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Donald Rumsfeld : si longue fut la chute.

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    Donald Rumsfeld : si longue fut la chute
    LE MONDE | 09.11.06 | 14h07 • Mis à jour le 09.11.06 | 14h07

    Donald Rumsfeld avait contre lui l'ensemble des démocrates, un certain nombre de républicains, l'ancien chef d'état major et ancien secrétaire d'Etat Colin Powell, le présidentiable John McCain, la plupart des néoconservateurs, une demi-douzaine de généraux à la retraite, l'Army Times, le Navy Times, l'Air Force Times, le Marine Corps Times, journaux les plus lus dans les forces armées... Jusqu'à Laura Bush qui, si on en croit le dernier livre du journaliste du Washington Post Bob Woodward, avait essayé de faire valoir dès 2004 à son mari l'inconvénient de conserver un ministre de la défense qui avait fini par symboliser l'enlisement en Irak.


    Parcours :
    1932
    Naissance à Chicago (Illinois).
    1954
    S'engage dans la marine après des études à Princeton.
    1962
    Elu à la Chambre des représentants.
    1975-1977
    Secrétaire à la défense sous la présidence de Gerald Ford.
    1977-1985
    Dirige un groupe pharmaceutique.
    2001
    Nommé secrétaire à la défense par George Bush.


    A 74 ans, Donald Rumsfeld avait aussi contre lui une liste de scandales et d'échecs dans lesquels le Pentagone était mis en cause : les sévices de la prison d'Abou Ghraib à Bagdad, la pénurie de gilets pare-balles pour les soldats, la non-application des conventions de Genève aux prisonniers d'Al-Qaida ou encore le refus d'envoyer des troupes en nombre suffisant dès l'invasion de l'Irak pour stabiliser le pays. En avril, lorsque six anciens généraux avaient mis sa crédibilité en doute, le National Journal, le magazine de l'establishment politique, avait titré sur "la rupture la plus grave dans les relations entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire" depuis le renvoi du général MacArthur par le président Harry Truman, en 1951, pour cause de critique de la guerre de Corée.

    Donald Rumsfeld n'en avait cure. A deux reprises, il avait remis sa démission au président, qui l'avait refusée. A chaque nouvelle alerte, il allumait des contre-feux. On voyait apparaître un article sur ses qualités de joueur de squash, "révélatrices" de la manière dont il gère le Pentagone : "Il frappe bien la balle mais il ne respecte pas les règles."

    Ou bien il tenait une nouvelle conférence de presse. "Pourquoi cette fois ne donnez-vous pas de nouveau votre démission ?", lui demandait-on.

    "Personne n'est indispensable.
    - Et cette accusation selon laquelle vous êtes arrogant et autocratique ?
    - Pas la moindre idée.
    - Vous n'êtes pas arrogant et autocratique ?
    - Vous me connaissez."

    La classe politique s'était fait une raison. Rumsfeld était "insubmersible". Pour les uns, le président ne voulait pas se débarrasser de son "fusible". Pour d'autres, il était prisonnier de ses loyautés. Finalement, c'est au moment où l'on ne l'attendait plus que la démission du secrétaire à la défense est intervenue. Le président l'a annoncée à 13 heures. Trois heures après, la cérémonie d'adieux avait déjà lieu à la Maison Blanche.

    "Rummie" est apparu voûté, ralenti. Originaire d'une famille modeste de l'Illinois, il a été le plus jeune ministre de la défense que l'Amérique ait connu, en 1975, puis le plus âgé sous George W. Bush. Il a rappelé la formule de Winston Churchill : "J'ai profité grandement des critiques, et je n'en ai jamais manqué." Il a prévu de rester à son poste jusqu'en décembre, ce qui lui permettra d'établir le record de longévité au ministère de la défense. Rumsfeld aime les records et les compétitions. A Princeton, où il a étudié avec une bourse de l'armée, il était champion universitaire de lutte.

    Donald Rumsfeld est un homme qui - littéralement - a reçu un avion sur la tête. Le 11 septembre 2001, il était à son bureau lorsque le vol 77 d'American Airlines s'est écrasé sur l'aile ouest du Pentagone. Il a aidé à transporter les victimes. Après, il n'a plus jamais cessé le combat contre le "fascisme islamique". Il se voyait comme un pionnier de la "première guerre du XXIe siècle", l'artisan de la transformation de l'armée américaine en une institution plus resserrée, mobile et efficace. Il entendait l'adapter aux nouvelles menaces, quelles que soient les résistances au changement de la vieille bureaucratie de la guerre froide. L'Irak, vieux conflit terrestre, s'est interposé.

    En 2002, l'offensive en Afghanistan a fait du ministre une personnalité médiatique. Toutes ses conférences de presse étaient retransmises en direct. Les auditeurs aimaient le langage à plat : "On serait contents qu'ils se rendent. Sinon, on serait contents de les tuer." Ou sa manière de poser des questions existentielles : "Plus nous travaillons, plus nous reculons : est-ce cela notre situation actuelle ?"

    Fin 2003, le jury britannique de Plain English Campaign, une association qui milite contre la langue de bois, lui a décerné un prix. Il s'était livré à l'une de ses conceptualisations. "Les informations selon lesquelles quelque chose ne s'est pas produit m'intéressent toujours, avait-il dit, parce que, comme nous le savons, il y a ce que nous savons que nous savons, ce sont les choses connues connues. Il y a des choses inconnues connues, c'est-à-dire que nous savons que nous ne les connaissons pas. Mais il y a aussi des choses dont nous ignorons que nous ne les connaissons pas. Ce sont les inconnues inconnues." M. Bush a fait allusion mardi à cette leçon de philosophie. "Il y a une chose connue connue, a-t-il dit, grâce à vous l'Amérique est plus forte. Vous nous manquerez."

    Après la réélection de M. Bush en 2004, Donald Rumsfeld a insisté pour rester au gouvernement afin de finir son entreprise "transformationnelle". Il s'est débarrassé de son adjoint néoconservateur, Paul Wolfowitz, et s'est fait plus discret. Il a cessé de distribuer des sujets de dissertation à ses collaborateurs (les désormais célèbres "mémos de Rumsfeld") : "Sommes-nous en train de gagner ou de perdre la guerre contre le terrorisme ?", "Est-ce que nous capturons, tuons ou décourageons chaque jour plus de terroristes que les madrasas (écoles coraniques) n'en recrutent, entraînent et déploient contre nous ?"

    Selon la presse, le vice-président Dick Cheney s'est opposé au départ de son vieux complice. Les deux hommes se connaissent depuis presque quarante ans et, au départ, c'était Donald Rumsfeld le patron. Il avait recruté Dick Cheney comme adjoint quand Gerald Ford l'avait nommé secrétaire général de la Maison Blanche. Rumsfeld avait échappé à la purge d'après Watergate, étant alors ambassadeur à l'OTAN. L'an dernier, Dick Cheney a acheté une maison à St. Michaels, sur la baie de Cheasapeake, dans le Maryland, juste à côté de l'ancien bed and breakfast qu'avait acquis Donald Rumsfeld en 2003. Avec le départ du secrétaire à la défense, Dick Cheney est désormais isolé à Washington.

    Corine Lesnes
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