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La France a-t-elle les moyens de ses guerres ?

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  • La France a-t-elle les moyens de ses guerres ?

    La plupart des chefs d'Etat français aiment à montrer l'engagement de notre pays dans des conflits armés mais refusent d'en payer le prix. Depuis 2008, le budget des opérations extérieures est constamment sous-évalué. Un aveuglement politique autant qu'un déficit de pensée stratégique.

    On attaque le muscle » avait prévenu le chef d’état-major des armées, Pierre de Villiers, auditionné le 7 octobre dernier par les députés de la commission de la Défense. A peine un mois plus tard, la défense est à l’os si l’on en croît les révélations des Echos qui annoncent une nouvelle annulation de crédits de 2,2 milliards d’euros notamment du fait du surcoût des « opérations extérieures » (opex) de la France.

    Un dérapage largement dû à un budget « opex » sous-doté : 450 millions d’euros étaient affectés à ces dépenses alors que leur coût total devrait atteindre 1,1 milliard d’euros. Un phénomène récurrent qui relève autant de la tradition que de l’aveuglement.

    Devant les députés, Jean-Yves Le Drian a justifié ce dépassement par le nombre accru d’engagements extérieurs, « par nature imprévisibles », depuis la fin 2013 insistant sur le cas irakien irakien : « Aux côtés de nos alliés arabes et occidentaux, nos militaires renseignent les troupes irakiennes et kurdes et frappent des cibles ennemies. C’est la responsabilité de la France. » Au Mali, la France a dû maintenir ses effectifs sur place plus longtemps que prévu pour accompagner le processus politique.

    Mais l'imprévisibilité des engagements extérieurs cache une autre réalité, celle de la sous-évaluation chronique de ces budgets d'opérations extérieures. Les chefs d’État français aiment, en effet, engager l’armée française dans des conflits armés longs et coûteux, comme une preuve de leur engagement international mais refusent d'en assumer le coût. L’activisme militaire du président François Hollande en est une nouvelle démonstration alors que le candidat socialiste n’avait à l'origine qu’un seul plan de campagne : mener à bien le retour des soldats français d’Afghanistan. Et il est de tradition de définir un budget a minima pour ventiler le surcoût sur tous les ministères -y compris la défense- en fin d'année.

    Depuis 2008, les dépenses liées aux interventions armées ont toujours dépassé 800 millions d’euros. Certes, la France a quitté l’Afghanistan et la Libye, mais pour se déployer au Mali, en Centrafrique et en Irak. Trois zones de conflit majeurs. Avant l’intervention en Irak, le chef d’état-major des armées évaluait déjà le coût des opex en Centrafrique et au Mali à 775 millions d’euros.

    Par ailleurs, les expériences des conflits passés en Afghanistan et en Libye donnent une estimation du coût du « jour de guerre » évoluant entre 1,2 millions et 1,7 million d’euros en fonction de la distance, du déploiement logistique, des matériels utilisés, etc. Soyons raisonnables : si on vous fait le jour de guerre à un million d’euros, sur trois théâtres d’opération majeurs, faites l’addition : 1,1 milliard d’euros sur un an ! Ça n'est pourtant pas compliqué à calculer . Et à prévoir donc.

    Mais non, nos dirigeants n'y arrivent pas. Pourtant, ils rognent. Et ce budget taillé au plus court explique largement le peu d’implication de la France en Irak avec seulement neuf Rafale. A plus de 25 000 euros l’heure de vol d’un Rafale, prix des missiles non compris, l’armée de l’air a des autorisations de sortie limitées. Et les « frappes » sont rares. La France fournit environ 1 % de l’effort militaire contre l’Etat islamique. Une contribution jugée d’ailleurs « décevante » par Washington.

    Des armées modernes chères contre des combattants « à peine rémunérés »

    La France peut-elle faire plus et mieux ? Hollande n’a toujours pas tranché l’envoi ou non du porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, qui ferait exploser la facture. Les matériels sont par ailleurs revenus d’Afghanistan en mauvais état et leur remise à niveau demande du temps et de l’argent. Et il n’y a pas que le matériel qui souffre a tenu à faire savoir Pierre de Villiers lors de son audition à l'Assemblée: « Les hommes et les femmes de nos armées, nos jeunes, risquent leurs vies au nom de la France, en notre nom à tous. Nous payons le prix du sang. Nous attendons une légitime solidarité pour les coûts financiers. Ce besoin essentiel de stabilité budgétaire est mon second point de préoccupation. Or je crains l’infiltration rampante, le grignotage progressif de nos ressources financières. J’ai besoin des ressources 2015 en temps et en heure. Cette lisibilité m’est indispensable pour maîtriser les risques et mettre en œuvre une gestion efficiente » clamait le chef d’état-major des armées face aux députés.

    De l’aveuglement politique mais aussi un déficit de pensée stratégique. A l’heure où les troubles de sécurité issus du milieu non-étatique se multiplient, le fossé semble se creuser entre les objectifs affichés et les moyens alloués : « Aux puissances du Nord, qui cherchent la frappe chirurgicale et le moins d’implication possible sur le terrain, les conflits récents imposent des confrontations prolongées au sein des populations » écrit Frédéric Charillon, directeur de l'Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire dans l’édition 2015 de l’Etat du monde, intitulé Nouvelles guerres. « Face à ce phénomène, les pensées comme les budgets du Nord doivent être revus. Le coût du stay on power (ou de l’engrenage qui consiste à obliger une armée à rester sur le terrain une fois les opérations terminées pour ne pas en perdre les bénéfices) reste élevé aussi bien économiquement que politiquement et symboliquement. Des armées modernes aux instruments hors de prix sont tenues en échec sur le long terme par des combattants invisibles, fondus dans le paysage géographique et social, et à peine rémunérés ».

    Des pauvres qui arrivent à mettre en échec des armées riches, espérons que les adeptes de la rigueur n'y voient pas un encouragement à faire de nouvelles coupes budgétaires dans la Défense.

    Marianne
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