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Qui aura la peau du capitalisme ?

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  • Qui aura la peau du capitalisme ?

    L'essayiste et économiste à succès Jeremy Rifkin veut voir dans la diffusion planétaire des technologies de l'Internet un virus mortel pour le mode de production imposé par les révolutions industrielles. Attention : l'illusion technologique produit une mutation profonde du capitalisme... mais vers le pire ! Bonnes feuilles en exclusivité.

    Lorsque tout va mal autour de nous, le bon vieil esprit du positivisme vient nous rassurer : le progrès, l'intelligence des hommes seront toujours là pour nous sortir du pétrin. Aujourd'hui que l'Occident ne se remet pas de sa cinquième année de crise au risque de sombrer dans le désespoir politique et social, la lecture de Jeremy Rifkin est une planche de salut. La semaine prochaine, il publie la Nouvelle Société du coût marginal zéro, aux éditions Les liens qui libèrent. Quand notre foi citoyenne vacille, ce nouvel essai, malgré son titre abscons, est une sorte de «sermon sur la montagne». Comme le Christ, notre prophète des nouvelles technologies annonce que la fin des temps anciens, entendez : ceux du capitalisme triomphant, approche et que, déjà, on distingue le royaume qui n'est pas des cieux mais de la « révolution collaborative ».

    Le capitalisme est bien atteint par là où il pèche : en générant le progrès technique par l'accumulation des investissements, il a fini par créer tout seul les conditions de la libération des consommateurs et des producteurs de son emprise. Notre époque voit le croisement de plusieurs innovations majeures : la production locale d'électricité, les échanges de données et l'Internet des objets, en rupture avec la production centralisée qui a porté le capitalisme pendant deux siècles, sont en passe de générer son ennemi mortel du capitalisme, qui ne serait plus le prolétaire que Marx avait érigé en sauveur suprême de l'humanité, mais le « prosommateur », croisement génétique du consommateur et du producteur. « L'Internet des objets permet à des milliards de personnes de s'engager dans des réseaux sociaux pair à pair et de collaborer à la création des multiples activités et pratiques économiques nouvelles dont est faite la vie sur les communaux collaboratifs émergents. La plate-forme transforme tout participant en prosommateur et toute activité en collaboration », écrit Rifkin. Exit, donc, le capital et le profit. On n'a plus besoin d'eux, puisque produire un bien au XXIe siècle coûte de moins en moins cher, voire tend à la gratuité. C'est ce que Rifkin nomme le « coût marginal zéro ». En supprimant les intermédiaires et son support papier, Internet permet par exemple de réduire le coût de la diffusion d'un livre ou d'une musique à presque zéro.

    Exit, aussi, le marché et la concurrence, place à la collaboration, au partage. Le monde atroce de l'exploitation de l'homme par l'homme se mue en paradis. La propriété même s'efface puisque, explique l'auteur, les prosommateurs « partagent aussi entre eux des voitures, des maisons et même des vêtements par l'intermédiaire de sites de réseaux sociaux, de systèmes de location, de clubs de redistribution et de coopératives, à un coût marginal faible ou proche de zéro ». De jeunes entrepreneurs sociaux lancent des activités à sensibilité écologique, financent de nouvelles entreprises par le crowdfunding et même créent des monnaies sociales dans l'économie nouvelle. Résultat : la « valeur d'échange » sur le marché tend à être détrônée par la « valeur partageable » sur les communaux collaboratifs. Karl Marx, reviens, tu as gagné !

    Jeremy Rifkin - c'est là son génie - est un des rares économistes à avoir la formation technique suffisante pour distinguer les véritables technologies de rupture des modes passagères. On a beaucoup gaussé ses prémonitions. En 1975, il annonçait le brevetage du vivant alors que le décryptage de l'ADN était encore une lubie de laboratoire. En 1995, c'était la prédiction de la Fin du travail, puis l'avènement des nouvelles technologies avec l'Age de l'accès, puis celui de la civilisation écologique avec la Troisième Révolution industrielle, en 2011. A chaque fois, l'oracle de Denver (Colorado) bâtit un grand récit qui oscille entre la prospective rationnelle et la science-fiction. Entre la réalité scientifique et le rêve éveillé. Mais faut-il le lui reprocher ? Après tout, Shakespeare affirmait : « Nous sommes de l'étoffe dont sont faits nos rêves... » (1)

    Nouveau modèle

    Le problème est que le songe peut aussi être un cauchemar. Libéral (dans tous les sens du terme, donc de gauche...), Jeremy Rifkin postule que le progrès technologique ne peut qu'amener du progrès social. Ainsi, si l'automation élimine le travail physique, c'est pour libérer l'homme de l'esclavage. En fait, ce n'est pas le travail qui disparaît, mais les emplois, ce qui rend la société encore plus malade du travail. La société en réseau bouscule certainement le capitalisme industriel et centralisé, mais est-ce pour réaliser enfin le vieil idéal de la « libre association des producteurs entre eux », qui était la définition originelle du socialisme ? C'est loin d'être certain.

    Les réseaux dominants d'Internet ne dépassent pas le marché, au contraire ils l'étendent : on se rendra vite compte que le principal exploit de Facebook et de Google, c'est d'avoir « monétisé », c'est-à-dire transformé en marchandise, les données personnelles - y compris les adresses des amis ! -, qui étaient auparavant à la fois privées et gratuites. De même qu'Airbnb, réseau d'échange, dont le concept de départ était de permettre d'inviter un inconnu à dormir sur le canapé du salon, donne une valeur d'échange à l'hospitalité, par principe désintéressée. D'ailleurs, selon un article du Figaro, « la plate-forme communautaire » aux 17 millions d'utilisateurs viserait désormais « les voyageurs d'affaires ». Quand à Uber, qui est en passe de détrôner effectivement les vieilles compagnies de taxi comme la G7, son principe créateur était de rendre lucrative la pratique de l'auto-stop. Le capital lui-même ne semble d'ailleurs pas effrayé par la perspective de la « révolution communautaire » : Uber vaut en Bourse 17 milliards de dollars. Facebook a dépassé les 100 milliards et Google les 360 milliards ! Rockefeller, par comparaison, jouait petit bras !

    Comment expliquer un tel aveuglement des actionnaires ? Peut-être en ce que le capitalisme mute en utilisant les technologies nouvelles pour créer un nouveau modèle : l'élimination des intermédiaires dans la chaîne de production des biens et des services et la décentralisation permettent de concentrer de tout petits revenus disséminés parmi une foultitude de producteurs pas ou mal rémunérés, tandis que les profits remontent tout entiers dans les têtes de réseau pour être distribués à un petit nombre d'actionnaires. Plutôt que la fin du capitalisme, on assisterait à son achèvement.


    * Prospero, dans la Tempête, acte IV.

    La Nouvelle Société du coût marginal zéro, de Jeremy Rifkin, Les liens qui libèrent, 400 p.,

    Marianne

  • #2
    Personne ne croit véritablement à la fin du capitalisme, du moins à court et moyen terme, pas même Rifkin. Certes la venue de l'internet, et bientôt l'internet des objets, permet plus de partage et un nouveau mode de production et de distributions des biens, mais cela n'ira pas plus loin. Les exemples que cite souvent Rifkin, à savoir l'écroulement des industries classiques du disque et de l'édition, ne sont pas suffisants, à mon avis, pour extrapoler au reste des segments de l'économie capitaliste...


    كلّ إناءٍ بما فيه يَنضَح

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    • #3
      Pour le moment ,il est le seul système à dominer le monde , malgré ses tares

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