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Ahmad Hassoun, grand mufti de Syrie Par Ammar Belhimer

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  • Ahmad Hassoun, grand mufti de Syrie Par Ammar Belhimer

    En 1994, j’avais enregistré un documentaire de 52 minutes avec le mufti d’Al Azhar, Mohamed Tantaoui, dans le cadre d’une émission de géopolitique («Aux frontières du futur») que feu Abdou B. m’avait demandé de lancer. Il a fallu batailler dur pour lui arracher, en fin d’entretien, une timide condamnation des actes terroristes commis en Algérie. J’avais le sentiment qu’il m’avait concédé, du bout des lèvres, une timide condamnation du terrorisme juste pour abréger le tournage, prendre congé de moi et se consacrer aux couples de fiancés qui attendaient sa bénédiction. Il faut dire qu’à l’époque, l’égypte de Moubarak se croyait immunisée contre le fléau de l’extrémisme.
    Il ne m’a fallu ni la même patience, ni la même attente pour enregistrer une condamnation sans équivoque des groupes armées qui terrorisent aujourd’hui le monde musulman d’abord sous couvert de l’Islam de la part du grand mufti de Syrie depuis 2005, Ahmad Badreddin Hassoun.
    Le 15 janvier 2008 – Année européenne du dialogue interculturel – Hassoun avait surpris le Parlement européen sur le thème du dialogue interculturel, en soulignant la valeur de la culture comme force de rassemblement plutôt que de division. Il surprit les députés européens en leur déclarant : «Abraham, Moïse, Jésus et Mohamed sont venus avec une seule religion», donc «il n'y a pas de guerre sainte, car une guerre ne peut jamais être sainte, c'est la paix qui est sainte», ajoutant qu’il n’est pas permis d’instrumentaliser la religion pour justifier le meurtre.
    Depuis, cet homme est la cible de tous les religieux de service qui sévissent sur les chaînes satellitaires saoudo-qataries.
    L’homme n’a pas varié d’un iota, même après avoir perdu son fils, lâchement assassiné par des terroristes auxquels il a d’ailleurs pardonné après leur arrestation.
    C’est tout ce que je savais de lui avant de le rencontrer ce mardi 14 octobre 2014 au ministère des Awqafs, au centre de Damas.
    Il affiche d’emblée ses référents spirituels qui sont algériens : d’abord, l’émir Abdelkader et, plus près de nous, ce qu’il considère être son héritier contemporain Sidi M’hamed Belkaïd. Issu d’une vieille famille tlemcénienne, cheikh El Hadj Mohammed Belkaïd est mort en 1998 à l’âge de 87 ans laissant sa succession à son fils Abdelatif. La zaouïa qu’il dirige à Sidi Maârouf (Oran) dispense un enseignement dans les différentes branches du savoir (étude du Coran et de la science du Hadith, culture littéraire, culture scientifique...) dans un esprit de tolérance.
    Pour lui, ce sont de «vrais musulmans».
    A l’instar de Senouci et de Khettabi, Abdelkader est un «combattant», comme Ali, Khaled, etc, tandis que Benbadis est classé comme un «penseur».
    S’insurgeant contre le totalitarisme wahhabo-takfiriste, il clame haut et fort que l’lslam est une «organisation divine, une religion» et non un Etat, considérant l’amalgame entre les deux comme un «gros mensonge».
    De même que le khalifat ne peut être qualifié de musulman car de «création humaine» et que les partis d’obédience religieuse n’ont pas de raison d’être car, inspirés par les wahhabites, ils font de la religion un «système juridique, législatif» qui n’a pas lieu d’exister. Dans le même ordre d’idées, une république ne peut pas être islamique, comme c’est le cas en Iran ou en Mauritanie, car elle se doit d’être «neutre». Aussi, une nation peut réunir des citoyens de confessions religieuses multiples.
    Plus fondamentalement, il plaide pour la laïcité, la séparation du politique et du religieux : «La laïcité n’est pas dirigée contre la religion mais contre les religieux», nuance-t-il. «Je suis un mufti laïque, au double sens du mot : je respecte les autres et je crois en la science.»
