Des miradors en béton hauts de 14 mètres, des murs en remblai, des drones de reconnaissance, des moyens aéroportés pour assurer la protection de la frontière avec la Libye et des unités des forces spéciales pour traquer les terroristes sur l’étendue de la wilaya d’Illizi, au sud-est du pays, et protéger les sites gaziers de Sonatrach. Sur les 520 km de frontière avec la Libye, le dispositif de sécurité déployé est impressionnant ; des équipements sophistiqués, mais aussi l’engagement des forces aériennes et terrestres de l’ANP, mobilisées en soutien aux garde-frontières. Pour la première fois, l’armée lève une partie du voile sur sa stratégie de défense des frontières.
Notre voyage commence à In Amenas, où se concentrent les plus importantes infrastructures gazières du pays. Il y a vingt-deux mois seulement, à quelque dizaines de kilomètres du centre-ville, dans le champ gazier de Tiguentourine, une trentaine de terroristes armés ont investi la base de vie des travailleurs, pris en otage des centaines d’entre eux et tenté de faire exploser l’unité de production. Minutieusement préparée à partir du territoire libyen, l’opération suscite une médiatisation planétaire.
Les grandes puissances dont sont issus certains otages font pression sur les autorités algériennes pour accepter une intervention étrangère ou négocier la libération des captifs. Finalement, aucune de ces deux propositions aux risques majeurs n’a été acceptée. Fortes de leur expérience dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, ce sont les unités des forces spéciales de l’ANP qui se chargent de mener l’assaut contre les preneurs d’otages, 48 heures seulement après l’attaque. L’intervention se solde par l’élimination de l’ensemble des éléments du groupe terroriste et la mort d’une trentaine d’otages. Nombre de ces derniers ont été utilisés par les bourreaux comme bouclier humain.
Tout en saluant le professionnalisme des forces de sécurité, le monde entier prend conscience de la gravité de la menace que suscite la situation en Libye, un pays avec lequel l’Algérie partage une frontière étendue sur plus de 900 km, dont 500 km avec la wilaya d’Illizi. Pour les autorités, le défi est aussi lourd qu’urgent à relever. Le dispositif sécuritaire mis en place depuis l’effondrement de l’Etat libyen nécessite un renforcement. D’importants moyens humains et matériels sont déployés afin d’empêcher toute activité criminelle liée au terrorisme, à la contrebande et au trafic de drogue.
Désormais, les unités des garde-frontières relevant de la Gendarmerie nationale ne sont plus seules sur le terrain. Elles sont appuyées par des bataillons des forces aériennes et terrestres de l’ANP, dotés d’hélicoptères de combat, de drones de reconnaissance, de chars d’assaut et d’artillerie lourde. Pour mieux coordonner les efforts et optimiser les résultats, deux secteurs opérationnels militaires ont été créés récemment, l’un à Djanet et l’autre à In Amenas, deux autres à In Salah et Bordj Badji Mokhtar.
Durant une semaine, nous avons fait le tour de nombreux points de contrôle à la frontière algéro-libyenne, avec comme première escale la ville de Debdeb, à 230 km au nord d’In Amenas. Plus de deux heures de pistes et de routes détériorées avant d’arriver au centre de cette ville qui semble totalement déserte. Il est midi passé et la température avoisine les 35°C à l’ombre. Nécessaire, la petite halte nous permet de faire le tour des quartiers. Ici, c’est le bout du pays. Les événements en Libye ont eu de lourdes répercussions sur les habitants, habitués depuis des années à vivre du troc, du trabendo et de la contrebande avec la ville libyenne de Ghadamès, située à quelques kilomètres seulement. En raison de la fermeture de la frontière, beaucoup se sont retrouvés au chômage et d’autres ont basculé dans le trafic de drogue et (à un degré moindre) d’armes.
Le premier poste des gardes-frontières se trouve à près de 20 km de piste. Haut de 14 mètres, un mirador domine toute la zone en faisant face à une ligne de bornes qui séparent le territoire algérien de celui de la Libye.
Quelques palmiers parsèment le paysage aride de cette localité. Bien équipés en moyens de surveillance, dont des jumelles à infrarouge et thermiques, de moyens de transport performants, des armements lourds les gardes-frontières sont appuyés par des unités de l’ANP dotées d’une dizaine de chars d’assaut aux couleurs sablées.
Le va-et-vient incessant des véhicules militaires tout-terrain soulève une traînée de poussière aveuglante. «C’est un poste avancé assez important. Il est à 900 mètres seulement du territoire libyen. Le mirador de 14 mètres permet d’avoir la visibilité sur un large périmètre. Le militaire que vous voyez au sommet est doté de moyens techniques de vision nocturne et thermique, mais aussi de communication, pour être en contact avec son collègue, posté sur un autre mirador, installé là où se termine son champ de vision», explique l’adjoint du chef d’état-major du secteur opérationnel d’In Amenas, le colonel Abdeslam. Pour lui, «tout est étudié de manière à pouvoir détecter tout mouvement» sur les 900 km qui séparent l’Algérie de la Libye, dont 520 km avec la wilaya Illizi.
