « roi » de lui rendre ses deux cents chameaux, pris comme butin par son chef de troupe.

            Abraha dit à son interprète de lui répondre : « Je t'ai admiré lorsque je t'ai vu pour la première fois, mais après t'avoir parlé je suis déçu. Viens-tu me parler de deux cents chameaux pris comme butin, en oubliant la Maison qui est le symbole de la religion en laquelle tu crois, comme le faisaient tes ancêtres, et que je suis venu détruire ? Tu n'as même pas dit un mot pour me persuader de l'épargner. »

            Abd al-Muttalib répondit : « Je ne suis maître que de mes chameaux. La Maison, elle, a son propre Maître qui la protégera certainement. » Abraha répliqua : « Elle ne peut pas être défendue contre moi. » Le chef des Mecquois dit alors : « Tu tentes ta chance ! » Abraha lui rendit ses chameaux. Un récit suggère qu'un certain nombre de chefs arabes avaient accompagné Abd al-Muttalib dans sa visite à Abraha. Ils offrirent de donner au chef abyssin le tiers de tous les profits de leurs terres s'il repartait sans détruire la Ka'ba : celui-ci refusa leur proposition.

            Abd al-Muttalib partit ensuite retrouver les Quraysh et leur relata son entrevue avec Abraha. Il leur ordonna de quitter La Mecque et de se réfugier dans les montagnes voisines. Puis il se rendit à la Ka'ba en compagnie de quelques personnages importants de Quraysh ; là, tous implorèrent Dieu de les aider et de protéger la Maison. On a dit que Abd al-Muttalib serrait dans sa main l'anneau de la porte dans un geste de supplication insistante. Il aurait récité ces vers :


            Notre Seigneur, toute créature protège son bien : protège le Tien.
            Ne laisse pas leur croix et leur pouvoir l'emporter sur Ton pouvoir.
            Si Tu les laisses détruire notre Maison Sacrée, Tu as sûrement quelque dessein.


            Le matin venu, Abraha donna l'ordre à son armée de se préparer à se mettre en marche avec les éléphants pour achever sa mission. Durant ces préparatifs, Nufayl s'approcha de l'éléphant et lui murmura à l'oreille : « Assieds-toi, éléphant, ou retourne d'où tu viens. C'est la cité sacrée de Dieu. » L'énorme éléphant s'assit lorsque l'armée arriva devant La Mecque, refusant d'aller plus loin. Les soldats déployèrent tous leurs efforts pour persuader l'éléphant de pénétrer dans la ville, mais en vain. Cet incident est un fait reconnu par le Prophète : lorsque sa chamelle al-Qaswâ' s'assit à une certaine distance de La Mecque, le jour où fut conclu le traité d'al-Hudaybiyya, le Prophète dit à ceux de ses Compagnons qui prétendaient qu'elle était devenue têtue que ce n'était pas le cas car telle n'était pas sa nature : « Mais, ajouta-t-il, elle a été retenue par la même force qui a empêché l'éléphant de pénétrer à La Mecque. » (Rapporté par al-Bukhârî)

            Alors, la volonté de Dieu de détruire l'armée abyssine et son chef s'accomplit. Il envoya des nuées d'oiseaux bombarder les assaillants de pierres de sable et d'argile, les laissant pareils à des feuilles desséchées et déchiquetées, comme nous le dit le Coran. La majorité des soldats - mais pas tous - fut atteinte par ces pierres. Tous ceux qui étaient atteints mouraient rapidement. Abraha subit des blessures. Ceux de ses soldats qui restaient le ramenèrent au Yémen, mais ses membres commencèrent à se détacher de son corps et il se mit à perdre ses doigts les uns après les autres, jusqu'à son arrivée à San'a. Selon divers récits, Abraha serait mort la poitrine fracassée.

            Ainsi Dieu déjoua-t-Il le plan d'Abraha pour détruire la Ka'ba. À leur manière, les Arabes furent très reconnaissants envers Dieu d'avoir sauvé Sa Maison de la destruction aux mains d'Abraha. Lorsque Dieu envoya Son messager avec Son ultime message, Il rappela aux Arabes cet événement dans une courte sourate du Coran qui porte le titre « L'Eléphant », afin d'évoquer une partie de Ses faveurs envers les Arabes. Cette sourate dit : « Ne sais-tu pas le traitement que ton Seigneur a infligé aux gens de l'Eléphant ? N'a-t-Il pas déjoué leurs manoeuvres, en lançant contre eux des oiseaux par nuées, qui les bombardèrent de pierres d'argile, au point de les réduire à l'état d'une balle dont le grain a été dévoré ? »

            A SUIVRE.....
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            • #7
              SALAM

              priere de ne pas perturber cette biographie.vous pouvez ouvrire un topics pour debattre ou donner votre avis .merci

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              • #8
                SALAM



                Les premières années



                Les récits relatent qu'Amina, la mère du Prophète , ne rencontra guère de difficultés au cours de sa grossesse ; tout se passa bien pour elle. Malgré tout ce qu'elle avait entendu des problèmes que connaissaient les autres femmes lorsqu'elles étaient enceintes, sa propre grossesse fut très facile. Elle espérait en outre que l'enfant qui allait naître égayerait sa vie après la tragédie si inattendue du décès de son époux.

                La naissance de Muhammad ne fut marquée par aucun fait inhabituel. Tout ce que l'on peut signaler, c'est que sa mère raconta plus tard que son accouchement avait été facile. Les historiens n'ont pas pu déterminer avec certitude l'année exacte de sa naissance. La plupart des récits s'accordent cependant à considérer que c'était en 570 apr. J.-C, l'année où Abraha, le souverain abyssin du Yémen, avait attaqué La Mecque. Quant à la date, c'était très probablement le 12 du mois de rabî' al-awwal de l'année 53 avant l'hégire. Déterminer la date exacte de la naissance du Prophète n'apporte rien de particulièrement significatif. En effet, les célébrations qui ont lieu à cette date de nos jours n'ont pas de réel fondement religieux : ce sont uniquement des célébrations traditionnelles dépourvues de signification cultuelle.

                Lorsque Amina eut son bébé, elle fit appeler Abd al-Muttalib pour qu'il vienne voir son petit-fils. Il en fut très heureux : Abd al-Muttalib était encore très affecté par la mort de son fils Abdullâh, mais la naissance de Muhammad apaisa sa tristesse, offrant l'espoir d'un avenir heureux pour le nouveau-né. Il emporta l'enfant à la Ka'ba où il pria longuement pour lui. Il remercia Dieu de lui avoir donné un garçon pour porter le nom de son fils défunt. Puis il ramena le bébé à sa mère, qui lui dit qu'elle avait entendu des voix lui ordonnant d'appeler son enfant Muhammad.

                Muhammad signifie « souvent loué » ou « digne de louange ». Ce nom n'était pas du tout habituel en Arabie, mais Abd al-Muttalib n'hésita pas à le donner à son petit-fils. Il ne pouvait s'empêcher de penser que les événements qui avaient conduit à la naissance de l'enfant laissaient présager qu'il exercerait une grande influence sur la vie de sa communauté. Lorsque les notables de La Mecque l'interrogeaient sur le nom inhabituel qu'il avait donné à son petit-fils, il répondait qu'il souhaitait que l'enfant soit loué par les êtres humains sur terre et par Dieu au Ciel. Ce fut Thuwayba, une servante de son oncle Abu Lahab, qui allaita Muhammad durant une courte période, le temps qu'on lui trouve une nourrice.

                L'enfance dans le désert


                Les nobles de La Mecque avaient coutume d'envoyer leurs enfants en nourrice chez les bédouins. Les grands espaces du désert leur paraissaient en effet bien meilleurs pour leurs enfants en bas âge que l'atmosphère confinée de la ville. Ils pensaient qu'un enfant qui avait été en nourrice dans le désert ne manquerait pas de devenir un adulte robuste et en bonne santé.

                De temps à autre, des femmes bédouines venaient à La Mecque chercher des nouveaux-nés à allaiter. En échange, elles recevaient des parents un salaire et des cadeaux. La rétribution n'était pas fixe, mais laissée à la générosité du père. Un groupe de ces femmes arriva à La Mecque peu après la naissance de Muhammad . Toutes regardèrent Muhammad mais refusèrent de le prendre en apprenant que son père était mort. Apparemment, aucune ne pensait que le grand-père les rétribuerait aussi bien que le propre père de l'enfant.

                Elles trouvèrent toutes un enfant à prendre en nourrice, à l'exception de Halîma bint Abî Dhu'ayb. Voici le récit que cette dernière donna plus tard de cette journée :



                Je partis avec mon époux et notre petit garçon, en compagnie d'autres femmes de notre tribu, les Sa'd ibn Bakr, pour chercher un bébé à allaiter. L'année avait été mauvaise dans notre partie du désert. Nous n'avions rien pour survivre. Je cheminais sur une mule, et nous avions une vieille chamelle qui ne nous donnait pas une goutte de lait. Nous ne dormions guère la nuit, parce que notre petit garçon pleurait toujours de faim. Je n'avais pas assez de lait pour le satisfaire. Notre chamelle était en piteux état, mais nous espérions toujours la pluie et des jours meilleurs.


