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Pétrole : les gagnants et les perdants de la chute des cours

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  • Pétrole : les gagnants et les perdants de la chute des cours

    En décidant, jeudi 27 novembre, de ne pas réduire leur production de pétrole, les douze pays membres de l’Opep ont accepté que la chute des cours de l’or noir entamée depuis le début de l’été s’accélère. Vendredi 28 novembre à l’ouverture à New York, le baril de pétrole WTI a ouvert en baisse de 4,40 dollars à par rapport à mercredi soir, à 69,29 dollars. les marchés étaient fermés jeudi pour cause de Thanksgiving. A Londres, le baril de Brent avait ouvert en dessous de 72 dollars vendredi au matin après avoir perdu jusqu’à 6,50 dollars jeudi. Depuis la mi-juin, les cours se sont effondrés de 35 %. Entre la fin de 2010 et mi-2014, les prix du brut étaient contenus dans une bande allant de 100 à 120 dollars.

    Les observateurs n’entrevoient pas, à court terme, de facteurs susceptibles d’inverser la tendance. Et la situation pourrait durer plusieurs mois, selon le dernier rapport mensuel de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) : « Nos prévisions d’offre et de demande montrent que, sauf nouvelle rupture d’approvisionnement, la pression baissière sur les prix pourrait s’accentuer au cours du premier semestre de 2015. » Le président russe Vladimir Poutine, s’est dit lui convaincu qu’ « au premier trimestre, au milieu de l'an prochain, le marché (du pétrole) trouvera son équilibre.» Igor Setchine, le PDG du pétrolier russe Rosneft, avait estimé un peu auparavant que le baril devrait tomber sous les 60 dollars au cours des prochains mois.

    Ce changement de la donne fait des gagnants et des perdants.

    Un coup de pouce pour les économies européennes importatrices d’or noir

    Les pays occidentaux importateurs de pétrole bénéficient de la baisse des cours à plusieurs titres comme le montre l’exemple de la France. Ses importations (toutes énergies confondues) ont atteint 66 milliards d’euros en 2013. « Sa facture sera réduite d’au moins 5 milliards d’euros en 2014 », estime COE-Rexecode. La baisse de 16 % du Brent entre septembre 2013 et octobre 2014 va aussi entraîner, selon l’institut, un recul de 0,2 % des prix de la production. Dans l’industrie, le phénomène gonflera l’excédent brut d’exploitation de 2,9 %, soit 2 milliards d’euros, et son impact sera « supérieur à celui du crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE) » en 2014.

    La baisse du prix du pétrole ne peut cependant pas être dissociée de celle de l’euro par rapport au dollar, qui en neutralise en partie les effets, et des pertes de revenus des pays exportateurs d’or noir, qui achèteront moins à l’Europe, nuance Patrick Artus, directeur de la recherche économique de Natixis.

    Cette baisse devrait tout de même « accroître le niveau du PIB de la zone euro de 0,5 % au total sur deux ans, soit 0,25 % par an », calcule-t-il. Son estimation rejoint celle du Fonds monétaire international (FMI), qui indique qu’un recul de 30 % du prix du brut accroît le PIB mondial de 0,2 point.

    Le pouvoir d’achat des automobilistes dopé

    Les automobilistes sont les premiers à bénéficier de la baisse. Les prix du gazole et de l’essence ont retrouvé leur niveau de décembre 2010, indique le ministère de l’écologie et de l’énergie. La baisse serait plus nette sans le poids des taxes (TVA et TIPCE), qui représentent 60 % du prix de l’essence et 52 % du prix du gazole. Une fiscalité lourde que ne connaissent pas les Américains, pour lesquels le gain de pouvoir d’achat sera beaucoup plus important.

    Les coûts des compagnies aériennes réduits

    Plusieurs secteurs peuvent se féliciter de la baisse des coûts de l’énergie. Il s’agit notamment de l’industrie chimique de base, grosse consommatrice de gaz dont les prix sont en partie indexés sur ceux du brut et des fabricants de pneus, qui utilisent des produits dérivés du pétrole mais aussi et surtout des compagnies aériennes, dont les achats de kérosène (9,2 milliards de dollars pour Air France-KLM en 2013 sur la base d’un baril à 109 dollars) représentent environ un tiers des coûts d’exploitation de la flotte. Au lendemain de la décision de l’OPEP, son action grimpait de 6,86 % à 8,52 euros à la Bourse de Paris, dans un marché en repli de 0,63 %. C’est la plus forte hausse du SBF 120.