    Cette évolution salutaire des religieux éclairés contraste avec celle enregistrée, en sens inverse, par certains leaders des anciens partis nationalistes dirigeants : «Une connaissance superficielle de l’Islam fait qu’un grand nombre d’anciens nationalistes – il parle d’une proportion de 80%, (ndlr) – sont aujourd’hui des salafistes.» A ses yeux, le propos trouve une bonne illustration en la personne d’Abdelaziz Belkhadem : «C’est un homme superficiel, un intégriste infiltré au FLN. Il fera le dos rond jusqu’à arriver au pouvoir. Il constitue une menace pour l’Algérie.» Le propos rejoint l’expression de «barbéfélène» chère à feu Mohamed Hamdi qui l’a utilisée pour la première fois à l’endroit de l’ancien patron du FLN dans une chronique à Revaf au début des années 1990.
    Les mêmes soupçons pèsent sur Ghennouchi : «Méfiez-vous de lui, s’il pourra le faire, il vous détruira une seconde fois.» Le quotidien koweïtien Achaeb indiquait la semaine dernière que trois personnes ont été arrêtées récemment pour soutien financier à l’organisation de l’Etat islamique Daesh et que les autorités koweïtiennes ont détecté des transferts suspects du Koweït au mouvement Nahda tunisien qui effectue les transferts à l’organisation terroriste.
    Evoquant un accord entre confréries islamistes où le chef de file d’Ennahdha règne aujourd’hui en maître, le journal koweïtien affirme que des camps d’entraînement sont installés en Tunisie en vue de la formation de réseaux djihadistes en Syrie et en Irak. En trois ans à peine, environ 12 000 étrangers de 87 pays différents se sont engagés aux côtés des terroristes syriens, soit autant d'étrangers que le conflit afghan dans les années 1980. Quelque 3 000 combattants viennent de Tunisie.
    Erdogan n’échappe également pas à la critique, soupçonné de vouloir abolir la laïcité.
    Aux yeux du mufti de Syrie, la «vermine» qu’est la pensée wahhabite constitue une menace pour le monde musulman car elle considère comme kofr tout ce qui n’obéit pas au royaume médiéval des Saoud. Ceux-ci ont assujetti l’Islam à leurs seuls intérêts sonnants et trébuchants. Aussi, s’étonne-t-il de voir ce qui était anciennement Bab El Omra, El Haram, Essafa ou Ettawba prendre les noms du roi Abdelaziz et des autres souverains saoudiens. Port El Islam est devenu Port Fayçal El Islam.
    Il déplore une sorte de privatisation des Lieux Saints et, au-delà, de l’Islam, alors que le texte fondateur est clair : Alhamdou Lillah Rabbi El Alamin» (Louange à Allah, Seigneur des Mondes). El Alamin, pour dire qu’il s’agit du Dieu de tous et non des seuls musulmans.
    De même, rappelle-t-il, «Wa ma baâthna illa rahmat lilalamine» (Et ce que nous avons envoyé, n’est que miséricorde pour l'univers). Là aussi, lilalamine, et non lilmouslimine.
    «Sous leur injonction, les mosquées sont transformées en lieu d’affrontement des issabates et non d’invocation de Dieu», déplore-t-il en visant expressément les wahhabites.
    «Alors que le Coran a fait de la science la norme suprême (sultan), nous l’avons ramené à l’ignorance», déplore-t-il. A ses yeux, «les muftis de l’intégrisme oeuvrent à éloigner les gens de l’Islam».
    Ahmad Badreddin Hassoun est stupéfait d’avoir entendu dire en 1974 Cheikh Aboubakr El Djazaïri qui officiait en Arabie Saoudite, à propos de son pays d’origine, l’Algérie : «J’ai quitté le pays des cimetières, du droit civil et du kofr, pour venir au pays de l’iman et de l’Islam.»
    Pour le grand mufti, l’Islam, le socialisme et la laïcité ne sont pas coupables des crimes commis en leur nom. La responsabilité de ces crimes incombe aux personnes et groupes de personnes et d’intérêts qui les accomplissent.
    Un député européen a vu juste en disant du mufti : «Cet homme est dangereux». Il n’avait pas tort. L’Islam tolérant, pacifique, fraternel, n’arrange pas certains intérêts dominants.
    A . B.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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