                Notre mule était si faible que je restais toujours en arrière de mes compagnes. Je les dérangeais beaucoup à cause de notre faiblesse. Lorsque nous arrivâmes à La Mecque, chaque femme se vit proposer d'allaiter Muhammad, et le refusa en apprenant qu'il était orphelin. Nous espérions seulement des cadeaux et des dons du père de l'enfant. C'est pourquoi, chaque fois qu'on nous le proposait, nous répondions : « Un orphelin ! Qu'est-ce que sa mère ou son grand-père pourraient faire pour nous ? »

                Chaque femme du groupe put obtenir un enfant à allaiter, sauf moi. Comme nous nous apprêtions à repartir, je dis à mon époux : « Je n'aime pas être la seule à repartir les mains vides. Je vais prendre cet orphelin. » Il répondit : « C'est une bonne idée. Peut-être nous apportera-t-il quelque bénédiction. » Je retournai donc le chercher. Dès que je lui donnai le sein, je sentis ma poitrine se remplir de lait. Il but a satiété, ainsi que son frère, mon propre fils. Tous deux s'endormirent tout de suite après : nous n'avions pas beaucoup dormi les nuits précédentes à cause des pleurs de notre enfant.

                On raconte également qu'à cette époque, le Prophète tétait toujours le même sein et n'acceptait jamais l'autre, comme s'il avait su qu'il avait un frère de lait et avait voulu lui laisser sa part. Halîma a relaté : « Mon époux pensa que nous pourrions essayer de traire notre vieille chamelle. Il s'aperçut bientôt que ses mamelles étaient pleines. Il put traire assez de lait pour nous satisfaire tous les deux. Il y avait longtemps que nous n'avions pas passé une aussi bonne nuit. Mon époux me dit au matin : "Tu sais, Halîma, tu as pris un enfant béni." Je répondis : "Je l'espère sincèrement." »

                Voici la suite de son récit : Nous nous mîmes en route ce matin-là : je montais la même mule et portais Muhammad avec moi. Elle marchait vite maintenant, devançant toutes mes compagnes. Celles-ci s'en étonnèrent et me demandèrent si c'était la même mule que j'avais montée pour venir à La Mecque. Elles furent très surprises lorsque je répondis que oui. Lorsque nous arrivâmes chez nous, nous connûmes une grave sécheresse. Néanmoins, nos brebis avaient toujours beaucoup de lait. Nous avions plus que nécessaire, tandis que personne d'autre n'en avait assez.

                La plupart des autres brebis n'avaient pas de lait du tout. Les gens disaient à leurs bergers de faire paître leurs moutons à côté des miens, espérant ainsi avoir du lait : seules mes brebis avaient les mamelles pleines tous les soirs. Cette bénédiction divine se poursuivit jusqu'à ce que l'enfant ait deux ans : alors, je le sevrai. Il grandissait mieux qu'aucun autre enfant. À deux ans, il était très robuste pour son âge. Je le ramenai à sa mère, préparant dans mon esprit les meilleurs arguments possibles pour la persuader de me le laisser encore un peu. Je lui dis : « J'aimerais que tu me laisses ton enfant encore un peu, jusqu'à ce qu'il devienne plus fort. Je crains qu'il n'attrape quelque infection à La Mecque. » J'insistai tellement que je parvins à la persuader de le renvoyer avec moi.

                A SUIVRE....
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                • #9
                  Un événement étrange


                  Muhammad demeura dans le désert avec sa nourrice Halîma pendant près de quatre ans en tout. Rien de remarquable n'arrive habituellement à un enfant si jeune, c'est pourquoi les historiens ne relatent pas grand-chose de cette époque. Néanmoins, un événement qui se produisit durant cette période perturba tellement Halîma qu'elle préféra retourner à La Mecque et rendre l'enfant à sa mère Âmina.

                  Tandis que Muhammad jouait avec d'autres enfants, l'Ange Gabriel apparut et le prit par la main. Il allongea Muhammad et lui ouvrit la poitrine. Il en sortit son coeur et en ôta une tache noire qu'il jeta en disant : « C'est la part de Satan en toi. » Puis il lava le coeur de Muhammad dans un récipient d'or plein d'eau glacée avant de le remettre en place. Il referma ensuite l'incision et partit.

                  Le fils de Halîma, le frère de lait de Muhammad , courut annoncer à sa mère que celui-ci était mort. Elle se précipita vers lui et le trouva debout, mais pâle. Comme elle lui demandait ce qui s'était passé, il relata ce que lui avaient fait « deux inconnus vêtus de blanc ».

                  Cet incident perturba énormément Halîma. Des nuits durant, elle réfléchit à Muhammad et à ce qui lui était arrivé. Certains récits suggèrent qu'elle l'emmena voir un devin pour essayer de comprendre le sens de ce qui s'était passé. L'authenticité de ces récits peut être mise en doute. Ce qui est certain, toutefois, c'est que Halîma jugea plus prudent de rendre l'enfant à sa mère. Ce fut son époux qui fit cette suggestion, exprimant la crainte que le petit garçon ait été attaqué par les mauvais esprits. « Il est plus sage de le ramener maintenant chez les siens, avant que des conséquences néfastes n'apparaissent. »

                  Âmina fut surprise de voir Halîma ramener Muhammad. Elle lui en demanda la raison, lui rappelant son insistance pour le garder. Halîma répondit : « Tout va bien pour lui et pour nous. Nous nous sommes acquittés de notre tâche le mieux possible. Nous avons pensé qu'il serait mieux avec vous de peur que quelque chose ne lui arrive. » Âmina, sentant que Halîma ne lui disait pas tout, insista tant qu'elle finit par lui avouer ce qui s'était passé. Âmina lui dit alors : « Ne crains pas Satan pour cet enfant. Mon fils aura un avenir glorieux. Je te dis que ma grossesse a été la plus facile jamais vécue par une femme. Une nuit, lorsque j'étais enceinte, il m'a semblé en rêve qu'une lumière sortait de moi pour illuminer tous les palais de Syrie. Lorsqu'il est né, il a levé la tête vers le ciel. Laisse-le auprès de moi et rentre chez les tiens. »

                  Nouvelle tragédie

                  Muhammad vécut ensuite avec sa mère, qui le chérissait et veillait sur lui comme la plus affectueuse des mères veille sur son enfant préféré. Notons que Amina ne s'était pas remariée après la mort de son jeune époux. C'était là un fait inhabituel dans la société mecquoise, où il était courant d'épouser des femmes veuves ou divorcées. Âmina possédait plusieurs qualités faisant d'elle un parti désirable : la principale était la noblesse de sa lignée, un facteur très important dans cette société. Malgré cela, elle ne se remaria pas. Peut-être ne parvenait-elle pas à chasser de son esprit les événements qui avaient précédé la perte tragique de son époux. Suffisamment de signes indiquaient que son fils ne manquerait pas de jouer un rôle important. Elle pensait probablement qu'élever son enfant suffirait à la combler.

                  C'est dans ce contexte qu'il faut considérer son voyage à Yathrib avec son fils, maintenant âgé de six ans, et sa nourrice Umm Ayman. Elle voulait qu'il rende visite au clan des an-Najjâr, ses oncles maternels. En effet, quand un homme épousait une femme d'une autre tribu ou d'un autre clan, tout membre de ce groupe était dès lors considéré comme l'oncle de ses enfants et de ses petits-enfants, et ce, pour toujours. La mère de Abd al-Muttalib appartenait au clan des an-Najjâr, et c'est pourquoi ils sont considérés comme les oncles du Prophète. Plus important encore, Amina voulait que son fils visite la tombe de son père. Peut-être pensait elle qu'il était temps qu'il comprenne que son père était enterré à Yathrib, loin de la Mecque.

                  Muhammad et sa mère passèrent un mois à Yathrib avant de prendre le chemin du retour. Ce fut un bien triste voyage pour le jeune garçon. En effet, ils n'avaient pas été très loin lorsque sa mère tomba malade. La maladie fut rapide et fatale. Amina ne put ni parcourir la courte distance qui la séparait de Yathrib, ni poursuivre sa route. Muhammad, à six ans, n'avait plus ni père ni mère. Amina ayant été enterrée sur le lieu de sa mort, à al-Abwa, Muhammad poursuivit son voyage de retour à La Mecque avec sa nourrice, Umm Ayman, le coeur plein de peine. Rien, lui semblait-il, ne pourrait remplacer l'amour et la tendresse de sa mère. Jusqu'à la fin de sa vie, il devait se souvenir d'Amina et ressentir le chagrin de sa perte.

                  Sa vie durant, le Prophète se montra reconnaissant envers les femmes qui s'étaient occupées de lui pendant son enfance. Sa gratitude envers Thuwayba, la première femme à l'avoir allaité juste après sa naissance, était telle qu'il demanda de ses nouvelles lorsqu'il conquit La Mecque plus de soixante ans plus tard. En apprenant qu'elle était morte, il s'enquit aussi de son fils, qu'elle allaitait quand lui même était né : il voulait se montrer généreux envers lui ; mais il apprit qu'il était mort également.

                  Halîma, elle, lui rendit visite à Médine. Quand elle arriva, il se leva pour la recevoir en s'exclamant : « Ma mère ! Ma mère ! » Il lui montra toute la reconnaissance d'un fils affectueux et dévoué. Il fit également preuve de bonté envers sa soeur de lait Shaymâ, la fille de Halîma. Après la bataille de Hunayn, où la tribu des Hawâzin fut vaincue, Shaymâ fut faite prisonnière par les soldats musulmans. Elle les informa de sa relation au Prophète et ils la conduisirent près de lui. Il lui fit un accueil généreux et lui offrit des présents avant de la renvoyer honorablement auprès des siens ; auparavant, il lui avait proposé de rester près de lui, mais elle avait choisi de partir.


                  Umm Ayman, quant à elle, demeura proche du Prophète le restant de ses jours. Plus tard, il la maria à Zayd ibn Hâritha, le premier homme à embrasser l'islam, que le Prophète aimait plus que quiconque. Elle donna naissance à Usâma, que le Prophète aimait plus qu'aucun enfant à part les siens. Après la mort de sa mère, Muhammad était à la charge de son grand-père, Abd al-Muttalib. Umm Ayman, une jeune esclave dont le vrai nom était Baraka, continua à s'occuper de lui. Elle avait appartenu à son père, et maintenant elle était à lui. Elle l'aimait tendrement, peut-être plus encore parce qu'elle savait qu'il avait perdu ses deux parents avant d'atteindre l'âge de six ans.

