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    23 novembre 1829. Mort des siamoises Rita et Christina, partageant 1 utérus, 2 têtes et 4 seins.

    Nées à 3 minutes d'intervalle, Rita et Cristina sont soudées à la taille. La première chope une bronchite, entraînant sa soeur dans la mort.



    Le 23 novembre 1829, Rita-Cristina meur[en]t à trois minutes d'intervalle. Liées dans la vie, liées dans la mort. Ces deux poupons sont des siamoises. Elles partagent une seule paire de jambes, un bassin, un anus, une vulve et un gros intestin. En revanche, elles possèdent le reste en double exemplaire, à savoir deux têtes, deux paires de bras et tous les organes non précédemment cités. Le résumé parfait d'Anne Hidalgo et de NKM... À dire vrai, ces deux petites filles ont fusionné sous le diaphragme dans le ventre de leur mère, aussi affichent-elles deux personnalités parfaitement différentes.

    À leur naissance, leur entourage s'interroge sur le nombre d'âmes qu'elles possèdent. Une ou deux ? Faut-il prévoir un ou deux baptêmes. On n'a pas idée, mais des enfants siamois obligent posent des questions métaphysiques inextricables. La SNCF doit-elle leur réclamer un ou deux billets de train puisqu'elles n'occupent qu'une place, partageant la même paire de fesse ? Et la déclaration d'impôt ? Comptent-ils pour une ou deux parts ? Un ou deux numéros de Sécurité sociale ? Imaginons plus fou encore : deux siamois voulant se présenter aux élections législatives. L'un pour le Front national et l'autre pour le Parti de gauche... Revenons à nos deux siamoises qui débarquent à Paris le 26 octobre en provenance d'Italie. Rita, la tête de droite, s'est chopé une mauvaise bronchite. Elle tousse, a de la fièvre. Du reste, elle a toujours été beaucoup plus fragile que la tête de gauche.

    "Une âme commune"

    Normalement, les deux petites filles affichent un pouls similaire de 90, mais le docteur Martin Saint-Ange, qui les suit depuis leur arrivée dans la capitale, note que celui de Rita grimpe à 120 pulsations par minute, tandis que celui de Cristina reste collé à 102. C'est bien la preuve qu'elles possèdent deux systèmes circulatoires séparés. Et deux coeurs ! Cristina reste souriante, ne se montrant nullement incommodée par la maladie de sa soeur. Sinon par effet mécanique. "Son côté du diaphragme était sans cesse refoulé en haut par le paquet intestinal que lui renvoyait pour ainsi dire sa soeur, en bas, par la nécessité de recevoir de l'air dans ses poumons", note Saint-Ange.

    Le 22 novembre, Rita ne prend plus le sein de sa nourrice, laissant sa part à sa soeur dont l'appétit ne faiblit pas. La pauvre petite a du mal à respirer et même à tenir ses yeux ouverts. Son visage et son cou se couvrent d'une sueur froide. Elle ne réagit plus aux stimuli. Les parents sont désespérés, les médecins sont désarmés. Le 23 novembre, Saint-Ange observe : "Le ventre d'ailleurs n'était ni douloureux ni ballonné, mais bien dans une agitation continuelle : on aurait dit que le paquet intestinal était sans cesse renvoyé d'un enfant à l'autre... Au milieu d'une telle agitation, Cristina, quoique sa respiration fût devenue plus fréquente et gênée, semblait jouir d'une vie pleine et entière, et devait prolonger son existence." Après quelques mouvements convulsifs, Rita arrête de respirer. "Cristina, qui venait de prendre le sein de sa nourrice, s'éteignit presque aussitôt, comme si une âme commune eut animé ces deux êtres, si différents cependant par leurs sensations et leur volonté", poursuit Saint-Ange.

    Un seul corps

    Rita-Cristina nai[ssen]t à Sassari, en Sardaigne, le 3 mars 1829. Leur mère Maria Teresa Parodi, âgée de 32 ans, en est à son neuvième accouchement. Les huit précédents ont donné jour à des enfants parfaitement normaux. Mais cette fois, des protubérances déformant le ventre inquiètent les sages-femmes, qui réclament l'aide de médecins. Effectivement, après la rupture de la poche des eaux, deux petites têtes se présentent ensemble au portillon. Des jumeaux ? Non. Au toucher, il n'y a qu'un seul corps. Stupeur et tremblements ! Qu'est-ce que c'est que cette sale blague ? Impossible d'extraire les deux crânes simultanément, car le passage est trop étroit.