    Les routiers sont ravis

    Les transporteurs routiers, dont les marges sont très serrées quand elles ne sont pas négatives, ont gagné 318 millions d’euros ces douze derniers mois, selon la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR). Toutefois, certains contrats avec leurs clients prévoient de répercuter les variations - à la baisse ou à la hausse - des prix d’achat du gazole.

    Les compagnies pétrolières à la peine

    La baisse des cours du pétrole peut menacer certains investissements très coûteux et menacer les approvisionnements à moyen terme. « Certains groupes pétroliers reconsidèrent leur participation à de gros projets, du Canada à l’Angola, prévient l’AIE. Les retards ou les réductions de coûts affecteront les perspectives d’approvisionnement à plus long terme plutôt que la production à court terme. »

    Aux Etats-Unis, les compagnies pétrolières n’ont pas été dissuadées d’investir par la chute des cours. Dans certaines régions, la productivité a augmenté notamment grâce à la réduction de la durée des forages, et le coût d’extraction du baril d’huile de schiste n’excède pas 50 dollars. Mais certaines compagnies ont annoncé qu’elles feraient moins de forages en 2015.

    Résultat, les compagnies européennes du secteur pétrolier souffrent en Bourse. En début de séance à Paris, vendredi, Total perdait 4,58 %, Maurel et Prom 4 % et Technip 2,98 %. Avec Vallourec, ces sociétés avaient déjà reculé la veille. En un an, l’action Total est revenue à son niveau de fin novembre 2013 (44 euros). Celle de parapétrolier Technip est passée de 74 euros à 51 euros, avec une chute prononcée depuis l’été. Vallourec, qui fournit des pipelines sans soudures, a vu son titre tomber de 42 euros à 26 euros, la dégringolade s’opérant au second semestre dans un contexte où toutes les majors ont annoncé une réduction de leurs investissements dans l’exploration-production.

    Une instabilité politique pour certains pays

    La chute des cours accroît les risques d’instabilité dans des pays exportateurs de pétrole, incapables de financer leur politique sociale. C’est le cas du Venezuela, du Nigeria, de l’Irak, de l’Iran, de l’Algérie et de la Libye, où le « prix d’équilibre » pour boucler le budget se situe très au-dessus de la barre des 100 dollars le baril. On comprend pourquoi ils ont plaidé, à Vienne, pour des mesures vigoureuses, contrairement aux pétromonarchies du Golfe qui ont les poches bien plus profondes.

    La Russie, particulièrement exposée

    Le budget russe dépend pour plus de la moitié des recettes des hydrocarbures. Or cette chute des cours du brut se conjugue à la fuite massive des capitaux depuis un an et aux sanctions prises par les Occidentaux pour punir Moscou de ses interventions armées en Ukraine. Moscou a certes des réserves de devises, mais l’effondrement du rouble par rapport au dollar et à l’euro inquiète de plus en plus les consommateurs russes. Selon certains analystes, l’Arabie saoudite cherche à maintenir des prix bas pour dissuader la Russie (et la Chine) à investir dans leurs réserves de pétrole de schiste, plus coûteux à exploiter.

    Un risque économique : l’effet déflationniste

    Cette baisse des cours peut aussi réduire l’inflation dans des proportions excessives. S’il est limité en Europe, où le poids de la fiscalité sur les carburants réduit ces tensions déflationnistes, le risque est bien réel ailleurs. « D’où, selon M. Artus, un risque de hausse des taux d’intérêt réels et de déflation dans certains pays. »

    Un mauvais coup pour la transition énergétique

    La chute des prix du brut, qui tire aussi vers le bas ceux du gaz, peut dissuader les gouvernements et les industriels de remplacer les énergies fossiles par des énergies renouvelables (éolien, solaire, etc.) devenues moins compétitives.

    Par Anne Eveno et Jean-Michel Bezat
    Le Monde
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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