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Mario Draghi, Don Quichotte de la zone euro ?

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  • Mario Draghi, Don Quichotte de la zone euro ?

    Un mois après le début de son offensive pour tenter de faire bouger les gouvernements européens, Mario Draghi n'a guère de raisons de se réjouir. Alors que les chiffres économiques pour la zone euro se sont assombris, les gouvernements européens refusent toujours obstinément de relancer la croissance. Lors de sa réunion de ce jeudi 2 octobre, le Conseil des gouverneurs de la BCE va devoir prendre des décisions dans un contexte particulièrement difficile.

    Une situation macroéconomique en berne
    La situation macroéconomique de la zone euro semble incontestablement se dégrader. Les indices du climat des affaires, à commencer par l'Ifo allemand, mais aussi l'indice Eurocoin de la Banque d'Italie se sont dégradés. Tous les instituts allemands ont engagé une révision à la baisse de la croissance outre-Rhin pour cette année et il semble désormais évident que la croissance italienne sera encore négative en 2014.


    Les perspectives ne sont guère plus réjouissantes ailleurs, notamment en France où il semble difficile de s'extirper de la croissance zéro. Plus que jamais, les moteurs économiques de la zone euro semblent à l'arrêt. Le ralentissement du commerce mondial n'a pas permis de consolider le scénario des dirigeants européens d'une croissance tirée par les exportations. Les demandes intérieures semblent au point mort : le processus de consolidation budgétaire est loin d'être achevé et l'épée de Damoclès du semestre européen commence à porter ses effets négatifs : il faudra encore serrer les vis. Les agents économiques privés en tirent les leçons, réduisent leurs dépenses et reportent à plus tard leurs investissements. Rien ne semble donc en mesure de sortir l'économie de la zone euro de son apathie actuelle.

    L'inflation toujours en baisse
    D'autant que le signal inflationniste n'est guère encourageant. Déjouant les pronostics, la hausse des prix annuelle en zone euro a de nouveau faibli en septembre, passant de 0,4 % à 0,3 %. On se rapproche donc dangereusement de zéro. Même l'inflation sous-jacente, celle qui ne dépend ni des prix de l'énergie, ni des prix de l'alimentation, est faible : elle revient au point bas historique de 0,7 %. Les anticipations d'inflation sont de nouveau en recul, ce qui est très inquiétant car ces anticipations jouent sur les comportements des agents économiques. Plus elles sont faibles, plus la dynamique de croissance l'est aussi. La perspective de devoir faire face à des prix plus faibles, pesant plus sur les profits, ne risque pas de favoriser l'investissement.

    Deux points sont particulièrement inquiétants : la France et l'Italie. Dans ces pays, les salaires sont assez rigides, mais l'inflation se ralentit fortement. En Italie, les prix sont à la baisse depuis xx mois. En France, l'inflation ne devrait être que de 0,2 % en septembre. La pression sur les marges va être très forte et la menace, c'est que l'ajustement se fasse sur l'emploi. Tout ceci va encore peser sur la confiance et la croissance. La zone euro semble dans un trou noir qui aspire progressivement son économie.

    La solution proposée par Mario Draghi
    Pour sortir de cette situation, Mario Draghi avait énoncé à Jackson Hole le 22 août une stratégie qui consistait à épauler l'action monétaire de la BCE par une stratégie d'ensemble mener par les gouvernements de la zone euro. Les Etats qui le peuvent relanceraient l'investissement pendant que les autres effectueraient des « réformes structurelles » qui leur permettraient de « profiter » de cette relance. En réalité, Mario Draghi voulait inviter Berlin à injecter de l'argent frais dans l'économie européenne.L'exigence des « réformes » est secondaire - voire nocive - dans le cadre économique actuel de la zone euro. Mais elle permet d'amadouer l'Allemagne en lui montrant qu'elle ne « travaille pas pour le roi de Prusse », que chacun participe à l'effort collectif et qu'il ne s'agit que d'aider les pays en déficit à se réformer.

    Une Allemagne sourde à la stratégie de Mario Draghi
    Mais cette stratégie n'a pas trouvé prise en zone euro. L'Allemagne a feint de ne pas comprendre. Le ministre allemande des Finances Wolfgang Schäuble a indiqué quelques jours après Jackson Hole que l'on avait « surinterprété » les propos du président de la BCE. Quelques jours plus tard, il présentait un plan budgétaire « fermé » prévoyant un équilibre sur cinq ans et pas de relance. Angela Merkel ne s'en est tenu, notamment lors de la visite à Berlin de Manuel Valls, au seul pacte de stabilité. En échange des promesses de réformes de l'hôte de Matignon, elle s'est contentée de rappeler à la flexibilité du pacte de stabilité. On ne saurait fermer la porte plus violemment. La stratégie Draghi a donc trouvé porte close auprès du gouvernement allemand. Elle est déjà très compromise car le plan Juncker de 300 milliards d'euros ne saurait être le complément voulu par Mario Draghi : il est trop lent, trop faible et trop dispersé. La BCE va donc devoir faire seule. Sa tâche devient de plus en plus complexe.