                  Le grand-père de Muhammad était plus indulgent envers lui que ce n'était habituel dans la société arabe, où les enfants étaient élevés dans la plus stricte discipline. Aucun enfant n'était admis dans une pièce où son père recevait d'autres hommes. Pourtant, Abd al-Muttalib, le chef de La Mecque, permettait à son petit-fils de s'asseoir sur son tapis lorsqu'il recevait des notables mecquois. Ses autres enfants, maintenant adultes, restaient debout, mais Muhammad avait le droit de s'asseoir sur le tapis de son grand-pèrè. Lorsque les oncles de Muhammad tentaient de l'en empêcher, Abd al-Muttalib leur disait de n'en rien faire. Il leur dit un jour : « Laissez mon enfant tranquille. Il sent qu'un jour il obtiendra un royaume. » À une autre occasion, il dit : « Il aura certainement un grand avenir. »

                  A SUIVRE....
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                  • #10
                    Un nouveau tuteur

                    Abd al-Muttalib pressentait qu'il ne tarderait pas à mourir. L'avenir de l'orphelin était dès lors sa préoccupation la plus urgente. Il appela donc son fils Abu Tâlib et lui demanda personnellement de s'occuper de Muhammad , son neveu, lorsque lui-même serait mort. Il eut raison de le faire, car Abd al-Muttalib mourut moins de deux ans après avoir assumé la charge de Muhammad. On relate que Abd al-Muttalib avait cent vingt ans lorsqu'il mourut ; son petit-fils, lui, n'avait alors que huit ans. Une fois encore, la mort retirait à Muhammad un parent affectueux.

                    La mort de son grand-père l'attrista profondément : nul, semblait-il, ne pourrait jamais se montrer aussi bon envers lui. Son chagrin était celui de l'enfant affectueux qui comprend que jamais plus il ne verra l'être aimé. Peut-être Abd al-Muttalib avait-il choisi de confier Muhammad à Abu Tâlib parce que ce dernier avait la même mère que Abdullâh, le père de Muhammad. Il voyait peut-être aussi qu'Abû Tâlib était le plus généreux et le plus affectueux de ses enfants. Tout cela explique pourquoi cette charge fut confiée à Abu Tâlib malgré le fait qu'il avait lui-même plusieurs enfants et ne disposait que de faibles ressources.

                    Plusieurs autres oncles de Muhammad auraient été mieux placés pour s'occuper de lui, financièrement parlant. Ce fut pourtant Abu Tâlib que Abd al-Muttalib choisit, et ce choix s'avéra le plus juste. Abu Tâlib s'occupa de Muhammad jusqu'à l'âge adulte. Même alors, il continua à lui témoigner toute l'attention d'un père affectueux envers son fils adulte. Il était toujours prêt à le conseiller et à guider ses choix. Lorsque Muhammad commença à recevoir la révélation et à transmettre son message, Abu Tâlib le soutint face à l'opposition violente des Quraysh. Il ne lui fit jamais défaut, même quand les pressions se firent trop dures pour le vieillard qu'il était alors. Une relation d'amour et de respect mutuels unissait l'oncle et son neveu orphelin.

                    Abu Tâlib aimait Muhammad autant, sinon plus, que le plus cher de ses enfants. À l'époque où il était chez son oncle, certains signes montrèrent que la présence de Muhammad apportait la bénédiction divine. Bien que la maison d'Abû Tâlib ne se soit pas subitement remplie de richesses, les ressources étaient toujours suffisantes quand Muhammad était là. Si le dîner était servi et que Muhammad était absent, Abu Tâlib ordonnait à ses enfants de l'attendre. Il avait remarqué que quand Muhammad était présent, la nourriture semblait abondante et chacun mangeait à sa faim. S'il était absent, la nourriture ne semblait pas suffire et chacun en redemandait.

                    Dans l'ensemble, l'enfance de Muhammad fut très heureuse. Il faisait rayonner le bonheur autour de lui. Il n'est donc pas étonnant que tout son entourage l'aimait tendrement. Plusieurs récits concernant cette période de la vie de Muhammad suggèrent que diverses personnes reconnurent en lui le futur Prophète.

                    D'après un récit, Abu Tâlib, qui s'apprêtait à entreprendre un voyage commercial en Syrie, décida d'emmener son neveu Muhammad, âgé de douze ans. Le récit relate que lors du voyage de retour, un moine, Bahîra, invita toute la caravane à dîner. C'était là un acte inhabituel chez lui. Il insista pour que tout le monde soit présent. Il reconnut Muhammad et lui parla, l'interrogeant sur différents aspects de sa vie. Il reconnut également une marque sur l'épaule de Muhammad indiquant qu'il serait le dernier des prophètes. Une fois certain de cela, Bahîra demanda à Abu Tâlib ce qu'était le jeune garçon pour lui. Lorsque Abu Tâlib répondit qu'il était son fils - car les Arabes plaçaient l'oncle dans la même position que le père - Bahîra dit : « Il n'est pas ton fils. Le père de ce garçon ne peut être en vie. » Abu Tâlib lui expliqua que Muhammad était son neveu et que son père était mort avant sa naissance. Bahîra dit alors : « C'est cela. Ramène ton neveu chez lui et surveille-le bien. Si les juifs le reconnaissaient comme je l'ai fait, ils essaieraient de lui faire du mal. Ton neveu aura certainement un avenir glorieux. »

                    Quelle que soit l'authenticité de cette histoire, il est certain que ces incidents n'eurent aucune influence sur Muhammad . Il faut se rappeler qu'il était encore enfant, et n'aurait pu aspirer à aucune reconnaissance en conséquence des propos de Bahîra. En outre, il ne semble pas que les hommes qui entendirent peut-être la conversation de Bahîra et Abu Tâlib aient jugé utile de l'ébruiter. La seule valeur de ces récits réside dans le fait qu'ils confirment que des érudits d'autres religions étaient conscients de l'imminence de la venue d'un prophète en Arabie. Cette connaissance était fondée sur des textes explicites de leurs Ecritures.

                    Dans la société mecquoise de l'époque, un garçon de l'âge de Muhammad ne pouvait pas faire grand-chose. La vie de toute la communauté dépendait en grande partie du commerce, alimenté par les voyages régulièrement entrepris vers la Syrie et le Yémen. Ces voyages signifiaient que le commerce de La Mecque était essentiellement ce qu'on appellerait aujourd'hui du « commerce extérieur », basé sur les importations et les exportations. Réussir dans ce domaine demandait une expérience variée que ne pouvait encore posséder un garçon entrant tout juste dans l'adolescence.

                    De plus, il aurait été trop risqué pour un si jeune garçon de voyager dans une région aussi difficile que l'Arabie. L'agriculture n'était quasiment pas pratiquée à La Mecque ni aux environs. Les métiers artisanaux étaient rares, et d'ailleurs peu appréciés des Arabes qui les considéraient avec mépris : le commerce était la seule occupation digne des Arabes de La Mecque. Pour aider son oncle, Muhammad n'avait donc pas d'autre solution que de travailler comme berger.

                    La vie d'un berger est associée à la contemplation et à la patience. Un berger dispose de longues périodes où il n'a rien à faire, à part regarder paître ses bêtes. Dans sa solitude, il ne peut manquer de méditer sur l'univers qui l'entoure. Il pense à sa création, à ses étendues infinies. Il médite sur les nombreuses variétés de créatures qui vivent ensemble dans un petit coin de cet univers, et sur tout ce qui dépasse les limites de la perception humaine. Il pense à la grande diversité des plantes qui poussent de la terre, chacune avec ses caractéristiques et ses fruits si différents : pourtant, toutes sortent du même type de sol et se nourrissent de la même eau. Ses méditations ne peuvent que le conduire à penser au pouvoir infini qui contrôle tout ce qui existe dans l'univers.

                    Un berger a besoin de patience, et la pratique de son métier ne peut que lui inculquer cette qualité sans laquelle il ne peut pas s'occuper de ses moutons. Peut être, est-ce en raison de ces deux qualités, ainsi que d'autres moins importantes, que Dieu a choisi ce métier pour Ses messagers et Ses prophètes. Il est bien connu que Moïse et David ont reçu la prophétie alors même qu'ils étaient occupés à garder leurs moutons. Comme on demandait un jour au Prophète si lui aussi avait gardé les moutons, il répondit : « Oui. Chaque prophète a un jour ou l'autre gardé les moutons. » Lorsque nous réfléchissons à cela, nous ne pouvons que conclure que les prophètes, qui plus tard dans leur vie se sont occupés d'êtres humains dont ils étaient en quelque sorte les bergers, ont commencé à être formés à leur tâche lorsqu'ils exerçaient dans leur jeunesse le métier de berger.

                    Ce métier est en lui même une forme d'éducation. Il aide le berger à se doter d'un sens aigu de ce qui l'entoure et à développer sa perception des détails. Le berger acquiert aussi une qualité essentielle à un prophète : la capacité d'oeuvrer régulièrement pour accomplir un but prédéfini et de persévérer jusqu'à ce qu'il soit accompli.


