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Fouad Laroui au royaume du burn out

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  • Fouad Laroui au royaume du burn out

    Prix Jean Giono et en lice pour le Goncourt des lycéens, son dernier roman sur le dernier des Sijilmassi* est une fable joyeuse et profonde.

    Quelle mouche a piqué cet homme d'affaires que l'on voit, au sortir de l'aéroport, s'obstiner à rejoindre pedibus, avec sa valise, le centre ville de Casablanca ? Pourquoi ce piéton d'autoroute en costume refuse-t-il mordicus les offres des taxis et les propositions de conducteurs charitables malgré la chaleur de cet après-midi ? Sait-il combien d'heures de marche l'attendent pour rejoindre son domicile, est-il devenu fou, ou peut-être est-ce un "émigré" ? La scène inaugurale du nouveau roman de Fouad Laroui est irrésistible.

    L'écrivain marocain installé à Amsterdam, chroniqueur**, et professeur de littérature à l'université, a décidément un art jubilatoire de traiter le plus profond avec légèreté. "Les tribulations du dernier Sijilmassi", qui vient d'être couronné par le Prix Jean Giono, est l'histoire du "pétage de plomb" comme on dit élégamment, ou encore du "burn out" d'un cadre marocain. D'aucuns (tout dépend du contexte culturel) parleraient de dépression, le psy évoque la "bouffée délirante" ou la " décompensation". A moins qu'il ne s'agisse de... révélation ? Les pistes ne manquent pas pour qualifier ce virage brutal qui a commencé, pour l' ingénieur, dans l'avion qui le ramenait chez lui.

    À quoi rime cette vie cette vie passée dans des avions pour l'Inde, la Chine ou l'Australie quand tant d'humains, à commencer ses compatriotes, vivent loin des stress de la vie moderne ? Adam, c'est son prénom, est bien décidé à changer de vie pour revenir aux vraies valeurs. Lesquelles? C'est l'enjeu du roman... Après être finalement rentré de l'aéroport en carriole, l'homme va présenter sa démission à son patron atterré, passer entre les mailles du psy, qui aura eu le mérite de pointer ses problèmes d'identité de "marocain postcolonial", assister, sans broncher, au départ de sa femme, qui plie bagage devant cet Adam méconnaissable... Et s'en aller.

    Azemmour, berceau de sa famille

    Pedibus, toujours, voici le dernier Siljilmassi en route pour Azemmour, berceau de sa famille et décor de son enfance. Acueilli par sa vieille tante, Adam découvre une malle aux trésors, manne de littérature arabe et fait le grand plongeon dans sa civilisation d'origine lui, pur produit du lycée français de Casablanca auquel on avait caché "ses" penseurs, savants et poètes. A-t-il atteint la vie simple et tranquille de ses ancêtres dont il rêvait ? Que nenni. Adam doit affronter tout à la fois le poids de la légende familiale, les sbires de la religion -et chacun la sienne- les interrogatoires du commissaire représentant un Etat tout puissant aux trousses de cet individu suspect. Comment éviter tous ces pièges tendus à la liberté, ne pas se faire "récupérer", repousser les barrières que les hommes s'ingénient à mettre entre eux ? Pour cet amoureux des mots, collectionneur d'incipit, les grands textes universels seraient donc le seul monde possible où vivre son humanité ? Ce conte philosophique plein de trouvailles et de péripéties foisonne de citations littéraires avec lesquelles Fouad Laroui tisse joyeusement son roman. L'humour et la fantaisie lui donnent une belle liberté à poser les questions de toujours inscrites dans un brûlant contexte d'actualité.



    * "Les tribulations du dernier Sijhilmassi", éditions Julliard, 336 pages.

    le point
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