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La profanation de la tombe de Michel Aflak, fondateur du parti Baas

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  • La profanation de la tombe de Michel Aflak, fondateur du parti Baas

    par Gilles Munier (27 octobre 2003)

    Le communiqué des Amitiés franco- irakiennes* sur la profanation de la tombe de Michel Aflak par les troupes d’occupation américaines n’a été repris par aucun grand média français. Il a néanmoins eu pour résultat d’obliger un représentant de l’Autorité provisoire de coalition (CPA) à aborder le sujet. Selon le quotidien libanais L’Orient- Le Jour (17/10/03), Charles Heatly, porte-parole de l’US Army en Irak, a démenti la destruction du mausolée en disant que « selon ses informations, la statue de Michel Aflak était toujours debout » …


    De Paris où il réside, Iyad Aflak, fils du fondateur du parti Baas et ancien diplomate à l’UNESCO, s’est indigné du démenti américain. Il y a, a-t-il précisé, « deux statues à cet endroit. Répondre sur l’état d’une statue alors que la question porte sur la profanation d’une tombe est méprisable. De qui se moque-t-on ?». Il s’apprête à demander à la Croix-Rouge internationale de se rendre sur les lieux pour savoir ce qu’il est advenu de la dépouille de son père.


    L’information sur la profanation de la tombe de Michel Aflak est d’abord parue le 10 octobre dans Al-Ta’akhi (Fraternité), quotidien kurde dépendant du Parti Démocratique du Kurdistan (PDKI) de Massoud Barzani. Elle a été reprise par l’AFP dans son bulletin en langue arabe et la nouvelle a suscité une vive émotion dans le monde arabe. Plusieurs quotidiens - Al Hayat, Al Nahar, Al Safir, Al Khalij, Al Moustaqbal, Al Watan - des télévisions et de nombreux intellectuels éminents à Beyrouth, Amman, Qatar et Londres, ainsi que dans les pays du Golfe, ont condamné l’ignominie.


    L’histoire de l’Irak – depuis les temps les plus anciens- est jalonnée d’invasions et de massacres. Mais à l’inverse de ce qui vient de se passer, le peuple irakien a toujours respecté les morts, même ceux de ses ennemis. Par exemple, le tombeau du Général Maude - conquérant anglais de Bagdad après la Première guerre mondiale - n’a jamais été sali, pas plus que les tombes des soldats britanniques qui l’entourent. Ils sont pourtant enterrés à la vue de tous, dans un des principaux quartiers populaires de la capitale. Autre exemple : bien que critiqués ou détestés en leur temps par la population, les dépouilles de Fayçal 1er et Fayçal III, rois hachémites d’Irak, ont l’honneur d’un mausolée, embelli sur ordre du président Saddam Hussein.


    L’idée de raser le mausolée de Michel Aflak est, dit-on, d’Ahmed Chalabi, l’âme damnée du Pentagone au sein du « Conseil de gouvernement irakien ». Paul Bremer, le gouverneur américain, l’a trouvée intéressante et a mis à sa disposition des spécialistes du génie militaire et des engins pour détruire le dôme et les murs de l’édifice. La grande salle au sous-sol qui comprenait un musée, une bibliothèque et une médiathèque, où étaient entreposées les archives du défunt, aurait été saccagée et comblée avec les gravas.


    Comme toujours les Américains se rendent compte trop tard de leurs erreurs. Ils tentent en vain d’apaiser par des déclarations dilatoires l’indignation que cet acte a soulevé en Irak et dans les pays arabes. Pour l’instant, aucun journaliste n’est autorisé à se rendre sur les lieux sous prétexte que la tombe est située dans la « Zone verte », un quartier stratégique réservé à l’Etat Major yankee et interdit aux bagdadis. Paul Bremer réside à quelques centaines de mètres dans l’ancien palais présidentiel. Mais les Américains ne pourront pas cacher longtemps la vérité et empêcher les Arabes de traiter George W. Bush de… profanateur de sépulture !


    En attendant, le gouvernement et la presse française se taisent. Ils parleront sans doute de cette affaire quand il n’y aura plus de risque de déplaire aux Américains !



    * Communiquédes Amitiés franco-irakiennes (12 octobre 2003)


    La profanation de la tombe de Michel Aflak

    à Bagdad:

    Un acte barbare


    En rasant à Bagdad la tombe de Michel Aflak, le fondateur du parti Baas, sans laisser à sa famille la possibilité de récupérer le corps du défunt, les troupes d'occupation américaine ont commis un acte qui rappelle les pratiques barbares de temps qu'on croyait révolus.


    Michel Aflak, né à Damas en 1912, est mort à l'Hôpital militaire du Val de Grâce à Paris en 1989 avant d'être enterré à Bagdad où il s'était installé après la prise du pouvoir par le Baas en 1968.


    Michel Aflak, intellectuel francophone, avait fait ses études à la Sorbonne de 1928 à 1932. A Paris, il avait fondé la première Union des étudiants arabes, avant de revenir en Syrie où il enseigna l'Histoire puis fonda un cercle de pensée qui, en 1947, devint le parti de la renaissance arabe, le Baas, qui se répandit dans la plupart des pays arabes, du Golfe à la Méditerranée. Michel Aflak s'était installé en Irak après la prise du pouvoir par le Baas en 1968.


    Le grand orientaliste Jacques Berque – président fondateur des Amitiés franco- irakiennes - a défini la philosophie politique de Michel Aflak comme la philosophie arabe la plus théoriquement fondée du XXè siècle. Sa pensée défend l'idée de l'unité de la nation arabe dans un nationalisme arabe résolument moderne, progressiste et laïc. Ayant subi l'influence du personnalisme d’Emmanuel Mounier, Aflak était un authentique humaniste, soucieux avant tout de l'épanouissement et de la dignité de la personne humaine.


    Pur intellectuel, Michel Aflak avait toujours refusé d'exercer la moindre fonction gouvernementale. Respecté dans tout le monde, il demeure le symbole d'une certaine idée de l'émancipation et de la dignité du peuple arabe.


    En rasant la tombe du fondateur du parti Baas, les Etats-Unis croient sans doute pouvoir effacer toute trace du baassisme en Irak, mais ils ne pourront brûler tous les livres de Michel Aflak, ni effacer ses idées des esprits de centaines de milliers d'Arabes qui ont été et restent ses disciples. Ce n’est pas non plus ainsi que les troupes d’occupation américaine parviendront à réduire la résistance irakienne qui se réclame de son combat.
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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