                    Muhammad n'était pas le seul jeune garçon de La Mecque à travailler tomme berger - ce métier n'était pas dédaigné par les nobles familles mecquoises. D'autres garçons de son âge s'occupaient aussi de chameaux et de moutons. Ils se réunissaient parfois et des amitiés se tissaient. Ils parlaient de ce qu'ils faisaient la nuit. Souvent, des fêtes et des célébrations étaient organisées à La Mecque, et les garçons de l'âge de Muhammad y participaient. Lorsqu'ils se retrouvaient durant leurs longues journées, ils se racontaient comment ils s'étaient amusés. Il aurait donc été naturel que Muhammad pense à en faire autant. Pourtant, d'après son cousin Alî ibn Abî Tâlib, il a dit :


                    Je n'ai jamais pensé à participer aux divertissements qu'organisaient les gens de l'époque de l'ignorance, sauf deux nuits. Dans les deux cas, Dieu me préserva du mal. Une nuit, je dis à un autre berger : « Pourrais-tu surveiller mes moutons pour que je puisse descendre à La Mecque et assister à une fête comme le font les autres garçons ? » Il accepta et j'allai donc à La Mecque. A mon arrivée, j'entendis de la musique et des chants dans la première maison. Je demandai ce que c'était, et on me répondit que c'était une noce. Je m'assis pour regarder, mais bientôt ma tête s'alourdit et je m'endormis. Ce ne fut qu'au matin que la chaleur du soleil me réveilla. Je retournai auprès de mon ami et je lui racontai ce qui s'était produit. Je recommençai, et la même chose m'arriva. Dès lors, jamais plus je ne pensai ni ne fis rien de tel, jusqu'à ce que Dieu m'honore de la mission prophétique.

                    Ainsi Muhammad fut-il préservé par Dieu de toute forme de divertissement indigne de celui qui serait appelé à être le dernier de Ses messagers à l'humanité. D'autres récits suggèrent que Muhammad fut ainsi « protégé » depuis son enfance de tout manquement à la morale. Certaines valeurs introduites par l'islam étaient inconnues de la société mecquoise où il grandit. Or, dans sa jeunesse, Muhammad n'avait nullement conscience de ces règles de décence : pourtant, il fut astreint à les observer.

                    Ainsi, quelques années avant le commencement de la révélation du Coran, les Quraysh avaient décidé de réparer l'édifice de la Ka'ba (nous y reviendrons plus en détail). Le Prophète , comme beaucoup de Mecquois, participa aux travaux de réparation. Ceux qui allaient et venaient en portant les pierres ôtaient leur pagne pour le placer sur leurs épaules comme un coussin sur lequel ils posaient les pierres. Comme les Arabes ne portaient pas de sous-vêtements à l'époque, cela signifie que ces hommes travaillaient nus. Seul Muhammad portait les pierres en conservant son pagne. Son oncle al-Abbâs, qui travaillait avec lui, lui suggéra d'utiliser son pagne pour se protéger l'épaule. Lorsqu'il fit cela, Muhammad perdit connaissance. Un moment plus tard, il reprit ses sens, chercha son pagne et le serra autour de sa taille ; puis il se remit au travail.


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                    • #11
                      Un récit très semblable suggère que la même chose se produisit beaucoup plus tôt. Il est rapporté que le Prophète a dit que lorsqu'il était enfant, il jouait à transporter des pierres avec d'autres garçons de son âge. Il dit : « Nous étions tous dévêtus. Nous avions ôté nos pagnes pour les placer sur nos épaules et mettre les pierres dessus. Je marchais avec les autres enfants quand quelqu'un que je ne vis pas me donna un grand coup de poing en me disant de remettre mon pagne. Je m'en enveloppai et le serrai bien. Je continuai à porter les pierres sur mon épaule, mais j'étais le seul à être vêtu de mon pagne. »


                      Ces deux récits montrent clairement comment les valeurs morales essentielles de la nature humaine pure étaient appliquées à Muhammad avant même qu'il ne devienne prophète. Cela faisait partie de « l'éducation » qu'il reçut. Bien que Muhammad n'ait jamais reçu d'instruction dans une école ou d'un quelconque maître, il fut placé au coeur de nombreux événements qui lui conférèrent un sens aigu des valeurs devant être préservées dans toute société moralement saine.

                      Une éducation personnelle lui fut aussi donnée afin qu'il se forge un code de comportement éloignant de lui toute forme de frivolité. Une telle éducation est bien plus efficace et durable qu'aucun cursus scolaire. Comme nous le verrons au cours des chapitres qui vont suivre, Muhammad possédait une compréhension de tous les aspects de la vie beaucoup plus profonde que celle d'aucun philosophe ou d'aucun sage


                      De la jeunesse à la maturité



                      Les récits que nous possédons à propos de la jeunesse de Muhammad ne sont pas nombreux. Cela n'a rien d'étonnant car d'une part, les Arabes de l'époque étaient majoritairement illettrés, et d'autre part, personne n'aurait pu imaginer quel rôle capital Muhammad était destiné à jouer dans la vie de l'humanité en général. Les récits dont nous disposons sont toutefois suffisants pour établir que dès sa jeunesse, Muhammad se distinguait par son honnêteté, sa bonté, sa patience, son humilité et son empressement à aider les autres. Il était aussi connu comme un jeune homme qui ne s'adonnait à aucun des vices alors couramment pratiqués dans la société mecquoise, comme la boisson, le jeu ou la débauche.

                      On ne peut que remarquer, rétrospectivement, que Muhammad était ainsi préparé au grand rôle qu'il allait jouer. L'un des aspects de cette préparation est que jamais il ne se mêla au culte des idoles adorées par son peuple. Il ne vénéra jamais aucune de ces idoles, ne se prosterna jamais devant elles, ne leur fit jamais d'offrandes comme les gens en avaient l'habitude, pas plus qu'il ne participa aux festivités organisées dans le cadre du culte des idoles.

                      Sa nourrice Umm Ayman a relaté que les Quraysh rendaient hommage à une idole appelée Buwâba. Un certain jour, chaque année, ils organisaient une fête en son honneur ; ils restaient toute la journée près de l'idole et se rasaient la tête. Abû Tâlib, l'oncle du Prophète, participait lui aussi à cette fête. Chaque année, il demandait à son neveu orphelin d'y assister, mais Muhammad refusait. Abu Talib était en colère contre lui, et même ses tantes reprochèrent à Muhammad son manque de respect apparent pour les idoles. Elles s'efforcèrent de le persuader de ne pas rester à part dans sa famille. Insistant sur le devoir d'un jeune homme de manifester sa loyauté aux siens, elles lui dirent : « Tu semblés ne vouloir partager aucune fête avec ton peuple, et ne pas compter comme l'un des leurs. »


                      Muhammad finit par céder aux arguments de ses tantes et se rendit à la fête. Il en revint effrayé et dit à ses tantes qu'il craignait d'être possédé par un démon. Elles l'assurèrent que Dieu ne le laisserait jamais subir pareille chose, étant donné ses nombreuses qualités. Il leur relata alors son expérience en ces termes : « Chaque fois que j'approchais d'une idole, je voyais un homme blanc, de haute taille, qui me disait de rester en arrière et de ne pas toucher l'idole. » Umm Ayman affirme que ce fut la première et la dernière célébration du culte des idoles à laquelle Muhammad participa avant le début de la révélation coranique.

                      Ce n'est là que l'un des divers récits qui nous sont parvenus à propos de l'attitude de Muhammad envers le culte païen, bien avant le début de sa mission prophétique. Ces récits, mis ensemble, montrent clairement que Muhammad était délibérément tenu à l'écart du culte des idoles. Il est logique en effet que Dieu ait protégé de tout soupçon d'idolâtrie, même dans sa jeunesse, l'homme qu'il avait choisi pour être Son dernier messager à l'humanité et apporter l'ultime message soulignant l'unicité absolue de Dieu.

                      L'engagement au service de la justice


                      Néanmoins, Muhammad menait une vie normale parmi les siens. Il était sociable, aimé et respecté. Le fait qu'il ne s'adonnait à aucun vice le faisait respecter plus encore. En outre, il ne manquait jamais de s'impliquer dans les affaires importantes préoccupant sa tribu ou sa société.

                      On en trouve un exemple dans le cas de la guerre connue sous le nom d'al-Fijâr, c'est-à-dire « la guerre de profanation ». Cette guerre doit son nom au fait qu'elle commença par un meurtre commis par un homme de Quraysh en violation d'un des quatre mois sacrés. Durant ces quatre mois, traditionnellement considérés comme sacrés par les Arabes, la guerre était totalement interdite. Commettre un meurtre durant ces mois constituait donc une profanation extrêmement grave. Il n'est pas étonnant, par conséquent, qu'une guerre ait éclaté entre les Quraysh et les Hawâzin, les tribus auxquelles appartenaient le meurtrier et sa victime.

                      Muhammad n'avait que quinze ans lorsque cette guerre éclata. Elle dura quatre ans. Il y prit part, mais sans s'engager dans les combats eux-mêmes, d'après les récits les plus fiables. Il aidait toutefois ses oncles en les protégeant des flèches lancées par leurs ennemis ou encore en récupérant ces flèches et en les préparant pour qu'ils les réutilisent au combat.


                      Peu après la fin de cette guerre, lorsque Muhammad avait presque vingt ans, il joua un rôle dans la conclusion d'une alliance entre les différents clans de Quraysh. C'était une noble alliance, dont Muhammad continua de faire l'éloge longtemps après être devenu prophète. L'alliance était appelée al-Fudûl d'après trois des principaux participants qui portaient le titre d'al-Fadl. On dit aussi que cette alliance était ainsi nommée parce qu'elle avait un but noble, ce nom évoquant la préservation de l'honneur.

