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Même avec l'argent mafieux, l'Italie va toujours aussi mal

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    Même avec l'argent mafieux, l'Italie va toujours aussi mal
    24 SEPTEMBRE 2014 |* PAR MARTINE ORANGE

    À*partir de 2015, les États devront inclure l’argent de la drogue et de la prostitution dans le calcul de leur PIB. Moralement insupportable, économiquement injustifiable, cette manipulation est vaine. Même en intégrant ces activités, les chiffres de l’économie italienne restent catastrophiques.

    Le changement est à la mesure du dérèglement des esprits qui a saisi l’Europe. Au printemps, la commission européenne a décidé de changer les règles de la comptabilité publique des États membres.*À partir de 2015, Eurostat, l’institut européen de statistiques, demande aux États d’inclure dans leurs calculs de PIB l’argent tiré de la vente de la drogue, de la prostitution, du trafic de cigarettes ou d’alcool. On se demande pourquoi les experts se sont arrêtés en si bon chemin*: pourquoi ne pas y inclure aussi l’argent des enlèvements, des trafics d’armes ou d’organes et toutes les activités sur lesquelles prospèrent les mafias*? Ce sera pour une prochaine fois, peut-être…

    Comment justifier leur prise en compte économique, tout en les interdisant légalement et en condamnant pénalement les personnes qui s’y livrent*? Ces subtilités légales et juridiques n’ont pas semblé troubler une seule seconde nos experts statisticiens. Pour entériner une rupture si complète avec le droit des nations, les experts de la Commission européenne ont avancé qu’il convenait de prendre en compte toutes les activités afin de mieux cerner la richesse des pays. En un mot, l’argent n’a pas d’odeur. Il convient de le cerner partout où il se trouve. Désormais, les activités mafieuses ont donc économiquement droit de cité.

    Moralement insupportable, la mesure est tout autant économiquement injustifiable. Car comment évaluer économiquement ces trafics par définition souterrains et cachés*? Cela relève de la mission impossible. Les statisticiens n’ont aucun instrument sûr à disposition. Tout relève du doigt mouillé, de la plus totale improvisation, du pifomètre érigé en science. Autant dire que les éléments de statistiques nationales perdent toute valeur et tout crédit, sauf celui de pouvoir être annoncés et discutés pendant quelques heures dans les salles de marché et les plateaux de télévision, avant de les oublier tout de suite après.

    Cette manipulation des chiffres, il est vrai, n’est pas totalement nouvelle. Depuis des années, les gouvernements, les institutions et toutes les formes de lobbies ont pris l’habitude de livrer des chiffres, de plus en plus sujets à caution, truffés de ruptures méthodologiques, sans continuité dans le temps, pondérés par l’âge du capitaine ou le sens du vent. Qu’importe*! L’important est de pouvoir donner un chiffre, quel qu’il soit, pour appuyer le propos, une spéculation financière ou une décision politique.

    Les multiples scandales sur le marché des changes, du Libor, des matières premières, du pétrole, de l’or, ces dernières années, ont démontré que le trucage des indices et des chiffres est devenu une pratique internationale largement répandue. Tolérée jusqu’à présent, elle est désormais encouragée par les organismes de statistiques européens.

    Dès l’annonce de ce changement, l’Italie, la Belgique et la Grande-Bretagne ont annoncé leur intention de se rallier à ces nouvelles règles et d’inclure dans leur calcul de PIB l’argent de la drogue et de la prostitution. Dans un sursaut intellectuel, l’Insee a déclaré qu’elle se refusait à prendre en compte l’argent de la prostitution et de la drogue dans ses calculs de richesse nationale. Elle a, malgré tout, fait un geste afin de se conformer aux règles européennes et ne pas trop désavantager la France dans les comparaisons avec les autres pays. «*Nous intégrerons le trafic de drogue pour les besoins de la politique européenne, pour l'établissement du revenu national brut*», a concédé en juin dernier le directeur des études et des synthèses économiques de l’Insee.

    Cette corruption intellectuelle et scientifique a un but politique*: prouver avec ces chiffres «*remaniés*» que l’état des pays européens n’est pas aussi critique que cela, que la politique européenne est la bonne, que la situation du chômage ou des dettes n’est pas aussi catastrophique qu’on veut bien le dire.

    Seulement voilà, l’opération trucage est en passe d’échouer. Lundi 22 septembre, l’institut italien de statistiques, l’Istat, a publié la série de chiffres revisités, intégrant les activités de la drogue et de la prostitution sur les cinq dernières années. Les résultats sont beaucoup plus décevants que ce qui avait été escompté.

    Selon les estimations de l’Istat, le PIB de l’Italie a reculé de 2,3*% en 2012 au lieu d’une chute de 2,4*% selon les précédents calculs. En 2013, la valeur nominale du PIB italien s’est améliorée de 3,8*% par rapport aux évaluations précédentes. Mais cette révision ne change rien par rapport à la situation, selon l’Istat*: l’activité italienne s’est toujours contractée de 1,9*% l’an dernier*!

  • #2
    L’effet de ces «*révisions statistiques*» est un peu plus tangible sur les dettes. En valeur absolue, rien n’a changé*: la dette publique italienne s’élève à plus de 2*100 milliards d’euros. Mais le ratio dette sur PIB s’améliore. En 2012, il n’est plus que de 122*% contre 127*% dans les calculs précédents. En 2013, le ratio s’établit à 127,9*% au lieu de 132,6*% .

    Ce ne sont pas quelques points en plus ou en moins qui modifient la situation de l’Italie. Le pays connaît sa troisième récession en six ans*: l’activité s’effondre*; le chômage, notamment des jeunes, atteint des sommets*; *l’endettement continue d’exploser. Selon une étude de l’institut Bruegel, l’Italie devrait réaliser un excédent primaire, correspondant à 5*% du PIB, pour stabiliser sa dette, si l’inflation est de 2*%. Il devrait atteindre 7,8*% du PIB, si l’inflation est à zéro. Autant dire que l’Italie n’a aucune chance d’y parvenir sauf à mettre toute son organisation sociale à terre. Pour les économistes, la dette italienne a déjà atteint un niveau insoutenable.

    Qu’espèrent alors gagner les dirigeants européens par cet habillage*? Essayer de cacher un moment encore la réalité*? Cette manipulation, en tout cas, résume assez bien la ligne de conduite de la Commission européenne*: s’en tenir à une armada de chiffres magiques, même s’ils sont totalement faux ou biaisés, censés tenir lieu de politique économique

    Mediapart

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