Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Casser les prix du pétrole, une arme géopolitique

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Casser les prix du pétrole, une arme géopolitique

    Par Béatrice Mathieu,
    Les cours de l'or noir plongent alors que l'organisation État islamique menace les ressources pétrolières irakiennes, que la Libye s'enfonce dans la guerre civile et que le Nigeria tremble face aux islamistes de Boko Haram.


    Kurdistan. La guerre en Syrie et l'offensive de l'E.I. ont déstabilisé toute la région. A al-Qahtaniya, des Kurdes récupèrent du brut pour le raffiner et le revendre.
    REUTERS/Rodi Said

    Il y a des signes qui ne trompent pas. Fin octobre, le géant Statoil a annoncé le report d'au moins trois ans du projet Corner, qui prévoyait d'extraire près de 40 000 barils par jour des sables bitumineux de l'Alberta, au Canada. Motif invoqué par la compagnie norvégienne : des coûts de main-d'oeuvre et de production croissants qui viennent buter sur des prix de vente du brut en nette baisse. En clair, le projet n'est plus rentable compte tenu des conditions de marché.

    Il faut dire que, depuis le printemps, les cours du baril de Brent ont plongé de près de 25%, dégringolant de 107 dollars à un peu moins de 80 dollars aujourd'hui. Un recul aussi soudain que brutal, qui a surpris jusqu'aux vigies du Fonds monétaire international. Dans leur dernière photographie de l'économie mondiale réalisée au tout début de l'automne, le FMI jouait même les cassandre imaginant une envolée des prix du pétrole en cas d'embrasement de l'Irak.

    Le rôle prépondérant de l'Arabie saoudite

    Comme quoi le pire n'est jamais certain. Les cours de l'or noir ont chuté alors que l'armée de l'Etat islamique menace Bagdad et ses riches installations pétrolières, que la Libye s'enfonce dans la guerre civile et que le Nigeria -plus gros producteur d'or noir africain- tremble, lui aussi, face aux islamistes de Boko Haram. "Certes, la croissance mondiale a ralenti et la demande chinoise est moins forte que prévu, mais la glissade des prix du pétrole n'est pas dictée par des conditions économiques de marché", soutient Pierre Terzian, directeur de Pétrostratégies. Un peu comme si ce contre-choc pétrolier était piloté à des fins géopolitiques.

    Au centre de cette partie de poker, l'Arabie saoudite. Le royaume n'est que le deuxième producteur mondial de pétrole, mais ses réserves d'or noir sont les plus abondantes de la planète. Un pétrole extrêmement bon marché à extraire. Or l'Arabie saoudite a récemment affirmé qu'elle ne pousserait pas en faveur d'une réduction des quotas de production de l'Opep et qu'elle-même ne baisserait pas ses cadences pour stopper la glissade des prix. Pourquoi une telle attitude ? "Si l'Arabie saoudite se le permet, c'est clairement avec l'aval des Etats-Unis", assure Philippe Chalmin, professeur à l'université Paris-Dauphine et directeur de Cyclope, la bible des matières premières. Un axe Riyad-Washington se serait donc reformé dans le seul but de piloter une baisse des cours et de fragiliser leurs ennemis : l'Iran pour l'Arabie saoudite et, surtout, la Russie pour les Etats-Unis.

    Il faut dire que les hydrocarbures représentent près de 70% des exportations russes, et que le budget de la Russie dépend pour moitié des recettes gazières et pétrolières. Des recettes anticipées sur un cours du baril de près de 100 dollars. Or qui dit baisse des cours, dit moins de recettes d'exportations, moins de rentrées fiscales, et donc un déficit budgétaire qui explose. Une façon habile de fragiliser encore un peu plus la Russie de Vladimir Poutine, au bord de la récession, alors que le rouble s'effondre et que les capitaux étrangers s'évaporent. "La plupart des pays producteurs ont fondé leur budget sur des prix du pétrole extrêmement élevés, et presque tous ont besoin de dépenses publiques généreuses pour calmer la rue", observe Colette Lewiner, spécialiste des marchés pétroliers à Capgemini.

    La baisse du pétrole menace le schiste américain

    La Libye aurait besoin d'un cours de l'or noir de 110 dollars le baril ; l'Irak, le Nigeria, l'Algérie ou le Venezuela de 120 dollars. Quant à l'Iran, qui a dépensé près de 100 milliards de dollars l'année passée en subventions aux ménages (soit près de 25 % de son PIB), il a construit ses prochains budgets sur un cours du pétrole à 140 dollars ! Jusqu'où peut aller ce contre-choc ? Sans doute pas beaucoup plus loin. Des prix trop bas risqueraient de grignoter la rentabilité des projets de pétrole de schiste aux Etats-Unis. Une concession que Washington n'est pas prête à faire.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
Chargement...
X