                      La raison immédiate de la conclusion de cette alliance était qu'un homme du clan de Zubayd était arrivé à La Mecque avec des marchandises à vendre. Un homme important de La Mecque, al-As ibn Wâ'il, acheta toutes les marchandises mais n'en paya pas le prix. Lorsque l'homme comprit qu'il allait tout perdre, il demanda secours à tous les clans de Quraysh. Tous refusèrent de s'opposer à al-As Ibn Wâ'il et blâmèrent l'homme pour son comportement. Désespéré, l'homme se mit debout sur une colline surplombant la Ka'ba au lever du soleil, à un moment où les hommes de Quraysh se rassemblaient en groupes autour de la Ka'ba.

                      Il les implora, plaidant sa cause avec passion et désespoir. Il leur rappela leur position de gardiens de la Maison Sacrée. Az-Zubayr ibn Abd al-Muttalib un oncle du Prophète, fut le premier à réagir : il se leva et déclara qu'aucune injustice ne devait être tolérée.

                      Une réunion fut organisée dans la maison de Abdullâh ibn Jud'ân, un homme d'honneur très respecté à La Mecque. Des représentants de nombreux clans de Quraysh étaient présents. Les termes du pacte furent définis au cours de cette réunion : les participants s'engagèrent solennellement, jurant par Dieu de rester unis, de soutenir quiconque à La Mecque serait victime d'injustice, qu'il soit mecquois ou étranger et de s'opposer à l'auteur de cette injustice jusqu'à ce que justice soit faite.

                      Cette alliance conclue, les participants allèrent trouver al-As ibn Wâ'il et l'obligèrent à rendre à l'homme de Zubayd les marchandises qu'il lui avait prises. Lorsqu'on connaît la nature de cette alliance, on comprend facilement pourquoi le Prophète continua à exprimer son soutien pour les idéaux qu'elle préconisait. Longtemps après le début de sa mission, il dit : « J'ai assisté, chez Abdullâh ibn Jud'ân, à la formation d'une alliance que je ne voudrais échanger contre aucun gain matériel. Si maintenant, après l'islam, je suis appelé à l'honorer, je le ferai certainement. » Cela montre combien l'islam est favorable à toute action ou à tout pacte ayant pour but de garantir la justice pour tous.

                      Lors de la conclusion du pacte d'al-Fudûl, Muhammad , alors âgé de vingt ans, arrivait à une nouvelle époque de sa vie. Sa naissance noble, sa force de caractère et sa vigueur physique lui auraient sûrement assuré la prospérité. Nous disposons de récits évoquant l'exceptionnelle force physique de Muhammad à un âge avancé : dans sa jeunesse, il devait être plein de vigueur et de capacités. Lorsqu'on ajoute à cela son honnêteté bien connue, une sagesse inhabituelle à son âge et son noble caractère, on ne peut qu'être sûr que s'il avait aspiré au succès matériel dans sa société, il n'aurait pas manqué d'y parvenir.

                      Muhammad continua de se fixer un code d'honneur des plus exigeants. Sa force de caractère et son sens moral indéfectible régulaient ses désirs physiques, le retenant de commettre le moindre écart. En outre, son honnêteté scrupuleuse, pour laquelle il était bien connu dans cette société, lui avait valu le surnom d'al-amîn, qui signifie honnête et digne de confiance. La richesse matérielle ne paraissait aucunement le tenter. Il ne méprisait pas la richesse, il n'était pas à la recherche de vains idéaux, mais il possédait simplement un sens aigu des proportions. Il comprenait que la richesse n'était pas une fin en soi, mais un moyen vers un objectif plus noble.

                      C'est avec sérieux et dignité qu'il cherchait donc comment gagner sa vie ; il fut bientôt décidé qu'il essaierait de trouver du travail dans le commerce et les affaires. Muhammad ne possédait pas d'argent pour établir un commerce. Son oncle Abu Tâlib n'était pas non plus assez riche pour l'aider. La seule possibilité qui lui restait était donc de faire ses preuves en tant qu'agent, en faisant du commerce pour quelqu'un d'autre. Il semble qu'il n'ait guère eu de mal à trouver un tel emploi, grâce à sa réputation croissante d'honnêteté et de sagesse.

                      Certains récits le représentent travaillant dans des marchés et des foires. Il s'associa à un autre agent du nom d'as-Sâ'ib ibn Abî as-Sâ'ib, dont il devait plus tard louer l'intégrité et l'honnêteté. Lorsque, bien des années après, le Prophète rencontra as-Sâ'ib le jour de la conquête de La Mecque, il l'accueillit chaleureusement avec ces mots : « Bienvenue à mon frère et associé, un homme honnête et droit. »


                      A SUIVRE....

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                      • #12
                        On ne sait pas avec certitude pour qui Muhammad travaillait comme agent durant ces premières années. Il est toutefois raisonnable de penser que c'était Khadîja bint Khuwaylid, une riche veuve, qui bénéficiait de ses précieux services. Plus tard, elle devait l'envoyer en mission commerciale en Syrie avec une grande quantité de marchandises. Elle n'aurait probablement pas fait cela sans l'avoir mis à l'épreuve au préalable sur les marchés locaux. On relate qu'il dit plus tard qu'elle était très bonne envers ses employés : chaque fois que son associé et lui-même allaient la voir, elle leur offrait à manger.

                        Muhammad acquit une grande expérience commerciale alors qu'il n'avait qu'une vingtaine d'années. Il travaillait à la commission. Khadîja le payait toutefois davantage que ses autres agents : elle se rendait compte que son employé était un homme chez qui l'honnêteté et l'intégrité étaient alliées à un sens commercial très sûr. Son admiration pour Muhammad ne cessait de croître. Elle voulait conserver ses services et le meilleur moyen lui semblait être d'augmenter ses revenus.

                        Un Voyage d'affaires

                        La situation devenait très difficile à La Mecque. Les affaires marchaient mal après deux ans de sécheresse. Il était donc important pour les commerçants mecquois de se concentrer sur leurs voyages traditionnels vers la Syrie et le Yémen. Une année, comme les préparatifs de l'expédition de Syrie étaient en cours, Abu Tâlib proposa à son neveu d'y participer en tant qu'agent de Khadîja.

                        Au fond de lui, Abu Tâlib n'avait sans doute pas envie que son neveu parte en Syrie car il craignait pour sa sécurité. Mais la situation se dégradait et un tel voyage était porteur d'espoirs pour la famille. Abu Tâlib avait appris que Khadîja avait l'intention d'envoyer quelqu'un commercer pour elle en échange de deux chameaux. Il pensait que s'il le lui proposait, elle serait heureuse d'envoyer Muhammad pour le double de cette commission. Muhammad, quant à lui, était opposé à cette démarche. Néanmoins, il reçut bientôt la nouvelle qu'elle souhaitait qu'il la représente dans son expédition commerciale.

                        Certains récits suggèrent que c'était Khadîja qui l'avait proposé d'abord à Abu Tâlib. Elle savait que celui-ci était réticent à voir son neveu s'éloigner de La Mecque, mais elle tenait à envoyer un homme sur qui elle pouvait compter. Abu Tâlib céda à son insistance lorsque Khadîja accepta de payer à Muhammad le double de la commission habituelle ; elle enverrait avec lui son serviteur Maysara.

                        Le voyage fut un succès. Muhammad parvint à vendre avec profit toutes les marchandises emportées en Syrie et ramena des marchandises syriennes pour les vendre à La Mecque. Là encore, il en tira des bénéfices importants pour Khadîja. Un récit avance qu'elle obtint le double des bénéfices espérés. Sa reconnaissance envers Muhammad fut telle qu'elle doubla sa commission.

                        Maysara fit à sa maîtresse un compte-rendu détaillé du voyage. Il ne tarissait pas d'éloges envers Muhammad, en qui il avait trouvé un compagnon charmant - un homme honnête, bon et sincère, qui ne réclamait rien aux autres mais était toujours prêt à les aider, sans même attendre qu'on le lui demande.

                        Khadîja, étant une riche veuve, recevait de nombreuses demandes en mariage. Elle se rendait compte toutefois que c'était son argent qui attirait les prétendants, et déclinait donc régulièrement ces offres. Cependant, son partenariat commercial avec Muhammad lui avait permis de reconnaître en lui un homme pour qui l'argent n'était pas la principale priorité. Elle commença à le considérer sous un jour différent.

                        Khadîja était une femme très intelligente et d'une lignée noble. Elle possédait une forte personnalité et aimait n'agir en toute chose qu'après avoir considéré tous les aspects de la question. Il semble qu'elle ait consulté un ou deux parents en qui elle avait confiance, et qui lui tinrent sur Muhammad des propos très élogieux. L'un d'eux était Waraqa ibn Nawfal, un vieil oncle, qui pressentait que Muhammad était destiné à un avenir très important. Khadîja avait décidé depuis longtemps qu'elle ne choisirait son futur époux que lorsqu'elle serait absolument sure de son caractère. Sur la base de ses relations d'affaires avec Muhammad, elle se décida à aller plus loin.

                        Khadîja envoya une amie proche, Nufaysa bint Munya, faire une proposition indirecte à Muhammad . Lorsqu'elle le rencontra, cette dernière lui dit : « Muhammad, qu'est-ce qui t'empêche de te marier ? » Il répondit : « Je n'en ai pas les moyens. » Elle demanda alors : « Et si tu n'avais rien à dépenser ? Que dirais-tu si une femme belle, riche et de haut rang était prête à t'épouser ? L'épouserais-tu ? » Il demanda : « Qui est cette femme ? » Elle répondit : « Khadîja. » Muhammad demanda alors : « Qui pourrait arranger ce mariage pour moi ? » Elle lui dit : « Laisse-m'en le soin. » Sa réponse fut : « Je l'épouserais volontiers. »

                        Le mariage

                        Lorsque Khadîja se fut assurée de la réaction de Muhammad , elle lui envoya demander de venir la voir. Elle lui dit : « Cousin [elle utilisait ce terme au sens le plus large, n'étant qu'une cousine très éloignée de Muhammad : leurs lignées respectives ne se rejoignaient qu'au cinquième aïeul], je t'admire pour la haute position que tu occupes parmi les tiens, ton honnêteté et tes bonnes manières, et parce que tu es un homme de parole. » Elle poursuivit en lui proposant le mariage. Muhammad en fut très heureux et alla prévenir ses oncles, qui furent enchantés d'une telle alliance.

