CHÉRIF AMIR, CHERCHEUR ÉGYPTIEN, DOCTEUR EN GÉOPOLITIQUE DU MOYEN-ORIENT À L'UNIVERSITÉ PARIS-8, AU TEMPS D'ALGÉRIE :
Le Temps d'Algérie : Un rapprochement est enregistré entre l'Algérie et l'Egypte au moment où des pays incitent au boycott de l'Egypte. Quelle lecture faites-vous de cette proximité ?
Cherif Amir : D'une part, ce rapprochement s'explique par la volonté de la «nouvelle Egypte» (et je veux dire par ça : peuple et gouvernement) de consolider les liens entre les pays dont la souveraineté et la sécurité nationale ont été gravement touchées par les actions des groupes terroristes et l'ingérence d'autres pays qui visaient à imposer une situation chaotique et une rivalité interne menant à la guerre civile au sein des Etats comme l'Egypte et l'Algérie.
Il existe un projet qui vise explicitement à fragmenter ces deux grands pays et déstabiliser leurs institutions étatiques respectives, et il est évident qu'un pays comme le Qatar joue un rôle fondamental dans la mise en œuvre d'un tel projet. D'autre part, j'ai parlé de la volonté de l'Egypte car malheureusement à l'époque de l'ancien président Hosni Moubarak, le régime avait négligé les dimensions des relations stratégiques avec de nombreux pays et surtout avec l'Algérie. Les relations se sont détériorées à un point de non-retour entre Le Caire et Alger entre 2009 et 2011 pour des différends personnels entre dirigeants.
Maintenant le président Abdel Fattah Al-Sissi, qui est un homme patriote qui cherche le bien de son pays, a tout de suite voulu réparer ce schisme qui n'était pas dans l'intérêt ni de l'Egypte ni de l'Algérie, raison pour laquelle la première visite officielle effectuée par le nouveau président égyptien à l'étranger était en Algérie et cela a une importante signification. Ce mois-ci par exemple, en date du 15 novembre, le Premier ministre algérien vient de terminer une visite au Caire où il a rencontré le président Al-Sissi et a signé plusieurs protocoles de coopération avec son homologue égyptien. L'entente entre les deux pays s'est affichée clairement durant la conférence de presse des deux chefs de gouvernement. Je peux vous dire que les défis, les ennemis et les intérêts sont communs.
L'Egypte fait face au terrorisme. L'Algérie a également fait face au terrorisme. Les deux pays ont-ils renforcé leur coopération dans ce domaine ?
Il est important de préciser que les menaces auxquelles les deux pays font face maintenant sont quasiment existentielles ! C'est-à-dire que la coopération non seulement est nécessaire et inévitable, mais aussi cruciale. Actuellement, l'arme de l'information est décisive pour déjouer les tentatives des groupes terroristes qui se sont déjà emparés d'un immense pays de l'Afrique du Nord, la Libye. Dans ce contexte, les informations s'échangent entre les services de sécurité des deux pays pour déjouer les tentatives d'infiltration à travers les frontières avec la Libye où plusieurs milices terroristes lourdement armées cherchent à lancer des attaques dans les territoires algérien et égyptien. L'Algérie combat aussi la menace à ses frontières avec la Tunisie encore sous contrôle du mouvement des Frères musulmans. Tout cela confirme cette coopération connue mais peu invoquée ou plutôt entourée par un important degré de discrétion et de précaution pour des raisons de sécurité nationale pour Le Caire et Alger.
L'Algérie a été victime d'un embargo dans les années 1990 au moment où elle faisait face au terrorisme. Aujourd'hui, l'Egypte et la Syrie, qui font face au terrorisme, sont victimes de tentatives de mise sous embargo. Comment expliquez-vous ces similitudes ?
