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Toute une société dans le chaos en Afghanistan

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  • Toute une société dans le chaos en Afghanistan

    Depuis le départ des talibans, l'Afghanistan n'a hélas pas retrouvé sa sérénité et la corruption, la violence et les trafics en tout genre sont toujours d'actualité dans le paysage et la vie des afghans. Le plus terrible c'est que l'ombre des Talibans tels de sombres et d'horribles corbeaux plane et cela assombrit d'autant plus le futur. L'article qui suit est écrit à Kaboul par un journaliste afghan pour son quotidien le journal Weesa

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    Les talibans vont revenir et reprendre le pouvoir. Ce gouvernement n’a rien fait depuis cinq ans”, lâche d’un souffle, le front plissé, Mohammad Anwar, responsable d’une organisation internationale implantée à Kaboul. Il attaque le gouvernement et la politique du président Hamid Karzai, en mettant dans le même sac l’ensemble de la classe politique. “Si les dirigeants s’étaient réunis pour discuter dans une salle de village, les jeunes auraient-ils eu vraiment besoin de faire parler les armes ?” lance-t-il.

    Certains chercheurs estiment qu’un grand nombre de lettrés et de hauts diplômés afghans n’ont pas une grande opinion de leur pays, déplorant qu’on ne leur ait encore confié aucun poste. Voilà pourquoi ils préfèrent se taire plutôt qu’aborder les affaires courantes de l’Etat. J’ai eu beau chercher à les faire réagir, cela n’a rien changé. La population, quant à elle, est malheureuse puisque son sort ne s’est pas amélioré. “Je ne peux pas tolérer qu’un homme qui hier n’avait pas un afghani en poche possède aujourd’hui de grandes demeures à Kaboul et dans d’autres régions alors que moi, qui ai enseigné de nombreuses années à l’université, je suis resté locataire. Comment voulez-vous que l’ordre soit totalement rétabli ici quand en quelques mois ces gens deviennent propriétaires de villas ?” s’insurge un professeur de l’université de Kaboul qui veut conserver l’anonymat. Le fossé entre riches et pauvres n’a en effet jamais été aussi grand. On n’avait jamais vu, avant la guerre civile [1992-2001], de telles disparités de revenus. Elles sont flagrantes aujourd’hui, quand, d’un côté, une poignée de personnes dépensent si vite leur argent qu’il semble s’évaporer de leur compte en banque et que, de l’autre, un grand nombre d’Afghans se couchent le ventre vide.
    Après la conférence de Bonn, qui a eu lieu en décembre 2001, l’Alliance du Nord [une coalition antitalibans] a pris une place trop importante au gouvernement, ouvrant ainsi la voie aux talibans d’hier et à ceux qui les ont rejoints depuis. Les nouveaux hommes au pouvoir se sont aussi aliéné les mollahs et les étudiants dans les mosquées. Depuis 2001, les fidèles de milliers de mosquées se sont donc employés à prêcher contre le gouvernement, et les clans [qui assurent une forme de contrôle social] n’ont pas assumé leurs responsabilités, nourrissant au contraire le mécontentement. Dans de nombreuses sous-préfectures et chefs-lieux de province, on ne fait désormais plus la prière du vendredi, car, dit-on, ce gouvernement n’est pas islamique. “Pour la prière du vendredi, il faut un gouvernement islamique et l’application de la charia. Ici, comme il n’existe pas d’autorité islamique et pas d’application de la charia, les conditions pour la prière du vendredi ne sont pas réunies et on ne la fait pas.” C’est en ces termes que Maulawi Mohammad Sharif Akhunzadah s’adressait aux fidèles de sa mosquée dans la sous-préfecture d’Andarr, située dans la province de Ghazni. Le gouvernement n’a pas prêté attention à cette question. Les gouverneurs de province, les sous-préfets et les autres autorités ne sont pas allés dans les lieux de culte se mêler à la population, faire la prière, discuter avec les gens de l’avenir, de la paix et de la préservation du pays.