«Tiguentourine a accéléré la mise en place du dispositif»
«Ce travail titanesque avait commencé dès l’effondrement du régime en Libye, mais il a connu une accélération après l’attaque de Tiguentourine. En quelques mois, nous avons réalisé un vrai miracle. Aujourd’hui, je peux dire que personne ne peut entrer en territoire algérien. Et si par malheur quelqu’un y arrive, eh bien il ne pourra plus ressortir. Il sera inévitablement neutralisé quelques kilomètres plus loin», ne cesse de répéter le commandant du secteur opérationnel d’Illizi, le colonel Safi. Les deux officiers capitalisent une longue expérience en matière de lutte antterroriste. Ils ont passé plus de deux décennies dans les maquis du Nord. «La région est très difficile, ce qui a nécessité des moyens colossaux mis à notre disposition par le commandement de l’état-major. Les résultats du dispositif sont perceptibles sur le terrain. Il y a quelques heures nous avons récupéré une Toyota ‘Stechène’ (Station), un pistolet automatique et des munitions.»
Au loin, un groupe de gardes-frontières, bien armés et équipés, se mettent en marche en file indienne, appuyés par des militaires en tenue de camouflage. Au programme de cet après-midi, une embuscade à quelques kilomètres.
La journée se termine. Il faut revenir à In-Amenas pour reprendre, dès le lever du jour, notre voyage. La prochaine escale se situe au nord-est de Debdeb, plus précisément au poste frontalier algéro-tuniso-libyen. Nous empruntons les routes de Merksène et d’El Borma. Un hélicoptère militaire survole la région. La piste se termine et d’immenses dunes font leur apparition. Le 4X4 qui nous transporte a du mal à avancer, alors que le Toyota, puis un autre s’ensablent. L’arrêt est obligatoire.
La ville libyenne de Ghadamès apparaît au loin. A vol d’oiseau, elle est à quelques centaines de mètres. Un poste avancé et deux campements de garde-frontières et de l’ANP apparaissent. Nous sommes à Bordj El Khadra, le triangle qui réunit les trois territoires, tunisien, algérien et libyen. Nous sommes à 380 km d’In Am nas et 230 de Debdeb. La borne qui indique le point reliant les trois pays a été réalisée le 22 mars 1989. C’est ce qui est écrit sur le socle en ciment qui la supporte.
Notre présence attire l’attention d’un colonel tunisien. A bord d’un véhicule militaire de type Hummer, escorté par un 4X4, il vient nous saluer, mais aussi rendre compte de la situation à ses homologues algériens. Il est chargé du poste frontalier du côté tunisien. Il parle de «relations assez particulières qui lient les deux armées» mais surtout de «l’aide apportée par l’Algérie à la Tunisie dans le cadre de la lutte antiterroriste». Du côté algérien, les gardes-frontières sont dotés d’équipement de surveillance et de véhicules tout-terrain.
Notre voyage commence à In Amenas, où se concentrent les plus importantes infrastructures gazières du pays. Il y a vingt-deux mois seulement, à quelque dizaines de kilomètres du centre-ville, dans le champ gazier de Tiguentourine, une trentaine de terroristes armés ont investi la base de vie des travailleurs, pris en otage des centaines d’entre eux et tenté de faire exploser l’unité de production. Minutieusement préparée à partir du territoire libyen, l’opération suscite une médiatisation planétaire.
Les grandes puissances dont sont issus certains otages font pression sur les autorités algériennes pour accepter une intervention étrangère ou négocier la libération des captifs. Finalement, aucune de ces deux propositions aux risques majeurs n’a été acceptée. Fortes de leur expérience dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, ce sont les unités des forces spéciales de l’ANP qui se chargent de mener l’assaut contre les preneurs d’otages, 48 heures seulement après l’attaque. L’intervention se solde par l’élimination de l’ensemble des éléments du groupe terroriste et la mort d’une trentaine d’otages. Nombre de ces derniers ont été utilisés par les bourreaux comme bouclier humain.
Tout en saluant le professionnalisme des forces de sécurité, le monde entier prend conscience de la gravité de la menace que suscite la situation en Libye, un pays avec lequel l’Algérie partage une frontière étendue sur plus de 900 km, dont 500 km avec la wilaya d’Illizi. Pour les autorités, le défi est aussi lourd qu’urgent à relever. Le dispositif sécuritaire mis en place depuis l’effondrement de l’Etat libyen nécessite un renforcement. D’importants moyens humains et matériels sont déployés afin d’empêcher toute activité criminelle liée au terrorisme, à la contrebande et au trafic de drogue.
Désormais, les unités des garde-frontières relevant de la Gendarmerie nationale ne sont plus seules sur le terrain. Elles sont appuyées par des bataillons des forces aériennes et terrestres de l’ANP, dotés d’hélicoptères de combat, de drones de reconnaissance, de chars d’assaut et d’artillerie lourde. Pour mieux coordonner les efforts et optimiser les résultats, deux secteurs opérationnels militaires ont été créés récemment, l’un à Djanet et l’autre à In Amenas, deux autres à In Salah et Bordj Badji Mokhtar.
