A la tête de la Direction des fabrications militaires (DFM), le Général-major Rachid Chouaki dirige l’ensemble de l’activité industrielle de l’ANP et conduit les projets de partenariat conclus récemment avec des entreprises étrangerères. Il tente, depuis un certain moment, de rendre l’intégration de cette activité dans le tissu économique du pays efficace et rentable. Pour lui, le principe de la dualité de la fabrication industrielle (militaire et civile) est primordial. Il nous explique, dans cet entretien, les nouvelles orientations du haut commandement de l’armée qui font du partenariat étranger une condition incontournable pour la relance économique du pays.
-La Direction des fabrications militaires a engagé, depuis quelque temps, plusieurs projets industriels avec des partenaires étrangers. Quel apport ces projets peuvent-ils avoir sur l’effort des pouvoirs publics visant la relance de l’industrie nationale ?
En préambule, permettez-moi d’affirmer un concept qui fait que chaque armée de par le monde dispose ou essaye de disposer d’une base industrielle et de technologie de défense. Cette base industrielle regroupe un certain nombre d’opérateurs économiques locaux de différents statuts qui participent aux approvisionnements de l’armée de façon à ce que celle-ci puisse accomplir ses missions en toute autonomie.
Généralement, ces opérateurs sont classés en trois grandes catégories : ceux qui conçoivent, développent, produisent, maintiennent ou rénovent l’armement, les systèmes d’armes, les équipements et matériels militaires ; ceux qui pourvoient l’armée en produits communs mais qui sont stratégiques, tels que les carburants, les huiles ; et dans une troisième catégorie les opérateurs qui mettent à la disposition de l’armée des produits courants tels que les subsistances, les effets d’habillement, les articles de couchage, de campement et d’ameublement. Ce sont là les trois catégories d’opérateurs qui constituent l’essentiel de la base industrielle et de technologie de défense.
L’Algérie, à l’instar d’autres pays, dispose d’une importante base industrielle et de technologie substantielle et en constante évolution. La Direction des fabrications militaires (DFM) qui constitue l’outil majeur du ministère de la Défense pour moderniser, animer coordonner, étendre et développer cette base a retenu le partenariat comme chemin de développement. Nous nous sommes aperçus qu’à travers le monde, ces dernières années, l’exigence de dualité est devenue un facteur de rentabilité incontournable de cette base industrielle et des opérateurs qui la constituent.
Un fabricant d’équipements militaires ne peut envisager une profitabilité à long terme de son activité, si cette dernière ne cœxiste pas avec une production à usage civil permettant d’assurer la rentabilité de l’entreprise, dans le cas où il y a une baisse de la commande militaire. C’est la raison pour laquelle la DFM s’est engagée dans ce type de partenariat qui garantit une certaine rentabilité économique, mais qui permet aussi d’assurer une production de qualité, en ce sens que le produit militaire est caractérisé par un niveau de qualité optimale et sévère pouvant être appliqué dans ce cas aux productions civiles. Les partenaires que nous avons retenus sont, dans ce contexte, des détenteurs de technologies avérées et génératrices de productions duales. N’oublions pas, enfin, que la recherche et le développement en matière d’armement a toujours débouché sur des applications civiles.
-Concrètement, comment ce partenariat a-t-il été conçu par l’ANP ?
Sur un plan conceptuel, le partenariat porte sur l’implémentation et l’exploitation de technologies up today portées par des technologues avérés et connus acceptent de s’installer et de nous accompagner en Algérie. Il s’agit, par ailleurs, de ramener de l’investissement direct étranger pour financer ces partenariats. Nous avons capté beaucoup d’investisseurs étrangers, qui sont des fonds d’investissement des pays du Golfe tels que les Emirats arabes unis, mais aussi d’Europe et d’Asie. Ces partenariats ont donné naissance à des sociétés par actions dont l’actionnariat est défini conformément à la LFC 2009, où la partie algérienne est majoritaire et constituée généralement de participations d’EPE de la branche sectorielle et d’EPIC du ministère de la Défense nationale.
La partie étrangère actionnaire peut être investisseur et/ou technologue et fait partie intégrante du partenariat. Je peux citer, entre autres, les groupes allemands Daimler, Rhode & Schwarz, Cassidian-Deutschland, Carl Zeiss et des sociétés chinoises. Il y a aussi des fonds d’investissement et des sociétés émiratis qui ont choisi l’Algérie du fait de sa crédibilité et de l’attrait de son marché. Les capitaux investis portent actuellement sur environ un milliard de dollars.
Ces partenariats ont donné lieu à des sociétés par actions (Spa), lesquelles sont maintenant chargées de conduire et de réaliser des projets d’envergure. Elles vont ensuite exploiter les usines réalisées et commercialiser leurs productions. Elles bénéficient d’un management algéro-étranger, conduiront des programmes et assureront la recherche et le développement menés en commun. Je dirai enfin que ces partenariats ont été conçus, étudiés et négociés sur un principe cardinal qui est celui de la rentabilité. Tout a été établi à partir d’un business plan découlant de programmes de commercialisation et d’exportation de façon à ce que, sur la durée du partenariat projeté sur une trentaine d’années, ces sociétés dégagent une rentabilité au bout des cinq premières années et que les actionnaires perçoivent aussi des dividendes aussi au bout de la cinquième année.
-Quels sont les secteurs concernés en priorité par les programmes de partenariat ?
Conformément aux instructions du Haut commandement de l’ANP, nous nous sommes d’abord installés dans des sites qui étaient fermés. Il s’agit de plusieurs sites : à Khenchela, Tiaret et une partie de l’ENIE de Sidi Bel Abbès. Nous les avons intégrés et nous avons mis en place des programmes de partenariat. Nous avons aussi activé sur des sites industriels complètement structurés avec des technologies vétustes et gravement altérés par la perte de la majorité des parts de marché. Je peux citer le cas de l’ENMTP de Aïn Smara, l’usine de moteurs de Oued Hamimine, et la SNVI de Rouiba. Nous avons aussi créé pour les besoins de ces partenariats trois EPIC, celle des plateformes des systèmes électroniques de Sidi Bel Abbès, de l’industrie des véhicules à Tiaret, et celle de la promotion des industries mécaniques de Constantine.
Dans le secteur textile, pourvoyeur de tissus pour les besoins de la confection d’uniformes militaires, nous nous sommes aperçus ces dernières années que ce secteur courait vers sa disparition. Nous avons donc décidé de prendre en charge toutes les entreprises qui étaient pourvoyeuses de l’ANP, en l’occurrence les entités textiles de Batna, Béjaïa, M’sila, Souk Ahras, Tizi Ouzou, Tlemcen et
Sebdou. Ces entreprises ont été filialisées avec une grande entreprise du ministère de la Défense nationale, qui est l’EHC, et un important programme d’assainissement, de mise à niveau et de réorganisation en une seule entreprise, en l’occurrence l’Epe Eatit, leur a été consacré dans l’esprit de la filialiser aussi avec les partenaires étrangers.
Nous avons aussi procédé à l’ouverture directe de sites industriels qui étaient fermés depuis des dizaines d’années et qui sont maintenant entrés en production au profit de l’ANP, à l’exemple de l’usine de fabrication de chaussures de Bou Saâda. Je dois dire que toutes nos actions et nos projets s’inscrivent dans la participation de l’ANP à la relance économique du pays. Nous travaillons ainsi selon plusieurs directions, et le partenariat constitue pour nous la clé de voûte de la relance économique de notre pays.
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