Tout d'abord, un embargo est une arme matérielle et surtout psychologique ; le but est de faire payer cher le pays visé pour ses positions et le but caché est de faire sentir aux citoyens que leur pays est isolé, qu'ils ne sont pas sur la bonne voie, que leur niveau de vie est en déclin et qu'ils n'ont plus la facilité de voyager et personne ne viendra chez eux. Tout ce que j'ai précité a visé l'Algérie, l'Egypte et la Syrie comme cela a été le cas avec l'Irak auparavant. Malgré cela, l'Algérie a courageusement fait face à une menace terroriste effrayante durant les années 1990 et a défendu son indépendance et son identité contre le scénario d'une dictature théocratique qui aurait mené le pays à un carnage pire que celui subi durant la guerre contre les groupes islamistes. D'ailleurs, je salue la ténacité du peuple algérien pour défendre son intégrité quel qu'en soit le prix. L'embargo est apparu ainsi comme une arme pour casser la volonté des Algériens et affaiblir l'Etat dans son combat. Le but était clair : que l'Algérie s'incline à ce projet d'islamisation fanatique et en subit les conséquences. L'Egypte elle aussi a été visée par le même scénario, il s'agissait d'imposer aux Egyptiens une dictature religieuse sous le mouvement des Frères musulmans à travers des élections marquées par de nombreuses irrégularités, des menaces terroristes et d'ingérence américaine en juin 2012. A cette occasion, je souligne que la révolte du peuple égyptien le 30 juin 2013 contre cette dictature ainsi que le soutien de l'armée égyptienne à cette révolution populaire a sauvé l'Egypte d'une guerre civile qui aurait provoqué l'écroulement de l'Etat égyptien en entier.
D'ici, le président Al-Sissi a mérité l'admiration historique par son peuple pour sa position héroïque en défiant l'administration américaine, les menaces des sanctions européennes et l'argent du Qatar. Il aurait pu s'incliner et trahir son peuple, mais c'est un homme intègre. Encore une fois, l'embargo est apparu comme une arme pour sanctionner la décision définitive de tout un peuple mais heureusement l'unité nationale des Egyptiens (musulmans et coptes) ainsi que la position prise par les pays du Golfe (à l'exception du Qatar) à soutenir l'Egypte financièrement et politiquement, a déjoué ce projet d'embargo. Par contre, l'Union africaine a gelé le siège de l'Egypte dans l'organisation, et là l'Algérie est héroïquement intervenue auprès des nations africaines pour défendre la position égyptienne jusqu'à ce que Le Caire soit redevenu membre actif de l'Union africaine.
Tout cela s'inscrit dans le projet du nouveau Moyen-Orient qui est basé sur la fragmentation des pays de la région et la réduction à néant de ses institutions militaires, comme cela est passé avec l'armée irakienne, libyenne, yéménite et actuellement l'épuisement et l'usure de l'armée syrienne. La Syrie est le pays le plus touché maintenant par ce projet.
Quelles sont les parties qui s'acharnent à mettre ces pays sous embargo ?
Une autre similitude, c'est que l'actuelle administration américaine prône cet embargo sous le même prétexte de «l'unanimité de la communauté internationale». De même, le dictateur turc Erdogan souhaite voir les sanctions et l'embargo imposées à l'Egypte en vue de la réduire en ruine. La nouveauté maintenant, c'est le rôle du Qatar qui, à travers sa machine de propagande erronée Al Jazeera et ses caisses, est devenu un serviteur docile à ces puissances. Quant à l'Union européenne, elle stagne et n'est qu'un écho des cris de menaces transatlantiques visant les pays du Moyen-Orient, du bassin méditerranéen et la Russie. Cette politique n'a jamais abouti à des solutions et de même l'Europe récoltera des pertes économiques et stratégiques sur le long terme, vis-à-vis de la Russie et des pays du Moyen-Orient visés par ces embargos, car la puissance américaine est beaucoup plus solide que celle européenne et ses intérêts sont différents de ceux du vieux continent qui est en détresse économique et faiblesse militaire.
Les présidents algérien et égyptien coopèrent-ils pour aider la Syrie à sortir de l'embargo qui lui est imposé ?
Justement, les deux présidents sont extrêmement préoccupés par la situation syrienne et la souffrance du peuple syrien pris entre les mains des combattants terroristes étrangers et locaux. La formation d'un bloc solide pour défendre la souveraineté de l'Etat syrien est en cours et aboutira bientôt à des résultats qui casseront le bloc formé par la Turquie et le Qatar contre l'intégrité et la sécurité de Damas et de son armée.