Durant une semaine, nous avons fait le tour de nombreux points de contrôle à la frontière algéro-libyenne, avec comme première escale la ville de Debdeb, à 230 km au nord d’In Amenas. Plus de deux heures de pistes et de routes détériorées avant d’arriver au centre de cette ville qui semble totalement déserte. Il est midi passé et la température avoisine les 35°C à l’ombre. Nécessaire, la petite halte nous permet de faire le tour des quartiers. Ici, c’est le bout du pays. Les événements en Libye ont eu de lourdes répercussions sur les habitants, habitués depuis des années à vivre du troc, du trabendo et de la contrebande avec la ville libyenne de Ghadamès, située à quelques kilomètres seulement. En raison de la fermeture de la frontière, beaucoup se sont retrouvés au chômage et d’autres ont basculé dans le trafic de drogue et (à un degré moindre) d’armes.
Le premier poste des gardes-frontières se trouve à près de 20 km de piste. Haut de 14 mètres, un mirador domine toute la zone en faisant face à une ligne de bornes qui séparent le territoire algérien de celui de la Libye.
Quelques palmiers parsèment le paysage aride de cette localité. Bien équipés en moyens de surveillance, dont des jumelles à infrarouge et thermiques, de moyens de transport performants, des armements lourds les gardes-frontières sont appuyés par des unités de l’ANP dotées d’une dizaine de chars d’assaut aux couleurs sablées.
Le va-et-vient incessant des véhicules militaires tout-terrain soulève une traînée de poussière aveuglante. «C’est un poste avancé assez important. Il est à 900 mètres seulement du territoire libyen. Le mirador de 14 mètres permet d’avoir la visibilité sur un large périmètre. Le militaire que vous voyez au sommet est doté de moyens techniques de vision nocturne et thermique, mais aussi de communication, pour être en contact avec son collègue, posté sur un autre mirador, installé là où se termine son champ de vision», explique l’adjoint du chef d’état-major du secteur opérationnel d’In Amenas, le colonel Abdeslam. Pour lui, «tout est étudié de manière à pouvoir détecter tout mouvement» sur les 900 km qui séparent l’Algérie de la Libye, dont 520 km avec la wilaya Illizi.
«Tiguentourine a accéléré la mise en place du dispositif»
«Ce travail titanesque avait commencé dès l’effondrement du régime en Libye, mais il a connu une accélération après l’attaque de Tiguentourine. En quelques mois, nous avons réalisé un vrai miracle. Aujourd’hui, je peux dire que personne ne peut entrer en territoire algérien. Et si par malheur quelqu’un y arrive, eh bien il ne pourra plus ressortir. Il sera inévitablement neutralisé quelques kilomètres plus loin», ne cesse de répéter le commandant du secteur opérationnel d’Illizi, le colonel Safi. Les deux officiers capitalisent une longue expérience en matière de lutte antterroriste. Ils ont passé plus de deux décennies dans les maquis du Nord. «La région est très difficile, ce qui a nécessité des moyens colossaux mis à notre disposition par le commandement de l’état-major. Les résultats du dispositif sont perceptibles sur le terrain. Il y a quelques heures nous avons récupéré une Toyota ‘Stechène’ (Station), un pistolet automatique et des munitions.»
Au loin, un groupe de gardes-frontières, bien armés et équipés, se mettent en marche en file indienne, appuyés par des militaires en tenue de camouflage. Au programme de cet après-midi, une embuscade à quelques kilomètres.
La journée se termine. Il faut revenir à In-Amenas pour reprendre, dès le lever du jour, notre voyage. La prochaine escale se situe au nord-est de Debdeb, plus précisément au poste frontalier algéro-tuniso-libyen. Nous empruntons les routes de Merksène et d’El Borma. Un hélicoptère militaire survole la région. La piste se termine et d’immenses dunes font leur apparition. Le 4X4 qui nous transporte a du mal à avancer, alors que le Toyota, puis un autre s’ensablent. L’arrêt est obligatoire.
La ville libyenne de Ghadamès apparaît au loin. A vol d’oiseau, elle est à quelques centaines de mètres. Un poste avancé et deux campements de garde-frontières et de l’ANP apparaissent. Nous sommes à Bordj El Khadra, le triangle qui réunit les trois territoires, tunisien, algérien et libyen. Nous sommes à 380 km d’In Am nas et 230 de Debdeb. La borne qui indique le point reliant les trois pays a été réalisée le 22 mars 1989. C’est ce qui est écrit sur le socle en ciment qui la supporte.
Notre présence attire l’attention d’un colonel tunisien. A bord d’un véhicule militaire de type Hummer, escorté par un 4X4, il vient nous saluer, mais aussi rendre compte de la situation à ses homologues algériens. Il est chargé du poste frontalier du côté tunisien. Il parle de «relations assez particulières qui lient les deux armées» mais surtout de «l’aide apportée par l’Algérie à la Tunisie dans le cadre de la lutte antiterroriste». Du côté algérien, les gardes-frontières sont dotés d’équipement de surveillance et de véhicules tout-terrain.
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