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Ben Jelloun : le livre du sexe et des plaisirs

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  • Ben Jelloun : le livre du sexe et des plaisirs

    Ce 21 août sortira le premier roman d'une jeune Marocaine, journaliste installée à Paris, Dans le jardin de l'ogre, de Leïla Slimani, aux éditions Gallimard. Je viens de le lire et je le trouve très bon. C'est rare qu'on tombe sur un premier livre aussi bien fait avec une histoire qui vous tient du début jusqu'à la fin, écrite dans un style vif et personnel.
    En général, les Maghrébins qui écrivent commencent par se raconter. Nous sommes tous, ou presque tous, passés d'abord par l'autobiographie, que ce soit Abdelkébir Khatibi (La Mémoire tatouée), Abdelhak Serhane (Messaouda) Abdallah Taïa (L'Armée du salut) ou moi-même avec Harrouda. Leïla Slimani rompt la tradition. Son histoire se passe en France avec des personnages français et avec un sujet qui peut se trouver partout puisqu'il s'agit d'une addiction, pas n'importe laquelle, la plus perverse, la plus dangereuse, celle du sexe.

    Femme et épouse presque parfaite

    Une Marocaine ose et ne prend aucune précaution. Elle y va sans filet et sans pudeur, en même temps, c'est ce qui fait l'intérêt du livre. Je la connais à peine, je ne sais pas grand-chose de sa vie, ni son passé, ni son présent. Ce n'est pas important. Le livre s'impose et nous met dans une situation où il nous est décemment interdit de juger l'auteur.

    Dès les premières lignes, on est mis au courant : "Une semaine qu'elle tient. Une semaine qu'elle n'a pas cédé. Adèle a été sage." C'est quoi cette sagesse ? Elle a réussi à ne pas sortir dans la rue et attraper le premier venu pour satisfaire son vice, l'addiction irrationnelle, anormale, maladive. Elle est en permanent conflit avec son âme qui a honte de son corps et de ses dérives : "Ce qui excitait l'âme, c'était justement d'être trahie par le corps qui agissait contre sa volonté, et d'assister à cette trahison."

    Adèle est mariée et a un garçon. Un couple sans problèmes apparents. Une vie petite-bourgeoise sans heurts, sans larmes. Mais cette femme est double, elle est habitée dans le sens mystique, elle ne s'appartient pas, le désir est son maître, l'aventure et le danger sont ses ingrédients, le silence est son complice. Elle arrive à naviguer dans ces eaux troubles et rentrer à la maison comme si elle venait de suivre une conférence au Collège de France. Rien ne transparaît dans son attitude. Femme et épouse presque parfaite.

    Des bleus et des griffures sur le cou

    Cependant, elle n'existe que dans le désir des autres. Elle ne tire ni gloire ni satisfaction de ses conquêtes. Elle les additionne et les oublie. Rien ne la retient, pas même son métier. Elle est journaliste ; durant la chute de Ben Ali, ses collègues s'étonnent de son manque d'enthousiasme. Elle a l'esprit et même le corps ailleurs. Comme elle écrit : "Adèle a déchiré le monde." Le mari remarque les bleus et les griffures sur le cou ; il ne dit rien, il est vaincu, désemparé et voudrait comprendre.

    Comment comprendre une maladie qui ne se signale que par effraction ? Comment l'admettre ? Tout dépend d'Adèle et de sa multiple vie de plus en plus glauque, sale, puante. Richard son mari est dans l'amour, qu'Adèle définit comme de "la patience dévote, forcenée, tyrannique".

    La fin est très bien menée. Le livre se lit d'une traite et on est subjugué par la force, l'audace et le talent de la jeune romancière. Bienvenue dans le jardin de l'écriture et de tous les imaginaires

    le point
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