Le Temps d'Algérie : Un rapprochement est enregistré entre l'Algérie et l'Egypte au moment où des pays incitent au boycott de l'Egypte. Quelle lecture faites-vous de cette proximité ?
Cherif Amir : D'une part, ce rapprochement s'explique par la volonté de la «nouvelle Egypte» (et je veux dire par ça : peuple et gouvernement) de consolider les liens entre les pays dont la souveraineté et la sécurité nationale ont été gravement touchées par les actions des groupes terroristes et l'ingérence d'autres pays qui visaient à imposer une situation chaotique et une rivalité interne menant à la guerre civile au sein des Etats comme l'Egypte et l'Algérie.
Il existe un projet qui vise explicitement à fragmenter ces deux grands pays et déstabiliser leurs institutions étatiques respectives, et il est évident qu'un pays comme le Qatar joue un rôle fondamental dans la mise en œuvre d'un tel projet. D'autre part, j'ai parlé de la volonté de l'Egypte car malheureusement à l'époque de l'ancien président Hosni Moubarak, le régime avait négligé les dimensions des relations stratégiques avec de nombreux pays et surtout avec l'Algérie. Les relations se sont détériorées à un point de non-retour entre Le Caire et Alger entre 2009 et 2011 pour des différends personnels entre dirigeants.
Maintenant le président Abdel Fattah Al-Sissi, qui est un homme patriote qui cherche le bien de son pays, a tout de suite voulu réparer ce schisme qui n'était pas dans l'intérêt ni de l'Egypte ni de l'Algérie, raison pour laquelle la première visite officielle effectuée par le nouveau président égyptien à l'étranger était en Algérie et cela a une importante signification. Ce mois-ci par exemple, en date du 15 novembre, le Premier ministre algérien vient de terminer une visite au Caire où il a rencontré le président Al-Sissi et a signé plusieurs protocoles de coopération avec son homologue égyptien. L'entente entre les deux pays s'est affichée clairement durant la conférence de presse des deux chefs de gouvernement. Je peux vous dire que les défis, les ennemis et les intérêts sont communs.
L'Egypte fait face au terrorisme. L'Algérie a également fait face au terrorisme. Les deux pays ont-ils renforcé leur coopération dans ce domaine ?
Il est important de préciser que les menaces auxquelles les deux pays font face maintenant sont quasiment existentielles ! C'est-à-dire que la coopération non seulement est nécessaire et inévitable, mais aussi cruciale. Actuellement, l'arme de l'information est décisive pour déjouer les tentatives des groupes terroristes qui se sont déjà emparés d'un immense pays de l'Afrique du Nord, la Libye. Dans ce contexte, les informations s'échangent entre les services de sécurité des deux pays pour déjouer les tentatives d'infiltration à travers les frontières avec la Libye où plusieurs milices terroristes lourdement armées cherchent à lancer des attaques dans les territoires algérien et égyptien. L'Algérie combat aussi la menace à ses frontières avec la Tunisie encore sous contrôle du mouvement des Frères musulmans. Tout cela confirme cette coopération connue mais peu invoquée ou plutôt entourée par un important degré de discrétion et de précaution pour des raisons de sécurité nationale pour Le Caire et Alger.
L'Algérie a été victime d'un embargo dans les années 1990 au moment où elle faisait face au terrorisme. Aujourd'hui, l'Egypte et la Syrie, qui font face au terrorisme, sont victimes de tentatives de mise sous embargo. Comment expliquez-vous ces similitudes ?
