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Nouveau type de coup d’état étatsunien

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  • Nouveau type de coup d’état étatsunien

    Que se passait-il quand un régime ne reflétait pas tout à fait les intérêts des Etats-Unis ? Ils organisaient une opposition et un coup d’état militaire s’en suivait pour mettre un de leurs agents à la tête du pays.

    C’était propre, direct et ça avait l’avantage de présenter les chefs d’état de ces pays comme des gens qui, décidément, ne comprendront jamais rien à la démocratie et qui peuvent être déposés comme on veut, quand on veut avec bonne conscience. La France était passée maître dans l’art de ce type de coups d’état en Afrique pendant que les Etats-Unis régissaient l’Amérique Latine de la même manière.

    Cela a marché pendant longtemps, mais la nature est faite de telle sorte que toute agression finit tôt ou tard par engendrer des systèmes de défense et d’immunisation. Les coups d’états simples et sans bavure, bien qu’il en existe encore de temps en temps, devinrent plus compliqués. Il ne suffisait plus de les vendre à bon compte en invoquant la liberté et la démocratie à l’opinion des pays commanditaires, il fallait en plus préparer l’opinion de plus en plus éveillée des pays dans lesquels se déroulaient ces coups d’état.

    Avec la rapidité d’évolution des conjonctures géopolitiques, il n’était évidemment pas question de tabler sur la formation des opinions, longue, coûteuse et sans garantie de résultats, alors qu’il existe une méthode plus rapide et plus sûre. Cette nouvelle méthode de Régime-Change consiste à :

    1- Préparer une équipe de remplacement.

    2- Organiser des mouvements populaires massifs donnant l’impression que le peuple est contre le gouvernement en place avec le concours de tous les médias mondiaux.

    3- Mettre en avant les fondamentaux, c’est-à-dire la liberté, la démocratie et les droits de l’homme, et montrer que le régime ne respecte aucun de ces critères et que les manifestants ont toutes les raisons de manifester. Pour ce faire, il est nécessaire qu’il y ait des violences au cours des manifestations et d’où qu’elles viennent, les attribuer au régime. S’il n’y a pas de violence, il faudra la provoquer, en gardant à l’esprit que plus elle est exacerbée, plus les esprits s’échauffent, le but étant d’entrer dans une spirale incontrôlable.

    4- C’est le moment idéal pour introduire des sanctions économiques qui, peu à peu s’intensifieront pour devenir un véritable embargo destiné à affaiblir, non pas le gouvernement, mais le pays en prévision des futures étapes.

    5- Négocier individuellement avec certains membres ou certaines coalitions du gouvernement pour les inciter à quitter le navire avant que ça ne chauffe trop pour eux et leur faire miroiter une possible reconversion dans les futures instances, ou leur proposer des compensations financières.

    6- Négocier enfin avec les dirigeants du régime affaibli en leur proposant des portes de sortie honorables parfois assorties de certaines promesses, tout en maintenant la menace d’une comparution devant un tribunal de Nuremberg spécialement prévu pour eux, à moins qu’ils ne fussent assassinés par la foule chauffée à blanc.

    Cette méthode a beaucoup été utilisée pour les pays du bloc de l’Est après la fin de l’empire soviétique et a fonctionné à merveille. Mais depuis le ‘’printemps arabe’’, les choses se sont un peu compliquées. Après la guerre de la Libye, le système est tombé sur un os en Syrie. Non seulement la méthode classique du Régime-Change n’a pas fonctionné, mais la longue durée de son exécution (trois ans !) due à la résistance farouche qui lui a été opposée, a mis à nues, une à une, toutes les ficelles et tous les mécanismes de son fonctionnement. Les recettes habituelles qui font tomber un régime en quelques jours comme en Roumanie ou en Tunisie font désormais partie du passé. Pour aboutir à l’objectif initial, il faut donc recourir à un plan B qui serait une sorte de prolongement des six points précédents.

    7- En cas d’échec des manœuvres précédentes, transformer progressivement les affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants en évènements plus sanglants pour initier un début de guerre civile qui justifiera d’armer les anti-gouvernementaux pour les aider à résister contre l’oppression.

    8- Se pose alors la question de l’intervention de l’OTAN, bras armé des Régime-Change. L’intervention dépend bien évidemment de l’évaluation des forces militaires du pays, du nombre de généraux achetables, de l’effet de l’embargo sur l’équipement de l’Armée, mais il dépend surtout de la nature des alliances de ce pays. Si, pour une raison quelconque, le hold-up à la libyenne ne peut être réalisé, la continuation de la guerre civile reste la solution, une guerre civile alimentée de l’extérieur en armes et en hommes. La Syrie en est un bon exemple.

    9- Si, malgré tout, la guerre civile ne donne pas les résultats attendus, il reste encore un dernier atout. Puisque toute guerre finit inévitablement autour d’une table, c’est là qu’il faudra sortir la dernière carte basée sur tout un travail fait en amont, c’est-à-dire d’une part le travail de délégitimation du gouvernement effectué par les protestations et la guerre civile et, d’autre part, la nécessité de trouver une voie de concorde nationale pour arrêter des massacres. Souvent d’ailleurs, on constate que seul le gouvernement est animé du désir d’arrêter les massacres, et non les rebelles, généralement jusqu’au-boutistes quel qu’en soit le coût pour la population. La manœuvre consiste donc à faire un gouvernement de coalition dans lequel le président, élu démocratiquement ou non, n’a que peu de marges, sinon pas du tout, pour choisir ses collaborateurs. C’est ainsi que les Etats-Unis voient la démocratie pour les autres. Cela veut dire aussi que si les amis des Etats-Unis ne sont pas élus par les urnes, il leur suffit de prendre les armes et obliger le gouvernement élu à partager le pouvoir avec eux, c’est-à-dire avec les Etats-Unis. C’est évidemment un coup d’état, juste un peu plus long et un peu plus tortueux que ceux que nous qualifions ainsi d’habitude.

    Le président ukrainien, Ianoukovitch, qui a tout compris, a devancé l’appel pour écourter le processus et épargner à l’Ukraine une série de tourments prévisibles pouvant aller jusqu’à la scission et à l’éclatement du pays. Sans attendre une éventuelle guerre civile car, bien entendu, il ne saurait être question d’une intervention de l’OTAN si près de Moscou, Viktor Ianoukovitch a proposé à Arseni Iatseniouk, le leader du parti Batkivchtchina le poste de premier ministre et à Vitali Klitchko, le leader du parti UDAR, le poste de vice-premier ministre chargé des questions humanitaires, lors d’une réunion de trois heures entre le président et les membres de l’opposition. Là aussi c’est un hold-up des élections du peuple ukrainien, mais qu’y faire ? L’Ukraine, par sa position géographique entre deux géants rivaux, est sommée de choisir son camp, et de manière exclusive, alors que son intérêt serait de ne pas avoir à faire ce type de choix. Son importance pour les Etats-Unis (via l’UE) est telle que ses simples hésitations lui valent le déclenchement de mouvements apocalyptiques. Qu’en aurait-il été si le gouvernement ukrainien avait définitivement rejeté les accords européens ?

    Reseau International (janvier 2014)
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