                        Muhammad se rendit avec ses oncles chez l'oncle de Khadîja, 'Amr ibn Asad. Abu Tâlib parla pour son neveu : « Mon neveu, Muhammad ibn Abdullâh, est sans égal par sa noblesse de caractère et sa lignée. Certes, il n'est pas riche, mais la richesse est quelque chose d'accidentel. L'argent va et vient, et bien des riches deviennent pauvres. Il est certainement promis à un grand avenir. Il demande en mariage ton honorable fille, Khadîja. Il lui donne tant en dot. » Le mariage fut alors conclu pour une dot de vingt jeunes chameaux.


                        Le mariage fut heureux. La plupart des biographes du Prophète considèrent qu'il avait alors vingt-cinq ans, et Khadîja quarante. Muhammad allait vivre avec Khadîja vingt-cinq années heureuses. Ce mariage donnait à Khadîja un homme qu'elle pouvait aimer et respecter en toute confiance. C'était un époux tendre et attentionné, qui veillait sur sa famille avec son sérieux habituel. Elle lui donna quatre filles et deux fils. Quoique la polygamie ait alors été habituelle en Arabie, Muhammad n'épousa pas une seconde femme du vivant de Khadîja.

                        Ce mariage procura à Muhammad une vie stable, mais l'avantage réel du mariage avec Khadîja n'apparut pleinement que lorsqu'il eut commencé à recevoir des révélations et à être confronté à une opposition incessante à son message. À cette époque, le soutien de Khadîja lui fut des plus précieux. Elle était présente à ses côtés, le rassurant et lui apportant tout le réconfort dont il avait besoin. Aussi grands qu'aient pu être ses problèmes à l'époque où il appelait son peuple à l'islam, il était certain de recevoir, en rentrant chez lui, un accueil réconfortant de la part de sa femme.

                        Longtemps après la mort de Khadîja, et après avoir épousé plusieurs autres femmes, le Prophète continua de chérir sa mémoire. Khadîja donna d'abord naissance à un garçon qui fut appelé al-Qâsim. Vinrent ensuite quatre filles : Zaynab, Ruqayya, Umm Kulthûm et Fâtima. Abdullâh fut le dernier enfant qu'eut Khadîja. Une seule de ses épouses ultérieures donna un enfant au Prophète : Marya, l'esclave copte que le souverain d'Egypte lui envoya comme présent, et qui donna naissance à un garçon, Ibrahim.

                        Al Qasim ne vécut que quelques années, tandis que Abdullâh mourut avant d'être sevré. Ibrahim, lui, ne vécut que dix-huit mois. Les quatre filles du Prophète vécurent toutes jusque après le début des révélations coraniques. Toutes embrassèrent l'islam. Les trois premières moururent à Médine, tandis que Fâtima fut la seule fille du Prophète à lui survivre : elle mourut six mois après lui.


                        A SUIVRE....
                        Dernière modification par mquidech, 06 septembre 2014, 06h44.

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                        • #13
                          La reconstruction de la Ka'ba


                          Muhammad avait trente-cinq ans lorsque les Quraysh se rendirent compte qu'il était absolument nécessaire qu'ils reconstruisent la Ka'ba. Il était bien normal en effet qu'un bâtiment aussi ancien ait subi avec le temps des dégradations structurelles. La vieille construction devait être démolie et reconstruite ; de simples réparations ne pouvaient suffire.

                          La Mecque avait été touchée peu de temps auparavant par de graves inondations et les murs de la Ka'ba étaient fissurés. La décision ne fut pas facile à prendre pour les chefs de La Mecque : ils envisageaient avec réticence la démolition de la Ka'ba, mais ne voyaient pas comment ils pourraient réussir à préserver l'édifice s'ils se contentaient de réparations de fortune. Ils se décidèrent finalement et fixèrent une date au début des travaux.

                          Ce fut A'idh ibn 'Imrân ibn Makhzûm, un oncle maternel du père du Prophète, qui commença les travaux. Il ôta l'une des pierres, qui aussitôt revint à sa place. C'était, semble-t-il, un homme sage. Lorsqu'il vit la pierre reprendre sa place, il dit : « Peuple de Quraysh, choisissez votre argent le plus pur pour construire la Ka'ba. Ne mettez pas parmi les fonds destinés à la construction d'argent gagné par une prostituée ni de produit de l'usure, ni de biens extorqués à quelqu'un par la force. »

                          Cela montre que même à l'époque la plus sombre du paganisme, les Arabes reconnaissaient que la fornication et l'usure étaient de mauvaises actions. Un lieu destiné au culte de Dieu ne pouvait être financé par des gains provenant de sources aussi impures.

                          Les chefs de La Mecque eux-mêmes et les nobles de tous les clans de Quraysh s'impliquèrent personnellement dans les travaux de construction. Ils y voyaient un honneur à ne pas manquer. Ils organisèrent le travail afin que tous les hommes travaillent deux par deux, pour porter les pierres et les placer au bon endroit. Les femmes prenaient aussi part à la besogne et portaient le mortier destiné à sceller les pierres ensemble. Le Prophète participa également aux travaux de construction, aux côtés de son oncle al-'Abbâs.


                          On relate également que lorsque les hommes de Quraysh se réunirent pour commencer la démolition afin de reconstruire la Ka'ba, personne n'était disposé à commencer. Tous étaient très réticents à démolir l'édifice de crainte que quelque chose ne leur arrive. Al-Walîd ibn al-Mughîra, l'un de leurs chefs, se porta volontaire pour commencer. Il prit sa hache et s'avança en répétant ces mots :


                          « Seigneur, nous ne voulons pas faire de mal. Seigneur, nous agissons dans un but honorable. » Il se mit alors au travail, démolissant une partie de l'édifice, près de l'angle où se trouvait la Pierre Noire. Personne ne se joignit à lui : tous pensaient qu'il vaudrait mieux attendre le lendemain. Ils se disaient entre eux : « Attendons cette nuit. Si quelque chose arrive à al-Walîd, nous ne poursuivrons pas notre entreprise et nous remettrons ce qu'il a enlevé comme auparavant. S'il va bien, c'est que Dieu a accepté ce que nous faisons et nous continuerons. »


                          Le lendemain matin, al-Walîd fut l'un des premiers à arriver pour se mettre au travail : il continua la démolition et d'autres se joignirent à lui. Lorsqu'ils arrivèrent aux fondations posées par Abraham, ils trouvèrent des pierres vertes bien taillées, solidement scellées ensemble. Un récit avance qu'un homme inséra un levier entre deux de ces pierres pour les séparer : lorsque la pierre bougea, la ville tout entière fut secouée. Ils cessèrent immédiatement les travaux de démolition et commencèrent la reconstruction.

                          À l'époque, la Ka'ba était beaucoup plus basse qu'aujourd'hui : sa hauteur n'était que de neuf coudées. Les Quraysh décidèrent de la doubler. Lorsque, quatre-vingt-dix ans plus tard, la Ka'ba fut à nouveau reconstruite par Abdullâh ibn az-Zubayr, celui-ci l'éleva encore jusqu'à sa hauteur actuelle, à savoir vingt sept coudées. Cette élévation supplémentaire signifiait qu'il fallait apporter plus de pierres. Tous les clans de Quraysh travaillaient dur à cette tâche. Chaque clan travaillait séparément. Lorsqu'ils pensèrent avoir réuni suffisamment de pierres, ils élevèrent le bâtiment, très fiers de leur oeuvre. Il semble que chaque clan voulait pouvoir revendiquer davantage l'honneur d'avoir construit la Ka'ba.

                          Les vieilles jalousies refaisaient surface et des querelles éclataient fréquemment. Ce fut au moment de remettre en place la Pierre Noire que le désaccord entre les clans fut le plus violent. Chaque clan voulait obtenir cet honneur. Les esprits étaient échauffés et les gens commencèrent à vouloir résoudre la querelle par les armes. Ils furent vite sur le point de se battre.

                          Quatre ou cinq nuits passèrent, dans une tension extrême. Une alliance se forma entre le clan des Abd ad-Dâr et celui des Adî ibn Ka'b pour combattre jusqu'au bout ; l'alliance fut scellée par le sang. Quelques sages tentèrent néanmoins de désamorcer le conflit. Une réunion fut organisée dans la mosquée elle-même et l'on discuta de la manière de résoudre l'affaire à l'amiable. Ce n'était toutefois pas facile. Le doyen des Quraysh, Abu Umayya ibn al-Mughîra, émit une suggestion qui fit l'unanimité : il suggéra qu'on demande au premier homme à entrer dans la mosquée d'arbitrer la dispute, et que tous se soumettent à son jugement.

                          Le premier homme à entrer ne fut autre que Muhammad . Il n'avait encore reçu aucune révélation et ignorait sa mission prophétique. Cependant, il était respecté de tous pour son intégrité et sa justice. La satisfaction fut donc unanime lorsqu'il apparut. Les gens dirent : « C'est l'homme digne de confiance, al-amîn, et nous l'acceptons comme arbitre. » Ils lui soumirent leur querelle, et il reconnut immédiatement qu'il s'agissait d'une question très sensible, nécessitant beaucoup de tact. Il leur demanda d'apporter une pièce d'étoffe et de désigner un représentant de chaque clan.

