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Le basculement mondial des classes moyennes

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  • Le basculement mondial des classes moyennes

    Les classes moyennes des pays riches ont été depuis l'après-guerre le moteur de la demande mondiale. Derrière cette dynamique : le compromis fordiste fondé sur l'accès au salariat, à l'emploi stable et à la protection sociale.

    Et c'est ce compromis qui s'effrite un peu partout dans le monde développé, sous les coups de la mondialisation et du progrès technique mais face à cela, il y a l'eldorado annoncé de l'explosion des classes moyennes des pays émergents. La promesse d'une déferlante de nouveaux hyper-consommateurs potentiels. Fissurer le compromis fordiste pour accéder à ce nouveau potentiel de demande considérable, le jeu en valait bien la chandelle pour les entreprises.

    Les symptômes de cette démoyennisation dans les économies avancées, on reprend ici le terme de Julien Damon, sont de plusieurs ordres et se sont aggravés avec la crise.

    Il y a d'abord cette tendance longue de stagnation du pouvoir d'achat de la classe moyenne mise à jour par Emmanuel Saez et Thomas Piketty aux États-Unis et la montée concomitante des riches et ultra-riches dans le revenu total. Cet écartèlement de la distribution, on l'observe un peu partout à des degrés divers. Et même en France, qui fait pourtant office d'exception, on note que la masse des revenus des 20% les plus riches rapportée à la masse des revenus des 20% les plus pauvres a nettement progressé depuis le milieu des années 2000.

    Il y a ensuite la déstabilisation des qualifications intermédiaires dans l'emploi. Car ce sont aujourd'hui les ouvriers qualifiés et les employés, qui sont les plus fragilisés par les transformations de l'appareil productif à la fois par l'accélération de la désindustrialisation, et les opportunités liées à la robotisation pour les premiers par les possibilités accrus de numérisation des tâches de gestion, de contrôle et d'administration pour les seconds.

    La baisse de la part de l'emploi de qualification intermédiaire et la polarisation aux extrêmes entre les non qualifiés aux emplois dégradés et les qualifiés bénéficiant de la dynamique des secteurs porteurs est manifeste dans tous les pays d'Europe. Cette polarisation accroît le risque de déclassement et les pressions salariales pour les professions intermédiaires.

    Face à cela, l'eldorado des classes moyennes des pays émergents est sur les starting-blocks pour rejouer la scène du rush sur l'automobile et de l'équipement domestique qui avait fait les heures heureuses des trente glorieuses en Occident. En 2009, on comptait 1,8 milliards d'individus appartenant à la classe moyenne, dont près de 60% vivaient en Europe ou en Amérique du Nord. L'OCDE en projette 3,2 milliards en 2020 et 4,9 milliards en 2030. Une progression tirée essentiellement par l'Asie.

    En gros, la crise de demande mondiale que génère le serrage de ceinture des classes moyennes occidentales ne serait qu'un mauvais moment à passer. A cela près que le rattrapage inexorable des pays émergents apparaît aujourd'hui comme un scénario bien moins lisse que prévu. Il n'est certes pas remis en cause. Ce jeu de bascule gagnant qui nous est promis, ne se fera pas sans désordres et turbulences. C'est le problème de la plupart des transitions de régime de croissance et c'est précisément en plein cœur de l'une d'elle que nous sommes plongés aujourd'hui.

    la tribune
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