    Par ailleurs, l’Etat afghan a bénéficié d’une aide massive de la part de la communauté internationale au cours des cinq dernières années. Une nouvelle monnaie a fait son apparition, l’inflation a diminué tandis que la valeur de l’afghani a progressé. Pendant la guerre civile, la plupart des biens publics ont été pillés et détruits. Même les tables, les chaises et le petit mobilier ont été volés. Aujourd’hui, les fonctionnaires ont 90 % de ce mobilier remplacé. “De nombreuses routes ont été refaites. Des ponts et des tunnels ont été reconstruits. En dehors de la route Kaboul-Kandahar, dont on parle toujours aux informations, d’autres infrastructures comme l’autoroute et le tunnel de Salang [voie qui mène de Kaboul au nord, à Mazar-e Sharif notamment], la route Kaboul-Torkham [qui relie Kaboul à la frontière pakistanaise et à Peshawar], Kandahar-Spin Boldak [qui mène vers la frontière pakistanaise et Quetta] sont redevenues praticables”, explique Nur Ali Ahmadzay, un habitant de Ghazni âgé de 27 ans.

    Aux informations et dans les conférences de presse, on ne cesse de parler des élections et de la rédaction de nouvelles lois fondamentales (électorale, commerciale, relative à la réglementation de l’information, aux conseils provinciaux et autres). Mais toutes ces avancées sont annihilées par la corruption, les pots-de-vin, la présence d’hommes de main incontrôlables, le trafic de stupéfiants et l’incompétence de nombreuses personnes dans le domaine social, économique et politique. Plusieurs très hauts fonctionnaires de l’Etat ont d’ailleurs trempé dans des affaires de corruption et de trafic de drogue, mais aucun d’entre eux n’a eu à rendre de comptes publiquement. La plupart des Afghans ne savent rien de cette situation, qui va de mal en pis. Cela contribue à faire le lit des talibans, de plus en plus puissants dans les régions excentrées, et à rendre difficile la vie des Afghans.Ceux-ci doivent maintenant faire face à un nouveau phénomène : les attentats suicides. Cette méthode d’attaque n’était jamais employée auparavant et a été importée du Moyen-Orient, d’Irak et de Palestine.

    La population vit désormais dans la peur. La sécurité, la sérénité et la souveraineté de l’Etat sur l’ensemble du territoire ont disparu. “Il faut maintenant que l’Etat convoque une grande réunion des théologiens, qu’il organise un rassemblement des savants de tout le monde musulman, de l’université Al-Azhar, de l’université de l’éminente Mecque, avec l’imam de l’éminente Mecque, le responsable de la Conférence islamique et d’autres, pour qu’ils promulguent une fatwa destinée à faire cesser les attentats suicides. Alors seulement les eaux stagnantes redeviendront vives”, affirme un marchand de 38 ans, qui réside à Jalalabad.

    On ne peut guère se réjouir non plus de ce qui a été fait dans le domaine social, économique ou politique. Le gouvernement a œuvré à coups d’intrigues et de machinations, et a avancé d’un pas faible et mal assuré. A bien y réfléchir, on a l’impression d’avoir fait machine arrière. Cinq ans après la chute des talibans, les combats font encore des victimes. Des Afghans et des membres des forces alliées internationales se font tuer. Il est donc manifeste que les Afghans en sont encore là où ils en étaient il y a vingt ans.
    Par ailleurs, à l’instar de la corruption, la culture et le trafic de stupéfiants n’ont pas diminué. Ils s’accroissent au contraire de jour en jour, tandis que la sécurité et la souveraineté de l’Etat perdent du terrain. Le pire, c’est que la fuite des cerveaux a recommencé, comme cela s’était produit lors de l’invasion soviétique [1979-1989] et de la guerre civile. Les jeunes cherchent à partir travailler dans les pays voisins, et les plus éduqués s’enfuient vers les pays occidentaux par les réseaux clandestins.


    Par Hafizullah Ghashtalai*, Weesa
    * Journaliste renommé, il a lancé la revue en pachto Gorbat. C’est une figure importante des médias afghans.
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