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En Egypte, l’Etat islamique remporte son « premier vrai succès en termes de cooptation »

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  • En Egypte, l’Etat islamique remporte son « premier vrai succès en termes de cooptation »

    Le groupe djihadiste égyptien Ansar Beit Al-Maqdis (« les partisans de Jérusalem ») a annoncé, lundi 10 novembre, son allégeance à l’Etat islamique (EI). Implanté dans la péninsule du Sinaï depuis 2011, le groupe a intensifié ses actions contre les forces de sécurité égyptiennes après la destitution du président islamiste Mohammed Morsi, le 3 juillet 2013. Fort de plusieurs centaines de combattants, le groupe a revendiqué de nombreuses attaques dans le Sinaï et jusqu’au cœur de la capitale égyptienne, faisant des centaines de morts. Dominique Thomas, spécialiste des mouvements djihadistes à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), décrypte pour Le Monde l’allégeance du groupe à l’EI.


    Quelle signification revêt cette allégeance ?

    Dominique Thomas C’est le premier vrai succès de l’Etat islamique (EI) en termes de cooptation de groupes dans la région. Auparavant, l’EI avait uniquement bénéficié du ralliement de petits groupes ayant fait dissidence ou d’individus. Avec Ansar Beit Al-Maqdis, il rallie un groupe qui a déjà trois ans d’existence, est très bien implanté dans le Sinaï et constitue le groupe phare de l’insurrection armée en Egypte. C’est une surprise de voir l’EI marquer son territoire en Egypte, qui est historiquement le berceau, la matrice d’Al-Qaida, avec des personnalités comme son chef actuel, l’Egyptien Ayman Al-Zawahiri.

    Ansar Beit Al-Maqdis a toujours fait preuve d’indépendance vis-à-vis d’Al-Qaida. Il y a certainement eu d’intenses débats au sein de l’organisation, qui peuvent expliquer les ratés des derniers jours, les précédentes annonces de ralliement ensuite démenties. Dernièrement, des messages de plus en plus précis ont été adressés par les combattants égyptiens présents sur les fronts syrien et irakien – quelques centaines, mais leur nombre est difficile à établir – à leur contact en Egypte pour qu’ils rejoignent l’Etat islamique. Ces liens ont pu jouer. Certains de ces combattants étaient rentrés en Egypte il y a quelques mois et certains avaient revendiqué des actions au nom d’Ansar Beit Al-Maqdis.

    Quels changements ce ralliement peut-il entraîner ?

    C’est une victoire symbolique pour l’Etat islamique, qui ne change pas grand-chose sur le fond. Il n’y aura pas forcément d’arrivée de combattants en provenance de Syrie ou d’Irak. Le groupe est composé à 95 % d’Egyptiens, des gens qui appartiennent aux tribus du Nord-Sinaï et puisent leur effectif dans cet ancrage local. C’est une marque de reconnaissance à défaut d’avoir un impact en termes opérationnels.

    Il faut voir si l’organisation va se ranger totalement aux décisions qui seront prises par l’EI. Cela pourrait, sur le terrain, se traduire par une radicalisation visible des actions d’Ansar Beit Al-Maqdis, sur le modèle de l’EI, comme l’élimination des civils qui se mettent en travers de sa route. Il pourrait également y avoir un effet domino dans la région, avec des ralliements possibles en Libye ou en Tunisie à l’EI. Il est trop tôt pour le dire. Un groupe comme Ansar Al-Charia en Libye reste très soucieux de son indépendance.

    Les autorités égyptiennes vont poursuivre leur lutte contre le terrorisme, mais elles pourront désormais dire qu’elles combattent aussi l’EI. Cela pourrait amener l’Egypte à s’impliquer davantage dans la coalition internationale contre l’EI mais aussi, surtout, dans le conflit libyen. L’idée d’une coalition régionale pour lutter contre les groupes djihadistes est évoquée avec l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, mais l’idée est encore floue.

    L’Egypte a intensifié sa campagne antiterroriste dans le Sinaï, à la suite d’une nouvelle attaque djihadiste le 24 octobre. Quel est l’état du rapport sur le terrain ?

    Ansar Beit Al-Maqdis est dans une phase de résilience. Le groupe a subi des coups dans les opérations que les forces de sécurité égyptiennes mènent dans la péninsule. Il n’est plus capable de mener des actions hors de son territoire d’origine comme il a pu le faire par le passé au Caire, à Ismaïliya, etc. Ses dernières attaques remontent à quelques semaines avec l’exécution de collaborateurs et l’arrestation d’informateurs.

    Il a envoyé des messages aux forces de sécurité et à leurs familles ainsi qu’aux tribus, pour les avertir qu’il continuerait à accroître ses actions contre les forces de sécurité et les appeler à se dissocier des autorités. L’intensification de la campagne antiterroriste des autorités égyptiennes pourrait avoir un impact dans sa capacité à se mouvoir et l’obliger à se disperser et à se camoufler. Elle dispose de soutiens dans les grottes du djebel Al-Arab, ainsi que dans le triangle autour de Cheikh Zouheir, mais il faut voir quelles sont ses connexions dans des secteurs plus urbains.

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