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Djelfa entre le «seigneur mouton» et la reine kachabia

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  • Djelfa entre le «seigneur mouton» et la reine kachabia

    Wilaya du Nord sans l’être entièrement et porte du Sud sans ses attributs,
    Djelfa est la ville du milieu, lovée dans la partie centrale de l’Algérie,
    au-delà des piémonts sud de l’Atlas tellien. Son chef-lieu, à 300 kilomètres au sud de la capitale, dévoile ses joies, son calvaire, son histoire et ses fiertés. Cinq jours durant, toute la région s’est laissé découvrir, de même que ses habitants, au caractère pétri par les éléments, que n’est capable d’apprivoiser que le seul autochtone Pour le commun des Djelfaouis, l’accès à la ville se faisait inévitablement sous la silhouette « avenante » de sculptures d’une harde de moutons gardés par leur bienveillant berger, à l’endroit même où jadis une source abreuvait généreusement bêtes et hommes. D’ailleurs, le nom « Djelfa » ne tient en rien du hasard, mais signifie « la rémission des brebis » après un long périple de plusieurs mois en quête de pâturage.
    A une époque lointaine, l’ensemble de la région était considérée comme le carrefour des bergers de tout le Maghreb, un centre de transit pour les bergers et leurs protégés. Les habitants de la région ont perpétué la tradition et ont fait de Djelfa le premier marché à bestiaux au niveau national. Aujourd’hui comme hier, l’élevage des ovins demeure un legs générationnel, extensif et fortement dominé par la transhumance, une façon ancestrale qui n’a pas connu d’évolution dans ses fondements. C’est aussi le métier le plus répandu à Djelfa, qui, en 2013, comptait plus de 41 000 éleveurs ;l’élevage représente également un double intérêt économique, car le « seigneur mouton » sert d’abord à satisfaire la famille en la nourrissant et lui donnant la laine nécessaire pour fabriquer ses habits, aussi bien pour l’homme que la femme, particulièrement vrai dans la région historique des Ouled Naïl, dépositaires de la « kachabia ». Son tissage traditionnel a bien survécu à la modernité, en dépit des difficultés liées à sa commercialisation, nées de sa cherté. Un burnous traditionnel peut facilement culminer jusqu’à plus de 200 000 DA pour le plus noble. Le plus commun des burnous est rarement cédé à moins de 20 000 DA.
    La « reine kachabia »La fabrication du burnous traditionnel est un métier légué du père en fils chez les Bouzidi. Abdelkader Bouzidi, le patriarche, est un fabricant de « kachabias » connu pour la qualité de son produit dans toute la région. Il affirme avoir consacré toute sa vie à apprendre ce métier qu’il a hérité de son père. Il considère qu’il est impératif de conserver ce savoir-faire ! « Ici, les hommes et les femmes redoublent d’effort pour la préparation de la matière première, qui est de la laine le plus souvent, ou alors du poil de chameau. (…) Mais cette profession est menacée de disparition pour une seule raison, la jeune génération n’accorde pas d’intérêt à ce métier. La plupart des jeunes préfèrent partir dans les grandes villes du Nord où il y a du travail et les commodités », a-t-il déploré. Mais il ne leur en veut pas, car la migration des jeunes vers le Nord est grandement motivée par l’absence de loisirs ou de moyens de divertissement.« Les autorités locales peinent à établir une véritable stratégie d’amélioration du mode de vie de la population locale », a-t-il ajouté. Djelfa-ville, comme d’autres localités, souffre d’un manque flagrant en matière de développement de commodités et de loisirs. A titre d’exemple, durant cette saison des grandes chaleurs, les quatre piscines dont dispose la ville de Djelfa sont fermées. Conséquence : chaque jour, des jeunes meurent noyés dans les « gueltas », ces mares d’eaux saumâtres. « Notre région est parmi les plus riches en Algérie, mais nous n’avons pas bénéficié de cette richesse, nous n’avons pas d’autre choix, la plupart de nos enfants sont dans la rue ; rien, aucun moyen de divertissement », se désole Abdelkader Bouzidi.
    Des sites historiques abandonnés