Tout d'abord, un embargo est une arme matérielle et surtout psychologique ; le but est de faire payer cher le pays visé pour ses positions et le but caché est de faire sentir aux citoyens que leur pays est isolé, qu'ils ne sont pas sur la bonne voie, que leur niveau de vie est en déclin et qu'ils n'ont plus la facilité de voyager et personne ne viendra chez eux. Tout ce que j'ai précité a visé l'Algérie, l'Egypte et la Syrie comme cela a été le cas avec l'Irak auparavant. Malgré cela, l'Algérie a courageusement fait face à une menace terroriste effrayante durant les années 1990 et a défendu son indépendance et son identité contre le scénario d'une dictature théocratique qui aurait mené le pays à un carnage pire que celui subi durant la guerre contre les groupes islamistes. D'ailleurs, je salue la ténacité du peuple algérien pour défendre son intégrité quel qu'en soit le prix. L'embargo est apparu ainsi comme une arme pour casser la volonté des Algériens et affaiblir l'Etat dans son combat. Le but était clair : que l'Algérie s'incline à ce projet d'islamisation fanatique et en subit les conséquences. L'Egypte elle aussi a été visée par le même scénario, il s'agissait d'imposer aux Egyptiens une dictature religieuse sous le mouvement des Frères musulmans à travers des élections marquées par de nombreuses irrégularités, des menaces terroristes et d'ingérence américaine en juin 2012. A cette occasion, je souligne que la révolte du peuple égyptien le 30 juin 2013 contre cette dictature ainsi que le soutien de l'armée égyptienne à cette révolution populaire a sauvé l'Egypte d'une guerre civile qui aurait provoqué l'écroulement de l'Etat égyptien en entier.
D'ici, le président Al-Sissi a mérité l'admiration historique par son peuple pour sa position héroïque en défiant l'administration américaine, les menaces des sanctions européennes et l'argent du Qatar. Il aurait pu s'incliner et trahir son peuple, mais c'est un homme intègre. Encore une fois, l'embargo est apparu comme une arme pour sanctionner la décision définitive de tout un peuple mais heureusement l'unité nationale des Egyptiens (musulmans et coptes) ainsi que la position prise par les pays du Golfe (à l'exception du Qatar) à soutenir l'Egypte financièrement et politiquement, a déjoué ce projet d'embargo. Par contre, l'Union africaine a gelé le siège de l'Egypte dans l'organisation, et là l'Algérie est héroïquement intervenue auprès des nations africaines pour défendre la position égyptienne jusqu'à ce que Le Caire soit redevenu membre actif de l'Union africaine.
Tout cela s'inscrit dans le projet du nouveau Moyen-Orient qui est basé sur la fragmentation des pays de la région et la réduction à néant de ses institutions militaires, comme cela est passé avec l'armée irakienne, libyenne, yéménite et actuellement l'épuisement et l'usure de l'armée syrienne. La Syrie est le pays le plus touché maintenant par ce projet.
Quelles sont les parties qui s'acharnent à mettre ces pays sous embargo ?
Une autre similitude, c'est que l'actuelle administration américaine prône cet embargo sous le même prétexte de «l'unanimité de la communauté internationale». De même, le dictateur turc Erdogan souhaite voir les sanctions et l'embargo imposées à l'Egypte en vue de la réduire en ruine. La nouveauté maintenant, c'est le rôle du Qatar qui, à travers sa machine de propagande erronée Al Jazeera et ses caisses, est devenu un serviteur docile à ces puissances. Quant à l'Union européenne, elle stagne et n'est qu'un écho des cris de menaces transatlantiques visant les pays du Moyen-Orient, du bassin méditerranéen et la Russie. Cette politique n'a jamais abouti à des solutions et de même l'Europe récoltera des pertes économiques et stratégiques sur le long terme, vis-à-vis de la Russie et des pays du Moyen-Orient visés par ces embargos, car la puissance américaine est beaucoup plus solide que celle européenne et ses intérêts sont différents de ceux du vieux continent qui est en détresse économique et faiblesse militaire.
Les présidents algérien et égyptien coopèrent-ils pour aider la Syrie à sortir de l'embargo qui lui est imposé ?
Justement, les deux présidents sont extrêmement préoccupés par la situation syrienne et la souffrance du peuple syrien pris entre les mains des combattants terroristes étrangers et locaux. La formation d'un bloc solide pour défendre la souveraineté de l'Etat syrien est en cours et aboutira bientôt à des résultats qui casseront le bloc formé par la Turquie et le Qatar contre l'intégrité et la sécurité de Damas et de son armée.
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