    La sage-femme utilise des lacets pour retourner le corps afin qu'il se présente d'abord par les pieds. Le salto arrière intra-utérin est une belle réussite. Gilbert Rozon demande à la mère de revenir le tenter sur le plateau des Français ont un incroyable talent. En attendant, les sages-femmes et les médecins tirent sur les petites jambes. Hardi, matelot, les deux têtes passent l'obstacle l'une après l'autre. La vue du nourrisson double surprend. Les deux têtes s'empressent de pleurer, car elles ont doublement faim. C'est à ce moment-là qu'il faut féliciter dame Nature d'avoir doté la femme d'une paire de seins. Les deux fillettes sont baptisées Rita et Cristina.

    La même zone érogène

    Elles ne se ressemblent absolument pas, tant physiquement que par le caractère. Cristina est plus grosse, toujours affamée, gaie et éveillée. Rita, c'est le contraire. Il faut la forcer pour qu'elle tète, elle reste maigre, elle est souvent amorphe et toujours geignarde. Son teint est bleuâtre, signe d'une anomalie cardiaque. Elles n'ont pas forcément faim ou sommeil en même temps. Si on chatouille le pied gauche, c'est Cristina qui gigote, si on stimule le pied droit, c'est alors Rita qui le sent. En revanche, la stimulation de l'anus ou de la vulve est ressentie par les deux. On ne peut s'empêcher d'imaginer le casse-tête si elles avaient atteint l'âge du mariage. Ayant deux personnalités différentes, il leur aurait fallu deux maris. Mais ceux-ci auraient dû se partager la même... zone érogène. Après vous, mon cher. À moins de se mettre d'accord sur un même époux, mais le condamner alors à la bigamie. Choix cornélien.

    Lorsque les fillettes atteignent l'âge de six mois, les parents décident de quitter la Sardaigne pour les montrer à des spécialistes et en profiter pour gagner de l'argent en exposant leur phénomène dans les foires et les cirques. Les voilà donc partis pour Paris, réputé pour ses anatomistes et spécialistes médicaux. En cours de route, ils essaient d'exposer Rita-Cristina pour ramasser quelques sous, mais la plupart du temps, les autorités locales le leur interdisent.

    Des organes en miroir

    Une fois arrivés à destination, le préfet de police de Paris commence par opposer le même refus d'autoriser les visites payantes avant de donner son feu vert le 6 novembre, quand Geoffroy Saint-Hilaire, professeur de zoologie et anatomiste réputé, garantit que l'exposition aura lieu sous son contrôle et celui d'autres savants, dans le local de l'Académie royale ou de l'Académie de médecine. Mais l'autorisation arrive trop tard, les petites siamoises meurent avant de pouvoir rapporter le moindre argent à leurs parents. Certains accusent Geoffroy Saint-Hilaire et tous les savants qui ont fait se déshabiller à de multiples reprises les petites filles pour les examiner d'être responsables de la bronchite. Ce que le docteur Saint-Ange réfute en expliquant que les parents sardes de Rita-Cristina étaient trop pauvres pour chauffer leur gourbi.

    Après la mort des deux petites, Geoffroy Saint-Hilaire récupère le double corps pour superviser l'autopsie réalisée par son élève Étienne Serres, au Muséum. Comment a-t-il fait pour convaincre les parents de lui abandonner Rita-Cristina au lieu de l'enterrer en terre chrétienne ? Certains le soupçonnent de "kidnapping" avec l'aide de son fils Isidore et de Serres. L'autopsie est pratiquée dans le grand amphithéâtre du Muséum en présence d'une forte assemblée de curieux. Même Cuvier, "l'ennemi", est présent. C'est l'événement scientifique de l'année. Aux yeux de Geoffroy Saint-Hilaire, les "monstres", comme on disait alors, ne relèvent pas du caprice de la nature. Les difformités découlent des lois naturelles présidant à la construction des corps. En autopsiant Rita-Cristina, il espère décrypter ces lois. Le rapport d'autopsie fait quatre cents pages. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que leurs organes sont disposés symétriquement comme s'ils se regardaient dans un miroir. Ainsi, le coeur de Rita est à droite. Serres découvre également un second utérus sous forme d'ébauche, mais avec ses trompes et ses ovaires, et même deux embryons de jambes. Aujourd'hui, le squelette de Rita-Cristina est conservé par le Muséum national d'histoire naturelle de Paris.
    Dernière modification par dodiest, 23 novembre 2014, 09h44.
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