    La baisse de l'euro, la panacée ?
    Car, à mesure que le temps passe, la marge de manœuvre de la BCE se réduit. Mario Draghi peut certes compter sur une victoire : l'affaiblissement de l'euro qui a perdu 10 cents depuis mai. On ne sait s'il faut lui attribuer le crédit de cette victoire qui doit également beaucoup à la stratégie de la Fed qui, désormais, est divergente de celle de la BCE. Une chose est sûre cependant : la baisse de l'euro ne peut qu'exercer une pression haussière bienvenue sur les prix. Sera-t-elle néanmoins suffisante ? Rien n'est moins sûr. La spirale décrite plus haut est très forte et le seul effet de change semble bien faible pour le contrer. Sans demande supplémentaire, les entreprises auront bien du mal à dicter leurs prix à un marché toujours faible, quand bien même leurs importations se seront-elles renchéries. Les marges risquent d'en souffrir sans que l'effet sur les exportations ne soit vraiment suffisant, puisque là aussi on ne voit aucune dynamique en provenance des pays tiers. Enfin, si les matières premières continuent à baisser dans le sillage de la décélération de la croissance chinoise, la hausse du dollar sera sans effet sur les prix...

    Des mesures sans succès
    Sur le plan monétaire, Mario Draghi a déjà beaucoup fait d'annonces. Aucune n'a vraiment porté ses fruits. Certes, il est un peu trop tôt pour juger de leurs effets, puisque les économistes estiment qu'il faut en moyenne 18 mois pour que ces mesures portent leurs fruits dans l'économie réelle. Sauf que, on l'aura compris, la zone euro ne disposent pas vraiment d'un an et demi devant elle... L'urgence est réelle.

    De plus, ces effets ne portent que si les mesures sont effectivement mises en œuvre, autrement dit si elles fonctionnent. Pour le moment, rien ne permet réellement de le dire. Le TLTRO a été un flop retentissant en septembre. Les taux de dépôts négatifs établis le 5 juin et renforcés le 3 septembre (ils sont désormais à - 0,2 %), n'a pas non plus tenus ses promesses. Entre le 30 mai et le 26 septembre, les fonds déposés au titre de la facilité de dépôt de la BCE ont reculé de 15 milliards d'euros seulement. Maigre bilan. D'autant que dans le même temps, la taille du bilan de la BCE a reculé sur la même période de 2200 à 2038 milliards d'euros.

    Faire grossir le bilan, à tout prix
    Le roi est donc nu. Tout ce que Mario Draghi veut essayer semble échouer. Son dernier recours demeure donc de faire grossir son bilan, autrement dit d'actionner la planche à billet pour espérer faire repartir les anticipations d'inflation et donc la confiance. Lors de sa conférence de presse de septembre, il avait en réalité annoncé une première phase de son assouplissement quantitatif en annonçant un rachat non stérilisé (donc en création monétaire pure) de produits titrisés de crédits aux entreprises (ABS) et de crédits immobiliers (RMBS). En théorie, le marché de ces produits représente 860 milliards d'euros. Il devrait ce jeudi donner quelques indications sur les modalités de ces rachats. La pression augmente même de la part de certains pour que la BCE achète tout ce qui est possible, même les titres de la plus mauvaise qualité, afin de faire tourner la planche à billet.

    Un QE de dettes publiques ?
    Sera-t-il question demain d'un « QE public », autrement dit de mesures de rachats de la dette publique ? Certes, il y a là les moyens de créer beaucoup de masse monétaire, la manœuvre sera risquée. Elle déclenchera l'ire allemande et sans doute une riposte redoutée de la Cour de Karlsruhe qui pourrait y voir une socialisation inconstitutionnelle des dettes publiques. Mais Mario Draghi, s'il croit encore pouvoir influer sur Berlin pourrait encore agiter cette menace. Menace qui semble tout aussi vaine que ces efforts pour sortir la zone euro de l'ornière...

    Un QE efficace ?
    Reste évidemment à savoir si ce QE à l'européenne, pour le moment privé, sera efficace. On peut en douter, pour plusieurs raisons. Premièrement, sur les 860 milliards d'euros visés par les mesures annoncés en septembre, les deux tiers de ces produits sont des RMBS, principalement néerlandais et espagnols. Des rachats de ces produits titrisés pourraient donc ne pas être très productifs pour l'ensemble de la zone euro. On peut aussi s'interroger sur l'opportunité de racheter massivement des titres issus de deux pays qui ont connu l'éclatement d'une bulle immobilière. Quant aux ABS, le marché est très faible et doit encore être reconstruit pour qu'il profite réellement aux entreprises.

    Trappe à liquidités ?
    Autrement dit, là aussi, il faudra du temps. En réalité, une des clés essentielles de l'énigme de la zone euro ne dépend pas seulement de la bonne volonté de la BCE. Elle est détenue par les banques. Ces dernières sont comme les autres agents économiques de la zone euro, elles ont peur de l'avenir. Les liquidités ne manquent pas, mais elles restent inemployées. Le « QE privé » que propose la BCE peut certes, à terme, réduire les maux de la zone euro, mais pas réellement stopper la spirale infernale. De plus en plus, la zone euro est menacée par le phénomène de « trappe à liquidités » où l'argent créé ne trouve pas d'utilité. Sans vraie relance de la demande, personne ne veut investir, consommer ou prêter en zone euro. Ce n'est pas l'argent qui manque, ce sont les perspectives. Comme Berlin refuse de prendre conscience de cette réalité, Mario Draghi est donc condamné à lutter contre les moulins à vents

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