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Pourquoi la France a besoin de l'Algérie

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  • Pourquoi la France a besoin de l'Algérie

    La visite du Premier ministre algérien à Paris intervient trois semaines après l'inauguration d'une usine Renault à Oran. Mais contrairement aux idées reçues, la France a bien plus besoin de l'Algérie que l'inverse.

    Dans le jargon diplomatique, cela s'appelle une lune de miel. Jamais l'affichage politique des bonnes relations entre la France et l'Algérie n'a été aussi soutenu. Trois semaines après l'inauguration en grande pompe d'une usine de montage Renault à Oran, en présence du ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius et du ministre de l'Economie Emmanuel Macron, c'est au tour du Premier ministre algérien Abdelmalek Sellal d'être accueilli pendant deux jours en France dans les meilleures conditions qui soient : après une rencontre avec François Hollande et Manuel Valls jeudi, il s'entretient vendredi avec le président du Medef, Pierre Gattaz.

    Déjà en mai et en juin dernier, quelques semaines à peine après la réélection d'Abdelaziz Bouteflika, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian s'étaient rendus en Algérie et avaient loué la bonne tenue de la coopération entre les deux pays. François Hollande avait, lui-même, montré le chemin à suivre, en se rendant en Algérie en 2012 pour sa première visite d'Etat en tant que président. Après des années de relations extrêmement tendues, Alger et Paris reconnaissent désormais qu'ils ont besoin l'un de l'autre. Ou plutôt, que la France a de plus en plus besoin de l'Algérie. Et ce, pour plusieurs raisons.

    1. L'Algérie, incontournable dans la lutte antiterroriste

    C'est la menace djihadiste dans le Sahel qui est a l'origine d'un changement de donne dans les relations franco-algériennes : la vigueur de la coopération militaire est, depuis plus d'un an, inédite. D'habitude si prompt à se ranger derrière son sacro-saint principe de non-ingérence, l'Algérie ne se croise plus les bras devant la menace terroriste au Sahel.

    Préoccupé par les événements à sa frontière libyenne (l'Algérie a en tout 6.000 kilomètres sur 6 frontières désertiques), par la reprise des hostilités dans le Nord-Mali, par plusieurs attaques terroristes sur son sol (attentats de In-Amenas, enlèvements de diplomates algérien par le Mujao), le pouvoir algérien s'est montré plus attentif aux demandes répétées de la France de la voir utiliser son poids stratégique dans la région.



    Puissance militaire largement reconnue et louée, forte d'une armée de 300.000 soldats, qui connait le terrorisme pour l'avoir douloureusement vécu sur son sol dans les années 1990, l'Algérie est devenu un maillon incontournable dans le processus d'éradication des groupes djihadistes de la région, objectif militaire de l'opération française Barkhane.

    Alger s'est décidé à renforcer ses moyens militaires dans le grand sud. "L'Algérie a décidé de mieux contrôler sa frontière afin que les terroristes ne s'approvisionnent plus en carburant depuis le territoire algérien", explique Naoufel Brahimi El Mili, professeur à Sciences-po Paris. Ravitaillement, échange d'information :

    La France a besoin de l'Algérie pour s'en servir comme relais logistique militaire."

    2. Un rôle de médiateur avec les Touaregs maliens

    Il y a un autre domaine dans lequel la France attend beaucoup de l'Algérie, malgré un jeu trouble qui parfois déstabilise les diplomates français : les négociations de paix entre les populations touarègues du nord du Mali et Bamako. L'Algérie est le médiateur classique, traditionnel entre les Touaregs et le pouvoir malien. C'est à Tamanrasset et à Alger qu'on a essayé de régler les précédents conflits, en 1991 et en 2006.

    A la suite de l'insurrection touareg de 2012, l'Algérie a tenté jusqu'à la dernière minute de favoriser le rapprochement entre les différents touaregs maliens, laïcs et islamistes, mais la dénonciation de l'accord signé à Alger par le groupe Ansar-Dine (un des groupes djihadistes présent dans le nord du Mali) en 2013 l'a mise à l'écart. Au moment du déclenchement de l'offensive du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) et de leur alliance avec les groupes islamistes, l'Algérie a été évincée des négociations et a laissé la place, malgré elle, au Burkina Faso et plus largement à la Cédéao. Dorénavant, Alger a repris contacts, sans succès pour le moment. Mais la France mise sur sa capacité de médiation.

    3. Un marché économique porteur

    Dans une Europe en crise, la France a besoin de marchés porteurs, et l'Algérie en fait partie. Détrôné par la Chine, Paris aimerait retrouver sa place de premier fournisseur d'un pays qui a un potentiel économique énorme. Entre 2010 et 2013, 230 milliards de dollars ont été dépensés pour construire des logements, des routes, des voies ferrées, des hôpitaux... Bouygues, Accor, Lafarge, Renault, Sanofi, Alstom, toutes les grandes entreprises françaises veulent désormais en être, après s'est frottées pendant des années à la rudesse d'une économie algérienne largement administrée par un Etat refroidissant plus d'une ambition.

    Une centaine d'investissements français d'un montant global de plus de 2 milliards d'euros ont été réalisés en Algérie durant les dix dernières années, selon le Directeur général de l'Agence nationale de développement de l'investissement (ANDI), Abdelkrim Mansouri.

    Par ailleurs, la France pousse l'Algérie à développer le gaz de schiste en lui marchandant son savoir-faire dans le travail de prospection, "faisant ainsi baisser par la même occasion le prix du pétrole et du gaz, plus rentable pour la France", souligne Naoufel Brahimi El Mili avant d'ajouter, railleur : "En échange, la France prend médicalement en charge les dirigeants algériens prêts à payer cher pour se faire soigner dans les cliniques françaises."

    Cependant, dans cette relation, l'Algérie est également en demande en raison de l'urgence de diversifier son économie, encore beaucoup trop dépendante des ses matières premières.

    Bien sûr, la relation franco-algérienne n'est pas qu'à sens-unique, mais pour Naoufel Brahimi El Mili, "'l'Algérie n'aura besoin de la France que lorsqu'elle commencera à devenir moins riche. Avec ses ressources pétrolières, l'Algérie s'est vautrée dans un discours de vanité. Mais cela risque d'être de moins en moins vrai en raison du tarissement de ses matières premières".

    Sarah Diffalah
    NOUVELOBS
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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