Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Marzouki/Caïd Essebsi : l'un d'eux va gagner, mais à quel prix ?

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Marzouki/Caïd Essebsi : l'un d'eux va gagner, mais à quel prix ?

    Le 28 décembre, les Tunisiens arbitreront le duel entre les deux candidats. Mais d'ores et déjà la campagne dérape et menace la fragile démocratisation du pays.

    Une bipolarisation dangereuse
    Au moment où la Tunisie accueille le rendez-vous culturel de l'année, à savoir les Journées cinématographiques de Carthage, l'atmosphère politique et sociale est extrêmement tendue. En cause : le duel à distance que se livrent les deux protagonistes de Carthage. D'un côté Mohamed Moncef Marzouki, le président actuel, candidat à sa propre succession, et de l'autre Beji Caïd Essebsi, leader du parti Nidaa Tounes, sorti grand vainqueur des législatives. Ce dernier était présenté au début comme le favori de cette présidentielle, cependant les chiffres n'ont pas été si nets en sa faveur. Le premier tour s'est joué dans un mouchoir de poche. Beji Caïd Essebsi dépasse son dauphin Moncef Marzouki de quelque 188 000 voix, soit 6,03 % des voix. La bipolarisation appréhendée par un grand nombre de Tunisiens s'est avérée bien réelle. À eux deux, Marzouki et Essebsi totalisent plus de 71 % des votes exprimés alors que vingt-cinq candidats étaient en lice au premier tour.

    La chasse est ouverte
    La quête d'alliés potentiels et le racolage des voix battent donc leur plein dans les deux camps. Les ennemis d'hier peuvent devenir les amis d'aujourd'hui. Particulièrement visées, les quelque 255 529 voix obtenues au premier tour par Hamma Hammami (Front populaire, extrême gauche), les 187 923 voix recueillies par Hechmi Hamdi (Tayar Mahabba) un homme d'affaires exilé à Londres, les 181 407 voix de Slim Riahi (UPL) le milliardaire président de l'un des plus grands clubs tunisiens, les 41 614 voix de Kamel Morjane (Moubadara) ancien ministre de Ben Ali, les 34 025 voix de Néjib Chebbi (Al-Joumhouri), centriste, mais aussi les 21 929 voix de Mustapha Ben Jaâfar (Ettakattol), l'ex-président de l'Assemblée constituante. En tout, un gisement de plus de 723 000 voix qui peut faire basculer la balance d'un côté comme de l'autre.

    Le bouchon a-t-il été poussé trop loin ?
    Entre les deux protagonistes du second tour, la couleur avait été annoncée bien avant ces résultats, à coups de déclarations médiatiques saignantes des deux côtés. Aujourd'hui, c'est chose faite : d'un côté comme de l'autre, la tension est palpable, le dénigrement de l'adversaire dans chaque camp est devenu un rituel. Même lorsque ce n'est pas Marzouki ou Caïd Essebsi, ce sont les membres de chaque équipe qui se chargent de faire le show.

    Ce qu'il ne fallait pas dire...
    Essebsi : "Les cadres d'Ennahda, d'Ettahrir, les djihadistes et les LPR (La Ligue de protection de la révolution, une milice islamiste, NDLR) ont soutenu Marzouki en votant pour lui."

    Cette phrase prononcée par Caïd Essebsi sur les ondes de RMC a mis le feu aux poudres et a provoqué la colère des partisans de Marzouki. Caïd Essebsi dans ses propos s'est basé sur les témoignages et les sondages qui ont démontré qu'Ennahda, officiellement, n'a pas soutenu Marzouki, mais qu'officieusement, toute sa base électorale a été mobilisée en sa faveur, soit près de 700 000 voix nahdhaouites. Les mêmes sondages ont démontré que, le jour du scrutin, Marzouki a fait une remontée fulgurante entre 14 heures et 16 heures, et c'est à ce moment, d'après Nidaa Tounes, que l'artillerie lourde d'Ennahda s'est mise en route.

    De son côté, Ennahda n'est pas resté les bras croisés, son ex-secrétaire général Hamadi Jebali s'est exprimé sur ce sujet par le biais d'un communiqué sur son compte Facebook : "Un candidat qui sème la discorde entre les Tunisiens ne mérite pas d'être président." Et de poursuivre : "Je ne peux me taire face à de tels propos, prononcés par Beji Caïd Essebsi mais aussi par des cadres de son parti. Ces déclarations appellent à la discrimination entre les classes et les régions et sont indignes d'un candidat à la présidentielle", écrit Jebali, en appelant Caïd Essebsi à présenter ses excuses au peuple tunisien et à respecter le texte de la Constitution.

    Marzouki : "La bagarre n'est pas, comme on essaie de le faire croire, entre les bons laïcs et les mauvais islamistes, mais entre l'ancien système représenté par Beji Caïd Essebsi et le nouveau régime (...). Essebsi n'a rien à voir avec la démocratie."

    Après cette déclaration au lance-flamme, les réactions des Tunisiens ne se sont pas fait attendre. Aziz Krichen, ancien conseiller du président de la République, a déclaré avoir "démissionné en désespoir de cause" en raison de "cette posture irresponsable qui est [celle de Marzouki] depuis les tristement fameuses déclarations faites au Qatar en mars 2013". "Depuis, ajoute-t-il, la dérive n'a fait qu'empirer, pour devenir proprement scandaleuse aujourd'hui. Peu lui importe qu'une telle politique ravive les tensions parmi la population ou qu'elle fasse le lit de l'extrémisme et incite à la violence. Lui en attend des retombées électorales, et rien ne compte davantage à ses yeux."

    La fissure va-t-elle être colmatée à temps ?
    Ces discours des deux candidats ont favorisé une sorte de diabolisation de l'adversaire. L'escalade est à son comble et n'a rien à voir avec les programmes politiques. Selon les résultats proclamés, le nord de la Tunisie est plutôt pour Essebsi, le sud majoritairement pour Marzouki, avec en toile de fond un discours régionaliste qui tente de réveiller de vieux démons et de réactiver les clivages idéologiques qui divisent les Tunisiens.

    Jeudi dernier, une manifestation dans l'extrême sud du pays a eu lieu après la déclaration de Beji Caïd Essebsi sur RMC jugée insultante pour l'électorat de Marzouki. Déjà, la veille, le local du coordinateur de la campagne présidentielle de Nidaa Tounes à Douz avait été saccagé. Des pratiques que les Tunisiens pensaient appartenir à la période d'instabilité post-révolution.

    Nidaa Tounes, qui, rappelons-le, est majoritaire au sein du nouveau Parlement avec 85 sièges, a désigné Fadhel Ben Omrane, député de la circonscription de Kebili, l'une des plus grandes villes du Sud tunisien, comme président du bloc Nidaa Tounes au Parlement. Une décision qui tend à apaiser les tensions qui règnent dans le Sud tunisien. Enfin, ces événements ont poussé la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l'homme à appeler les deux candidats au second tour de la présidentielle à "éviter les discours de haine et d'intimidation ainsi que les accusations de trahison et la propagation des rumeurs"

    le point fr
Chargement...
X