                          Lorsqu'ils eurent obéi, il plaça la Pierre Noire sur l'étoffe et demanda à ces représentants des clans de la soulever tous ensemble, avec la Pierre Noire dessus, et de porter ainsi cette dernière à sa place. Lorsqu'ils l'eurent apportée jusqu'à son emplacement exact, il l'y plaça lui-même et l'y scella. Tous étaient satisfaits de cette solution qui garantissait qu'aucun clan ne pourrait revendiquer à lui seul l'honneur d'avoir remis en place la Pierre Noire. Chacun avait sa pair dans cet honneur. En outre, cette solution éleva le statut de Muhammad parmi les siens.

                          A SUIVRE...

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                          • #14
                            SALAM

                            Le contexte Mecquois


                            On a expliqué comment la tribu des Quraysh vint à s'imposer en Arabie en obtenant la suprématie à La Mecque. C'était son ancêtre, Qusayy ibn Kilâb, qui avait établi à La Mecque la domination de sa tribu et fondé de nombreuses institutions gouvernementales encore actives à l'époque où le Prophète commença à recevoir son message. Le niveau de gouvernement était assez avancé pour l'époque et aida La Mecque à se transformer d'une ville semi-nomade en une cité civilisée.

                            Le système de gouvernement permettait une distribution équilibrée des responsabilités et des fonctions, ainsi qu'un gouvernement par consensus, résultant généralement d'une consultation ouverte. Dans son ouvrage d'érudition sur la vie du Prophète, le cheikh Abu al-Hasan Alî al-Hasanî Nadwî consacre un chapitre entier à l'analyse de la situation à La Mecque durant la période précédant immédiatement le début de la Révélation.
                            Il évoque le fait que la suprématie des Quraysh à La Mecque poussa un certain nombre de tribus arabes plus petites à s'y installer, pour vivre dans le voisinage de la Ka'ba, la Mosquée Sacrée. Cela permit le développement d'une industrie de la construction prospère et l'expansion de La Mecque dans toutes les directions. Les Mecquois évitaient au départ de construire des habitations de forme carrée, afin de les différencier de la Ka'ba. Ils abandonnèrent peu à peu cette restriction, mais continuèrent toutefois à ne pas construire de bâtiments plus hauts que la Ka'ba.

                            Comme nous l'avons dit précédemment, les Quraysh organisaient deux expéditions commerciales par an : l'une en Syrie en été, l'autre au Yémen en hiver. Ces deux voyages formaient la base de l'économie de la cité. En outre, comme le souligne le Professeur Nadwî, un certain nombre de foires et de marchés saisonniers étaient organisés à La Mecque, ainsi que des marchés spécialisés qui fonctionnaient toute l'année. Les marchands mecquois voyageaient dans diverses régions de l'Afrique et de l'Asie, ce qui encourageait un commerce extérieur très actif.

                            Ce commerce prospère assurait à de nombreux Mecquois une vie affluente. La richesse s'accompagne habituellement de différents traits liés à une vie luxueuse : les riches Mecquois se réunissaient près de la Ka'ba, avec parmi eux des poètes qui récitaient leurs poèmes. La poésie était alors la forme littéraire la plus respectée, l'immense majorité des Arabes de l'époque ne sachant ni lire ni écrire. La poésie était un talent national et individuel auquel on attachait une grande valeur. Dans une société tribale, il est en effet très important que chaque individu connaisse bien sa tribu et ses origines, car la tribu garantit sa protection à chacun de ses membres. Un individu dépourvu d'une telle protection s'exposerait à d'immenses difficultés.

                            Chacun s'intéressait donc à la connaissance de ses ancêtres. Cette insistance sur la lignée et les ancêtres se perpétuait à La Mecque : certaines personnes, dont Abu Bakr, le plus proche Compagnon du Prophète, avaient pour tâche de contrôler la lignée de chaque tribu.
                            La Mecque présentait de nombreux éléments de civilisation, et plusieurs aspects de la science avaient commencé à s'y développer, comme l'astronomie et une médecine rudimentaire. Les gens attachaient une grande valeur à leurs chevaux et en possédaient une connaissance approfondie. Les industries étaient cependant rares à La Mecque car ses habitants n'aimaient pas travailler de leurs mains. Seuls les métiers artisanaux absolument indispensables avaient pu se développer : la manufacture des sabres et des lances nécessaires au combat, par exemple, ou encore les métiers de la construction.

                            Néanmoins, la plupart des ouvriers du bâtiment étaient perses ou byzantins. Du point de vue militaire, les Quraysh avaient les moyens de repousser toute attaque éventuelle. Ils ne comptaient pas uniquement sur leur propre nombre mais avaient établi des alliances avec un grand nombre des tribus arabes qui vivaient près de La Mecque. Les Quraysh pouvaient en outre compter sur leurs nombreux esclaves et sur tous les individus qui étaient alliés aux divers clans issus de Quraysh.

                            Tous se rangeraient du côté de Quraysh si un conflit éclatait. L'armée levée par les Quraysh et leurs alliés lors de la Bataille du Fossé comptait dix mille hommes : c'était la plus importante force militaire jamais connue dans la péninsule arabique. Cependant, les Quraysh avaient tendance à préférer une vie calme et paisible. Ils étaient toujours disposés à vivre en paix avec leurs voisins, dans la mesure où leur position et leurs croyances religieuses n'étaient pas remises en cause. Lorsqu'ils rencontraient une menace, ils étaient toujours prêts à y faire face en comptant sur leur supériorité numérique.
                            La Mecque était la plus grande cité d'Arabie : elle en était la capitale religieuse et économique, devant d'autres cités comme San'a au Yémen ou des centres du nord soumis à la domination perse ou byzantine.

                            Sur le plan moral, cependant, la vie à La Mecque laissait beaucoup à désirer. L'affluence dont jouissaient les Mecquois les incitait à s'adonner à toutes sortes de vices. Le jeu, la boisson, et toutes sortes de divertissements organisés où régnait la débauche la plus outrancière, étaient monnaie courante. Avec cela, les Mecquois n'étaient guère scrupuleux dans leurs relations avec les autres : la cruauté, l'injustice et la spoliation d'autrui par la force restaient impunies. Il en résultait inévitablement des tensions, qui ne pouvaient que saper les fondements de la société mecquoise.

                            Grâce à la richesse dont jouissaient les Mecquois et au fait que cette richesse provenait essentiellement du commerce extérieur, ils disposaient de beaucoup de temps libre. Comme nous l'avons dit précédemment, rares étaient les Mecquois qui pratiquaient un autre métier que le commerce, qui consistait principalement à organiser des caravanes commerciales et des missions avec lesquelles partaient seulement ceux qui possédaient une expérience solide de ce type de commerce, ainsi que le nombre nécessaire d'assistants, de porteurs et de chameliers. La plus grande caravane que les Mecquois aient envoyée fut peut-être celle que les musulmans de Médine tentèrent d'intercepter peu après que le Prophète s'y fut installé, une tentative qui donna lieu à la bataille de Badr où les musulmans obtinrent une grande victoire.

                            Cette caravane était composée d'un millier de chargements de chameaux, accompagnés par seulement trois cents personnes. Un grand nombre de notables de La Mecque partaient avec ces caravanes lorsqu'ils étaient encore très jeunes, parce que ces voyages leur apportaient une grande expérience. Lorsqu'ils en avaient assez, ils confiaient la tâche à leurs enfants ou à ceux de leurs assistants qui s'étaient distingués dans le commerce. Nous avons un exemple de ces hommes compétents qui représentaient les notables de La Mecque dans les expéditions commerciales en la personne de Suhayb, qui voyageait pour le compte de Abdullâh ibn Jud'an, l'un des hommes les plus riches de La Mecque. Suhayb, un ancien esclave, acquit une fortune considérable en recevant des commissions, puis commença ensuite à investir son propre capital.
                            La vie étant si facile à La Mecque, il était inévitable que les vices sociaux se répandent et deviennent monnaie courante. On passait beaucoup de temps à rechercher le plaisir sous ses différentes formes. Les idées religieuses et les valeurs morales étaient au plus bas. Bien avant la naissance du Prophète , les Arabes avaient commencé à dévier de la foi pure d'Abraham et Ismaël. Avec le temps, leurs croyances religieuses finirent par ne présenter qu'une très vague ressemblance avec la foi prêchée par les prophètes.

                            A SUIVRE......
                            Dernière modification par mquidech, 07 septembre 2014, 04h52.

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                            • #15
                              SALAM

                              Les Arabes avaient imité les pratiques idolâtres d'autres nations et oublié leur foi monothéiste, enseignée par Abraham et Ismaël. Les idoles étaient omniprésentes, dans toutes les tribus. Certaines idoles étaient vénérées par tous les Arabes, tandis que d'autres étaient considérées comme les divinités particulières de tribus précises. Certaines familles avaient leurs propres idoles, et lorsque les gens partaient en voyage, ils emmenaient parfois leur idole avec eux pour leur procurer des bienfaits.

                              Les Arabes adoraient ces idoles, qui n'étaient pourtant que des objets inanimés : ils leur offraient des sacrifices, les consultaient au sujet de leurs affaires et leur attribuaient une part de leur bétail et du produit de leurs terres. Ils affectaient certaines idoles à certaines tâches : les unes avaient pour spécialité d'amener la pluie ou de faire souffler le vent, les autres de donner une progéniture aux parents, de guérir les maladies ou encore d'épargner à la communauté des maux comme la famine, etc. Afin de surmonter le fait évident que ces idoles n'étaient rien de plus que des objets qu'ils fabriquaient eux mêmes, les Arabes leur attribuaient une position intermédiaire entre eux-mêmes et Dieu.
                              Les idoles servaient d'intercesseurs, intervenant pour eux auprès de Dieu pour qu'il ne les punisse pas trop sévèrement de leurs péchés. Il y avait trois cent soixante idoles dans la Ka'ba et autour. Les principales étaient Hubal, al-Lât et al-'Uzzâ, qui étaient considérées comme les chefs de toutes les idoles arabes. Hubal était une statue de cornaline rouge, de forme humaine. Lorsque les Quraysh prirent le contrôle de La Mecque, ils trouvèrent Hubal avec un bras cassé : ils le remplacèrent par un bras en or. C'était l'idole suprême. Al-Lât se trouvait à Tâ'if, tandis que al-'Uzzâ avait sa propre place près de Arafat.

