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51 jours à Gaza... Témoignage saisissant

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  • 51 jours à Gaza... Témoignage saisissant

    Zouhair Lahna continue de livrer son retour d’expériences lors de son séjour 52 jours à Gaza à l’hôpital Shifa, pendant l’attaque*israélienne. Le*témoignage en direct nous vient cette fois-ci du Caire et a été reçu le 3 septembre.

    A la porte de sortie de Gaza, juste avant de monter dans le bus qui allait nous transporter vers la frontière égyptienne, à quelques centaines de mètres, mon accompagnant voulait me présenter à un responsable de la sécurité qu’il connaissait probablement et que je n’avais pas vu dans le bureau des passeports. Il m’a tendu la main en dessinant sur son visage un sourire plutôt narquois en disant : « Mais bien sur! Dr. Zouhair ! Cela faisait 51 jours que vous êtes avec nous, vous avez tenu le coup ! ». Venant d’un agent des services de sécurité, cela voulait tout simplement dire qu’on avait l’œil sur moi. Je le comprends bien évidement, vu la situation de la Bande, la guerre, la suspicion et les agents de toutes sortes. Je lui ai renvoyé un sourire amusé et lui disant qu’il avait bien compté les jours! Ensuite je suis monté dans le bus, en me mélangeant avec des Palestiniens qui partent se soigner, étudier, voir leurs familles ou tout simplement prendre de l’air! Il était temps que cet étau se desserre un peu.

    D’ailleurs, c’est tout ce qu’ils ont obtenu suite au cesser le feu. Il devient clair que les Palestiniens n’obtiendront pas plus. Ceci n’est pas du défaitisme, mais juste de la realpolitik.

    51 jours, c’est aussi la durée de cette agression, entre frappes aériennes, assassinats politiques, liquidation de combattants et de dégâts dits collatéraux. J’ai été malgré moi, un témoin privilégié de ces dégâts collatéraux faits de civils, enfants et femmes. J’ai été aussi acteur avec les équipes de sauvetage pour réparer et soigner ces dégâts qui arrivaient aux urgences de l’hôpital Shifa de Gaza ou celui de Nacer à Khan Younes.

    J’ai été touché par les douleurs des mères qui perdent leurs enfants et des jeunes qui perdent leurs fratries ou parents. Témoin des soignants qui se démènent dans tous les sens pour essayer de préserver une âme dans un corps ou de soignants qui perdent leurs moyens face à des tableaux d’horreurs, surtout quand il s’agit d’enfants.

    Au début, je ne suis venu que pour deux semaines et je suis resté près de deux mois. Sur place, la guerre s’est intensifiée. Elle a pris une tournure plus invasive et par conséquent plus meurtrière. Le point de passage de Rafah est devenu presque hermétique et ce dans les deux sens. Ni sortie possible pour les palestiniens, ni entrée pour soignants. Si ce n’est en compte goutte et il faut montrer patte blanche aux services égyptiens. Une situation surprenante et inexplicable. C’est ce qui m’a poussé à annuler mes gardes et mes consultations en France tout en décidant de rester dans la Bande. J’y suis, j’y reste…

    Je ne comprendrais, cette posture égyptienne, que le jour de ma sortie de Gaza par un militant associatif qui travaille avec Gaza et souvent chargé d’organiser la venue des délégations vers la Bande. Ce fut le refus par le Hamas de la première proposition de trêve par les services égyptiens, qui les a poussés à réagir de la sorte, en représailles.

    Finalement, même les organes d’intelligence peuvent réagir comme un enfant effarouché. C’est surprenant et inquiétant ! J’ai bien peur que les missiles et même les balles tirés sur les habitants de Gaza peuvent prolonger leurs trajectoires et atteindre des grands pays qui pensaient être en sécurité. Et de larges pans de la société égyptienne, toutes tendances confondues, allant des sympathisants des frères musulmans vers les patriotes ou Naceriens ne pourront accepter l’affront que vient de subir leur pays et son rôle pour le moins équivoque dans cette crise. A suivre…

    Gaza : traces indélébiles

    Quitter Gaza, après cette expérience intense laissera en ma personne des traces indélébiles, et je ne mesurerai certainement les véritables impacts qu’après un certain temps ou un temps certain ! Dans mon exercice en temps de paix, si je puis dire, je me suis intéressé aux complications des femmes en couches, des hémorragies et des causes de leurs décès en milieu précaire. Cela était et il est toujours un de mes principaux engagement en faveur de la santé des femmes et le premier de leur droit, celui à la vie, après un accouchement. Bien évidement, l’homme ne peut se prévaloir de donner ou ôter la vie, mais il est de son devoir de faire son maximum pour sa préservation.

    Après cette expérience, mes rapports avec la vie et la mort ont, bien évidement, évolué. L’existence même prend un sens différent, certainement plus affiné. Le choc frontal avec la mort a l’avantage de remettre les idées en place. Et il n’est pas nécessaire d’être sur le champ de la bataille pour le sentir. Toutes les personnes qui réagissent à la vue d’une injustice et un bonheur en offrant un sourire, ont certainement la boussole qui leur permet de*reconnaître*le bien et le mal et les nuances entre les deux.

    Zouhair Lahna

    Le Caire le 3 septembre 2014
    Ceux qui ont mécru, n'ont-ils pas vu que les cieux et la terre formaient une masse compacte? Ensuite Nous les avons séparés et fait de l'eau toute chose vivante. Ne croiront-ils donc pas? S21 V30
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