    A Djelfa, il n’y a pas que l’élevage des ovins. La région recèle un potentiel
    touristique important qui remonte à l’époque berbère, dont les traces et les gravures rupestres témoignent de l’antiquité de cette ville millénaire, à la recherche de solutions de préservation et de mise en valeur de son patrimoine matériel et immatériel. De plus, le patrimoine culturel matériel de la région n’est pas à l’abri du danger, celui du temps et celui de l’incivisme. Comme c’est le cas pour « le cimetière des Eléphants » ainsi que les gravures rupestres datant de l’époque berbère, dans la région de Zenina, une ville de 5 000 ans à 100 km à l’ouest du chef-lieu de la wilaya. « Des sites abandonnés sans aucune protection, détruits par la population qui ne mesure pas l’importance de ces pièces archéologiques dans l’écriture et même la réécriture de l’histoire de la région », regrette M. Haniche, cadre de l’Etat à la retraite qui s’est consacré à la recherche et à l’histoire de cette ville. Selon ce dernier, Zenina symbolise le dialogue des civilisations. « Jusqu’à 1962, musulmans, juifs et chrétiens vivaient en communion sans s’inquiéter. La scène qui est restée gravée dans ma mémoire est celle de mon grand-père qui nous enseignait le Coran à la maison et celle d’un rabbin qui enseignait la Torah à ses enfants dans la maison en face », se remémore-t-il. Aussi, quelques efforts ont été consentis par la population locale pour la récupération de pièces antiques et la préservation du patrimoine culturel matériel de la région des Ouled Naïl, selon M. Djilali, guide. « Le musée du centre-ville est l’un des sites les plus importants à Djelfa où des centaines de pièces recueillies principalement par les habitants locaux sont exposées », a-t-il dit.
    A l’intérieur de la vieille bâtisse qu’est le musée de Djelfa, on retrouve les sculptures de Bubal antique avec ses cornes de 2 mètres d’envergure, vieux de 80 000 ans et découvert en 1985. Plus de 1 162 gravures rupestres ont été découvertes dans cette région.
    Certes, la région dispose d’un potentiel touristique important, mais elle peine à séduire les touristes locaux et étrangers. La promotion et la préservation du patrimoine culturel de cette région sont un grand défi pour les responsables locaux en vue de lancer la machine touristique, bien enrayée.Le naïli, exclusivité musicale
    Le naïli est un genre musical et poétique propre à la région des Ouled Naïl, plus précisément ancré dans sa capitale Djelfa. Ce genre est régulièrement exécuté lors des occasions de réjouissances profanes, tels que les mariages ou les foires locales. Etroitement lié au mode de vie des Ouled Naïl, dont l’essentiel du texte est puisé du quotidien de la société des Ouled Naïl. La musique et la danse portent des messages clés qui symbolisent la cohésion du groupe dans un environnement difficile et véhiculent les valeurs et l’histoire des Ouled Naïl avec une expression musicale suivie d’une danse pleine de gesticulations à l’odeur de la poudre crachée par les fusils lors d’une charge de baroud.
    Comme toutes les cultures ancestrales de notre pays, celle des Ouled Naïl est transmise de père en fils par voie orale. Si dans les autres cultures algériennes la danse est réservée pour le genre masculin, ce n’est pas le cas dans la société des Ouled Naïl. « C’est la seule région dans le pays où la femme peut danser devant l’homme », selon Bachir Daif Ellah, universitaire et chercheur dans l’histoire de la chanson et de la musique naïlies.« La femme danse en sautillant sur la pointe des pieds, avec des gestes exprimant ses vertus et son savoir-faire dans le but de séduire l’homme, carabine à la main, qui lui répond avec une gestuelle de guerrier sous le rythme d’une musique inspirée et au rythme d’un cheval au trot. Aussi bien les jeunes que les moins jeunes, voire les plus âgés d’entre nous ne résistent pas longtemps devant ce spectacle avant de commencer à vibrer dès le premier coup de ‘‘guelal’’. Si vous avez remarqué, la danse qu’exécute l’homme mime le trot du cheval», a-t-il précisé. Pour ce dernier, il est temps de réfléchir à la nécessité de la transcription de cette culture et de passer à «la matérialisation du patrimoine culturel immatériel de la région» afin de garantir sa préservation et sa promotion.

    Auteur: Abdellah Bourim
    Dernière modification par katiaret, 09 septembre 2014, 14h18.
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