                              Quand ils s'apprêtaient à se lancer dans une entreprise importante, les Arabes se rendaient à la Ka'ba et donnaient à un homme chargé des tirages au sort une somme d'argent et un chameau pour qu'il tire au sort avec l'aide de Hubal. Ils acceptaient la décision sans discussion. De même, si un crime était commis et qu'ils ne pouvaient en déterminer l'auteur, ils tiraient au sort. Si le résultat accusait quelqu'un, il était considéré comme le criminel et n'avait aucune possibilité de prouver son innocence.

                              L'une de leurs croyances les plus absurdes était que Dieu S'était marié aux djinns et avait eu comme filles les anges. Ils adoraient donc les anges, qu'ils considéraient comme les filles de Dieu, et les djinns qu'ils prétendaient être liés à Dieu par le mariage. Ils craignaient beaucoup les djinns, qu'ils considéraient comme de mauvais esprits dont le but principal était de faire du mal. Ils essayaient d'éviter ce mal en portant des amulettes et en recherchant la protection des maîtres des djinns.

                              Pour eux, la folie et les troubles mentaux étaient l'oeuvre des djinns, et chaque devin avait pour compagnon un djinn qui lui donnait des nouvelles de l'au-delà. Ils se figuraient aussi que chaque poète possédait un djinn qui lui inspirait sa poésie. Ils croyaient également à toutes sortes de superstitions. Par exemple, lorsque quelqu'un était tué, son esprit s'incarnait dans un certain type d'oiseau, appelé al-Hâma, qui tournoyait autour de sa tombe en demandant à boire jusqu'à ce que le meurtre soit vengé.

                              Les femmes étaient traitées comme inférieures aux hommes. Elles n'avaient droit à aucune part d'héritage, mais étaient elles-mêmes traitées comme faisant partie de l'héritage du défunt. L'héritier disposait à sa guise de la femme du défunt. Il l'épousait sans même lui demander son avis, s'il le souhaitait. Il pouvait aussi la donner en mariage à qui il voulait, sans même lui demander si elle désirait se marier. Un homme pouvait épouser un nombre illimité de femmes, les répudier à volonté et même parfois les laisser dans une situation telle qu'elles n'étaient ni mariées, ni répudiées.

                              La naissance d'une fille était accueillie sombrement. Pour un père, la naissance d'une fille n'était rien de moins qu'un désastre : cela était dû au fait que les femmes ne combattaient pas dans les guerres tribales et ne gagnaient pas leur vie. Certains se cachaient même pendant des jours, tant était grande leur honte d'avoir conçu des filles. Les fillettes étaient enterrées vivantes par leurs parents car elles représentaient un fardeau financier. Ces enterrements étaient parfois même stipulés dans les contrats de mariage.

                              Il n'est pas étonnant que les plaisirs de ce monde aient été ce que les Arabes de l'époque avaient de plus cher. Ils pensaient que la mort était la fin absolue de la vie : la résurrection était jugée totalement impossible. Suggérer que les morts puissent revenir à la vie était considéré comme de la folie. Pourtant, les Arabes n'étaient pas dépourvus de vertus. Ils attachaient une grande valeur à la bravoure, à la fidélité, à la sincérité et à l'hospitalité. Ces vertus n'étaient toutefois pas assez solidement ancrées pour susciter un ordre social noble. Elles étaient supplantées par les considérations mesquines et la recherche du plaisir qui caractérisaient cette société.

                              Ces croyances religieuses absurdes avaient suscité des confusions et des innovations dans de nombreux aspects du culte. On sait, par exemple, que le pèlerinage à la Ka'ba fut pratiqué sans interruption depuis qu'Abraham, sur l'ordre de Dieu, annonça à l'humanité que ce pèlerinage était un devoir pour tous. D'autres nations avaient totalement abandonné ce devoir, mais il continuait d'être accompli en Arabie malgré les changements qui s'étaient infiltrés dans les croyances religieuses, transformant en polythéistes ceux qui avaient autrefois cru en l'unicité divine.
                              Les Quraysh avaient néanmoins introduit des innovations dans les rites du pèlerinage. Bien qu'on ne puisse pas dater exactement ces innovations, elles furent probablement introduites un demi-siècle environ avant le début des révélations coraniques. Il est bien connu que certains rites du pèlerinage sont accomplis en dehors du périmètre sacré, qui s'étend dans un rayon de vingt kilomètres environ autour de la Ka'ba. La station d'Arafat, qui est le rite central du pèlerinage, en fait partie puisque Arafat se situe au-delà du périmètre sacré.
                              Tout le monde sait qu'aucun pèlerinage n'est valable si le pèlerin n'était pas présent à Arafat le 9 de dhul-hijja, le dernier mois de l'année lunaire. Les Quraysh avaient cependant décrété qu'eux mêmes étaient exemptés de cette présence à Arafat. Ils justifiaient cette affirmation en disant que la Ka'ba était le point le plus sacré sur terre. Le périmètre sacré, qui entoure la Ka'ba, dérivait son caractère sacré du fait que la Ka'ba en était le centre : il n'était pas logique, affirmaient-ils, que des gens vivant à l'endroit le plus sacré de la terre se rendent à un endroit moins sacré pour y accomplir leurs rites religieux, tandis que d'autres parcouraient des centaines de kilomètres pour venir accomplir leurs rites dans le périmètre sacré. Ils décidèrent donc de ne pas se rendre à Arafat lorsqu'ils accomplissaient le pèlerinage, tout en reconnaissant que cela faisait partie du pèlerinage pour les autres.

                              Ils s'attribuaient le nom de hums, c'est-à-dire linguistiquement « les puritains », et incluaient dans ce titre les habitants du périmètre sacré et leurs descendants, que ceux-ci vivent ou non à l'intérieur de ses limites. Cela revenait à répartir les pèlerins en deux catégories, et à accorder des privilèges injustifiés aux gens de La Mecque pour la seule raison qu'ils vivaient dans le voisinage de la Ka'ba. Or, cela est contraire à l'essence même de la foi divine prêchée par Abraham, Ismaël et tous les prophètes jusqu'à Muhammad .

                              La foi divine considère tous les êtres humains comme égaux, et ils ne peuvent se distinguer que par leurs actes, et non par des circonstances fortuites comme la naissance, la nationalité ou la race. Lorsque la notion de classe privilégiée s'installe dans une société, cette classe parvient habituellement à accroître ses privilèges avec le temps. C'est exactement ce que firent les Quraysh, mais ils s'imposèrent également certaines restrictions qui représentaient peut-être une compensation pour leurs privilèges injustifiés.

                              Ils affirmaient qu'ils n'avaient pas le droit de fabriquer de matière grasse pour la cuisson à base de lait ou de beurre lorsqu'ils étaient en état de sacralisation (ihrâm). Ils n'avaient pas non plus le droit d'entrer dans une habitation faite de poils d'animaux durant leur ihrâm ; ils ne pouvaient séjourner que dans des habitations ou des tentes faites de peaux d'animaux. Aucune raison particulière n'était donnée à ces restrictions, qui servaient simplement à souligner que les hums formaient une classe à part. Les Quraysh imposaient des restrictions plus sévères encore aux pèlerins venant de l'extérieur du périmètre sacré.

                              Les pèlerins et tout étranger se rendant à La Mecque n'avaient pas le droit de manger de nourriture apportée de l'extérieur du périmètre sacré. Ils ne pouvaient manger que ce que les habitants de La Mecque leur donnaient ou ce qu'ils achetaient dans la cité sacrée. En outre, pour pouvoir accomplir leur tawâf en arrivant à La Mecque, ils devaient avoir des vêtements faits ou achetés sur place. S'ils ne pouvaient pas s'en procurer ni en acheter, ils devaient accomplir le tawaf nus.

                              Les hommes ne devaient rien porter du tout, tandis que les femmes étaient autorisées à porter un seul vêtement, à condition qu'il comporte plusieurs ouvertures laissant apparaître leurs parties intimes. L'idée de la nudité lors de l'accomplissement d'un acte de culte dans un lieu sacré semble extrêmement perverse. On se demande comment les Quraysh avaient pu la justifier et amener les Arabes à l'accepter. Mais il faut se rappeler que ces gens acceptaient de prendre pour divinités des figures de bois et des statues de pierre qu'ils avaient eux-mêmes fabriquées, et qu'ils leur adressaient leurs prières et recherchaient leur aide.

                              Leur justification pour imposer la nudité aux visiteurs de la Ka'ba était qu'ils ne devaient pas accomplir le tawâf dans les vêtements qu'ils portaient lorsqu'ils avaient commis des péchés. Personne n'était là pour leur expliquer que la purification des péchés concerne l'individu lui-même et non pas ses vêtements.

                              Si quelqu'un venant de l'extérieur de La Mecque ne pouvait pas acheter de vêtements faits à La Mecque pour son premier tawâf et ne voulait pas accomplir le tawâf nu, il était autorisé à l'accomplir dans ses habits ordinaires à condition de les ôter et de les jeter dès qu'il avait terminé. Ni lui ni personne d'autre n'avait le droit de les utiliser.

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