L’art d’avoir toujours raison
Comment s'en servir
Pour renverser une thèse, prétendez y avoir cru avant de soutenir qu'elle n’était qu'un préjugé.
Si la dispute porte sur le patriotisme économique. Dites: "Comme vous, j’estimais que l'Etat doit intervenir pour nous protéger des multinationales étrangères dévoreuse d'emplois. Mais après avoir lu Des Principes de l'économie politique et de l'impôt de Ricardo, je me suis convaincu que le patriotisme économique relève d'un nationalisme dépassé qui ne permet pas de sauver les entreprises en difficulté et qui expose à des mesures de rétorsion dans nos investissements à l'étranger." Vous donnerez l'impression à votre adversaire que ses idées sont estimables puisque vous les avez partagées. Mais vous lui reprocherez aussi d'en avoir fait des vérités définitives. La ruse ici consiste, d'une part, à transformer sa conviction en raisonnement inachevé, d'autre part, à se montrer plus ouvert aux idées des autres. Ce qui fit Kant qui enseigna la philosophie de Leidniz durant des années avant de se "réveiller de son sommeil dogmatique", comme il le confie dans la préface de ses Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science(1783), grâce à la lecture de la pensée de Hume.
La parade
Quand on réduit votre thèse à un préjugé en prétendant être allé plus loin que vous dans la réflexion, demandez si la nouvelle thèse de votre adversaire ne sera pas elle-même dépassée par sa prochaine lecture. Autrement dit, si votre interlocuteur vous reproche de céder au dogmatisme, rétorquez que lui sombre dans le relativisme. Rappelez-lui aussi que ce qu'il nomme dogmatisme relève de l'intime conviction. L'exemple du patriotisme économique illustre le cas d'une position de principe qui n'est pas nécessairement antilibérale. Robert Nozick, libertarien convaincu, concédait lui-même, face au droit à l'acquisition sans limites des biens d'autrui, le bien-fondé de "la clause restrictive" selon laquelle il est exclu pour des raisons évidentes de justice que "quelqu'un s'approprie toute l'eau potable du monde" (Anarchie, Etat et Utopie)
Magazine Philosophie
Comment s'en servir
Pour renverser une thèse, prétendez y avoir cru avant de soutenir qu'elle n’était qu'un préjugé.
Si la dispute porte sur le patriotisme économique. Dites: "Comme vous, j’estimais que l'Etat doit intervenir pour nous protéger des multinationales étrangères dévoreuse d'emplois. Mais après avoir lu Des Principes de l'économie politique et de l'impôt de Ricardo, je me suis convaincu que le patriotisme économique relève d'un nationalisme dépassé qui ne permet pas de sauver les entreprises en difficulté et qui expose à des mesures de rétorsion dans nos investissements à l'étranger." Vous donnerez l'impression à votre adversaire que ses idées sont estimables puisque vous les avez partagées. Mais vous lui reprocherez aussi d'en avoir fait des vérités définitives. La ruse ici consiste, d'une part, à transformer sa conviction en raisonnement inachevé, d'autre part, à se montrer plus ouvert aux idées des autres. Ce qui fit Kant qui enseigna la philosophie de Leidniz durant des années avant de se "réveiller de son sommeil dogmatique", comme il le confie dans la préface de ses Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme science(1783), grâce à la lecture de la pensée de Hume.
La parade
Quand on réduit votre thèse à un préjugé en prétendant être allé plus loin que vous dans la réflexion, demandez si la nouvelle thèse de votre adversaire ne sera pas elle-même dépassée par sa prochaine lecture. Autrement dit, si votre interlocuteur vous reproche de céder au dogmatisme, rétorquez que lui sombre dans le relativisme. Rappelez-lui aussi que ce qu'il nomme dogmatisme relève de l'intime conviction. L'exemple du patriotisme économique illustre le cas d'une position de principe qui n'est pas nécessairement antilibérale. Robert Nozick, libertarien convaincu, concédait lui-même, face au droit à l'acquisition sans limites des biens d'autrui, le bien-fondé de "la clause restrictive" selon laquelle il est exclu pour des raisons évidentes de justice que "quelqu'un s'approprie toute l'eau potable du monde" (Anarchie, Etat et Utopie)
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