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Steve Jobs ou l'art du discours

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  • Steve Jobs ou l'art du discours

    Trois ans après sa mort, le cofondateur et patron d'Apple continue de fasciner. Deux chercheurs britanniques ont analysé la rhétorique de ses présentations, élément clé de son succès.


    "Le mythe est une parole", écrivait Roland Barthes. L'accession de Steve Jobs au rang d'icône mondiale parée de mille vertus date de son vivant mais semble lui survivre. Trois ans après la disparition du fondateur d'Apple, un deuxième film consacré à son parcours est en préparation, son nom compte 261 millions de requêtes sur Google et les livres à son sujet se multiplient. Outre l'innovation apportée par la compagnie de Cupertino, l'engouement autour de Steve Jobs reposait sur sa capacité à raconter des histoires. Dans un article baptisé "Charismatic Leadership and Rhetorical Competence: An Analysis of Steve Jobs' Rhetoric", deux chercheurs britanniques expliquent comment Steve Jobs savait jouer des différents styles dans l'éventail rhétorique en fonction des interlocuteurs et des situations.

    Trois nuances de discours

    Selon la définition d'Aristote, la rhétorique repose sur trois outils : le pathos (les émotions), le logos (la logique, les arguments rationnels) et l'ethos (la crédibilité de l'orateur). Principal constat de cette étude, la capacité de Steve Jobs à recourir à l'u ou l'autre de ces outils. "Nous avons constaté que l'élément moteur dans la rhétorique de Steve Jobs était la perception de son ethos et que celle-ci influençait son recours au logos et au pathos. Quand son ethos était bas, il employait un fort niveau de pathos tandis que quand son ethos était élevé, il avait beaucoup moins recours au pathos et beaucoup plus au logos", explique Loizos Heracleous, professeur de stratégie à la Warwick Business School et coauteur de l'article.
    Les trois prestations de Steve Jobs épluchées par les chercheurs mettent en avant trois nuances de discours différentes, qui constituent ainsi l'éventail de son champ d'expression. Lors de sa déposition devant la SEC en 2008 dans une affaire de stock-options antidatées, Steve Jobs avait abondamment puisé dans le registre de l'émotion pour se défendre. Répondant simplement aux questions, il n'essayait pas de se défendre en niant mais il entraînait la discussion sur le registre humain, dressant de lui un portrait de lui "en homme d'affaires se sacrifiant et plaçant l'intérêt de son entreprise bien au-dessus du sien", notent les auteurs de l'étude. Il se présentait en homme concerné par le sort de ses salariés.

    Des histoires de bons et de méchants

    "Steve Jobs a beaucoup cherché à s'adresser aux émotions et au ressenti de son auditoire, commente Antoine Dubuquoy, coauteur du livre Steve Jobs, figure mythique (aux éditions Les Belles Lettres). L'émotion permet de faire adhérer les gens très rapidement à votre univers. Souvenez-vous de sa présentation du Mac en 1984, il raconte une histoire de bons et de méchants avec IBM dans la figure du grand ennemi, associé à Big Brother et joue sur les peurs des consommateurs et leur désir de rébellion. C'est d'ailleurs très savoureux d'y repenser maintenant au regard du système très verrouillé que propose Apple."
    A l'émotion s'ajoute aussi l'humour, arme imparable pour séduire son auditoire. Il suffit d'entendre la réaction du public lorsqu'il fait parler la machine (à 3'37).

    Pour éveiller l'enthousiasme de la foule, Steve Jobs ponctuait ses récits et présentations d'hyperboles et de termes comme "awesome" ou "phenomenal". En les répétant - la répétition, autre outil classique de la rhétorique - Steve Jobs martelait l'idée de magie dont il souhaitait nimber ses produits. Tout devait advenir simplement.


    Cette simplicité, c'est aussi ça qui constituait l'ethos de Steve Jobs. Selon la définition d'Aristote, l'ethos c'est la façon dont on se présente aux autres et dont on construit sa crédibilité, son statut de personne digne de confiance.
    Un gars normal
    Dans toutes ses présentations, Steve Jobs a toujours fait en sorte de s'incarner comme un consommateur lambda, un gars normal qui se pose des questions évidentes et qui, coup de bol, peut apporter la réponse à ces interrogations. En premier utilisateur des produits Apple, il prenait soin de parsemer son discours des questions rhétoriques "N'est-ce pas cool?". Pour démontrer la simplicité d'usage de l'iPhone, il débute sa présentation de 20007 par la critique des claviers des smartphones existants comme le Blackberry. "Nous allons nous débarrasser de ces boutons et mettre un écran géant", lance-t-il à la foule ébahie. "Mais qu'allons-nous faire, lance-t-il en créant ainsi une aporie, autre figure de style récurrente dans son discours laissant à penser qu'il n'y a pas d'issue pour mieux présenter sa solution. Utiliser un stylet ? Non ! Qui veut se servir d'un stylet ? Nous allons utiliser le meilleur outil dont nous disposons tous car nous sommes nés avec : nos doigts", conclue-t-il sur le ton de l'évidence. Une évidence qui fait appel à la raison et au bon sens, au logos de ses auditeurs, qui ressortent tout à la fois convaincus, ébahis et émus. Et prêts à acheter le produit présenté..

    Jobs avait quelque chose du prédicateur et du télévangeliste", confirme Antoine Dubuquoy. Une image renforcée par un mélange de magie et d'épure. " Il parlait avec des mots très simples, à voix basse et lentement, toujours vêtu de la même façon et tout ceci servait à illustrer la simplicité des produits. Tout comme l'iPhone, Steve Jobs était un être très compliqué, très "à l'intérieur" mais très simple et cool à l'extérieur", conclue Antoine Dubuquoy. Un peu comme les danseurs étoiles dont nul ne doit distinguer le travail

    l'express
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